M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Eckenspieller pour explication de vote.
M. Daniel Eckenspieller. Votre prédécesseur, M. Jacques Toubon - vous me permettrez de le rappeler, madame la ministre - avait déposé, dans un contexte chargé d'émotion dont chacun se souvient, un projet de loi renforçant la prévention et la répression des infractions sexuelles.
Depuis, d'autres affaires ont eu lieu, toutes aussi dramatiques, toutes aussi scandaleuses, toutes aussi odieuses pour les victimes et leur famille.
La réalité de cette violence s'incarne dans des chiffres qui traduisent l'ampleur du problème.
Le texte que vous nous avez présenté, dont nous achevons aujourd'hui l'examen en deuxième lecture et qui s'inspire du précédent projet de loi, recueille notre approbation sur les trois objectifs principaux qu'il se fixe.
D'abord, il crée une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, encourue par les auteurs d'infractions sexuelles, qui pourrait s'accompagner d'une injonction de soins soumise à l'approbation de l'intéressé.
Certes, nous aurions préféré, dans un domaine aussi grave, que l'injonction de soins soit une obligation, mais nous mesurons les obstacles auxquels se heurterait une telle mesure.
Ensuite, le présent texte permet le renforcement de la répression des atteintes sur les mineurs. Enfin, il prévoit la mise en place d'un statut permettant une meilleure défense du mineur dans le cadre d'une procédure pénale.
Notre Haute Assemblée, grâce aux propositions de son rapporteur, a renforcé l'efficacité du dispositif adopté par l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi répond à une double exigence qui nous rassemble quelle que soit la partie de l'hémicycle où nous siégeons : respecter les enfants et les protéger contre l'inexcusable violence de certains adultes et respecter les adultes qui, parce qu'ils se trouvent en situation d'infériorité, devraient, contre leur gré, se plier à la volonté malsaine d'autrui.
Le groupe du Rassemblement pour la République adoptera donc ce projet de loi tel qu'il résulte des débats de ce jour.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Le groupe du RDSE, dont on connaît la diversité, votera à l'unanimité ce texte.
Toutefois, sa diversité réapparaît un moment, car si la majorité du groupe se rallie sans difficulté aux positions de la commission, la minorité, que je représente, éprouve quelques regrets que j'énumérerai brièvement.
Je regrette d'abord que ni la commission ni le Sénat n'aient retenu une définition plus précise du harcèlement sexuel.
Je regrette ensuite que le délit de bizutage n'ait pas été retenu. Son rétablissement par l'Assemblée nationale serait une bonne chose.
Je regrette aussi - je ne suis pas certaine qu'une discussion au fond se soit engagée au sein de la commission - qu'on ait refusé d'étendre le délai de prescription pour les dépôts de plaintes en cas de délits d'ordre sexuel, notamment dans le cadre très précis que Mme la ministre a rappelé tout à l'heure.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cette disposition a été votée par l'Assemblée nationale, qui a adopté une position contraire à celle de la commission des lois du Sénat sur ce point !
Mme Joëlle Dusseau. Veuillez m'en excuser, monsieur le rapporteur, ce point m'avait échappé. Mais je me réjouis bien évidemment de ce vote.
Je veux également dire à quel point j'ai été sensible aux inquiétudes que la commission a exprimées concernant les enregistrements des auditions des victimes mineures et leur utilisation. Je ne suis pas sûre que l'on ait réellement pesé les conséquences extrêmement dangereuses de l'utilisation de ces enregistrements devant une juridiction. Il conviendrait d'affiner nos réflexions sur ce point.
Globalement, je veux saluer la libération de la parole des victimes que permet le projet de loi.
Je veux aussi saluer la prise de conscience collective plus grande d'un phénomène qui, jusqu'à ces dernières années, étaient tu, considéré comme honteux, caché et dont les adultes n'avaient souvent même pas conscience.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Madame le garde des sceaux, après M. Jacques Toubon, comme M. Eckenspieller l'a rappelé, vous avez déposé un projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. Nous estimons que ce texte est bon dans l'ensemble.
Nous remercions M. le rapporteur de lui avoir apporté des amendements qui, à notre avis, l'améliorent et le clarifient grandement.
Mais je regrette que, l'un et l'autre, vous ayez exprimé un avis défavorable sur l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter. Nous en comprenons cependant les raisons, madame le ministre, et nous avons pris note de vos assurances : les associations familiales pourront ester en justice sans aucune restriction dès lors qu'il s'agira d'un délit sexuel et d'outrage à mineur.
Le texte tel qu'il ressort de nos travaux me semble présenter trois orientations principales : tout d'abord la création d'une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, ensuite le renforcement de la répression des atteintes sur les mineurs et, enfin, la mise en place d'un statut du mineur victime destiné à renforcer la défense de ses intérêts à l'occasion d'une procédure pénale plus humaine, avec, notamment, l'enregistrement de l'audition du mineur victime, dans le but d'éviter la multiplication de dépositions toujours très traumatisantes.
Dans ces conditions, ainsi que je l'ai annoncé, le texte qui ressort des travaux du Sénat nous paraît satisfaisant de ce côté-ci de l'hémicycle (L'orateur désigne la droite de l'hémicycle) et les sénateurs non inscrits, notamment, le voteront bien volontiers.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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