M. le président. « Art. 3. _ L'article L. 4133-1 du même code est ainsi modifié :
« I. _ Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Avant chaque tour de l'élection, les candidats à la fonction de président du conseil régional adressent au doyen d'âge une déclaration écrite présentant les grandes orientations de leur action pour la durée de leur mandat et la liste des membres du conseil auxquels ils donneront délégation en vue de la constitution de son bureau. Le doyen d'âge en informe sans délai le conseil régional qui procède à l'élection du président dans l'heure qui suit. »
« II. _ Supprimé . »
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 20 est présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission.
L'amendement n° 4 est déposé par M. Hyest.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Courtois et les membres du groupe du RPR.
L'amendement n° 14 rectifié est déposé par MM. Carle, Raffarin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous quatre tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 20.
M. Paul Girod, rapporteur. Contrairement aux deux premiers articles, l'article 3 pose un certain nombre de problèmes : il s'agit non plus de ranger la bibliothèque, mais de savoir si l'on achète ou non un ouvrage.
Monsieur le ministre, nous avons déjà beacoup parlé de cet article 3 lors de la discussion générale, et je faisais alors remarquer qu'il introduise dans notre droit quelques nouveautés un peu particulières.
L'article 3 fixe les conditions de l'élection du président du conseil régional et précise que tout acte de candidature doit être accompagné d'une déclaration écrite sur les intentions du candidat et de la liste des personnes du conseil régional à qui il entend donner délégation - sous-entendu après son élection.
Monsieur le ministre, je suis obligé de vous rappeler un certain nombre de choses, et d'abord de simple bon sens : il n'est point nécessaire d'être candidat pour être élu président du conseil régional ! C'est une coutume de l'être, mais un maire peut être élu aux fonctions de maire, puis les refuser, sans avoir été candidat et un président de conseil général peut tout aussi bien être élu par son conseil sans avoir été candidat. Il peut en aller de même pour un président de conseil régional.
Telle était ma première observation, qui se fonde d'ailleurs sur un arrêt du Conseil d'Etat de 1984, « Election du maire et des adjoints de Chapdeuil ».
Le tribunal administratif amême fait remarquer que le fait qu'un conseiller déclare qu'il n'est pas candidat ou même qu'il refusera les fonctions de maire ou d'adjoint n'entraîne aucune conséquence ; le conseiller reste cependant éligible. C'est dire que prévoir, pour l'élection du président, une condition préalable semble un peu excessif.
Deuxième observation : qui préside la réunion au cours de laquelle le président du conseil régional va être élu ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Le doyen d'âge !
M. Paul Girod, rapporteur. Effectivement, le doyen d'âge, dont la mission est clairement circonscrite : présidence de l'assemblée délibérante lors de la séance de l'élection du maire, du président du conseil général ou du conseil régional, avec un rôle limité à la police de l'assemblée pendant le déroulement du scrutin.
Le doyen d'âge ne se voit pas accorder le moindre rôle, par exemple, lors de la démission du président. Il n'entrera en scène que le jour de la séance de l'élection du président et pour sa seule durée. C'est dire qu'il n'a, de tradition républicaine constante, aucun autre rôle que celui que je viens de dire et, bien entendu, pas celui de recevoir des déclarations, d'en donner acte, d'en vérifier le contenu.
Troisième observation, il est dit : « auxquels ils donneront délégation ». Monsieur le ministre, on ne pourra donner délégation qu'à des membres de la commission permanente, dont la composition n'est pas fixée, puisqu'un règlement intérieur antérieur ne s'impose pas au conseil régional nouvellement élu, et dont le nombre n'est pas fixé non plus au moment où l'on élit le président.
M. Jean-Pierre Raffarin. Exact !
M. Paul Girod, rapporteur. Comment voulez-vous, dans ces conditions, dire clairement à qui sera donné délégation puisqu'on ne connaît même pas le nombre de ces délégations ? Ce peut être une ou aucune. En effet, rien n'impose à un président de conseil régional de donner délégation à qui que ce soit. La délégation est un acte personnel, et sur ce point la jurisprudence est constante. Il existe un droit de la délégation.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. De plus, une délégation peut être annulée !
M. Paul Girod, rapporteur. Effectivement, une délégation peut être annulée à tout moment. Elle est accordée intuitu personae du délégant au délégataire ; elle n'est soumise à aucun contreseing ; elle n'engage que la responsabilité du délégant et le délégataire agit sous la responsabilité de celui-ci. Qui plus est, ce sont des délégations de signature et non des délégations de pouvoir, puisque le président reste le seul exécutif du conseil régional, ce qui n'est pas le cas des ministres.
Dans ces conditions, faire de la déclaration préalable et de la liste des délégataires éventuels une condition substantielle remise entre les mains d'un président doyen d'âge qui n'a aucun pouvoir pour les accepter est une innovation pour le moins hasardeuse dans notre droit public. Si elle était retenue, elle serait une source de contentieux inextricables : d'aucuns pourraient, après le retrait ou la non-attribution d'une délégation, contester la totalité des opérations d'élection du président du conseil régional.
Telles sont les raisons pour lesquelles... il faut que je trouve un terme qui ne blesse personne, mais c'est difficile en ce moment, et j'ai peur que le mot « élucubration » ne vexe certains de mes collègues... cette « construction » qui nous vient de l'Assemblée nationale me semble présenter quelques caractères de faiblesse. Par conséquent, la commission propose au Sénat de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Jean-Jacques Hyest. Si l'imagination est quelquefois productive, elle ne l'est pas toujours, et proposer ce système relève d'une méconnaissance très profonde du fonctionnement des institutions locales.
C'est pourquoi, comme la commission, nous proposons de supprimer l'article. Mais M. le rapporteur a expliqué mieux que je ne saurais le faire les motifs pour lesquels nous devons nous opposer à ce dispositif.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. M. le rapporteur, avec sa technique habituelle, a parfaitement traduit le sentiment que l'on peut éprouver devant un tel article. Je me demande si ceux qui l'ont écrit ou qui ont contribué à sa rédaction ont jamais mis les pieds dans une assemblée locale de qulque importance ! On me dit que M. Mazeaud compte parmi ceux-là. Ses compétences en matière de collectivités locales...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Elles sont faibles !
M. Jean-Jacques Hyest. Comme quoi un peu de cumul de mandats...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est ça !
M. Jacques Larché, président de la commission. ... sont limitées. En revanche, M. Ayrault, qui figure également, me dit-on, parmi les rédacteurs de l'article, est un maire parfaitement reconnu...
MM. Charles Ceccaldi-Raynaud et Jean-Jacques Hyest. Absolument !
M. Jacques Larché, président de la commission. ... d'une ville importante, dont le conseil municipal compte sans doute davantage de membres que certains conseils régionaux. Je l'affirme de mémoire, mais j'en suis à peu près sûr. (MM. Allouche et Hyest approuvent.)
J'aimerais bien demander à M. Ayrault, dans la mesure où il est, d'après ce qu'on m'a dit, et je ne le mets pas en doute, un très compétent responsable d'une collectivité territoriale, comment il a pu imaginer un « truc » pareil !
M. Josselin de Rohan. C'est ubuesque !
M. Jacques Larché, président de la commission. C'est Ubu - merci, Josselin - au sein des conseils ! Cela ne fonctionnera pas et les contentieux seront innombrables.
Il faut méconnaître tous les fondements du fonctionnement d'une collectivité territoriale importante pour songer un seul instant que ce système pourrait être mis en vigueur à un moment quelconque.
Alors, pour faire accepter une telle mécanique - j'ai dit « truc » tout à l'heure, ce n'etait pas très gentil -, j'en arrive à penser qu'en désespoir de cause, pour inventer quelque chose, on a inventé n'importe quoi !
Le Sénat n'acceptera jamais, responsables, dans la mesure où nous le sommes, du bon fonctionnement des collectivités territoriales, qu'un tel système puisse être mis en place. Une fois qu'il sera adopté - parce qu'il le sera, nous le savons, monsieur le ministre : vous avez le pouvoir de le faire adopter, même si la plupart de ceux qui vous soutiendront n'ont aucune expérience en la matière et sont incapables de comprendre le fonctionnement de ce qu'ils nous proposent - nous irons devant le Conseil constitutionnel. On verra bien...
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je ne défends rien du tout. (Sourires) de M. Larché. Je voudrais compléter l'argumentation... (Sourires.)
M. le président. Vous n'avez la parole que pour présenter l'amendement n° 12, monsieur Ceccaldi-Raynaud. Mais, bien entendu, vous pouvez dire ce que vous voulez en développant vos arguments, et réagir sur l'intervention de M. le président de la commission.
M. Guy Allouche. Vous devez défendre votre amendement !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Tu veux bien, mon frère ? (Sourires.)
M. Guy Allouche. Veuillez me pardonner, mon cher collègue !
M. le président. Vous avez la parole, monsieurCeccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est pardonné avant d'être demandé !
Je pense, comme cela a été magistralement exposé, que le système qui nous est proposé est une billevesée.
En revanche, si l'on exigeait du président qu'il présente en même temps son équipe, cela pourrait être admis : c'est ce qui existe en Corse !
M. le président. La parole est à M. Raffarin, pour défendre l'amendement n° 14 rectifié.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je vais tout à fait dans le sens de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des lois sur ce point.
Je crains, pour ma part, des dérives qui seraient très préoccupantes, et je m'adresse à vous, monsieur le ministre, qui êtes attaché au bon équilibre démocratique des assemblées.
Je me souviens d'avoir assisté, en tant que député européen, à un débat auquel participait le président doyen d'âge, M. Autant-Lara, du Front national !
Imaginez quels sont les risques avec des déclarations écrites, qui vont naturellement déboucher sur un débat politique !
Vous demandez à un doyen d'âge, chargé d'assurer la police de l'assemblée et de procéder à l'élection, d'animer un débat politique sur des déclarations écrites pour la durée du mandat !
Quelles sont, pour un président de conseil régional, les opportunités de décision ? La plus importante, c'est la contractualisation ; en effet, l'acte financier majeur, si l'on excepte le vote du budget, c'est le contrat de plan Etat-région, qui requiert une négociation et donc une discussion. Comment s'engager cinq ans à l'avance dans une déclaration écrite sur ce que doit être la position de la région alors qu'on ne connaît pas encore la position de l'Etat, face auquel on va se trouver dans la contractualisation ? C'est la première dérive que je crains.
Deuxième dérive, ce sont ces délégations que l'on donne le jour de l'élection et que l'on enlève le lendemain. Songez un peu à toutes les manoeuvres auxquelles on peut se prêter ce jour-là puisque la délégation peut être enlevée aussi rapidement qu'elle aura été attribuée ! Les candidats éventuels pourraient, pour gagner des voix, « offrir » des délégations qu'ils retireraient ensuite, trompant ainsi l'assemblée. Cela est très dangereux.
Ce qui me paraît très préoccupant également - M. le rapporteur l'a dit tout à l'heure - c'est de faire croire qu'une vie démocratique dans une assemblée est bloquée, ficelée, dès le premier jour.
Une assemblée est vivante. Les contours des majorités entre démocrates sont par nature évolutifs. On doit chercher à rassembler. Pourquoi ficeler ses partenaires ? Peut-être ce texte traduit-il la volonté de ses auteurs, dans le cadre de majorités plurielles « X », voire complexes, de « ficeler » les partenaires.
Laissons les assemblées respirer et, sur chaque texte, les uns et les autres se prononcer. C'est ainsi que l'on donnera confiance dans la démocratie, et non pas en imposant des passages forcés. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 20, 4, 12 et 14 rectifié ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Le Sénat comprendra que le Gouvernement ne soit pas favorable à la suppression de l'article 3.
M. Raffarin veut qu'on laisse les assemblées respirer. Je répondrai, soutenant la position de l'Assemblée nationale, qu'il ne faut pas les conduire à l'axphyxie. A la vérité, c'est précisément pour éviter les situations que nous avons connues - ou que nous pourrions connaître encore - que cette démarche a été adoptée, non pas de la seule volonté de M. Jean-Marc Ayrault, mais bien de la volonté d'une large majorité de l'Assemblée nationale.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Elle n'y connaît rien !
M. Daniel Vaillant, ministre ded relations avec le Parlement. La suppression de cet article conduirait à faire disparaître une pièce importante du dispositif élaboré par l'Assemblée nationale.
Je ne suis pas, ici, habilité à faire le tri entre les compétences des uns et celles des autres ; il y a deux assemblées, un Parlement, et je veux simplement vous donner la position du Gouvernement.
Cette pièce importante du dispositif permet, lors de l'élection de l'exécutif régional, de connaître les intentions d'alliance d'un candidat, à la fois pour les orientations générales qu'il souhaite donner à la collectivité et pour sa gestion courante.
Le Gouvernement ne vous cachera pas qu'il est hostile à toute suppression de cette nature. On ne peut tout à la fois demander plus de clarté pour les électeurs et refuser de s'en donner les moyens.
Votre commission a, au cours de ce débat, indiqué que les dispositions de cet article seraient inopérantes parce que dépourvues de sanction juridique. Il est exact qu'il n'y a pas de sanction juridique s'agissant du respect de la déclaration de politique générale ou du respect des intentions de délégation. Au demeurant, le texte, comme le souligne votre commission, n'a pas modifié le régime des délégations. Pour autant, la déclaration de politique générale est un acte essentiel, car elle éclaire l'assemblée sur les intentions du candidat à la présidence de la région. De même, les intentions du candidat président quant à la composition de son équipe sont essentielles.
Ces dispositions - j'insiste - introduisent de la clarté : un programme, un homme, une équipe. Le président élu demeure libre de ses choix. La sanction est politique. Vous comprendrez, après ce que je viens de vous dire, que le Gouvernement ne soit pas favorable à cette série d'amendements.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est désolant !
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le ministre, nous reprendrons vraisemblablement cette discussion plus loin, sous une autre forme.
Je vous poserai simplement une question. Le conseil régional entre en session ; le doyen d'âge appelle les candidatures : un candidat se manifeste suivant votre système, aucun autre candidat ne le fait ; celui qui s'est manifesté n'est pas élu, un autre est élu dans les conditions que j'ai rappelées tout à l'heure. Que se passe-t-il ?
M. Henri de Raincourt. Cela demande examen !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 20, 4, 12 et 14 rectifié.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. En premier lieu, je voudrais renouveler mes excuses à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je vous ai déjà pardonné !
M. Guy Allouche. Monsieur le rapporteur, j'ai le sentiment on ne peut plus clair que vous raisonnez en pure théorie.
M. Larché a dit que ceux qui avaient imaginé ce dispositif n'avaient aucune connaissance des collectivités territoriales.
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Guy Allouche. Permettez à un élu qui a quinze ans de vie régionale derrière lui de vous dire comment les choses se passent, en tout cas dans sa région, et avec l'accord unanime de tous les groupes politiques, monsieur Girod.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Avec l'accord de Mazeaud ?
M. Josselin De Rohan. Avec l'accord de Mme Blandin, sûrement !
M. Guy Allouche. Certes. Mais avant mêmeMme Blandin, cela s'est toujours passé comme cela, y compris lorsque M. Maurice Schumann était président du groupe RPR du conseil régional.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je parle moi de Mazeaud, qui n'y connaît rien !
M. le président. Je vous en prie, pas de conversation particulière entre vous.
Monsieur Allouche, s'il vous plaît, veuillez poursuivre.
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, les maîtres mots de cette proposition de loi ont été rappelés par le Gouvernement et moi-même à la tribune : clarté, stabilité et transparence.
La clarté politique, aujourd'hui, elle s'impose.
Par ailleurs, monsieur Girod, je le redis, avec cette proposition de loi, nous nous plaçons dans l'hypothèse où il n'y a aucune majorité absolue. Là est le problème !
Nous ne nous plaçons pas dans l'hypothèse où il y a une coalition républicaine. A ce propos, j'ai bien retenu ce qu'a dit M. Raffarin à propos de la démocratie. Il a eu raison de faire ce rappel, et nous nous en souviendrons à l'occasion.
Nous nous plaçons, disais-je, dans l'hypothèse où aucune coalition républicaine n'a recueilli la majorité absolue.
Jusqu'à présent, c'est exact - et je vous remercie de l'avoir dit, monsieur Girod - les difficultés ont été marginales. Mais mieux vaut prévenir que guérir !
Cette proposition de loi a donc pour objet de prévenir ce qui, hélas ! risque de se passer dans trois mois dans les régions, vous le savez bien, monsieur Raffarin, vous qui êtes un acteur éminent de la vie régionale.
Je fonderai mon argumentation contre cet amendement sur la description de ce qui se passe dans ma région, et je parlerai sous le contrôle de ma collègue Dinah Derycke, qui est elle-même conseiller régional du Nord - Pas-de-Calais.
S'il est vrai qu'il n'y a pas de débat lors de la séance présidée par le doyen, les groupes politiques ont toujours remis à celui-ci une déclaration politique ; de plus, les candidatures sont annoncées, les différents groupes présentent leurs candidats et il y a un vote à bulletin secret.
Que se passe-t-il ensuite ? Une liste des candidats à la vice-présidence est déposée, et les vice-présidents sont élus par l'assemblée plénière.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Un par un !
M. Guy Allouche. Ils sont élus, j'en conviens, soit un par un, si cela est demandé - c'est le droit - soit sur listes. Dans la région dont je suis l'élu, nous avons connu les deux situations : l'élection sur listes entières par un seul vote et le vote nominal.
Mais cette opération s'est toujours déroulée après l'élection du président et avant la désignation des membres de la commission permanente. Les membres de cette dernière sont en effet désignés à la proportionnelle des groupes politiques dans une étape ultérieure.
Je le redis, après l'élection du président, il y a l'élection des vice-présidents soit sur listes, soit un par un. Les délégations sont connues ou non - peu importe ! - et les vice-présidents sont élus. Ce n'est qu'ensuite que les membres de la commission permanente sont désignés.
Voilà la pratique, et pas uniquement dans le Nord - Pas-de-Calais.
La proposition de loi vise donc à généraliser à l'ensemble des régions ce qui se fait ici ou là.
Je le dis une fois encore : clarté, stabilité et transparence sont les trois maîtres mots, les trois piliers de cette proposition de loi.
M. Henri de Raincourt. C'est un leurre !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Si je comprends bien l'argumentation de M. Allouche, la déclaration écrite adressée au doyen d'âge comprendra la liste des délégations, c'est-à-dire que les candidats annonceront à l'avance qui sera membre de la commission permanente avant que cette dernière ne soit élue. Dans la mesure où les délégations ne peuvent être attribuées qu'à ceux qui sont membres de la commission permanente, juridiquement, je ne sais pas comment va s'appliquer cette procédure !
M. Guy Allouche. Je vais vous l'expliquer !
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela veut dire qu'avant l'élection vous annoncez qui sera élu ! Je ne suis pas juriste, mais votre argumentation m'inquiète, monsieur Allouche.
C'est une raison de plus pour moi pour voter la suppression de l'article 3.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Cher monsieur Allouche, chaque conseil régional a ses moeurs ... honorables, cela va de soi ! Que, dans certaines régions, les élus aient pris l'habitude de déposer entre les mains du doyen d'âge - que ce dernier l'accepte ou pas - ou sur le bureau de l'assemblée, des déclarations préalables, ne me semble pas condamnable en soi. En faire une formalité substantielle, c'est autre chose !
S'agissant de l'élection des vice-présidents, pardonnez-moi, mais je me dois de vous lire in extenso, parce que cela en vaut la peine, l'article L. 4133-5 du code électoral :
« Aussitôt après l'élection du président et sous sa présidence... » - pour l'instant, le président est le seul élu ! - « ... le conseil régional fixe le nombre des vice-présidents et des autres membres de la commission permanente.
« Les candidatures aux différents postes de la commission permanente sont déposées auprès du président dans l'heure qui suit la décision du conseil régional relative à la composition de la commission permanente... » - on ne parle toujours pas des vice-présidents ! - « Si, à l'expiration de ce délai, une seule candidature a été déposée pour chaque poste à pourvoir, les nominations prennent effet immédiatement et il en est donné lecture par le président.
« Dans le cas contraire, les membres de la commission permanente autres que le président sont élus au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni votre préférentiel... » - attention ! monsieur Allouche, c'est le contraire de ce que vous avez dit : on élit d'abord la totalité des membres de la commission permanente !
« Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages... » - c'est la proportionnelle.
« Après la répartition des sièges, ... » - la commission permanente est donc déjà constituée à la proportionnelle des groupes s'il y a eu vote - « ... le conseil régional procède à l'affectation des élus à chacun des postes de la commission permanente... » - là, on voit apparaître les vice-présidents - « ... au scrutin uninominal dans les mêmes conditions que pour l'élection du président et détermine l'ordre de leur nomination. »
Comment voulez-vous, avant des opérations aussi complexes, qu'un président puisse sérieusement fournir la liste de ceux qui, par sa décision personnelle, seront ses délégataires, alors qu'ils doivent être d'abord élus membres de la commission permanente et ensuite vice-présidents ?
Dans ces conditions, monsieur Allouche, ou vous réécrivez l'article L. 4133-5 du code général des collectivités territoriales...
M. Josselin de Rohan. Complètement !
M. Paul Girod, rapporteur. ... et vous mettez en place un système cohérent, ou vous n'instaurez pas cette déclaration écrite préalable !
Très honnêtement, je vais vous dire ce qui se passera : à part ceux qui éprouvent un enthousiasme fantastique pour ce texte, je crains que vous n'assistiez à l'élection de conseillers qui n'auront même pas fait acte de candidature. Ce serait tout à fait incroyable !
Selon vous, monsieur Allouche, il s'agit d'un problème de transparence.
Nous y reviendrons un peu plus tard, avec le problème des alliances.
M. Henri de Raincourt. C'est le clair-obscur !
M. Paul Girod, rapporteur. S'agit-il d'alliances conclues, de rencontres de sentiments ? Où sont les définitions juridiques ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. M. Allouche nous a présenté des usages qui sont tout à fait intéressants et recommandables, mais ils ne sont absolument pas conformes à la loi.
Par ailleurs, il conviendrait de maintenir un principe qui s'applique dans toutes les collectivités publiques : il n'y a jamais de débat pour l'élection du président. C'est une règle absolue dans toute les collectivités locales, et ce depuis toujours.
Avec le système que vous avez décrit, monsieur Allouche, on entre dans une pratique complètement différente et qui n'a aucune raison d'être juridique.
Désormais, il y aurait des déclarations politiques ! Généralement, quand un élu est candidat à la présidence, tout le monde sait où il va et ce qu'il va faire. La déclaration politique, elle doit se faire non pas au moment de l'élection, mais avant.
Monsieur le ministre, autant vos arguments sont intéressants s'agissant du vote du budget, autant ce montage quelque peu compliqué n'a vraiment aucun sens.
Même si certains usages sont intéressants, une telle disposition aurait des conséquences graves sur le fonctionnement des institutions régionales.
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Notre groupe ne suivra pas l'avis de M. le rapporteur...
M. Paul Girod, rapporteur. L'avis de la commission, exprimé par le rapporteur !
M. Michel Duffour. ... car si la rédaction de cet article aurait pu être plus explicite, je crois que l'esprit...
M. Jean-Jacques Hyest. L'Esprit des lois ! (Sourires.)
M. Michel Duffour. ... qui a conduit à l'élaboration de ce texte nous engage sur la voie d'une beaucoup plus grande transparence.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Qu'y a-t-il de commun entre un communiste et un RPR ?
M. Michel Duffour. Selon nous, ce dispositif est essentiel car il donne un sens beaucoup plus net et beaucoup plus franc à l'élection du président.
Nous reviendrons sur cet aspect du problème lors de la discussion d'autres articles, mais il me semble qu'il s'agit là d'un élément de clarté pour le scrutin.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le rapporteur, monsieur Raffarin, à qui ferez-vous croire - M. Raffarin surtout, qui est président de région - qu'un candidat qui mène une liste n'aspire pas dès cet instant à la présidence ? Nous savons tous quels sont ceux et celles qui sont appelés, s'ils ont une majorité, à briguer la présidence. Ne prenons pas les Français pour des imbéciles, s'il vous plaît !
M. Henri de Raincourt. L'élection de Mme Blandin a été une grande surprise !
M. Guy Allouche. Celui ou celle qui brigue la présidence du fait de la supériorité numérique dont il dispose au sein d'une assemblée régionale, à qui ferez-vous faire croire que celui-ci n'avait pas l'intention de la briguer s'il en avait la possibilité et qu'il ne sait pas à qui il va donner délégation, à qui il va offrir telle vice-présidence ou telle autre fonction ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. La transparence, cela existe !
M. Guy Allouche. Le mécanisme décrit par M. le rapporteur est exact, et je le remercie d'avoir rappelé que la pratique du Nord - Pas-de-Calais n'était pas calquée sur la loi. Mais c'est ainsi que cela se passe, et c'est ainsi que cela va se passer en mars 1998.
Ne prenons pas les Français pour des imbéciles ou pour des ignares ! Ils savent très bien qui est candidat à la présidence d'une région, qui recevra telle ou telle délégation.
M. Henri de Raincourt. Pas du tout !
M. Guy Allouche. Et nous savons très bien aussi que celui ou celle qui aura délégation et un titre de vice-président sera nécessairement membre de la commission permanente.
M. Jean-Pierre Raffarin. Juridiquement !
M. Guy Allouche. Celui qui sera vice-président avec une délégation de fait et de droit sera membre de la commission permanente !
M. Henri de Raincourt. C'est sûr !
M. Guy Allouche. J'imagine mal que vous, monsieur Raffarin, vous présentiez un vice-président avec une délégation qui ne ferait pas partie de la liste des membres de la commission permanente. Encore une fois, ce n'est pas la peine de théoriser dans l'absolu, comme si on était dans le virtuel.
Non ! la réalité est celle-là, et la proposition de loi dont nous débattons a pour objet d'inscrire dans la loi la pratique que je viens de décrire.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Je renonce évidemment à convaincre M. Allouche, mais, pour la clarté du débat, je suis obligé d'intervenir.
Vous dites, monsieur Allouche, que, dans un scrutin par listes, on sait d'avance à qui on va déléguer. Permettez-moi de souligner qu'il s'agit de l'élection à trois tours d'un seul homme.
M. Charles Ceccaldi-Raumond. Cela peut réserver des surprises !
M. Jean-Pierre Raffarin. Les socialistes peuvent voter pour nous ! (Sourires.)
M. Paul Girod, rapporteur. Un candidat peut être présent à un tour, mais pas à l'autre... Tous les cas peuvent se présenter.
Il est dit dans le texte que vous soutenez : « Avant chaque tour de l'élection, les candidats à la fonction » - on ne peut élire qu'un candidat ! Vous ne le dites pas - « doivent donner la liste de leurs délégataires. »
Cependant, on peut très bien imaginer des cas de figure assez étonnants, dans lesquels les choses se passent apparemment gentiment mais où, d'un seul coup, au moment de la constitution de la commission permanente, le nombre de délégataires possibles est réduit de moitié ou double, par décision de l'assemblée.
M. Jean-Pierre Raffarin. Exactement !
M. Guy Allouche. Il y a un plancher et un plafond !
M. Paul Girod, rapporteur. Second aspect des choses : comment pouvez-vous être si sûr de vous, monsieur Allouche, et du lien intangible existant entre le candidat figurant en tête de liste et l'ensemble de sa liste puisqu'on a déjà vu des têtes de liste disparaître le lendemain de l'élection pour laisser la place au réel leader, qu'il n'aurait fait que « tirer », comme on dit ? Cela s'est déjà produit !
M. Michel Duffour. Il y a le cas Charles Pasqua !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Oui !
M. Henri de Raincourt. Et celui de Mme Blandin, par exemple !
M. Paul Girod, rapporteur. Cela implique que le président est parfaitement libre de modifier la liste de ses délégataires en cours de route, à chaque tour de scrutin. Autrement dit, où est l'identité totale, soudée et bloquée que vous décrivez entre le candidat à la présidence et sa liste ?
M. Guy Allouche. Avant chaque tour de scrutin !
M. Paul Girod, rapporteur. Si vous affirmez que le leader d'une liste est lié avec les membres de sa liste, dès lors ne dites pas « avant chaque tour de scrutin » ! Dites plutôt que, d'une manière définitive et dès le départ, le candidat annonce qu'il déléguera de toute façon à Un tel et pas à un autre.
C'est la raison pour laquelle votre texte n'est pas adaptable à la réalité de la vie ! Comme d'habitude, vous êtes en train de théoriser dans l'absolu de votre rêve, et vous voudriez faire entrer tout le monde dans des moules prédéterminés.
M. Guy Allouche. C'est vous !
M. Paul Girod, rapporteur. Je suis navré de vous dire que la vie, ce n'est pas ça. Vous verrez qu'après les élections vous vous trouverez confrontés à des situations que vous n'avez pas prévues...
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Parce qu'elles sont imprévisibles !
M. Paul Girod, rapporteur. ... - peut-être parce que les résultats ne seront pas conformes à vos espérances... mais c'est un autre problème qui n'a rien à voir avec le texte de la proposition de loi - et qui font que votre mécanique ne vivra qu'un jour !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 20, 4, 12 et 14 rectifié, repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Article additionnel avant l'article 4