M. le président. « Art. 3. - Les entreprises ou établissements qui réduisent la durée du travail avant le 1er janvier 2000 ou pour les entreprises de vingt salariés ou moins avant le 1er janvier 2002 en application d'un accord collectif et qui procèdent en contrepartie à des embauches ou préservent des emplois peuvent bénéficier d'une aide dans les conditions définies ci-après :
« I. - Peuvent bénéficier de cette aide les entreprises, y compris celles dont l'effectif est inférieur ou égal à vingt salariés, relevant des catégories mentionnées à l'article L. 212-1 bis du code du travail issu de l'article 1er de la présente loi, ainsi que les sociétés ou organismes de droit privé, les sociétés d'économie mixte et établissements publics industriels et commerciaux locaux de transport public urbain de voyageurs et les entreprises d'armement maritime. Toutefois, ne peuvent bénéficier de cette aide, eu égard au caractère de monopole de certaines de leurs activités ou à l'importance des concours de l'Etat dans leurs produits d'exploitation, certains organismes publics dépendant de l'Etat, dont la liste est fixée par décret. Pour ces organismes, les modalités d'accompagnement de la réduction du temps de travail seront déterminées dans le cadre des procédures régissant leurs relations avec l'Etat.
« La réduction du temps de travail doit être d'au moins 10 % de la durée initiale et porter le nouvel horaire collectif au plus au niveau de la durée légale fixée par l'article L. 212-1 bis du code du travail. L'ampleur de la réduction est appréciée à partir d'un mode constant de décompte des éléments de l'horaire collectif.
« II. - La réduction du temps de travail doit être organisée par un accord d'entreprise ou d'établissement. Elle peut être également organisée en application d'une convention collective ou d'un accord de branche étendu ou agréé en application de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, soit, dans les entreprises de cinquante salariés ou plus, sous réserve d'un accord complémentaire d'entreprise, soit, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, selon des modalités de mise en oeuvre prévues par la convention ou l'accord de branche. Elle peut aussi être organisée par un accord conclu dans les conditions prévues par les deux premiers alinéas de l'article L. 132-30 du code du travail.
« Outre les dispositions prévues au IV et au V du présent article, l'accord collectif détermine les échéances de la réduction du temps de travail applicables dans la ou les entreprises intéressées en référence à la durée initiale du travail, ainsi que les modalités d'organisation du temps de travail et de décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise, y compris celles relatives aux personnels d'encadrement lorsque ces modalités sont spécifiques, et les modalités et délais selon lesquels les salariés doivent être prévenus en cas de modification de l'horaire. Il détermine aussi, sans préjudice de l'application des dispositions du livre IV du code du travail organisant la consultation des représentants du personnel, les dispositions relatives au suivi de sa mise en oeuvre au sein de l'entreprise et, le cas échéant, de la branche. Ce suivi peut être assuré par une instance paritaire spécifiquement créée à cet effet. L'accord prévoit les conséquences susceptibles d'être tirées de la réduction du temps de travail sur les contrats de travail à temps partiel ainsi que sur la situation des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives et selon un cycle continu, mentionnés à l'article 26 de l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés. Il peut également prévoir les conditions particulières selon lesquelles la réduction s'applique aux personnels d'encadrement ainsi que des modalités spécifiques de décompte de leur temps de travail tenant compte des exigences propres à leur activité.
« Cet accord est déposé à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ou au service départemental de l'inspection du travail, de l'emploi et de la protection sociale agricoles en ce qui concerne les professions agricoles, remis aux représentants du personnel et affiché dans l'entreprise.
« Une organisation syndicale ou son représentant dans l'entreprise peut saisir l'autorité administrative en cas de difficultés d'application d'un accord d'entreprise signé dans le cadre du présent dispositif.
III. - Dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, à défaut d'un accord de branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective, un accord collectif peut être conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
« Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L 423-8 et L. 433-5 du code du travail.
« Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut, à tout moment, mettre fin au mandat. Le salarié mandaté peut être accompagné lors des séances de négociation par un salarié de l'entreprise choisi par lui. L'accord prévoit les modalités selon lesquelles les salariés de l'entreprise et l'organisation syndicale mandante sont informés des conditions de sa mise en oeuvre et de son application. Cet accord est communiqué au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
« Le temps passé par les salariés mandatés à la négociation de l'accord ainsi qu'aux réunions nécessaires pour son suivi est payé comme temps de travail.
Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail dès que l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur désignation. La procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant six mois après la signature de l'accord ou, à défaut, la fin du mandat ou la fin de la négociation.
« IV. - Dans le cas où l'entreprise s'engage à procéder à des embauches en conséquence de la réduction du temps de travail, l'accord détermine leur nombre par catégories professionnelles ainsi que le calendrier prévisionnel des embauches.
« L'entreprise doit s'engager à ce que ces embauches correspondent à 6 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail et s'engage à procéder à des embauches correspondant à 9 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée. Ces embauches peuvent, le cas échéant, être réalisées dans le cadre d'un groupement constitué en application des dispositions prévues à l'article L. 127-1 du code du travail dont l'entreprise est membre.
« La majoration bénéficie également aux entreprises qui, après avoir bénéficié de l'aide octroyée pour une réduction du temps de travail de 10 %, réduisent une nouvelle fois le temps de travail avant le 1er janvier 2003, pour porter l'ampleur totale de la réduction à au moins 15 % de l'horaire initial. Elles devront alors avoir procédé à des embauches correspondant à au moins 9 % de l'effectif concerné par la première étape de réduction du temps de travail.
« L'entreprise doit s'engager à maintenir l'effectif augmenté des nouvelles embauches de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette réduction, pour une durée fixée par l'accord et qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de la dernière des embauches effectuées en application du premier alinéa du présent paragraphe. Ces embauches devront être réalisées dans les entreprises ou les établissements où s'applique la réduction du temps de travail dans un délai d'un an à compter de la réduction effective du temps de travail.
« Le chef d'entreprise doit fournir au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, les informations sur les embauches réalisées en application du présent paragraphe.
« L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat pour une durée de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail prévue par l'accord, après vérification de la conformité de l'accord collectif aux dispositions légales.
« V. - Dans le cas où la réduction du temps de travail permet d'éviter des licenciements prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciement pour motif économique, l'accord d'entreprise ou d'établissement détermine le nombre d'emplois que la réduction du temps de travail permet de préserver. Ce dernier doit être équivalent à 6 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail, et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalent à 9 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée.
« L'accord d'entreprise ou d'établissement précise également la période pendant laquelle l'employeur s'engage à maintenir l'effectif de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette réduction. Sa durée est au minimum de deux ans.
« L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat après vérification de la conformité de l'accord d'entreprise aux dispositions légales et compte tenu de l'équilibre économique du projet et des mesures de prévention et d'accompagnement des licenciements.
« L'aide est attribuée pour une durée initiale de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail prévue par l'accord. Elle peut être prolongée pour deux ans par avenant à la convention conclue entre l'Etat et l'entreprise, au vu de l'état de l'emploi dans l'entreprise et de la situation économique de celle-ci.
« VI. - L'aide est attribuée pour chacun des salariés auxquels s'applique la réduction du temps de travail, ainsi que pour ceux embauchés dans le cadre du dispositif prévu au IV du présent article. Elle vient en déduction du montant global des cotisations à la charge de l'employeur pour la période considérée au titre des assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles et allocations familiales assises sur les gains et rémunérations des salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné.
« Le montant de l'aide peut être majoré si l'entreprise prend des engagements en termes d'emploi supérieurs au minimum obligatoire, en particulier s'il s'agit d'une petite entreprise, ou si l'entreprise procède à la totalité des embauches prévues en application du IV du présent article dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée. Il peut être aussi majoré si l'entreprise prend des engagements spécifiques en faveur de l'emploi de jeunes, de personnes reconnues handicapées en application de l'article L. 323-10 du code du travail ou de publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, en particulier les chômeurs de longue durée.
« Des majorations spécifiques peuvent être accordées, dans des conditions fixées par décret, aux entreprises dont l'effectif est constitué d'une proportion importante d'ouvriers au sens des conventions collectives et de salariés dont les rémunérations sont proches du salaire minimum de croissance.
« Le bénéfice de l'aide ne peut être cumulé avec celui d'une exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, ou avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de la réduction prévue à l'article L. 241-13 et à l'article L. 711-13 du code de la sécurité sociale ainsi que des aides prévues aux articles L. 322-4-2 et L. 832-2 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de contrôle de l'exécution de la convention avec l'Etat et les conditions de dénonciation et de suspension de la convention, assorties le cas échéant d'un remboursement de l'aide, dans le cas où l'entreprise n'a pas mis en oeuvre ses engagements en matière d'emploi et de réduction du temps de travail.
« Un décret détermine les autres conditions d'application du présent article, notamment les montants de l'aide, ainsi que les dispositions relatives aux majorations.
« VII. - Les branches ou les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, qui engagent une démarche de réduction du temps de travail et de réorganisation pourront bénéficier d'un dispositif d'appui et d'accompagnement auquel les régions pourront, le cas échéant, participer. Celui-ci permettra la prise en charge par l'Etat d'une partie des frais liés aux études préalables à la réduction du temps de travail.
« VIII. - Les organisations syndicales reconnues représentatives au plan national pourront bénéficier d'une aide de l'Etat destinée à soutenir les actions de formation des salariés qu'elles mandatent pour la négociation des accords visés au II du présent article.
« IX. - Les articles 4, 5 et 6 de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail sont abrogés. Les articles 39 et 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle sont abrogés. Toutefois, ces derniers, ainsi que les dispositions de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale applicables avant l'entrée en vigueur de la présente loi, demeurent applicables aux conventions conclues avant la date de publication de celle-ci.
« X. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, les mots : "par les articles 7, 39 et 39-1" sont remplacés par les mots : "par l'article 7". »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 4, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le paragraphe II de l'article 39 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle est ainsi modifié :
« 1° La première phrase est complétée par les mots : "dans la limite d'une fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale."
« 2° La deuxième phrase est ainsi rédigée : "Son montant est égal à 30 % des cotisations la première année, à 20 % les deuxième et troisième années et à 10 % les quatrième et cinquième années".
« 3° Dans la cinquième phrase, les mots : "sept ans" sont remplacés par les mots : "cinq ans" et le pourcentage : "10 %" est remplacé par le pourcentage : "6 %".
« 4° La sixième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : "Le montant de l'allégement est porté à 40 % des cotisations la première année, à 30 % les deuxième et troisième années et à 20 % les années suivantes lorsque la réduction de l'horaire collectif prévu au I est de 15 % et qu'elle s'accompagne d'embauches correspondant au moins à 9 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de l'établissement concerné. Il est porté à 50 % des cotisations la première année, à 40 % les deuxième et troisième années et à 30 % les deux années suivantes lorsque la réduction de l'horaire collectif prévu au I est au moins égale à 18 % et qu'elle s'accompagne d'embauches correspondant au moins à 12 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de l'établissement concerné."
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 précitée est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase, après les mots : "l'accord mentionné ci-dessus", sont insérés les mots : "dans la limite d'une fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale".
« 2° La deuxième phrase est ainsi rédigée : "Le montant de l'allégement est égal à 30 % des cotisations la première année, à 20 % les deuxième et troisième années et à 10 % les quatrième et cinquième années."
« 3° La troisième phrase est ainsi rédigée : "Il est porté à 40 % la première année, à 30 % les deuxième et troisième années, et à 20 % les années suivantes lorsque la réduction de l'horaire de travail est au moins égale à 15 % de l'horaire collectif antérieur."
« III. - Un décret précisera les conditions dans lesquelles les petites et moyennes entreprises pourront bénéficier d'une aide financière spécifique à l'ingénierie dans le cadre de l'application du présent article. »
Par amendement n° 16, M. Motroni propose, dans le premier alinéa du paragraphe III de l'article 3, après les mots : « sur le plan national », d'insérer les mots : « , régional pour ce qui concerne la Corse ».
Par amendement n° 17, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 3.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission vous demande simplement de rétablir son texte concernant le dispositif d'aides financières, qui reprofile la loi Robien.
M. le président. L'amendement n° 16 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Guy Fischer. Cet amendement n'a évidemment de sens que par rapport au texte voté par l'Assemblée nationale, texte dont on peut prévoir sans prendre trop de risques qu'il sera assez proche de celui de la loi qui sera finalement adoptée. La réécriture de l'article 3 par la commission des affaires sociales lui confère au moins une vertu pédagogique.
C'est par la voie d'un amendement de la commission des affaires sociales qu'a été ouverte la possibilité de recourir, dans le cadre défini par le présent texte, à des embauches par le biais d'un groupement d'employeurs constitué en application des dispositions de l'article L. 127-1 du code du travail.
Nous ne sommes pas favorables à cette option, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le recours à la constitution d'un groupement d'employeurs concerne des entreprises pouvant compter jusqu'à 300 salariés, c'est-à-dire des entreprises aux situations éventuellement tout à fait diverses.
D'ailleurs, cela pose de nouveau la question de savoir s'il est réellement possible, dans les faits, de définir ce que l'on appelle une PME, eu égard à la grande diversité des situations juridiques et surtout économiques que recouvre cette notion.
Si l'on peut concevoir que des entreprises de petite taille, ayant moins de vingt salariés, par exemple, mettent en commun un certain nombre de fonctions - je pense, en particulier, au suivi comptable ou au secrétariat administratif - on doit se demander si une même opportunité peut être offerte à des entreprises bien plus importantes et qui font souvent partie d'un groupe plus vaste encore.
Par ailleurs, s'agissant de la qualité des emplois que proposent les groupements d'employeurs, si les entreprises adhérentes du groupement n'ont pas la même activité économique et, par voie de conséquence, n'obéissent pas aux mêmes règles en matière de garanties collectives des salariés, le groupement d'employeurs constitué est autorisé à s'appuyer sur la convention collective qui sera jugée la plus favorable aux adhérents.
Or, en pratique, le développement des groupements a facilité le développement d'une précarisation des emplois. Dès lors, nous sommes conduits à nous interroger a priori sur le « détournement » de l'efficacité du texte dont nous débattons pour les salariés eux-mêmes.
Nous ne devons pas faire une loi de réduction du temps de travail qui serait une loi « peau de chagrin », selon l'expression de Pierre Bourdieu ; il doit s'agir d'une véritable loi de réduction du temps de travail, porteuse d'emplois à la hauteur des attentes du monde du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 17 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à exclure les groupements d'employeurs du champ d'application de la loi. Or on ne peut ignorer l'existence de ces groupements. La commission a donc émis un avis défavorable.
De toute façon, elle propose une réécriture de l'article 3, et si son amendement est adopté, celui-ci deviendra sans objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 4 et 17 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 4. En effet, si un certain nombre d'améliorations du dispositif de la loi Robien sont clairement définis dans cet amendement, l'aide apportée aux entreprises à bas salaires demeure moins importante que celle que prévoit le projet gouvernemental.
S'agissant de l'amendement n° 17, nous souhaitions, en intégrant les groupements d'employeurs dans ce projet de loi sur la durée du travail, essayer de faire en sorte que, notamment dans les zones rurales ou dans les zones de montagne, des salariés puissent, soit être occupés à différentes activités se succédant au fil des saisons, soit se constituer un temps plein en accomplissant chaque semaine plusieurs activités.
Cela dit, monsieur Fischer, j'ai été sensible à ce que vous avez déclaré concernant le seuil. Je vais demander que soit dressé un bilan des groupements d'employeurs, qui existent surtout en zone rurale. Au vu de ce bilan, nous pourrons éventuellement envisager de réduire le seuil, car il est vrai que c'est plutôt pour les petites entreprises que le groupement d'employeurs a un sens.
Pour l'heure, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. On nous propose, à l'occasion de cette réécriture de l'article 3, article central du projet de loi puisqu'il détermine les conditions d'attribution des aides publiques et celles de la négociation de la réduction du temps de travail, de procéder à un « reprofilage » prorogation de la loi Robien au travers d'une pérennisation « ajustée » de ses dispositions essentielles.
Depuis longtemps favorable à la réduction du coût du travail pour créer des emplois - voir la discussion de la loi quinquennale ou celle de la loi de juillet 1995 portant mesures d'urgence pour l'emploi et la protection sociale, qui a gagé cette réduction du coût du travail sur la hausse du taux normal de la TVA - la commission des affaires sociales nous invite donc à réécrire l'article 3, comme en première lecture, dans le sens de la rentabilité des capitaux et au détriment du travail.
Le problème est qu'il n'y a que peu de chances que le dispositif proposé soit celui qui sera finalement retenu, d'autant que la seule conclusion tangible qu'on puisse tirer de cette politique de réduction du temps de travail telle qu'elle a été induite par la loi Robien est qu'elle n'a pas permis une création massive d'emplois ; il en est bien plutôt résulté une hausse importante des dividendes versés aux actionnaires : l'exemple de Moulinex est significatif à cet égard.
La bonne santé des marchés financiers et la vigueur du CAC 40, qui bat tout les jours de nouveaux records, est une illustration parmi d'autres de cette situation de plus en plus intolérable pour le plus grand nombre, notamment pour le monde du travail.
Tous les effets pervers de la réduction dite « ciblée » du coût du travail sont connus, notamment ceux qui tiennent à une sorte d'effet d'aubaine à l'envers, qui tire vers le bas l'ensemble des rémunérations, au mépris des qualifications réelles des salariés.
Dans le schéma proposé par la commission, on propose aux salariés de ce pays d'accepter l'annualisation, la modération salariale et, dans le même temps, la détérioration de la protection sociale, les charges de compensation imputées au budget de l'Etat conduisant immanquablement à pérenniser la hausse de la TVA ou à favoriser de nouvelles poussées de fièvre de la fiscalité indirecte, sans parler de la remise en question de dépenses socialement utiles.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 4.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Comme nous l'avons déjà indiqué en première lecture, nous sommes opposés à ce « reprofilage » en ce qu'il ne change rien à ce qui demeure, au-delà de son coût, le défaut fondamental de la loi Robien, même si celle-ci n'est pas exempte de mérites : elle est une formidable usine à effets d'aubaine, l'aide étant calculée en proportion du salaire.
Si nous ne modifions pas le dispositif sur ce point, nous continuerons à aider des embauches de personnels qualifiés qui auraient de toute façon eu lieu.
Il est donc nécessaire d'orienter les aides en direction de publics moins qualifiés, qui ne parviennent vraiment pas à trouver un emploi. En retenant cette option, le projet de loi peut jouer un rôle efficace en amont et prévenir certaines formes d'exclusion.
Cet effet doit être renforcé par les dispositions en faveur des entreprises de main-d'oeuvre et de celles qui offriront des emplois stables à travers des contrats à durée indéterminée, ainsi que par la moralisation des emplois à temps partiel.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Mme la ministre a reconnu que nous avions fait un travail sérieux en vue de réduire le coût de la loi Robien, et je prends acte avec satisfaction de cette déclaration.
Depuis 1975, beaucoup de gouvernements ont cherché un système favorisant la création d'emplois. Or, avec la loi Robien, nous avons effectivement mis en place un système qui a fonctionné et qui a permis la création de 15 000 à 25 000 emplois, selon les décomptes que l'on peut faire.
Ce système était fondé sur la libre négociation et sur un financement proportionnel à la valeur du salaire.
Par rapport au dispositif proposé par le Gouvernement à l'article 3, celui que nous proposons, nous, est moins cher pour les entreprises de main-d'oeuvre à rémunérations basses, il est à peu près du même coût pour les entreprises à rémunérations moyennes et il est, je le reconnais, plus cher pour les entreprises de haute technologie, où l'on trouve beaucoup de cadres et qui offrent des perspectives d'importantes créations d'emplois. Je peux constater dans ma commune, par exemple, que les entreprises de haute technologie créent chaque jour des emplois, et des emplois bien rémunérés.
Il est dommage de casser un système qui a tout de même fait ses preuves pour revenir à la vieille recette de la réglementation de la durée hebdomadaire. Dès lors, la commission est fondée à proposer au Sénat le rétablissement du texte qu'il a voté en première lecture.
On avait enfin trouvé, après une longue expérimentation, un système permettant aux partenaires sociaux de discuter une réduction du temps de travail et de la mettre en place, de protéger des emplois menacés par des restructurations ou exposés du fait de la concurrence internationale et de créer des emplois dans les technologies nouvelles ! Il serait donc vraiment dommage, au regard de l'avenir de nos jeunes et de l'emploi en France, de mettre fin à cette expérience, pour en revenir à la vieille méthode de la réduction par la loi de la durée hebdomadaire du travail ! D'autant que, nous le savons, dans les années qui viennent, cette notion de durée hebdomadaire de travail va progressivement disparaître du « vécu » de nos entreprises, au profit de celles de durée annuelle ou, mieux, de durée de la vie au travail.
Pour ce qui est de la durée annuelle du travail, nous nous situons aujourd'hui à un niveau légèrement inférieur à celui de nos partenaires européens et, en ce qui concerne la durée de la vie au travail, nous sommes nettement en dessous de l'ensemble de nos partenaires.
Aussi, madame la ministre, alors que nous avions accompli l'effort de « reprofiler » la loi pour éviter de faire supporter des dépenses trop importantes par la sécurité sociale - vous avez bien voulu en convenir - il me paraît regrettable de supprimer cet outil, qui avait prouvé son efficacité : il a eu de nombreux effets en matière de création d'emplois dans ce pays depuis vingt ans. Par conséquent, il est tout à fait dommage que l'actuelle majorité s'apprête à supprimer d'un revers de main un système qui fonctionne. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et l'amendement n° 17 n'a plus d'objet.
Article 3 bis