M. le président. « Art. 3 bis. - Après le dernier alinéa de l'article 706 du code de procédure civile (ancien), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si le montant de la mise à prix a été modifié dans les conditions prévues au sixième alinéa de l'article 690 et s'il n'y a pas eu d'enchère, le bien est immédiatement remis en vente sur baisses successives du prix fixées par le juge, le cas échéant jusqu'au montant de la mise à prix initiale. A défaut d'adjudication, le poursuivant est déclaré adjudicataire pour la mise à prix initiale. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 3 est déposé par M. Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 1. M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. J'ai le sentiment, monsieur le président, d'avoir, dans mon propos liminaire, fourni toute l'argumentation en faveur de la suppression de l'article 3 bis. Je n'en dirai donc pas davantage.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Robert Pagès. Tout le monde aura maintenant compris qu'avec la suppression de l'article 3 bis il s'agit en fait d'empêcher que le prix le plus bas ne soit retenu, grâce à une manoeuvre.
Certes, la suppression n'est pas une solution parfaite, mais, si nous avons l'occasion de poursuivre notre réflexion, nous perdrons moins de temps que s'il nous faut remettre un nouveau texte sur le métier !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 1 et 3 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je me suis déjà longuement expliqué sur ce point dans la discussion générale, car il s'agit du principal point qui reste en discussion, tout le monde s'accordant à reconnaître que les autres dispositions tendent à améliorer sensiblement la situation des débiteurs surendettés.
Je veux toutefois rappeler la position de la commission des lois : rendre adjudicataire un créancier poursuivant à un prix qui n'est pas fixé par lui est impossible car contraire aux principes fondamentaux de notre droit civil.
Nous avons donc tenté de trouver un palliatif, mais, si certains d'entre vous, ou le Gouvernement, avaient proposé un autre dispositif, nous l'aurions volontiers accueilli !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'en ai proposé un !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, monsieur Dreyfus-Schmidt : la commission en a proposé un !
Je rappelle tout de même qu'en droit civil on ne peut obliger quelqu'un à acheter à un prix qu'il n'a pas fixé.
Si le juge estime que la mise à prix est insuffisante, la vente sera remise, une autre saisie sera opérée dans les trois mois, et on pourra recommencer indéfiniment sans que le problème soit jamais résolu.
Il faut donc trouver une issue, c'est-à-dire, s'il n'y a pas de nouvelle mise à prix, un moyen intermédiaire qui permette de rapprocher l'offre et la proposition, comme cela se pratique dans d'autres secteurs du droit, notamment en matière de liquidation judiciaire.
Telle était la proposition qu'avait faite la commission des lois du Sénat en première lecture.
Nous persistons à affirmer que l'article 3 bis est indispensable à l'équilibre du texte.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 1 et 3.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Plusieurs raisons plaident pour la suppression de l'article 3 bis proposée par le Gouvernement.
Je rappelle tout d'abord que cet article 3 bis ne figurait pas dans le texte initial. Il a été introduit en première lecture au Sénat, sur proposition de notre rapporteur - et ce n'est nullement un reproche, car c'est le droit, connu et reconnu, de tout rapporteur,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... et de la commission !
M. Guy Allouche. ... et de la commission, bien évidemment.
Cet article prévoit la possibilité de remise en vente du bien saisi sur baisses successives de prix si aucun acquéreur ne se présente.
En instaurant une telle mesure, M. le rapporteur a cherché, en quelque sorte, à rééquilibrer, au profit du créancier de bonne foi - si tant est qu'il y en ait de mauvaise foi ! - le nouveau dispositif qui ouvre la faculté de contester la mise à prix fixé initialement par le poursuivant et établi désormais par le juge si ce dernier reconnaît le fondement de la contestation du débiteur.
Je tiens tout de même à rappeler, s'agissant de l'intervention du juge, saluée de manière positive, tout à l'heure encore, par M. le secrétaire d'Etat, que le juge, qui n'est pas forcément un spécialiste en matière immobilière, s'entourera d'experts. Le prix qu'il fixera pour la mise en vente résultera d'une estimation qui lui sera fournie par un ou plusieurs experts. En fonction de celle-ci, le juge sera à même d'apprécier, comme il se doit, la valeur réelle du bien au moment où celui-ci est mis en vente.
L'article 3 bis est contestable car, en organisant une baisse successive du prix jusqu'au prix plancher fixé par le poursuivant, il revient à appliquer le droit en vigueur et à ainsi vider de sa substance l'objet même de la proposition de loi qui est spécifiquement relative à la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière, et elles seules.
La situation du débiteur de bonne foi et celle du créancier ne peuvent être placées sur le même plan. Les intérêts en jeu sont opposés et rendent vaine la recherche de l'équilibre évoqué à l'appui de cet article.
Sans esprit de provocation, il n'est même pas choquant de penser que le créancier puisse devenir adjudicataire à un prix qu'il n'a pas fixé dans la mesure où le déroulement de la procédure prévoit, dès le début, une telle éventualité. En invitant les poursuivants à prendre leur responsabilité, on favorise en amont la recherche d'une solution à l'amiable et on renforce ainsi la protection du débiteur.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. Guy Allouche. L'article 3 bis recèle d'autres inconvénients.
En première lecture, j'avais déjà attiré l'attention du Sénat sur les risques de collusion, risques qu'on ne peut écarter, entre les personnes intéressées qui attendront systématiquement la baisse de la mise à prix.
Par ailleurs, chaque baisse de la mise à prix ne manquera pas d'apparaître comme une sorte de désaveu pour le juge. Elle risque, comme le soulignait Mme Neiertz à l'Assemblée nationale, « de faire perdre toute confiance dans la procédure judiciaire, les juges faisant figure de complices ».
Enfin, j'ai pris connaissance avec attention des propositions formulées par le groupe de travail sur le surendettement et qui figurent dans un remarquable rapport d'information intitulé Le surendettement : prévenir et guérir : signé par nos deux éminents collègues MM. Hyest et Loridant. Ces derniers préconisent l'adoption dans les meilleurs délais de cette proposition de loi. Mais ils se contentent de souligner son intérêt par rapport à la coordination de la procédure de saisie et à celle du surendettement. En aucun cas, ils ne font référence à la protection du débiteur dans le cadre de la mise à prix du bien saisi fixée par le juge en cas de contestation, et encore moins au dispositif de l'article 3 bis de la proposition de loi.
Compte tenu de ces observations, je demande au Sénat de bien vouloir adopter les amendements visant à supprimer l'article 3 bis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1 et 3, repoussés par la commission.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3 bis.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article 4