M. le président. « Art. 2. - Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelés à négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises et, le cas échéant, aux situations de plusieurs entreprises regroupées au plan local ou départemental dans les conditions prévues par l'article L. 132-30 du code du travail. »
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont invités à négocier les modalités d'une organisation du temps de travail assorties d'une réduction de la durée hebdomadaire du travail calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année.
« Les entreprises ou établissements qui concluent un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail avant le 1er janvier 2000 ou, pour les entreprises de moins de cinquante salariés et les associations bénéficiant de concours publics dont la liste est fixée par décret, avant le 1er janvier 2002 et qui, en contrepartie, procèdent à des embauches ou préservent des emplois, peuvent bénéficier d'une aide financière dans les conditions prévues à l'article 3. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission vous demande de rétablir la rédaction qu'elle avait adoptée en première lecture, qui invite les partenaires sociaux à négocier la réduction de la durée hebdomadaire du travail calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année et assortie d'une aide financière.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet amendement n° 3, la majorité de la commission des affaires sociales ne nous surprend pas : elle nous invite à autoriser l'ouverture de négociations sur la réduction du temps de travail à condition d'ouvrir les vannes de l'annualisation des horaires de travail.
Nous avons dénoncé en première lecture cette « répugnante » méthode, qui consiste à gérer le travail comme un stock de marchandises qu'il conviendrait d'utiliser au plus près des seuls impératifs de la rentabilité financière de l'entreprise, comme si la seule variable d'ajustement était, pour une entreprise donnée, le niveau des salaires qu'elle est amenée à verser.
Pour être encore plus précis, il nous semble qu'en réalité l'annualisation vise non pas, dans l'esprit de la commission, à réduire la durée du travail mais bien plutôt à réduire autant que faire se peut le niveau de la rémunération du travail.
Une fois admise cette situation, on ne peut considérer l'amendement de la commission que comme l'illustration des demandes pressantes de certaines organisations patronales, qui cherchent tous les moyens de traduire les gains de productivité obtenus sur le dos des salariés en baisse de la rémunération nette, tant mensuelle qu'annuelle d'ailleurs.
En effet, cette demande de recours à l'annualisation n'est rien d'autre que l'écho des manoeuvres de l'Association française des banques - on observera que celle-ci est aujourd'hui essentiellement dirigée par des banques privées - de l'Union du commerce de centre-ville - dont l'un des plus beaux fleurons est le groupe Pinault-Printemps-Redoute - ou du patronat sucrier, qui tous tendent à tirer parti de la réduction globale du temps de travail pour imposer l'annualisation.
Toutes ces démarches seraient motivées par l'adaptation de ces secteurs aux données nouvelles des pratiques de consommation. Ainsi, les consommateurs seraient désireux de passer une partie de leur samedi dans une agence bancaire ou de leur dimanche à courir les grands magasins ! Et que fait-on de la vie de famille des salariés des banques et des grands magasins qui seraient de l'autre côté du guichet ou de la caisse ?
La réalité, c'est que le patronat, dans ces secteurs, est habité en permanence par l'obsession de la rentabilité financière, ou de la rentabilité sur fonds propres, comme l'on dit parfois.
A en juger par la situation patrimoniale des dirigeants de ces groupes, je ne crois pas que la rentabilité du secteur de la grande distribution soit en cause !
Nous ne volerons pas à leur secours et voterons donc sans hésiter contre cet amendement n° 3.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Nous entrons, avec cet amendement, dans la partie du projet de loi que la majorité du Sénat veut consacrer au reprofilage de la loi Robien. Nous avons déjà examiné cet amendement en première lecture et nous avons déjà fait connaître notre opposition. Je ne reviendrai pas sur les arguments développés à cette occasion. Je voudrais cependant insister sur deux motifs essentiels de notre rejet de cet amendement.
D'une part, nous ne voulons pas d'une rédaction qui enjoint aux entreprises de négocier une réduction du temps de travail annualisée. Nous faisons davantage confiance aux partenaires sociaux pour, là où cela sera nécessaire, aller dans ce sens. Là où cela ne s'imposera pas, parce que la saisonnalité est absente du travail concerné, les partenaires sociaux ne doivent pas se voir imposer un mode de calcul qui ne leur conviendrait pas. Or le texte de l'amendement est beaucoup trop directif.
D'autre part, nous sommes opposés à l'introduction du seuil de 50 salariés dans le dispositif d'aide financière aux entreprises. Puisqu'il s'agit d'un dispositif transitoire, le seuil doit être fixé en fonction de ce qui est réalisable et nécessaire pour la mise en oeuvre du projet de loi, et en fonction de cela seulement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Article 3