M. le président. « Art. 3. _ Les entreprises ou établissements qui réduisent la durée du travail avant le 1er janvier 2000 ou pour les entreprises de vingt salariés ou moins avant le 1er janvier 2002 en application d'un accord collectif et qui procèdent en contrepartie à des embauches ou préservent des emplois peuvent bénéficier d'une aide dans les conditions définies ci-après.
« I. _ Peuvent bénéficier de cette aide les entreprises, y compris celles dont l'effectif est inférieur ou égal à vingt salariés, relevant des catégories mentionnées à l'article L. 212-1 bis du code du travail issu de l'article 1er de la présente loi, ainsi que les sociétés ou organismes de droit privé, les sociétés d'économie mixte et établissements publics industriels et commerciaux locaux de transport public urbain de voyageurs. Toutefois, ne peuvent bénéficier de cette aide, eu égard au caractère de monopole de certaines de leurs activités ou à l'importance des concours de l'Etat dans leurs produits d'exploitation, certains organismes publics dépendant de l'Etat, dont la liste est fixée par décret. Pour ces organismes, les modalités d'accompagnement de la réduction du temps de travail seront déterminées dans le cadre des procédures régissant leurs relations avec l'Etat.
« La réduction du temps de travail doit être d'au moins 10 % de la durée initiale et porter le nouvel horaire collectif au plus au niveau de la durée légale fixée par l'article L. 212-1 bis du code du travail. L'ampleur de la réduction est appréciée à partir d'un mode constant de décompte des éléments de l'horaire collectif.
« II. _ La réduction du temps de travail doit être organisée par un accord d'entreprise ou d'établissement. Elle peut être également organisée en application d'une convention ou d'un accord de branche étendu, soit, dans les entreprises de cinquante salariés ou plus, sous réserve d'un accord complémentaire d'entreprise, soit, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, selon des modalités de mise en oeuvre prévues par la convention ou l'accord de branche.
« Outre les dispositions prévues au IV et au V du présent article, l'accord collectif détermine les échéances de la réduction du temps de travail applicables dans la ou les entreprises intéressées en référence à la durée initiale du travail, ainsi que les modalités d'organisation du temps de travail et de décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise, y compris celles relatives aux personnels d'encadrement lorsque ces modalités sont spécifiques, et les modalités et délais selon lesquels les salariés doivent être prévenus en cas de modification de l'horaire. Il détermine aussi, sans préjudice de l'application des dispositions du livre IV du code du travail organisant la consultation des représentants du personnel, les dispositions relatives au suivi de sa mise en oeuvre au sein de l'entreprise et, le cas échéant, de la branche. Ce suivi peut être assuré par une instance paritaire spécifiquement créée à cet effet. L'accord prévoit les conséquences susceptibles d'être tirées de la réduction du temps de travail sur les contrats de travail à temps partiel ainsi que sur la situation des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives et selon un cycle continu, mentionnés à l'article 26 de l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés. Il peut également prévoir les conditions particulières selon lesquelles la réduction s'applique aux personnels d'encadrement ainsi que des modalités spécifiques de décompte de leur temps de travail tenant compte des exigences propres à leur activité.
« Cet accord est déposé à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, remis aux représentants du personnel et affiché dans l'entreprise.
« Une organisation syndicale ou son représentant dans l'entreprise peut saisir l'autorité administrative en cas de difficultés d'application d'un accord d'entreprise signé dans le cadre du présent dispositif.
« III. _ Dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, à défaut d'un accord de branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective, un accord collectif peut être conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
« Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail.
« Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut, à tout moment, mettre fin au mandat. Le salarié mandaté peut être accompagné lors des séances de négociation par un salarié de l'entreprise choisi par lui. L'accord prévoit les modalités selon lesquelles les salariés de l'entreprise et l'organisation syndicale mandante sont informés des conditions de sa mise en oeuvre et de son application. Cet accord est communiqué au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
« Le temps passé par les salariés mandatés à la négociation de l'accord ainsi qu'aux réunions nécessaires pour son suivi est payé comme temps de travail.
« Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail dès que l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur désignation. La procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant six mois après la signature de l'accord ou, à défaut, la fin du mandat ou la fin de la négociation.
« IV. _ Dans le cas où l'entreprise s'engage à procéder à des embauches en conséquence de la réduction du temps de travail, l'accord détermine leur nombre par catégories professionnelles ainsi que le calendrier prévisionnel des embauches.
« L'entreprise doit s'engager à ce que ces embauches correspondent à 6 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail, et s'engage à procéder à des embauches correspondant à 9 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée.
« La majoration bénéficie également aux entreprises qui, après avoir bénéficié de l'aide octroyée pour une réduction du temps de travail de 10 %, réduisent une nouvelle fois le temps de travail avant le 1er janvier 2003, pour porter l'ampleur totale de la réduction à au moins 15 % de l'horaire initial. Elles devront alors avoir procédé à des embauches correspondant à au moins 9 % de l'effectif concerné par la première étape de réduction du temps de travail.
« L'entreprise doit s'engager à maintenir l'effectif augmenté des nouvelles embauches de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette réduction, pour une durée fixée par l'accord et qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de la dernière des embauches effectuées en application du premier alinéa du présent paragraphe. Ces embauches devront être réalisées dans les entreprises ou les établissements où s'applique la réduction du temps de travail dans un délai d'un an à compter de la réduction effective du temps de travail.
« Le chef d'entreprise doit fournir au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, les informations sur les embauches réalisées en application du présent paragraphe.
« L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat pour une durée de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail prévue par l'accord, après vérification de la conformité de l'accord collectif aux dispositions légales.
« V. - Dans le cas où la réduction du temps de travail permet d'éviter des licenciements prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciement pour motif économique, l'accord d'entreprise ou d'établissement détermine le nombre d'emplois que la réduction du temps de travail permet de préserver. Ce dernier doit être équivalent à 6 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail, et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalent à 9 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée.
« L'accord d'entreprise ou d'établissement précise également la période pendant laquelle l'employeur s'engage à maintenir l'effectif de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette réduction. Sa durée est au minimum de deux ans.
« L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat après vérification de la conformité de l'accord d'entreprise aux dispositions légales et compte tenu de l'équilibre économique du projet et des mesures de prévention et d'accompagnement des licenciements.
« L'aide est attribuée pour une durée initiale de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail prévue par l'accord. Elle peut être prolongée pour deux ans par avenant à la convention conclue entre l'Etat et l'entreprise, au vu de l'état de l'emploi dans l'entreprise et de la situation économique de celle-ci.
« VI. - L'aide est attribuée pour chacun des salariés auxquels s'applique la réduction du temps de travail, ainsi que pour ceux embauchés dans le cadre du dispositif prévu au IV du présent article. Elle vient en déduction du montant global des cotisations à la charge de l'employeur pour la période considérée au titre des assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles et allocations familiales assises sur les gains et rémunérations des salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné.
« Le montant de l'aide peut être majoré si l'entreprise prend des engagements en termes d'emploi supérieurs au minimum obligatoire, en particulier s'il s'agit d'une petite entreprise, ou si l'entreprise procède à la totalité des embauches prévues en application du IV du présent article dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée. Il peut être aussi majoré si l'entreprise prend des engagements spécifiques en faveur de l'emploi de jeunes, de personnes reconnues handicapées en application de l'article L. 323-10 du code du travail ou de publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, en particulier les chômeurs de longue durée.
« Des majorations spécifiques peuvent être accordées, dans des conditions fixées par décret, aux entreprises dont l'effectif est constitué d'une proportion importante d'ouvriers au sens des conventions collectives et de salariés dont les rémunérations sont proches du salaire minimum de croissance.
« Son bénéfice ne peut être cumulé avec celui d'une exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, ou avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de la réduction prévue à l'article L. 241-13 et à l'article L. 711-13 du code de la sécurité sociale ainsi que des aides prévues aux articles L. 322-4-2 et L. 832-2 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de contrôle de l'exécution de la convention avec l'Etat et les conditions de dénonciation et de suspension de la convention, assorties le cas échéant d'un remboursement de l'aide, dans le cas où l'entreprise n'a pas mis en oeuvre ses engagements en matière d'emploi et de réduction du temps de travail.
« Un décret détermine les autres conditions d'application du présent article, notamment les montants de l'aide, ainsi que les dispositions relatives aux majorations.
« VI bis . - Les branches ou les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, qui engagent une démarche de réduction du temps de travail et de réorganisation pourront bénéficier d'un dispositif d'appui et d'accompagnement auquel les régions pourront, le cas échéant, participer. Celui-ci permettra la prise en charge par l'Etat d'une partie des frais liés aux études préalables à la réduction du temps de travail.
« VII. _ Les articles 4, 5 et 6 de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail sont abrogés. Les articles 39 et 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle sont abrogés. Toutefois, ces derniers, ainsi que les dispositions de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale applicables avant l'entrée en vigueur de la présente loi, demeurent applicables aux conventions conclues avant la date de publication de celle-ci.
« VIII. _ A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, les mots : "par les articles 7, 39 et 39-1" sont remplacés par les mots : "par l'article 7". »
Sur l'article la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'objectif principal du projet de loi étant de favoriser l'emploi, l'article 3, coeur du système, prévoit un dispositif d'incitation financière proprose à accompagner les entreprises qui s'engagent sur cette voie.
A la grande différence des dispositifs d'aides publiques à l'emploi conçus et utilisés précédemment, celui qui nous est proposé ne se contente pas de distribuer sans contrôle ; il explicite et encadre l'accord collectif, préalable à l'octroi de l'aide.
Dans cet article, référence est faite tout d'abord aux bénéficiaires de l'aide et, à ce sujet, je tiens à préciser que, sur l'initiative des députés communistes et apparentés, l'entreprise peut être concernée alors même qu'elle compte moins de 20 salariés.
Référence est faite également aux conditions à remplir en termes de réduction du temps de travail et en termes d'embauches correspondantes. Vous connaissez tous assez bien le dispositif pour que je n'entre pas dans les détails. Toutefois, je ferai remarquer qu'il n'y a pas de stricte équivalence entre les 10 % de réduction du temps de travail et les 6 % de créations d'emplois. Je regrette que l'obligation d'embauches soit aussi faible ; elle entraîne obligatoirement des gains de productivité, sans pour autant conduire forcément à une amélioration des conditions de travail.
Cet article conditionne l'accès à l'aide à la négociation d'un accord collectif dont il prend soin de préciser le contenu : ampleur et rythme des réductions d'horaires, modalités de décompte et d'organisation du temps de travail, créations d'emplois associées, sort des cadres et des salariés à temps plein.
La place centrale étant donnée aux négociations, les mesures relatives au mandatement nous semblent devoir être précisées.
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, nous apprécions que le mandaté puisse bénéficier d'une protection sur le modèle de celle qui est dévolue au délégué syndical, ces négociations devant être un prélude à la création de structures syndicales. Un de nos amendements vise, dans ce sens, à protéger effectivement la personne qui a négocié au moins six mois après la signature de l'accord.
Nous apprécions également comme très positif l'ensemble des avancées obtenues à l'Assemblée nationale par notre groupe concernant l'accompagnement du mandataire et les moyens qui lui sont donnés.
Nous pensons toutefois qu'il est impératif d'aller encore vers plus de suivi des accords et plus de contrôle dans l'utilisation des aides. Sur ce point, nous sommes satisfaits que l'aide puisse être remboursée lorsque l'employeur n'honore pas ses engagements, et lui appliquer la répétition de l'indu est juste.
Cependant, pour que ce dispositif puisse donner des résultats, il est primordial que, outre la possibilité de constitution d'une instance paritaire de suivi, il soit permis au CODEF, le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, d'intervenir tant pour donner son avis sur l'attribution des aides que pour en assurer le contrôle effectif. Tel est l'objet d'un de nos amendements.
Pourquoi ne pas penser aux comités locaux pour l'emploi pour dénoncer les chasseurs de prime ?
La commission des affaires sociales, en proposant une réécriture de l'article 3, fait abstraction de ce volet que nous jugeons nécessaire. C'est l'une des raisons qui nous conduiront à rejeter sa démarche.
S'agissant de l'aide accordée, autre point essentiel de cet article, le Gouvernement a voulu qu'elle soit forfaitaire et dégressive. Lorsqu'elle permet, en contrepartie de la diminution du temps de travail, de créer de nouveaux emplois à l'issue des cinq ans, elle sera pérennisée, alors même qu'aucune garantie n'est apportée quant aux créations d'emplois.
Dans diverses situations, lorsque l'accord contient une clause innovante, par exemple en allant au-delà des 35 heures ou en embauchant des jeunes en difficulté, les aides sont majorées.
Plus discutable, une majoration supplémentaire est prévue au bénéfice des entreprises de main-d'oeuvre à bas salaire. Je sais que ce point a suscité un débat à l'Assemblée nationale.
Force est malheureusement de constater que ce dispositif ne se dégage pas franchement de la logique de la baisse des charges salariales, logique que nous dénonçons, doutant de son efficacité. C'est pourquoi nous proposerons d'insérer, après l'article 3, un article additionnel promouvant d'autres formes d'aide.
Au-delà du problème de la forme de l'aide à l'emploi et à la réduction du temps de travail, nous sommes convaincus qu'en ciblant mieux les aides sur les entreprises, les PME qui en ont réellement besoin, l'efficacité de ces aides s'en trouverait renforcée.
J'évoquerai enfin le volet défensif de ce projet de loi, qui permet non pas des créations d'emplois mais la préservation d'un certain nombre d'emplois existants.
Madame la ministre, vous avez vous-même constaté les effets pervers de ce dispositif. Nous en avions proposé la suppression et nous formulons de nouveau aujourd'hui notre proposition par voie d'amendement. Mais surtout, nous entendons assurer une stricte corrélation entre la durée de l'octroi des exonérations de charges et l'obligation de maintien des effectifs.
Il est temps de mener une politique de l'emploi cohérente et, pour cela, la question de la prévention des licenciements économiques devra être discutée.
Encore une fois, et la suite des débats le confirmera, nos propositions n'ont rien à voir avec celles de la commission des affaires sociales, qui, pour contrer le projet, « ressort » et « rafraîchit » la loi Robien, dont nous avons dénoncé les dangers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. L'article 3 que vous nous proposez d'adopter, madame le ministre, résume parfaitement votre projet de loi, qui est étatiste, complexe et coûteux.
Votre texte est étatiste en ce qu'il impose de façon autoritaire une nouvelle organisation du travail aux salariés et aux entreprises.
Il est aussi complexe parce que, suivant les cas, les dates d'application varient entre le 1er janvier 2000, le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2003.
Pas moins d'une trentaine de curseurs peuvent changer : les taux de réduction du temps de travail varient de 10 % à 15 %, les taux d'embauche de 6 % à 9 % ; il existe des primes diverses : prime « jeunes », prime « entreprises de main-d'oeuvre ».
En outre, ainsi que je l'ai rappelé lors de la discussion générale, votre texte introduit dans notre économie des distorsions de concurrence particulièrement injustes envers les petites entreprises, qui seront moins aidées ou qui ne le seront pas du tout. En revanche, vous créez des effets d'aubaine au bénéfice de certaines entreprises plus grandes qui devaient de toute façon embaucher.
Votre texte est coûteux, car il ignore totalement les charges supplémentaires induites par l'embauche d'un nouveau salarié en termes de locaux, d'équipements ou de sécurité.
Les incitations financières que vous souhaitez mettre en place vont être extrêmement lourdes à supporter pour le contribuable et le budget de la sécurité sociale. A cet égard, vous n'avez pas jugé nécessaire de respecter la loi du 25 juillet 1994, qui prévoit la compensation des nouvelles exonérations de charges sociales par l'Etat.
Pour toutes ces raisons, votre texte est inapplicable. Il l'est, au demeurant, pour bien d'autres raisons encore, qui concernent le mandatement, le caractère forfaitaire de l'aide, la situation des cadres, la cohabitation au sein d'une même entreprise de salariés auxquels s'appliquent les 35 heures, alors que d'autres n'y sont pas soumis ; ce sera le cas des entreprises de propreté - leur syndicat vient de me transmettre un message qui ne s'accordait pas avec ce que vous avez dit hier de cette profession - où les salariés sont transférés en même temps que les marchés.
Je voterai donc l'amendement de notre collègue Louis Souvet, qui propose de reprofiler la loi quinquennale sur l'emploi de 1993, modifiée par la loi Robien.
Cela permettra de laisser aller à son terme la démarche incitative ouverte par ces lois, de dresser un bilan exact des emplois créés et sauvegardés. Il n'est pas bon de modifier en permanence les dispositifs législatifs, car cela empêche les entreprises d'avoir une vision à long terme.
Laissez les entreprises et les salariés décider ce qu'ils souhaitent ! Ne leur imposez rien contre leur volonté, au risque de compromettre définitivement le dialogue social et le développement de notre économie !
M. le président. Sur l'article 3, je suis saisi de quatorze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Par amendement n° 12, M. Marini propose de supprimer l'article 3.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Ce qui m'a conduit à déposer cet amendement de suppression pure et simple de l'article 3 s'apparente tout à fait aux préoccupation qui viennent d'être excellement exprimées par notre collègue Alain Gournac.
Deux raisons essentielles motivent le rejet fondamental de votre projet, madame le ministre.
La première, c'est son coût pour les finances publiques et les finances sociales. A cet égard, il serait utile que vous nous rappeliez les estimations que vous avez faites quant aux effets de ces dispositions sur les budgets sociaux à venir ; c'est là un élément essentiel du contexte de cette discussion.
Sans doute allons-nous disposer de quelques marges de manoeuvre supplémentaires du fait de la relative embellie que connaît notre économie, mais il reste que vous vous proposez de handicaper celle-ci en la grevant de charges récurrentes, représentant des dizaines de milliards de francs : aux emplois-jeunes, vous ajoutez les mesures d'aide aux entreprises que vous nous soumettez ici.
Il serait tout de même utile que l'on parle un peu chiffres, même si ce sujet ne semble pas, madame le ministre, retenir votre attention immédiate ! (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Par ailleurs, la démarche que vous nous suggérez d'adopter est une démarche d'assistance. Or les aides ont toujours des effets pervers. De ce point de vue, je me rallie d'ailleurs bien volontiers à une partie de l'argumentation de notre collègue M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Tiens !
M. Philippe Marini. Car il est bien évident qu'il y aura des chasseurs de primes. Il est bien clair que certaines entreprises vont se couler dans le moule de la loi simplement parce qu'elle existe et parce qu'il y a des aides.
Ces aides relèvent d'une démarche que, malheureusement, bien des gouvernements successifs, il faut le reconnaître, ont suivie ces dernières années. Cependant, il me semble nécessaire de rompre un jour avec cette démarche et de choisir un autre système, passant par moins de charges sur le travail, par plus d'incitations à travailler et plus d'incitations à embaucher. En d'autres termes, il s'agit de promouvoir une conception différente de l'ensemble des prestations qui s'appliquent aux personnes privées d'emploi ou aux personnes en difficulté sociale et actuellement mises à l'écart du marché de l'emploi.
Si vous en êtes réduite, madame le ministre, à la suite de vos prédécesseurs, à proposer des « carottes », à faire de l'assistanat vis-à-vis des entreprises, comme vous faites de l'assistanat vis-à-vis de toutes sortes de catégories sociales,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis sans doute une infirmière !
M. Philippe Marini. ...c'est certainement parce que le niveau des prélèvements obligatoires est trop élevé et que le système qui est aujourd'hui à l'oeuvre nuit gravement au dynamisme de l'économie. Vous en faites une merveilleuse démonstration avec le dispositif d'aides prévu à l'article 3 de votre projet de loi.
Cela dit, il est évident, mes chers collègues, que mon amendement avait été rédigé avant que je n'aie connaissance des propositions de notre commission des affaires sociales. (Sourires et exclamations.)
Celle-ci nous présente en effet un projet d'une inspiration différente, de caractère incitatif, en « reprofilant » la loi Robien. Grâce à la suppression de l'article 1er, il évite les aspects de contrainte et d'obligation générale qui nous semblent si critiquables.
Si je reste réservé à l'égard du principe des aides, j'estime que la rédaction que va nous soumettre dans quelques instants M. Louis Souvet, étant donné la législation existante, me paraît plus acceptable, car elle se situe dans la continuité de ce qui a été accepté avec la loi Robien.
C'est la raison pour laquelle, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Par amendement n° 3 rectifié, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 3 :
« I. - Le paragraphe II de l'article 39 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle est ainsi modifié :
« 1° La première phrase est complétée par les mots : "dans la limite d'une fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale."
« 2° La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Son montant est égal à 30 % des cotisations la première année, à 20 % les deuxième et troisième années et à 10 % les quatrième et cinquième années. »
« 3° Dans la cinquième phrase, les mots : "sept ans" sont remplacés par les mots : "cinq ans" et les mots : "10 %" sont remplacés par les mots : "6 %".
« 4° La sixième phrase est ainsi rédigée :
« Le montant de l'allégement est porté à 40 % des cotisations la première année, à 30 % les deuxième et troisième années et à 20 % les années suivantes lorsque la réduction de l'horaire collectif prévu au I est de 15 % et qu'elle s'accompagne d'embauches correspondant au moins à 9 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de l'établissement concerné. »
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 précitée est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase, après les mots : "l'accord mentionné ci-dessus", sont insérés les mots : "dans la limite d'une fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale."
« 2° La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Le montant de l'allégement est égal à 30 % des cotisations la première année, à 20 % les deuxième et troisième années et à 10 % les quatrième et cinquième années. »
« 3° La troisième phrase est ainsi rédigée :
« Il est porté à 40 % la première année, à 30 % les deuxième et troisième années et à 20 % les années suivantes lorsque la réduction de l'horaire de travail est au moins égale à 15 % de l'horaire collectif antérieur. »
Cet amendement est assorti de quatre sous-amendements.
Le sous-amendement n° 62 rectifié, déposé par MM. Cabanel et Barnier, tend :
A. - A compléter le second alinéa du 4° du I du texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 3 par une phrase ainsi rédigée : « Il est porté à 50 % des cotisations la première année, à 40 % les deuxième et troisième années et à 30 % les deux années suivantes lorsque la réduction de l'horaire collectif prévu au I est au moins égal à 18 % et qu'elle s'accompagne d'embauches correspondant au moins à 12 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de l'établissement concerné. »
B. - En conséquence, à rédiger comme suit le premier alinéa du 4° du I du texte proposé par l'amendement n° 3 rectifié pour l'article 3 :
« La sixième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : »
Le sous-amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Marini, vise à compléter le texte proposé par l'amendement n° 3 rectifié par un paragraphe III ainsi rédigé :
« III. - L'accord d'entreprise doit spécifier le nombre des emplois créés et évaluer les conséquences de la réduction du temps de travail sur l'évolution des salaires et des coûts salariaux. »
Le sous-amendement n° 26, présenté par M. Gournac, a pour objet de compléter in fine le texte proposé pour l'article 3 par l'amendement n° 3 rectifié par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... Un décret précisera les conditions dans lesquelles les petites et moyennes entreprises pourront bénéficier d'une aide financière spécifique à l'ingénierie dans le cadre de l'application du présent article.
« ... Les charges résultant de l'application du paragraphe précédent sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Enfin, le sous-amendement n° 45, déposé par M. Fishcer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, vise à compléter in fine l'amendement n° 3 rectifié par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les aides prévues aux articles 39 et 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 ne peuvent être attribuées qu'après avis conforme du CODEF ou du CODEFI, sur la base d'un rapport de l'inspecteur du travail. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3 rectifié.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a refusé, pour les raisons qu'elle a longuement exposées, toute diminution autoritaire de la durée du travail. Dans ces conditions, il ne lui a pas paru nécessaire ni même utile de supprimer la loi Robien, dont on a vu qu'elle donnait d'excellents résultats. Je rappelle que 1 500 accords ont déjà été signés.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et même 2 000 !
M. Louis Souvet, rapporteur. Merci de cette précision, madame le ministre ; vous aviez d'ailleurs indiqué ce chiffre hier.
Déjà 2 000, ce n'est pas rien ! Et nous ne pouvons que progresser.
C'est la raison pour laquelle la commission a souhaité reprendre, en le réaménageant, le dispositif de la loi Robien, beaucoup plus simple que celui du projet de loi et bien connu des entreprises comme des salariés.
La commission a retenu cinq orientations pour ce « reprofilage » de la loi Robien.
Tout d'abord, l'exonération est proportionnelle, mais dans la limite d'un salaire plafonné à une fois le plafond de la sécurité sociale, c'est-à-dire 14 090 francs.
Ensuite, cette exonération est lissée quant à ses taux pour faciliter la sortie du dispositif et en alléger le coût ; l'exonération est ramenée à 30 % la première année, 20 % les deuxième et troisième années, 10 % les quatrième et cinquième années pour une réduction du temps de travail de 10 %.
De plus, l'exonération est ramenée à cinq ans, au lieu de sept ans dans le dispositif initial de la loi Robien.
En outre, elle est plus incitative puisque les partenaires sociaux disposent d'une fenêtre pour bénéficier de l'aide : avant le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de cinquante salariés, avant le 1er janvier 2002 pour les entreprises de moins de cinquante salariés : c'est la conséquence de notre amendement à l'article 2.
Enfin, l'exonération est plus facilement accessible quant aux exigences en matière d'embauche : le dispositif initial de la loi Robien était en effet très sélectif puisqu'il exigeait 10 % ou 15 % d'embauches selon l'ampleur de la réduction du temps de travail. Nous avons repris, sur ce point, les exigences du projet de loi, en l'espèce 6 % et 9 %.
Nous avons réalisé un certain nombre de simulations permettant de comparer notre dispositif à celui du projet de loi et au dispositif actuel de la loi Robien. Ces simulations reprennent, en les adaptant, celles que nous avions faites il y a deux ans lors de l'examen de la loi Robien.
Dans l'hypothèse d'une entreprise de cent personnes avec un salaire moyen de 10 000 francs et un salaire, pour les nouveaux embauchés, de 7 000 francs, nous finançons grâce à l'aide, sur les cinq ans, 5,79 emplois pour la création de 6 emplois exigée, ce qui veut dire que ces 6 emplois créés bénéficient d'un taux de couverture, c'est-à-dire d'un financement, de 96,45 %. Le dispositif du projet de loi affiche un taux de couverture de 104 % jusqu'à 127 % et au-delà dans certains cas, madame le ministre.
Cela revient à dire que, dans notre dispositif, l'aide permet de financer presque 100 % des créations d'emplois - mais pas davantage - et que les gains de productivité attendus de l'accord d'aménagement-réduction du temps de travail peuvent être affectés à la compensation de la réduction du volume global horaire de travail, aux augmentations de salaires et à la compétitivité.
Le dispositif que nous proposons nous semble donc équilibré, plus équilibré que le dispositif initial de la loi Robien et que le présent projet de loi.
En outre, la commission ne reprend pas, dans la rédaction de l'article 3, le dispositif du mandatement. Elle préfère s'en tenir au mandatement tel qu'il avait été prévu par l'article 6 de la loi du 12 novembre 1996, qui prévoit une validation des accords signés par les salariés mandatés par la branche.
La commission considère, en effet, que les accords sur la réduction du temps de travail sont très techniques et demandent une bonne formation et une expérience. La validation par la branche est une garantie pour la bonne application de l'accord.
Pour toutes ces raisons, la commission vous propose d'adopter son amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article 3.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Cabanel, pour défendre le sous-amendement n° 62 rectifié.
M. Guy Cabanel. Ce sous-amendement est issu de l'amendement n° 62, que nous avons amputé, après contact avec le président et le rapporteur de la commission des affaires sociales, de son paragraphe I, qui prévoyait, outre le délai de cinq ans, un délai de sept ans pour les entreprises appliquant le système de la réduction du temps de travail à 32 heures.
En revanche, le paragraphe II, qui subsiste dans ce sous-amendement n° 62 rectifié, tend à compléter le texte proposé par l'amendement n° 3 rectifié par une énumération des différents pourcentages d'allègements consentis pendant cinq ans.
Je souhaite que la commission des affaires sociales accepte l'introduction de ce sous-amendement tendant à compléter son dispositif car je serais alors rassuré sur la clarté du système de réduction du temps de travail à 32 heures.
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre le sous-amendement n° 14 rectifié.
M. Philippe Marini. Il s'agit en substance d'ajouter un alinéa au texte proposé par la commission, de telle sorte que des comptes rendus précis sur les créations d'emplois et sur l'incidence des accords en matière de niveaux de salaires puissent être fournis selon certaines modalités. Nous disposerons ainsi des données nécessaires pour juger des effets de tels accords en termes tant d'évolution des rémunérations que de création d'emplois.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter le sous-amendement n° 26.
M. Alain Gournac. Ce sous-amendement, très explicite, vise à aider les PME à s'assurer les services d'un conseil extérieur en ingénierie dans la perspective de leur réorganisation. En effet, ce travail doit être fait par un professionnel.
Les grandes entreprises - c'est toujours la même différence entre les grandes et les petites entreprises - pourront confier cette mission à un membre de leur personnel, un directeur des ressources humaines, par exemple. Mais quid pour les petites entreprises ? Ce sous-amendement vise à leur faciliter la tâche.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour présenter le sous-amendement n° 45.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Par ce sous-amendement, nous voulons nous assurer que les aides attribuées dans le cadre du dispositif « remodelé » par la commission des affaires sociales serviront effectivement à la création d'emplois.
Lors de notre intervention sur l'article 3, dans sa rédaction initiale, nous avons insisté sur l'un de ses points positifs, à savoir les mécanismes de contrôle et de suivi des aides. C'est un aspect très important, mais qui est complètement occulté dans le dispositif Robien bis , quasiment automatique.
Il nous semble cependant indispensable de savoir si les aides proportionnelles prévues seront accordées moyennant une contrepartie, la création d'emplois.
Dans sa globalité, la dépense totale relative à l'emploi représente plus de 4 % de notre produit intérieur brut. Elle est équivalente à ce que rapporte à l'Etat l'impôt sur le revenu. Or les bilans dressés témoignent souvent plus des effets d'aubaine que d'un impact certain sur le niveau de chômage !
Nous proposons donc que le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi intervienne, réunissant un ensemble de partenaires, administrations, élus locaux et partenaires sociaux. Cette structure est tout à fait à même de moraliser l'octroi et l'utilisation des aides. La présence de l'inspecteur du travail, qui est habitué aux contrôles et qui connaît bien la situation des entreprises, complète utilement ce dispositif.
C'est pourquoi je vous demande d'adopter ce sous-amendement, qui vise à faire en sorte que les aides attribuées dans le cadre du présent projet de loi contribuent effectivement à la création d'emplois.
M. le président. Par amendement n° 13, M. Marini propose, dans le premier alinéa de l'article 3, de remplacer les mots : « accord collectif » par les mots : « accord d'entreprise ».
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement est satisfait par celui de la commission. Je le retire donc.
M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.
Par amendement n° 18, MM. Habert, Durand-Chastel et Darniche proposent de compléter in fine le premier alinéa du paragraphe III de l'article 3 par les mots : « , ou par les représentants élus du personnel. ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 20, Mme Bergé-Lavigne et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le dernier alinéa du paragraphe III de l'article 3 :
« Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail à compter du moment où l'employeur aura eu connaissance de leur désignation. La procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant la durée de validité de l'accord. »
Cet amendement est-il maintenu, madame Dieulangard ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.
Par amendement n° 46, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après les mots : « six mois après la signature de l'accord », de supprimer la fin du cinquième alinéa du paragraphe III de l'article 3.
Cet amendement est-il maintenu, monsieur Fischer ?
M. Guy Fischer. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 46 est retiré.
Par amendement n° 34 rectifié, Mme Dusseau propose de rédiger ainsi la seconde phrase du deuxième alinéa du IV de l'article 3 : « Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail et s'engage à procéder à des embauches correspondant à 9 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail, ou si elle s'engage à recruter des jeunes, ou si les modalités de la réduction du temps de travail sont jugées particulièrement innovantes par le directeur départemental du travail, elle bénéficie d'une aide majorée. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je profite de la présentation de cet amendement, qui, hélas ne sera pas adopté ! (Sourires.), pour attirer votre attention, mes chers collègues, sur l'extension de l'aide majorée aux entreprises.
En effet, alors que le texte réserve cette majoration aux entreprises qui réduisent de 15 % la durée du temps de travail et qui procèdent à une augmentation de leurs effectifs de 9 %, je propose d'étendre l'attribution de cette aide majorée aux entreprises qui emploient des jeunes.
Je voudrais, sur ce point, rappeler que, lorsque le Parlement a débattu à l'automne de la création des emplois-jeunes, il ne s'agissait que d'un premier volet, concernant des emplois publics et associatifs. Le Gouvernement, comme le confirmait alors Mme la ministre, prévoyait un deuxième volet. J'avoue que je suis tout à fait attachée à ce deuxième volet, et je souhaiterais que l'on ne l'oublie pas.
M. Guy Fischer. Nous aussi !
Mme Joëlle Dusseau. D'abord, parce que le chômage des jeunes est très important dans notre pays, supérieur à celui que l'on constate en moyenne dans les pays développés, malgré une durée d'études plus longue en France. Ensuite, parce que ce taux de chômage de longue durée que connaissent les jeunes de notre pays qui, systématiquement, ne trouvent que des contrats emploi-solidarité, de petits stages, de petits boulots puis, parfois, plus rien, amène à la désespérance. C'est pourquoi il serait bon de saisir l'opportunité offerte par ce texte pour que la préférence accordée à des emplois-jeunes figure expressément dans la loi.
Je propose également de retenir pour l'aide majorée les entreprises dont les modalités de réduction du travail sont spécialement innovantes.
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 47 tend à supprimer le paragraphe V de l'article 3.
L'amendement n° 48 vise, à la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du paragraphe V de l'article 3, à remplacer les mots : « deux ans » par les mots : « trois ans ».
L'amendement n° 49 a pour objet, dans le troisième alinéa du paragraphe V de l'article 3, après le mot : « prévention », de supprimer les mots : « et d'accompagnement ».
La parole est à Mme Terrade, pour présenter ces trois amendements.
Mme Odette Terrade. Intervenant sur l'article 3, mon ami M. Guy Fischer a précisé la position du groupe communiste républicain et citoyen sur le volet défensif prévu au paragraphe V de l'article 3.
Les amendements n°s 47, 48 et 49 s'inscrivent tous dans la même logique : faire en sorte que les aides publiques à l'emploi et à la réduction du temps de travail ne soient pas détournées et qu'elles ne puissent aucunement inciter les entreprises à annoncer des plans sociaux, voire à « gonfler » ceux qui sont prévus. C'est l'analyse de la loi Robien et de ses effets pervers qui nous conduit à avoir autant de réticences !
Ainsi, en nous opposant à ce système, nous en demandons la suppression ou tout au moins nous essayons de l'encadrer.
Nous tentons tout d'abord, d'assurer un minimum de cohérence entre la durée durant laquelle l'employeur perçoit effectivement l'aide - trois ans - et celle pendant laquelle il a obligation de maintenir l'emploi préservé.
Ensuite, nous pointons indirectement le doigt, d'une part, sur les plans sociaux, dont la qualité est loin d'être toujours suffisante, et, d'autre part, sur le coût exorbitant supporté par l'Etat.
Ces amendements sont, pour nous, l'occasion de préciser combien il est indispensable de s'assurer et de la destination et de la qualité de l'utilisation de l'argent public.
M. le président. Les deux amendements suivants sont également déposés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 50 tend :
I. - Après le premier alinéa du paragraphe VI de l'article 3, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Durant toute la durée de l'application des exonérations de charges prévues à l'article 3, l'Etat s'engage à compenser intégralement le manque à gagner aux régimes de sécurité sociale. »
II. - Pour compenser l'accroissement des charges résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus, à insérer, après le VI de l'article 3, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les charges résultant pour l'Etat de la compensation intégrale au profit des régimes de sécurité sociale, des exonérations de charges prévues en application de l'article 3 sont compensées, à due concurrence, par un relèvement du taux prévu à l'article 978 du code général des impôts. »
L'amendement n° 53 a pour objet, dans le quatrième alinéa du paragraphe VI de ce même article, de supprimer les mots : « à l'exception de la réduction prévue à l'article L. 241-13 et à l'article L. 711-13 du code de la sécurité sociale ».
La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour défendre ces deux amendements.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ces deux amendements s'inscrivent pleinement dans la logique de celui qui tendait à insérer un article additionnel après l'article 3 en prévoyant un autre type d'aide à la réduction du temps de travail.
Nous pensons, en effet, que les exonérations de cotisations sociales consenties à l'employeur véhiculent, dans l'opinion publique française, l'idée que le travail a un coût beaucoup trop important et que les entreprises croulent sous les charges.
Ces exonérations concourent ainsi à affaiblir notre système de protection sociale.
Le manque à gagner en cotisations contribue au déséquilibre des comptes de la sécurité sociale, et prolonge la politique de restriction des dépenses.
Juste mesure, nos amendements n°s 50 et 53, conformément à la loi Veil de 1994, tendent à assurer la compensation intégrale par l'Etat de cette nouvelle exonération.
S'il convient de poser le principe de neutralité de ces aides par rapport à la sécurité sociale, il est tout aussi important de poser le principe de non-cumul de ces aides avec d'autres abattements ou exonérations de charges consentis à divers titres. Je précise que, au total, ces dispositifs coûtent déjà 40 milliards de francs à notre budget, madame la ministre !
Nous vous proposons ici un moyen de nous prémunir contre les employeurs qui tenteraient de bénéficier des dispositifs sans pour autant créer des emplois.
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 51 a pour objet, au début de la seconde phrase du second alinéa du paragraphe VI de l'article 3, après les mots : « Il peut être », d'insérer les mots : « , sous forme d'une imputation sur la cotisation due en vertu des dispositions de l'article 235 ter ZA du code général des impôts, ».
L'amendement n° 52 tend, dans le troisième alinéa du paragraphe VI de l'article 3, à remplacer les mots : « dans des conditions fixées par décret, » par les mots : « , par imputation forfaitaire sur la cotisation due au titre de l'article 235 ter ZA du code général des impôts, ».
La parole est à M. Fischer, pour défendre ces deux amendements.
M. Guy Fischer. Pour des raisons de similitude assez évidentes, je procéderai à une défense commune des amendements n°s 51 et 52, qui portent sur la nature de l'aide majorée accordée aux entreprises mettant en oeuvre une réduction négociée de la durée du travail.
On pourra nous objecter qu'il y a évidemment peu de chance que notre proposition figure dans le texte voté par notre assemblée, celle-ci ayant le regard rivé, si je puis dire, sur la ligne bleue des Vosges que constitue la réduction des cotisations sociales dues par les entreprises.
Le débat à l'Assemblée nationale a mis en évidence deux critères de majoration éventuelle de l'aide définie à l'article 3 du projet de loi.
Le premier critère consiste à valoriser l'embauche de personnes privées d'emploi qui rencontrent des difficultés particulières d'insertion, qu'il s'agisse des chômeurs de longue de durée, des jeunes demandeurs d'un premier emploi ou des salariés souffrant d'un handicap.
Nous constatons toutefois - et c'est une observation fondamentale - que l'ensemble de ces publics ciblés bénéficie déjà aujourd'hui, dans la pratique, de mesures incitatives à l'embauche assez largement inspirées de celle qui est préconisée par l'article 3. Il risque donc d'y avoir un chevauchement de dispositifs.
Le second critère de majoration porte sur les salariés de secteurs d'activité qui emploient une part importante d'ouvriers et où les salaires sont relativement plus faibles que dans la moyenne nationale. On pense, par exemple, au secteur du bâtiment et des travaux publics.
Aussi, nous préconisons une orientation légèrement différente, même si elle modifie quelque peu l'économie générale du projet de loi.
En l'occurrence, il s'agit d'imputer la majoration d'aide sur ce que la loi de finances rectificative pour 1995 a instauré, à savoir la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés, majoration qui frappe l'ensemble des entreprises assujetties et qui est d'ailleurs, dans sa définition, exclusive de toute disposition correctrice de l'impôt sur les sociétés « normal », notamment le report en arrière des déficits ou les crédits d'impôt.
Je me permets d'ailleurs de faire observer qu'un dispositif relativement analogue a été instauré lors de la discussion de la loi de finances pour 1998 : il s'agit de l'article 81, codifiant un article 220 octies du code général des impôts.
Nous n'avons donc pas la primeur, si je puis dire, de la proposition.
Elle s'explique, en fin de compte, par le fait que l'ensemble des entreprises est effectivement redevable de cette majoration, y compris, soit dit en passant, celles qui n'ont pas, au terme de l'année civile, de cotisation à payer au titre de l'article 219 du code général des impôts.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les amendements n°s 51 et 52.
M. le président. Par amendement n° 19 rectifié, Mmes Dieulangard et Derycke, MM. Mauroy, Percheron, Weber, Estier et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le paragraphe VI bis de l'article 3, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les organisations syndicales reconnues représentatives au plan national pourront bénéficier d'une aide de l'Etat destinée à soutenir les actions de formation des salariés qu'elles mandatent pour la négociation des accords visés au paragraphe II. »
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement vise à permettre aux salariés mandatés de disposer, s'ils le souhaitent, d'une formation de base à leur fonction. En effet, la négociation dont il s'agit en l'espèce porte sur un thème primordial mais aussi bien complexe pour les salariés, je veux parler de la réduction du temps de travail.
Elle ne manquera pas d'emporter des conséquences en matière de modulation du temps de travail et des rémunérations, qui sont, pour une majorité de salariés, le fondement même de leur activité professionnelle.
Il est également proposé que les accords signés dans les entreprises prévoient les modalités de suivi, sans doute à travers la mise en place d'un comité de suivi dont les salariés signataires seront à l'évidence membres.
Dans ces conditions, il nous paraît essentiel non seulement que ces salariés soient mandatés par une organisation syndicale représentative qui leur apportera son soutien, mais aussi que cette organisation soit en mesure de leur apporter une formation de base, dans des conditions satisfaisantes.
Cette formation devra pouvoir concerner aussi bien la période qui précédera immédiatement la négociation et la signature de l'accord d'entreprise que la période, sans doute encore plus cruciale, de sa mise en place.
En outre, ce dispositif implique que l'aide de l'Etat aux organisations syndicales pour assurer la formation des salariés prenne pleinement en compte les nouvelles responsabilités qui leur sont dévolues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements, à l'exception de l'amendement n° 3 rectifié qu'elle a elle-même présenté ?
M. Louis Souvet, rapporteur. En ce qui concerne le sous-amendement n° 62 rectifié, M. Cabanel comprendra que je m'exprime à titre personnel. En effet, depuis, ce sous-amendement a été rectifié, et la commission n'a pas eu l'occasion de l'examiner.
Le dispositif devrait favoriser la baisse de la durée du travail jusqu'à 32 heures pour les entreprises qui pratiquent actuellement les 39 heures. L'effet sur l'emploi devrait être intéressant. Toutefois, je ne sais si de nombreuses entreprises seront en mesure de mettre en oeuvre ce dispositif. Pour ce qui me concerne, j'émets un avis favorable sur ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 14 rectifié est satisfait par la rédaction de la commission, qui reprend le texte de la loi Robien, et par l'article 9 du projet de loi, qui prévoit un rapport établissant le bilan global du dispositif.
En effet, un accord Robien, et la convention qui l'accompagne puisque la commission se situe bien dans le dispositif de la loi Robien, prévoit nécessairement le nombre d'emplois créés, tandis que l'évolution des salaires et des coûts salariaux est un objet de la négociation, du « donnant-donnant ». En revanche, il est intéressant de connaître globalement, pour l'ensemble des accords, ce que prévoit l'article 9 du projet de loi, que nous n'avons pas encore examiné. Aussi, je demande à M. Marini de bien vouloir retirer ce sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 26, l'aide à la négociation dans les petites entreprises et à la réorganisation de l'entreprise est particulièrement souhaitable ; elle est d'ailleurs prévue par le paragraphe VI bis de l'article 3. En l'occurrence, il s'agit d'octroyer aux entreprises une aide financière spécifique à l'ingénierie dans le cadre de l'application de cet article. La commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 45 vise à s'assurer que les aides attribuées dans le cadre du volet de la présente loi contribuent effectivement à la création d'emplois. Ces procédures de consultation alourdissent le dispositif et sont sans utilité particulière, l'Etat exerçant déjà un contrôle lors de la signature de la convention. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.
L'amendement n° 34 rectifié s'applique à l'article 3. Or, la commission propose de réécrire cet article. Par conséquent, si cette nouvelle rédaction est adoptée, cet amendement n'aura plus d'objet. De plus, le dispositif prévu est un peu compliqué et se transforme en un dispositif d'insertion. Il y a là un mélange des genres, nous nous en sommes déjà expliqués. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 47 est formellement satisfait par l'amendement n° 3 rectifié. Comme nous conservons le volet défensif de la loi Robien, nous ne pouvons émettre qu'un avis défavorable sur cet amendement, qui n'aura plus d'objet si l'amendement de la commission est adopté.
Cette remarque vaut aussi pour l'amendement n° 48. On peut en effet s'interroger sur la durée pendant laquelle les emplois doivent être maintenus. Une durée de deux ans a été prévue. Les auteurs de cet amendement la portent à trois ans. Compte tenu de la durée d'exonération, cela n'est pas anormal.
La commission est défavorable à l'amendement n° 49 par coordination avec l'avis émis sur l'amendement n° 47. Elle est également défavorable à l'amendement n° 50, puisque l'amendement de la commission vise à réécrire l'article 3. Cependant, les auteurs de cet amendement auront satisfaction avec l'amendement n° 4 de la commission, qui répond au même souci de préservation des comptes des organismes de protection sociale. M. Fischer comme Mme Borvo en sont d'ailleurs bien informés.
L'amendement n° 51 prévoit un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices. La commission émet un avis défavorable, par coordination. De plus, cet amendement favoriserait uniquement les entreprises qui font des bénéfices.
Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 52. Par coordination, elle est également défavorable à l'amendement n° 53. De plus, les aides répondent à des objectifs différents.
S'agissant de l'amendement n° 19 rectifié, nous comprenons bien votre position, madame Dieulangard, et vous le savez. Toutefois, cette position est difficile pour vous, plus que pour nous, puisque vous auriez dû accepter notre amendement pour que nous puissions accepter le vôtre, sous la forme d'un sous-amendement, votre amendement (Sourires sur les travées socialistes.) dans sa rédaction actuelle étant contraire à la position de la commission, laquelle a réécrit l'article 3. Je le répète : nous comprenons bien le souci des auteurs de l'amendement, dont la mise en oeuvre ne sera d'ailleurs pas aisée. En effet, il sera difficile de faire en sorte que l'on puisse accorder une formation aux salariés mandatés pour négocier les accords. Personnellement, je considère qu'une telle formation n'est pas inutile. Cela étant dit, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite insister quelque peu sur l'amendement n° 3 rectifié puisqu'il vise à réécrire l'ensemble du mécanisme incitatif en partant du mécanisme Robien et en lui apportant des modifications. Je suis d'ailleurs heureuse de constater, monsieur le rapporteur, que vous partagez un certain nombre de critiques que nous avions formulées par rapport à la loi Robien du 11 juin 1996, en modifiant un certain nombre de points de cette loi.
Le dispositif qui est proposé par la commission rencontre en partie notre préoccupation. Ainsi en est-il de la nécessité d'une dégressivité de l'aide permettant à l'entreprise de se préparer à la réorganisation, ce qui n'était pas le cas dans la loi Robien. Ainsi en est-il encore des obligations d'embauche ou de maintien d'emplois, les seuils retenus par la commission étant identiques à ceux qui figurent dans le projet de loi. Enfin, nous sommes également d'accord sur la durée de l'aide, à savoir cinq ans, au lieu des sept ans prévus dans la loi Robien.
En revanche, nous avons d'importants désaccords de fond sur d'autres aspects du dispositif proposé. Le plus important tient à la forme même de l'aide. En effet, le projet de loi prévoit une aide forfaitaire pour bénéficier principalement aux petites et moyennes entreprises et aux bas salaires, alors que la commission souhaite maintenir une aide proportionnelle au salaire, même si elle limite cette aide en proposant un plafond.
Je remarque d'ailleurs que la version rectifiée de cet amendement est très différente de votre première version. En effet, elle entraîne un surcoût pour les entreprises dans lesquelles les salaires sont peu élevés. Ainsi, en ce qui concerne le SMIC, le montant de l'aide proposé par la commission ne représente en moyenne sur cinq ans que 62 % du montant de l'aide prévue par le Gouvernement : 4 300 francs contre 7 000 francs. La dernière année, il se réduit à moins de la moitié : 2 431 francs contre 5 000 francs.
Pour notre part, nous avons souhaité réduire le coût du travail pour les bas salaires car nous pensons - nombre d'orateurs l'ont dit ici - que les PME, les entreprises soumises à la concurrence internationale ont effectivement besoin d'une aide particulière.
En outre - et c'est peut-être le plus important dans le dispositif qu'elle propose - la commission ne reprend pas certains éléments fondamentaux du dispositif prévu par le Gouvernement.
Ainsi en va-t-il de la négociation dans les petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux, ce qui reviendrait en fait à empêcher la négociation dans 90 % des entreprises françaises. De même, disparaissent les dispositions touchant au contenu de l'accord et aux conditions du suivi paritaire de son application, qui me paraissent pourtant très importantes puisqu'il s'agit de donner de l'argent public en contrepartie d'emplois.
Enfin - et j'avoue ma perplexité à cet égard - le projet de la commission ne permettrait pas de moduler l'aide pour tenir compte de la situation des entreprises de main-d'oeuvre. J'avais pourtant cru comprendre que, en ce qui concerne l'emploi, le projet de l'opposition dans notre pays consistait aujourd'hui essentiellement à réduire le coût du travail pour les bas salaires et pour les entreprises de main-d'oeuvre.
Or, non seulement l'aide générale que vous proposez est moins favorable aux bas salaires, mais aussi vous supprimez l'aide que nous avons mise en place en faveur des entreprises qui sont soumises à la concurrence internationale et qui versent aujourd'hui des bas salaires. J'ai du mal à comprendre la cohérence de ce système, et je ne peux donc qu'y être défavorable.
M. Marini m'a posé une question. Je suis extrêmement étonnée que, d'une part, il puisse dire qu'il s'oppose à toute aide, qu'il compare à une espèce d'aumône faite aux entreprises et qu'il qualifie de subventions, alors qu'il s'agit d'exonérations des charges sociales, et que, d'autre part, il retire son amendement en se ralliant au dispositif de la commission, qui est pourtant moins favorable que le nôtre aux entreprises qu'il disait soutenir en défendant son amendement.
J'aurais souhaité que M. Marini défende avec la même force la cause des deniers publics lors de la mise en place de la ristourne progressive, qui coûte aujourd'hui 40 milliards de francs, sans aucune contrepartie en matière d'emplois (Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen), alors que les aides que nous proposons ont des contreparties et s'accompagnent d'un suivi paritaire qui permettra de vérifier que tout argent de l'Etat est effectivement consacré à la création d'emplois.
J'en viens au sous-amendement n° 62 rectifié. Je suis extrêmement sensible au fait que M. Cabanel souhaite apporter une aide complémentaire aux entreprises qui réduisent à moins de 35 heures la durée du travail, allant jusqu'à 32 heures. C'est d'ailleurs ce que fait le projet gouvernemental, qui porte, sur cinq ans, de 35 000 francs à 55 000 francs l'aide à la réduction de la durée du travail pour les entreprises qui vont jusqu'à 32 heures. C'est donc une aide plus forte en proportion de la réduction de la durée du travail, ce qui montre bien notre volonté d'inciter à ce mécanisme.
Mais M. Cabanel comprendra que je ne peux pas accepter ce rattachement à un dispositif que je conteste, même si je partage totalement l'esprit de sa proposition.
Je suis défavorable au sous-amendement n° 14 rectifié, qui vise à empêcher un système défensif en imposant qu'il y ait des créations d'emplois et non des sauvegardes d'emplois.
Je suis aussi défavorable au sous-amendement n° 26, qui présente pourtant une disposition avec laquelle je suis d'accord, puisque j'ai accepté un amendement identique à l'Assemblée nationale et que cette mesure figure donc dans le projet de loi.
Mais ce sous-amendement se rattachant à l'amendement de la commission, auquel je suis opposée, je ne peux pas émettre un avis favorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 45, nous partageons l'avis du groupe communiste républicain et citoyen selon lequel les aides de l'Etat doivent donner lieu à un suivi. C'est pourquoi nous souhaitons qu'un comité de suivi paritaire soit prévu dans les accords. Le CODEF sera saisi de l'ensemble des accords, ce qui signifie que l'ensemble des organisations seront informées des accords.
En revanche, je ne crois pas souhaitable de demander un avis préalable au CODEF ; une telle procédure entraînerait en effet des retards dans la mesure où le CODEF est une structure lourde ne se réunissant qu'une ou deux fois par an. Mais je crois important qu'il soit saisi de tous les accords pour que l'ensemble des organisations syndicales puissent procéder une fois par an à un bilan sur l'ensemble des aides apportées par l'Etat et des contreparties en matière d'emplois.
Je suis favorable à l'esprit des dispositions présentées par l'amendement n° 34 rectifié ; mais ce dernier me semble satisfait par le texte adopté par l'Assemblée nationale dans la mesure où ce dernier est ainsi rédigé : « Le montant de l'aide peut être majoré si l'entreprise prend des engagements en termes d'emploi supérieurs au minimum obligatoire, en particulier s'il s'agit d'une petite entreprise... Il peut être aussi majoré si l'entreprise prend des engagements spécifiques en faveur de l'emploi de jeunes, de personnes reconnues handicapées... ou de publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, en particulier les chômeurs de longue durée. »
J'invite, par conséquent, Mme Dusseau à retirer l'amendement n° 34 rectifié.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 47 qui, lui aussi, tend à supprimer le dispositif défensif.
De même, je suis défavorable à l'amendement n° 48, qui tend à porter de deux ans à trois ans le maintien de l'emploi. En effet, il me paraît très difficile, aujourd'hui, de contrôler au-delà d'une période de deux ans le maintien des effectifs. Toutefois, à la demande d'ailleurs du groupe communiste, nous avons renforcé le contrôle et les sanctions et prévu la possibilité de reversement des sommes s'il s'avérait que l'entreprise, au bout de cette période de deux ans, pour des raisons volontaires et non en raison de la disparition d'un marché, devait ne pas maintenir ses effectifs.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 49, tout en en comprenant l'esprit. En effet, cet amendement, qui tend à ce que la réduction du temps de travail évite l'intégralité des licenciements, empêcherait par exemple, lors d'un licenciement important, des reclassements externes qu'une entreprise pourrait prévoir.
J'en arrive à l'amendement n° 50 relatif à la sécurité sociale. Cela me permettra de répondre aussi à M. Descours, puisque j'avais omis de le faire hier sur ce point.
Comme je l'ai dit hier, nous savons - cela n'est contesté par personne - que la réduction de la durée du travail, qui entraîne la création d'emplois, est neutre pour les finances publiques dans leur ensemble si l'aide équivaut à 5 000 francs par an et par salarié. C'est pourquoi nous avons fixé l'aide structurelle à 5 000 francs. Ces 5 000 francs sont répartis entre des entrées fiscales dans le budget de l'Etat, des entrées à l'UNEDIC et des entrées à la sécurité sociale.
Le ministre de la sécurité sociale que je suis ne tient pas à ce que l'on fasse supporter par la protection sociale des sommes probables ou improbables qui entreraient dans les caisses de l'Etat.
C'est la raison pour laquelle, s'agissant, par exemple, de la ristourne dégressive, qui ne comporte aucune contrepartie mesurable, je souhaite que l'Etat puisse rembourser effectivement ces sommes à la sécurité sociale, comme cela est prévu dans la loi de 1994.
En revanche, dans notre système, nous pouvons contrôler au franc près non seulement le nombre de salariés embauchés, mais également leurs salaires et les entrées effectives de cotisations dans les caisses de la sécurité sociale.
Aussi, même si, en 1998, le Gouvernement a décidé de financer la totalité, je souhaite que, pendant cette année, nous puissions nous rapprocher - nous avons commencé à le faire - de nos partenaires de la caisse nationale d'assurance maladie afin de mettre en place non pas un système confus, improbable, mais un système de contrôle effectif des entrées de cotisations sociales liées à ces embauches. Ce sont seulement ces sommes-là qui ne seront pas remboursées. Nous sommes donc loin de systèmes généraux qui ont par le passé, j'en suis d'accord, creusé le trou de la sécurité sociale.
Je suis par ailleurs défavorable aux amendements n°s 51 et 52 pour une raison simple : si nous mettons ces aides en réduction de l'impôt sur les sociétés, nous n'en faisons pas bénéficier les entreprises ne payant pas d'impôt sur les sociétés ou fiscalement déficitaires.
Enfin, je suis favorable à l'amendement n° 19 rectifié et je regrette que la commission, tout en reconnaissant son intérêt, ne l'intègre pas dans son dispositif. Il me paraît en effet important que les salariés mandatés par les organisations syndicales soient formés à la négociation. C'est une garantie pour les salariés eux-mêmes et pour la qualité de la négociation. Le Gouvernement a d'ailleurs proposé aux organisations syndicales de financer cette formation qui sera dispensée aux salariés mandatés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Vous nous indiquez, madame le ministre, que votre dispositif, contrairement à celui de la commission, est favorable aux bas salaires, à l'emploi peu qualifié et aux entreprises de main-d'oeuvre.
Sans engager une bataille de chiffres, je vous indiquerai néanmoins que la commission des affaires sociales a réalisé différentes simulations : sur votre projet de loi, sur la loi Robien, ainsi que sur un reprofilage de la loi Robien selon cinq dispositions différentes.
Avec le mécanisme que vous soutenez, une année d'emploi revient à 123 627 francs, contre 144 412 francs pour ce que nous avons appelé le « reprofilé numéro 2 Robien » ; le dispositif que vous soutenez est susceptible de financer 6,25 emplois, alors que le nôtre en finance 5,79 ; le taux de couverture de votre dispositif de 104,19 %, et de 127,48 % s'il s'agit d'une entreprise de main-d'oeuvre, alors que le nôtre est de 96,45 %.
Je souhaiterais donc que le Gouvernement et la commission se rapprochent afin d'examiner où pèche l'une ou l'autre de nos simulations.
De fait, je pense que le projet du Gouvernement opère une confusion entre trois notions : la réduction de la durée légale du travail, la réduction de la durée effective du travail et l'allégement des charges pesant sur l'emploi peu qualifié. Or, la réduction de la durée légale du travail a pour premier effet de poser la question du SMIC et d'entraîner inéluctablement - nous en prenons le pari - une revalorisation du SMIC de 11,4 %, sous une forme ou sous une autre. Vous avez indiqué hier, madame le ministre, qu'il n'était pas souhaitable que la réduction du temps de travail se distingue également par une réduction des salaires.
La réduction de la durée légale du travail aura pour premier effet d'alourdir le coût du travail des emplois peu qualifiés et donc de réduire les recours à ce type d'emploi.
Le projet de loi tente de compenser cet effet par une exonération des charges forfaitaires doublée de surcroît d'une majoration pour les entreprises de main-d'oeuvre. Cette exonération est d'ailleurs très dégressive puisqu'elle est ramenée à 13 000 francs la première année et à 6 000 francs la quatrième année.
Le système proposé par la commission, qui est fondé non pas sur la durée légale mais sur la réduction de la durée effective du travail librement négociée, n'emporte pas les mêmes conséquences que le projet de loi et ne justifie donc pas, évidemment, le recours aux mêmes remèdes.
La réduction librement négociée du temps de travail peut être un facteur de souplesse et de compétitivité qui ne doit pas pénaliser les emplois qualifiés dont nos entreprises ont besoin pour affronter la concurrence mondiale.
En revanche, qu'un allégement structurel du coût du travail peu qualifié soit nécessaire est une évidence. On se demande dès lors pourquoi le Gouvernement a choisi de rogner sur les effets de la ristourne dégressive. Mais le dispositif du projet de loi, qui lie réduction de la durée légale du travail et allégement des charges pesant sur les emplois peu qualifiés, vise deux objectifs contradictoires qui s'annulent.
MM. Alain Gournac et Philippe Marini. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de solidarité. Nous n'allons pas nous lancer maintenant dans une bataille de chiffres, mais je crois effectivement important que la commission et le Gouvernement puissent se rapprocher pour examiner les simulations. Je persiste en effet à penser que, même dans la configuration de base, notre dispositif est plus favorable que le vôtre aux salariés payés au SMIC ou percevant des bas salaires. Et je ne compte pas l'aide majorée que le Gouvernement souhaite mettre en place en faveur des entreprises de main-d'oeuvre et que la commission, pour sa part, supprime.
Le mieux serait donc que nous parvenions à nous rapprocher, pour être au moins d'accord sur nos désaccords !
M. Louis Souvet, rapporteur. Oui, parce que les chiffres ne disent pas cela !
M. Emmanuel Hamel. Pour arriver enfin à un accord !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 62 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Marini le sous-amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. La commission estimant que ce sous-amendement est satisfait, je le retire.
M. le président. Le sous-amendement n° 14 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 26, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 45, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Jugées par la majorité de la commission des affaires sociales préjudiciables aux entreprises à l'emploi, coûteuses pour les finances publiques et incompatibles avec le passage programmé à l'euro, les dispositions du présent projet de loi font l'unanimité contre elles.
Arguant de l'ampleur effarante de l'investissement initial, du caractère contraignant du dispositif, on délaisse la démarche volontariste choisie par le Gouvernement pour mener la réduction du temps de travail la plus créatrice d'emplois possible, préférant réformer la loi Robien.
L'amendement de la commission des affaires sociales que nous venons d'examiner tend à apporter des modifications aux articles 39 et 39-1 de la loi quinquennale et vise à la suppression de la référence à l'expérimentation.
Ces modifications ne sont guère substantielles. L'économie générale de ce texte, que nous avions combattu avec force tant en 1993 qu'en 1996, reste inchangée.
Les aides accordées le sont en contrepartie de créations ou de préservation d'emplois, mais sans pour autant préciser quel type d'emplois. S'agit-il d'emplois précaires, rémunérés faiblement, ou d'emplois stables, qualifiés, permettant de prétendre à une rémunération décente ? Nous connaissons vos penchants pour le temps partiel, pour la flexibilité dans l'organisation du travail.
Vos propositions d'amendement sur l'ensemble du texte prouvent, s'il en était encore besoin, que votre priorité n'est ni la réduction du temps de travail en tant que telle ni l'emploi, mais la recherche absolue de la souplesse des horaires de travail sur la semaine, voire sur l'année.
La modulation de type III, qui permet de négocier l'annualisation du temps de travail sans en fixer le volume, est votre outil préféré pour aménager le temps de travail.
En somme, vous voulez restaurer le flux tendu de la main-d'oeuvre, faire travailler seulement quand il y a du travail !
Vous voulez que le Sénat s'engage dans un processus d'aménagement d'un dispositif qui a déjà montré ses faiblesses, ses limites, ses dangers et son coût.
J'ai à l'esprit un exemple très révélateur : le plan social de Moulinex.
Mme Hélène Luc. Oui ! Très bien !
M. Guy Fischer. Si, à l'époque, l'entreprise était « malade », le volet défensif de la loi Robien lui a été appliqué. Pour quel bilan aujourd'hui ? Le temps de travail a été réduit, je vous l'accorde, mais la proportion d'emplois sauvegardés est-elle significative au regard des 80 millions de francs par an de fonds publics distribués ?
Je crois savoir que non seulement la trésorerie a été restaurée - les dividendes l'ont été par voie de conséquence - mais que l'entreprise dispose d'un volant de plusieurs centaines d'intérimaires.
En définitive, l'argent public aura financé la restructuration de l'entreprise sans que les actionnaires n'en pâtissent, alors que les salariés ont trinqué. Et l'emploi ? Les intérimaires sont venus renforcer les équipes.
Mme Hélène Luc. Très bon exemple !
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen entend s'opposer résolument au retour en force d'un dispositif coûteux et inefficace. C'est le sens de notre vote contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.) Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. M. le rapporteur exprime, depuis le début de ce débat, l'opinion que, si l'on retire de ce projet de loi l'article 1er qui fixe un objectif chiffré et une date pour y parvenir, le reste du texte, tel qu'il est issu du conseil des ministres, n'est pas très différent de la loi Robien.
La majorité de la commission en déduit qu'il est donc préférable de « reprofiler » cette loi Robien, afin d'en limiter le coût.
Ce faisant, vous nous donnez, sans doute involontairement et a posteriori, raison. En effet, nous avions particulièrement critiqué, lors de la discussion de ce texe, un coût très élevé par rapport au nombre d'emplois susceptibles d'être créés. L'expérience, comme cet amendement, montre que nous n'avions finalement pas tort, malgré l'intérêt de la démarche entreprise.
Mais la véritable question - et c'est ici que nous divergeons plus fondamentalement - reste celle des objectifs que nous visons les uns et les autres.
Vous nous proposez, en fait, une modification essentielle de la loi Robien, sans toucher à son défaut majeur : l'aide est attribuée en pourcentage du salaire, ce qui favorise de façon non négligeable les effets d'aubaine.
Vous dites que cette méthode est préférable parce qu'elle favorise l'embauche de personnels qualifiés. Précisément, ces personnels ne sont pas ceux qui sont le plus touchés par le chômage : même après un certain délai, ils trouvent en général un emploi, dans une économie qui manque dans certains secteurs de personnels compétents.
En d'autres termes, nous faisons financer par la collectivité nationale, par le contribuable, l'embauche de demandeurs d'emploi qui auraient de toute façon trouvé un emploi.
Avec la loi Robien, quel qu'en soit le profil, nous soutenons les entreprises bien davantage que nous ne facilitons la création d'emplois. C'est un choix qui a sa logique propre : favoriser les employeurs et la rémunération du capital plutôt que celle du travail.
M. Emmanuel Hamel. C'est un jugement inéquitable !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le chômage touche principalement les personnels les moins qualifiés, avec le cortège de difficultés matérielles que nous connaissons et qui se répercutent sur l'ensemble de la vie des familles. Nous aurons bientôt l'occasion d'y revenir.
La nation a donc le devoir non seulement de réparer les effets dévastateurs de l'exclusion, mais aussi de les prévenir loin en amont. Notre effort doit porter sur l'entrée et le retour dans l'emploi de ces catégories, dans un objectif tout à fait impératif et urgent de cohésion sociale.
Cela implique la réduction du temps de travail, mais aussi que les aides pour y parvenir soient forfaitaires, afin de ne pas laisser à nouveau sur le bord du chemin, à l'écart de la croissance, ces catégories sociales.
Cette option est renforcée par les majorations en faveur des entreprises de main-d'oeuvre et de celles qui offriront des emplois stables en contrats à durée indéterminée.
S'y ajoute la moralisation du temps partiel qui, dans ses aspects les plus pénalisants, frappe surtout les salariés, les femmes, les moins qualifiés. Là aussi, vous êtes très restrictif par rapport aux mesures que nous proposons.
Le projet de loi prévoit donc une cohérence d'ensemble différente de la vôtre. La situation de l'emploi exige des mesures plus énergiques que le simple reprofilage de la loi Robien. Notre choix est de faciliter la création d'emplois stables, avec des conditions de travail acceptables, pour des salariés aujourd'hui menacés.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 3 rectifié. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. A l'article 1er, la majorité sénatoriale a suivi la commission des affaires sociales et elle a supprimé le passage obligatoire aux 35 heures au 1er janvier 2000 ou au 1er janvier 2002 selon la taille de l'entreprise.
A l'article 2, la majorité sénatoriale a également suivi la commission des affaires sociales et elle a voté l'annualisation, en faisant comme si, en 1982, en 1987 et en 1993, elle n'avait pas déjà adopté des textes relatifs à l'annualisation. Elle a donc effacé, d'une certaine manière, les effets de lois qui, si elles mettaient en place une nécessaire souplesse pour les entreprises, instituaient aussi des garanties minimales pour les salariés en prévoyant les horaires maximaux susceptibles d'être effectués dans la journée ou dans la semaine.
M. Jean Chérioux. Oh !
Mme Joëlle Dusseau. Oui, et vous avez voté cette disposition en sachant ce que cela peut signifier pour les salariés dans la situation actuelle, avec le taux de chômage que l'on connaît.
M. Philippe Marini. Nous voulons le réduire ! Cela nécessite de la souplesse.
M. Jean Chérioux. C'est cela !
Mme Joëlle Dusseau. Oui, c'est tout à fait cela !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! La parole est à Mme Dusseau, et à elle seule.
Mme Joëlle Dusseau. Merci, monsieur le président.
A l'article 3, que nous examinons maintenant, la commission des affaires sociales propose, et vous allez la suivre, le maintien de la loi Robien.
Certes, elle prévoit une limitation des avantages de la loi en instaurant un plafond, en limitant l'aide et en installant un dispositif de sortie. Mais enfin, mes chers collègues, vous faites perdurer un système à propos duquel on dispose d'un bilan - cela fait plus de dix-huit mois qu'il est appliqué - faisant apparaître un coût élevé, des avantages importants pour les entreprises et des résultats faibles en termes de création d'emplois.
M. Philippe Marini. M. Jospin en dit pourtant grand bien !
Mme Joëlle Dusseau. En tout cas, moi, je n'en dis pas grand bien (Exclamations ironiques sur les travées du RPR) parce que, en novembre 1997, on a pu constater que seuls 18 000 à 20 000 emplois avaient été soit créés soit maintenus. De plus, alors que, à l'origine, il était prévu deux tiers de conventions dites offensives et un tiers de conventions dites défensives, la réalité a montré que ces conventions se sont réparties pour moitié dans les deux catégories. Ainsi, sur plus d'un an, seuls 10 000 emplois ont été effectivement créés. La belle affaire !
M. Philippe Marini. Et les emplois sauvegardés, cela ne compte pas ?
Mme Joëlle Dusseau. Et même si, aujourd'hui, autour de 30 000 emplois ont été concernés, cela fait au maximum 15 000 créations.
M. Philippe Marini. Voilà qui prouve que la réduction du temps de travail n'est pas très efficace et coûte cher !
M. Jean Chérioux. Oui ! C'est une preuve !
Mme Joëlle Dusseau. Je crois effectivement que la loi Robien a montré et montre quotidiennement à la fois son intérêt, mais aussi son coût et, en tout cas, ses limites.
M. Philippe Marini. Cela devrait vous inviter à plus de modestie !
M. Jean Chérioux. Nous proposons de réduire ce coût !
Mme Joëlle Dusseau. Comme cette loi a montré son intérêt, son coût et ses limites, prenons-là pour ce qu'elle est, une expérimentation coûteuse, pas inintéressante, mais dont il faut tirer les conséquences.
M. Philippe Marini. Donc, il ne faut pas réduire le temps de travail !
Mme Joëlle Dusseau. C'est vrai que j'aurais préféré, pour ma part - je l'ai dit à la tribune - une baisse plus résolue, plus forte, plus ample de travail.
M. Philippe Marini. Zéro heure !
Mme Joëlle Dusseau. J'aurais préféré, pour ma part - je l'ai dit à la tribune - que l'on aille plus résolument vers la négociation.
M. Philippe Marini. Bonne idée !
Mme Joëlle Dusseau. Mais, sur ce point, il faut constater un échec, qui est lié à la fois à la tradition de notre pays, à sa culture, mais aussi à un refus du patronat de prendre le taureau par les cornes.
Quand on constate un échec, il faut prendre d'autres types de mesures. Il faut passer effectivement de l'incitation, dont on a vu les limites, à la loi, qui facilite la négociation par des aides tout en mettant en place une date butoir. Il faut effectivement passer à l'acte.
M. Jean Chérioux. Solution magique garantie !
Mme Joëlle Dusseau. Certes, elle est étatique.
M. Alain Gournac. Très étatique !
Mme Joëlle Dusseau. Je ne sais pas si elle sera magique, mais, actuellement, mes chers collègues, nous ne pouvons pas rester dans la situation où nous sommes.
M. Jean Chérioux. Non, il ne faut pas en rester là !
M. Christian de La Malène. Il faut faire autre chose ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Sans Maastricht, tout irait mieux !
Mme Joëlle Dusseau. Nous avons fait, les uns après les autres, gouvernement après gouvernement, gauche puis droite, puis droite et à nouveau gauche,...
M. Hilaire Flandre. Ce n'est jamais arrivé chez les radicaux. C'est dommage ! (Nouveaux sourires.)
Mme Joëlle Dusseau. ... le même constat. Tous, depuis quinze ans, nous avons mis en place des politiques...
M. le président. Madame Dusseau, je vous prie de conclure.
Mme Joëlle Dusseau. Tout cela prouve clairement que nos politiques antérieures, quel que soit le jugement que l'on porte sur elles, ont été inefficaces et que nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle compte tenu des conséquences sociales dramatiques qu'elle entraîne.
Il faut donc passer à quelque chose de plus ambitieux.
M. Emmanuel Hamel. Retrouvons notre liberté d'action, libérons-nous de Maastricht !
Mme Joëlle Dusseau. Or, cette loi me paraît être quelque chose de plus ambitieux, et c'est pourquoi je voterai contre l'amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je tiens d'abord à relever que Mme Dusseau m'a prêté des propos que je n'ai jamais tenus.
M. Alain Gournac. Cela lui arrive souvent !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je l'invite donc à bien relire ce que j'ai écrit et à rectifier. Mais tout cela, ce n'est pas grave !
S'agissant des principes, l'allégement du coût du travail peu qualifié repose sur le mécanisme de la ristourne dégressive, que vous remettez actuellement en cause, madame le ministre. Il ne faut pas tout mélanger : les 35 heures, c'est une chose, et les bas salaires, c'en est une autre. Les mécanismes sont, à l'évidence, différents.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 3 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
M. Claude Estier. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements n°s 34 rectifié, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53 et 19 rectifié n'ont plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 3