M. le président. « Art. 9. - Les dispositions de l'article 91 de la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées. »
Sur cet article, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 9 a trait au rétablissement de la réduction d'impôt au titre des frais de scolarité.
A l'occasion de la discussion de cet article, nous voulons réaffirmer notre souci d'apporter une aide aux familles, notamment pour leur permettre de faire face au coût de la scolarité de leurs enfants. C'est l'occasion aussi pour nous de revenir sur la position de fond adoptée par la commission des finances et la majorité sénatoriale qui étaient, jusqu'à ce jour, favorables à la suppression de cette réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement du second degré et dans l'enseignement supérieur.
Or, cette même majorité sénatoriale se pique d'être le meilleur défenseur de la famille. Vous nous permettrez, mes chers collègues, d'apprécier la contradiction !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Qu'en termes modérés ces choses-là sont dites !
M. Paul Loridant. S'agissant de la réduction pour frais de scolarité, dont le coût est limité puisqu'il n'est que de 2,7 milliards de francs pour un nombre d'enfants scolarisés estimé à plus de 4 500 000, vous nous permettrez de considérer, aux côtés du Gouvernement, qu'elle est un élément important de la politique familiale.
Pour mémoire, je dirai que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire représente, de son côté, une dépense supplémentaire de 3,5 milliards de francs environ. Ces mesures, ajoutées les unes aux autres, donnent une autre image de la réalité que celle que la majorité sénatoriale veut bien véhiculer.
Cette mesure favorable aux familles n'est pas superfétatoire, et sa suppression illustre les contradictions d'une majorité sénatoriale capable de rejeter le lendemain ce qu'elle a défendu avec force et conviction la veille.
C'est pourquoi nous ne nous associerons pas à la suppression de l'article 9, et nous appelons la majorité du Sénat, dans un souci de cohérence avec elle-même, à faire de même.
M. Michel Caldaguès. Merci, monsieur le professeur !
M. le président. Sur l'article 9, je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° I-11, est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
Le second, n° I-154, est déposé par M. Vasselle et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-11.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers collègues, lors de l'examen de l'article 2, nous avons longuement et complètement expliqué les raisons qui conduisent la majorité sénatoriale à poursuivre la politique d'allégement de l'impôt sur le revenu. Or la réduction d'impôt pour frais de scolarité ayant été intégrée dans le barème que nous avons voté à l'article 2, il est logique que nous la supprimions ici.
M. Paul Loridant. Ce n'est pas clair !
M. le président. L'amendement n° I-154 est-il soutenu ?...
M. Paul Loridant. Son auteur n'ose pas le défendre !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-11 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est surpris par la proposition de M. le rapporteur général. Certains ont reproché, tout à l'heure, au Gouvernement son absence de générosité à l'égard des familles. En ce qui concerne la réduction d'impôts pour l'emploi d'un salarié à domicile, par exemple, il s'agissait de demander un effort à 70 000 familles environ. Je ne débattrai pas de ce chiffre avec M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. On verra bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Or voilà que vous nous proposez un prélèvement supplémentaire - on ne peut pas appeler cela autrement - qui pénaliserait environ 2 300 000 familles modestes et qui rapporterait 1 400 millions de francs.
Votre argumentation repose sur l'idée selon laquelle cette disposition fait partie de la réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu que vous proposez. J'ai déjà souligné que la diminution de l'impôt sur le revenu que vous suggérez était peu équitable. Vous êtes donc cohérent avec vous-même puisque la mesure que vous proposez à l'amendement n° I-11 est, à l'évidence, elle aussi, inéquitable.
En revanche, je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez revenir sur la proposition du Gouvernement tendant à accorder une réduction d'impôt de 400 francs par enfant au collège, de 1 000 francs par enfant au lycée et de 1 200 francs par enfant dans l'enseignement supérieur. Cette proposition ayant pour objet de maintenir ces aides pour les familles qui supportent des frais de scolarité me paraissait parfaitement s'inscrire dans le dispositif de soutien à la majeure partie des familles de condition modeste ou moyenne que nous proposons.
J'avoue donc ne pas du tout comprendre, monsieur le rapporteur général, le sens de votre proposition.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je m'en expliquerai tout à l'heure.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas polémiquer. Dans le passé, des mesures, telles que le gel des allocations familiales, ont été prises. Je ne veux pas associer la mesure proposée par la commission à une politique qui n'est pas favorable aux familles les plus modestes. Je me bornerai à l'essentiel.
Vous proposez ce qui s'analyse comme un prélèvement supplémentaire pour 2 300 000 familles modestes ou moyennes. Je suis opposé à cet amendement et je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui connaissez bien les problèmes auxquels se heurtent les familles, de ne pas suivre M. le rapporteur général dans la voie certes cohérente mais, à mon avis, peu équitable qu'il suggère.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mon intervention en cet instant peut paraître prématurée, puisque nombre de mes collègues pourraient légitimement s'exprimer maintenant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, soyons clairs. Il s'agit non pas de polémique, mais d'opposition. Nous sommes en désaccord total sur cette question.
Mme Hélène Luc. Eh bien ça, c'est clair !
M. Alain Lambert, rapporteur général. J'en suis heureux, madame Luc, et vous me rassurez en le confirmant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la réforme relative à l'allègement de l'impôt sur le revenu est une réforme que vous ne soutenez pas. C'est votre droit et je ne critique pas votre choix, mais permettez à la majorité sénatoriale d'être cohérente.
M. Alain Gournac. Un peu !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Dès lors que nous avons reconfiguré ce barème et intégré de nombreuses réductions existantes, il serait totalement démagogique de vouloir à la fois rétablir l'allégement de l'impôt sur le revenu et d'y ajouter les réductions d'impôt pour frais de scolarité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque nous sommes entre nous, nous pouvons parler franchement. Si nous avions été tentés par la démagogie, nous y aurions immédiatement succombé. En effet, nous aurions pu craindre que le rétablissement de l'allégement de l'impôt sur le revenu n'aille pas jusqu'à son terme ; en ce cas, nous ne courions aucun risque en votant la réduction de l'impôt pour frais de scolarité. Personne n'aurait décelé l'incohérence. L'honneur et la grandeur de la politique consistent à assumer totalement ses responsabilités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
La politique d'allégement de l'impôt sur le revenu, mes chers collègues, est une nécessité absolue. La France est en concurrence avec d'autres pays. Si nous continuons à être le pays d'Europe le plus imposé...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les familles paient !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... demain, avec la monnaie unique, nous rencontrerons des difficultés sur le plan industriel. N'ayons pas peur de nos choix. Soyons-en fiers.
Mme Nelly Olin. Surtout lorsqu'il s'agit des allocations familiales et de l'AGED.
M. Alain Lambert, rapporteur général. La décision de réduire l'impôt sur le revenu est heureuse. Notre proposition s'inscrit pleinement dans cette logique. Monsieur le secrétaire d'Etat, si votre gouvernement peut éviter de porter atteinte au droit des familles...
M. Alain Gournac. Oui !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... je vous assure que vous aurez rendu service à notre pays. En tout cas, s'agissant de la politique de la famille, la majorité sénatoriale n'a aucune leçon à recevoir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-11.
M. Michel Sergent. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Je ne comprends pas très bien l'explication de M. le rapporteur général, sauf à se placer uniquement sur le plan de la réduction d'impôt. Il revient aujourd'hui sur une mesure qui, l'an dernier, avait provoqué une réelle émotion, puisque 2 300 000 de contribuables bénéficiaient de cette réduction d'impôt pour frais de scolarité. Elle constitue une aide aux familles et va dans le même sens que la très forte majoration, décidée cet été, de l'allocation de rentrée scolaire, qui est passée de 420 francs à 1 600 francs.
Nous ne parlons probablement pas des mêmes familles. Nous, nous songeons aux 2 300 000 de familles qui ont les revenus les plus faibles, celles qui sont aidées par l'allocation de rentrée scolaire.
Nous ne voulons pas les opposer aux 70 000 familles qui disposent des revenus les plus élevés. Il n'en demeure pas moins que la majorité sénatoriale a choisi quelles familles elle voulait aider, et que nous, ici, à gauche, nous savons quelles familles nous voulons privilégier, celles qui sont les moins aisées, celles qui sont le plus dans le besoin...
Mme Nelly Olin. C'est scandaleux !
M. Michel Sergent. ... et qui ont besoin de ces allocations et de ces réductions d'impôt pour permettre à leurs enfants de poursuivre leur scolarité.
Il s'agit d'une mesure sociale, d'un encouragement donné aux familles. Il est d'ailleurs curieux que les associations familiales, ou du moins certaines d'entre elles, ne fassent guère mention par exemple de l'allocation renforcée de rentrée scolaire. Là aussi, certains doivent avoir des réactions un peu sélectives. Mais, après tout, chacun a bien le droit de défendre qui il veut ! (M. Estier et Mme Luc applaudissent - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ce débat est particulièrement intéressant. Je mets d'un côté 60 000 familles, peut-être moins, qui bénéficiaient de l'AGED et de réductions d'impôts pour emploi du personnel à domicile et, d'un autre côté, 2 300 000 familles.
M. Alain Gournac. Mais non !
M. Emmanuel Hamel. Pourquoi les opposer ? Ce sont toutes des familles !
M. Paul Loridant. A partir de ce constat, mes chers collègues, toute une campagne de presse a été organisée pour expliquer que le Gouvernement et la gauche n'aimaient pas la famille.
Plusieurs sénateurs du RPR. C'est vrai ils ne l'aiment pas !
M. Paul Loridant. Eh bien, mes chers collègues, je vous appelle à beaucoup plus de modestie !
M. Jean Chérioux. Quelles familles défendez-vous ?
M. Paul Loridant. En effet, l'argumentation de M. le rapporteur général est la suivante : des réductions générales d'impôt ont été décidées...
M. Jean Chérioux. Elles bénéficient à toutes les familles !
M. Paul Loridant. ... et l'avantage s'en trouve donc dilué. Cependant, monsieur le rapporteur général, avez-vous examiné dans le détail qui bénéficie le plus de votre proposition ? Ce sont bien les familles les plus fortunées, celles qui ont le plus de moyens. (M. Hyest fait un signe de dénégation).
Oui, les familles que vous aimez, ce sont celles qui ont de l'argent ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Ben voyons !
M. Michel Caldaguès. Démagogie !
M. Alain Gournac. Voilà la conception de la famille !
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explications de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Certains propos sont tout à fait excessifs dans un tel débat. Nous avions l'impression, voilà un instant, de retrouver les accents de la lutte des classes...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean Chérioux. Voilà le communisme ! Beaux résultats !
M. Philippe Marini. Je ne sais pas si M. Loridant s'est rendu compte du ton qu'il employait et du contenu de son propos.
M. Alain Gournac. Il ne s'en est absolument pas rendu compte !
M. Philippe Marini. De grâce, revenons à la réalité des choses !
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Philippe Marini. Que vous ne partagiez pas les options de la majorité sénatoriale, mes chers collègues...
M. Claude Estier. C'est sûr !
M. Philippe Marini. ... qui siégez sur les travées d'en face, c'est votre droit, mais respectez au moins l'intégrité et la conviction avec lesquelles nous développons la politique qui reflète nos valeurs.
M. le rapporteur général a, très justement, fait remarquer que lorsque l'on emprunte un chemin, on doit être cohérent et accepter toutes les conséquences. Nous avons besoin de réveiller l'esprit d'initiative dans notre pays. Nous devons faire cesser l'hémorragie qui, quotidiennement, ampute notre matière grise et nos forces vives. Cela passe par une réforme de l'impôt sur le revenu, en l'occurrence celle que nous préconisons.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Philippe Marini. Des conséquences doivent être assumées, nous les assumons ! Notre langage n'est pas un langage de démagogie. Ce n'est peut-être pas un langage pour cet instant ou pour aujourd'hui. Cependant, je suis persuadé qu'en prenant date ici clairement sur nos valeurs et sur nos options, nous préparons utilement l'avenir et que, sans attendre trop longtemps, ce langage sera écouté et compris par l'opinion publique. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Ah oui !
Mme Hélène Luc. Le scrutin public permettra à chacun de prendre ses responsabilités !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Dans ce débat important, qui oppose effectivement deux conceptions différentes, je ne veux pas élever le ton. Je crois que l'on peut échanger sereinement des arguments.
Avec la proposition qui est faite par la majorité sénatoriale, je constate une continuité que je vais simplement citer. En 1995, les prestations familiales ont été insuffisamment revalorisées, et l'Etat vient d'être condamné sur ce point.
M. Claude Estier. Bon rappel !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Toujours en 1995, il y a eu une mise sous condition de ressources des allocations prénatales et postnatales, ainsi que l'imposition des indemnités journalières de maternité. En 1996, les prestations familiales ont été gelées. En 1997, nous avons une juxtaposition de mesures, je ne fais pas de corrélation entre elles, laissant à chacun le soin d'en juger.
Vous avez proposé, par rapport à la proposition du Gouvernement, de majorer la réduction d'impôt pour emploi à domicile. Cette mesure touchait les 70 000 familles auxquelles le Gouvernement demandait effectivement un sacrifice. Parallèlement, au nom d'une cohérence que je ne mets pas en cause, vous revenez sur une réduction d'impôt pour les familles. Je n'oppose pas les familles les unes aux autres. Je dis simplement qu'il y a d'un côté 70 000 familles qui sont un peu plus aisées que la moyenne et, de l'autre, 2 300 000 familles qui auraient pu attendre ou qui, je l'espère, bénéficieront, grâce à la majorité qui soutient le Gouvernement, d'une réduction d'impôt de 400 francs, de 800 francs ou de 1 200 francs, selon que leur enfant est au collège, au lycée ou à l'université.
J'ajoute, enfin, s'agissant de votre souhait - je le respecte - de poursuivre la réduction du barème de l'impôt sur le revenu, que cette réduction, je l'ai démontré antérieurement, n'est pas proportionnelle mais apporte un avantage beaucoup plus important à ceux qui disposent des revenus les plus élevés.
M. Jean Chérioux. C'est logique, c'est la progressivité !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je comprends la cohérence de la proposition de la majorité sénatoriale. Je dis simplement que, en matière de politique familiale, nous ne prêtons pas attention aux mêmes familles. C'est un constat que je voulais faire.
Je respecte tout à fait le point de vue que M. le rapporteur général a exprimé, et qui est soutenu par la majorité sénatoriale. Je dis simplement qu'il y a deux politiques familiales : celle que propose le Gouvernement, avec le soutien de sa majorité, et celle que vous proposez. Je respecte, comme cela doit être le cas dans une démocratie digne de ce nom, vos propositions.
Je constate effectivement que sur ce point, qui est absolument décisif pour la vie quotidienne des français, et peut-être aussi pour l'avenir de notre pays, deux conceptions radicalement différentes s'opposent. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini. Nous sommes contre l'assistanat !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je me suis attaché, depuis le début de la discussion budgétaire, à laisser le dernier mot au Gouvernement. En l'occurrence, je ne le ferai pas car je crois...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je peux encore parler après vous !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous pourrions le faire toute la nuit !
Il faut, en toute chose, raison garder. Vous nous invitez à ne pas élever le ton, mais la passion peut parfois porter les convictions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, alors que vous osez prélever 80 milliards de francs de plus sur les contribuables, vous prétendez que les familles seront mieux traitées. Vous ne le ferez jamais croire aux contribuables français.
M. Alain Gournac. C'est de la provocation !
M. Alain Lambert, rapporteur général. La réduction de l'impôt sur le revenu était contestable au seul motif que le montant de l'allégement pourrait éventuellement être consacré à la réduction du déficit budgétaire. Cela aurait pu être une solution.
Mais les Français, accablés d'impôts, ont besoin de reprendre espoir. Poursuivre ce qui leur a été promis, ce serait leur donner un encouragement. Nous l'avons dit, c'est très important pour la crédibilité. M. Caldaguès l'a rappelé cet après-midi : il est très important que la loi fiscale soit stable. L'impôt, en France, a mauvaise réputation parce qu'il est lourd.
M. Michel Sergent. Pas l'impôt direct !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Or, cette mauvaise réputation est aggravée par le fait qu'il est instable. Il est donc important pour le Sénat, qui, lui, est le plus constant dans ses convictions, de rester sur la ligne qu'il s'est fixée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, n'opposons pas les familles entre elles. (M. Chérioux fait un signe d'assentiment.) Pour réussir, la France a besoin d'être unie et, au fond, vous êtes le Gouvernement de la France...
M. Philippe Marini. Hélas !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Du point de vue politique, vous avez intérêt à ce que nous soyons une nation apaisée. Aussi, je vous en prie, ne soufflez pas sur les braises, n'essayez pas d'opposer les Français les uns aux autres, car ce n'est pas comme cela que notre pays réussira.
Il faut un juste équilibre entre toutes les catégories de contribuables. Les entreprises sont appelées largement à contribution. Les ménages y sont appelés très largement avec les impôts qui vont être prélevés cette année sur l'épargne...
M. Roland du Luart. Et sur les célibataires !
M. Alain Lambert, rapporteur général. N'essayez pas de diaboliser la majorité sénatoriale. Elle est sage et constante. Elle se fait une certaine idée de la France, qui mérite d'être respectée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. C'est un autre discours !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne cherche pas à avoir le dernier mot et je respecte tout à fait M. le rapporteur général. Je n'entends pas poursuivre le débat. Toutefois, je veux, au-delà de toute polémique, apporter quelques précisions chiffrées.
En 1996, le gel des prestations familiales a représenté 7 milliards de francs. Les mesures de 1995 se sont élevées à 3,5 milliards de francs. Les indemnités journalières de maternité ont représenté 1,5 milliard de francs et les allocations prénatales et postnatales 1 milliard de francs ; les frais de scolarité, que nous évoquons aujourd'hui, se sont élevés à 1 milliard de francs.
Le total de ces dispositions représente, excusez-moi de citer ces chiffres mais nous sommes dans un débat budgétaire, 14,4 milliards de francs, qui sont prélevés sur toutes les familles, y compris celles qui sont modestes. Et je ne parle pas de l'augmentation de la TVA en 1995.
Je voulais simplement citer ces chiffres pour que les 80 milliards de francs que vous avez cités, monsieur le rapporteur général, n'induisent pas en erreur des observateurs inattentifs.
Dans le projet de budget de l'Etat qui vous est présenté, est prévu un prélèvement supplémentaire de 3 milliards de francs sur les ménages. Est également prévue une hausse des cotisations de la CSG, qui bénéficie à un grand nombre de ménages salariés et touche un peu les revenus de l'épargne.
M. Jean-Jacques Hyest. Et du travail des non-salariés !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Tout cela n'atteint pas la somme que vous avez indiquée.
Je ne cherche pas à polémiquer. Je ne veux pas opposer les familles les unes aux autres, car elles sont toutes estimables. Je dis simplement qu'il y a deux politiques familiales. C'est ce que vous avez souhaité développer. Je respecte votre point de vue. Ayez la courtoisie - vous l'avez d'ailleurs - de reconnaître que le Gouvernement développe une autre politique familiale, qui est tournée vers un plus grand nombre de familles.
M. Philippe Marini. Tournée vers l'union civile !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-11, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 20:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 217 |
Contre | 98 |
En conséquence, l'article 9 est supprimé.
Mme Hélène Luc. Comme cela, tout le monde saura qui a voté pour les familles !
Mme Nelly Olin. On saura aussi qui a voté la diminution de l'AGED et des allocations familiales !
Articles additionnels avant l'article 11