M. le président. « Art. 6. _ I. _ Après le quatrième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, il est inséré six alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions des troisième et quatrième alinéas cessent de s'appliquer pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1997. Les provisions pour fluctuation des cours inscrites au bilan à l'ouverture du premier exercice clos à compter de cette même date sont rapportées, par fractions égales, aux résultats imposables de ce même exercice et des deux exercices suivants.
« Toutefois, les dispositions de la dernière phrase de l'alinéa qui précède ne sont pas applicables au montant des provisions visées à la même phrase qui sont portées, à la clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 1997, à un compte de réserve spéciale. Les sommes inscrites à cette réserve ne peuvent excéder 60 millions de francs.
« Les sommes prélevées sur la réserve mentionnée à l'alinéa précédent sont rapportées aux résultats de l'exercice en cours lors de ce prélèvement. Cette disposition n'est toutefois pas applicable :
« a) Si l'entreprise est dissoute ;
« b) Si la réserve est incorporée au capital ; en cas de réduction de capital avant la fin de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle est intervenue l'incorporation au capital de la réserve, les sommes qui ont été incorporées au capital sont rapportées aux résultats de l'exercice au cours duquel intervient cette réduction. Le montant de la reprise est, s'il y a lieu, limité au montant de cette réduction ;
« c) En cas d'imputation de pertes sur la réserve spéciale, les pertes ainsi annulées cessent d'être reportables. »
« II. _ Le a du 3 de l'article 210 A du code général des impôts est complété par les mots : "ainsi que la réserve où ont été portées les provisions pour fluctuation des cours en application du sixième alinéa du 5° du 1 de l'article 39". »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, mon intervention vise à faire gagner du temps au Sénat.
Cet important article prévoit la suppression de la provision pour fluctuation des cours et la réintégration au résultat imposable des dotations déjà pratiquées.
Afin de ne pas accroître de façon excessive le résultat imposable des entreprises dès le premier exercice d'application de cette mesure, la réintégration serait étalée pour parts égales sur trois ans.
Pour limiter le nombre d'entreprises touchées par cette mesure, les députés ont institué une franchise de 60 millions de francs. Seul le montant des provisions pour fluctuation de cours qui excède ce seuil devra être rapporté au résultat des entreprises sur trois exercices.
Il convient, mes chers collègues - je parle sous le contrôle de beaucoup d'entre vous, qui connaissent admirablement le sujet - de rappeler tout d'abord que la provision pour fluctuation de cours permet d'atténuer le coût de l'intégration dans le résultat fiscal imposable des entreprises des plus-values ou moins-values latentes consécutives à la valorisation des stocks.
La commission des finances a décidé, uniquement pour ne pas dégrader le solde budgétaire, de maintenir, en l'améliorant, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.
Ainsi, l'amendement que je serai amené à présenter tout à l'heure visera à porter de trois ans à six ans la durée au cours de laquelle les entreprises devront rapporter à leur résultat imposable le montant des provisions constatées au 1er janvier 1997.
Pratiquement, et pour ne pas modifier les recettes attendues pour 1998, il s'agit de rapporter un tiers de la provision pour fluctuation des cours au résultat de l'exercice 1997, le reste étant réparti sur les cinq prochains exercices.
Cette provision - je parle, je le répète, sous le contrôle d'un certain nombre de mes collègues - et cela va donner une idée de l'importance du texte qui nous est proposé, peut en effet représenter jusqu'à 80 %, et même davantage, des fonds propres des entreprises françaises de transformation de matières premières. Cela vous donne une idée du risque de délocalisation de ces entreprises si nous n'y prenons garde.
La commission des finances estime qu'il ne faut pas en rester là. Pour l'avenir, et je me tourne vers le Gouvernement, il convient de trouver, monsieur le secrétaire d'Etat, un mécanisme fiscal de substitution à la provision pour fluctuation des cours. En effet, sans mécanisme équivalent à la provision pour fluctuation des cours, la France sera le seul pays d'Europe à faire payer à ses entreprises le coût de l'enrichissement sans cause. Il en résultera une dégradation de la compétitivité des entreprises françaises.
La méthode de comptabilisation des stocks par application de la règle « dernier entré, premier sorti », DEPS ou LIFO en anglais, appliquée dans la plupart des pays européens permet, en effet, de neutraliser la quasi-totalité des variations de prix affectant les stocks de base indispensables à la poursuite de l'exploitation.
Mes chers collègues, il deviendrait donc utile de s'orienter vers un alignement des méthodes comptables françaises sur celles de nos concurrents, donc vers un assouplissement des conditions de recours à la provision pour hausse des prix, en supprimant par exemple pour les entreprises de transformation de matières premières le seuil de 10 % de variation au-delà duquel elles sont autorisées à doter.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je compte sur la magnanimité des services fiscaux à l'égard des entreprises qui devront réintégrer, si le dispositif est mis en place de manière définitive, la provision pour fluctuation des cours.
J'insiste : chacun comprendra, au-delà de cet hémicycle, qu'il s'agit de la survie d'entreprises françaises. Au moment où tous, selon des modalités différentes, nous sommes attachés au maintien de l'emploi dans notre pays, il convient de faire en sorte que cette disposition fiscale, qui est une disposition de rendement - soyons clairs - n'aboutisse pas à mettre en difficulté des entreprises de transformation de matières premières en France, des entreprises qui sont présentes dans de très nombreux départements français et qui y font l'emploi.
L'appel que je vous lance, monsieur le secrétaire d'Etat, est solennel : il y va de la survie de certaines entreprises, et vous aurez compris lesquelles.
M. le président. Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord dire que je souscris à l'analyse qui a été présentée excellemment par notre rapporteur général.
Pour ne pas prolonger le débat, je formulerai mes appréciations sur ce sujet lors de la présentation de l'amendement que j'ai déposé, lequel viendra en discussion dans quelques instants. En tout état de cause, je crois moi aussi que nous nous trouvons devant une situation qui risque d'être critique pour certaines entreprises de transformation des métaux, surtout si elles travaillent sur plusieurs productions différentes et que, dans certains cas, la proportion très importante de la provision pour fluctuation des cours par rapport au total de la situation nette de la société peut être à l'origine de véritables problèmes d'équilibre financier et de maintien des perspectives de développement.
Il se trouve d'ailleurs que l'une de ces entreprises a pour caractéristique d'avoir des établissements dans de nombreux départements, dont ceux de l'Orne et de l'Oise, ce qui me conduit bien sûr, parmi d'autres raisons, à attacher une importance particulière à ce que, pour l'avenir, des solutions satisfaisantes soient trouvées, au-delà du simple impératif de rendement fiscal.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, monsieur Marini, le Gouvernement est, comme vous, tout à fait soucieux de ne pas mettre en péril les entreprises qui pourraient être frappées par une telle mesure.
A cet égard, permettez-moi de formuler quatre remarques.
En premier lieu, le Gouvernement a accepté, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement de la commission des finances visant à instituer une exonération des provisions inscrites à une réserve spéciale, et ce dans la limite de 60 millions de francs. Cela veut dire que toutes les entreprises françaises, à l'exception d'une vingtaine, échappent à la mesure proposée par le Gouvernement, laquelle vise, pour l'essentiel, des grandes entreprises pétrolières qui ont parfois utilisé ce dispositif de provision pour fluctuation des cours afin de se placer dans une situation fiscale avantageuse.
En deuxième lieu, et puisque M. Lambert m'a invité à la magnanimité, dans le domaine de la première transformation des métaux, qui intéresse aussi M. Marini, mes services travaillent en concertation avec les professionnels pour voir dans quelle mesure cette disposition pourrait leur être dommageable.
En troisième lieu, M. le rapporteur général a souhaité un mécanisme fiscal de substitution. Il ne m'appartient pas de bouleverser les règles de comptabilisation des stocks, mais les entreprises concernées pourraient très bien, en contrepartie de la suppression de la provision pour fluctuation des cours, constituer une provision pour hausse des prix dont le mécanisme est plus simple et ne fait pas appel à des références de prix ou à des cours de devises périmés. Ce n'est là, à mon avis, qu'une piste - peut-être pas la solution idéale - mais c'est une piste.
Enfin, en quatrième lieu, j'ajouterai que, dans un grand pays qui est souvent cité en exemple dans votre Haute Assemblée, la Grande-Bretagne, il n'existe pas de provision pour fluctuation des cours ; pourtant, le dispositif de comptabilisation des stocks est le même que chez nous. Mais nous ne devons pas toujours chercher la solution à nos problèmes à l'étranger ; mieux vaut les trouver nous-mêmes.
M. le président. Sur l'article 6, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-27, M. Mercier propose de rédiger comme suit cet article :
« Après le quatrième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des troisième et quatrième alinéas cessent de s'appliquer pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1997. Les provisions pour fluctuations des cours inscrites au bilan à l'ouverture du premier exercice clos à compter de cette date sont rapportées à hauteur de 20 % de leur montant dans les résultats imposables de ce même exercice après un abattement minimum de 60 millions de francs. La provision diminuée du montant ainsi réintégré est portée en franchise d'impôt dans une réserve spéciale au passif du bilan. »
Par amendement n° I-7 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi la fin de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de l'article 6 pour insérer des alinéas après le quatrième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts : « sont rapportés, pour un tiers aux résultats imposables de ce même exercice, et pour la fraction restante, par parts égales aux résultats imposables des cinq exercices suivants. »
Par amendement n° I-146, MM. Joly et Lesein proposent, dans la seconde phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 6 pour insérer après le quatrième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de remplacer le mot « deux » par le mot « six ».
Par amendement n° I-33 rectifié, MM. Marini et Adnot proposent de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera au Parlement avant le 15 septembre 1998 un rapport comportant une analyse des méthodes de valorisation des stocks de matières premières internationales et des avantages et inconvénients de la provision pour fluctuation des cours pour les entreprises et pour les finances publiques ainsi qu'une étude d'impact de la suppression de la déductibilité de cette provision ou des autres mesures qu'il entendrait proposer dans le cadre de la loi de finances 1999. »
L'amendement n° I-27 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-7 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cet amendement a pour objet de préserver pour 1998 le rendement fiscal attendu de la suppression de la déductibilité de provision pour fluctuation des cours, la PFC dans notre jargon, tout en permettant aux entreprises d'étaler sur cinq ans au lieu de deux ans le coût de la réintégration du solde de ces PFC restantes.
Pour ce faire, nous proposons de réintégrer un tiers de ces PFC constatées à l'ouverture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 1997 dans les résultats imposables de cet exercice, le solde étant rapporté dans les cinq années suivantes.
M. le président. La parole est à M. Lesein, pour défendre l'amendement n° I-146.
M. François Lesein. Dans la détermination des bénéfices imposables relatifs à l'assiette de l'impôt sur le revenu, l'article 39 du code général des impôts dispose que le bénéfice net est établi sous déduction de toute charge, dont les provisions faites par les entreprises pour fluctuation des cours visées par l'article 6 du projet de loi de finances.
Ce dernier supprime cet avantage fiscal puisque, à compter du 31 décembre prochain, les provisions pour fluctuation des cours inscrites au bilan à l'ouverture du premier exercice clos dès cette date sont rapportées, par fractions égales aux résultats imposables à cet exercice et aux deux exercices suivants.
La réintégration des provisions au coeur des bénéfices imposables sur deux ans constitue, à notre avis, un délai trop court. C'est pourquoi un délai de six ans est souhaitable, car les provisions concernées représentent une densité de stocks importante dont l'assujettissement serait bénéfique pour l'Etat sans craindre véritablement un affaiblissement des capacités de production et de vente des entreprises françaises.
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-33 rectifié.
M. Philippe Marini. L'article 6 a suscité différentes réactions et différents débats.
La question que je me pose est de savoir si ce dispositif nouveau a bien été étudié comme il aurait dû l'être. L'impact de la suppression de la PFC a-t-il été correctement évalué ?
A l'Assemblée nationale, une disposition, qui est en quelque sorte une cote mal taillée, a été adoptée, à savoir la fixation d'un seuil de 60 millions de francs.
Les réactions des professionnels nous ont démontré que cette solution n'était certainement pas parfaite et que bien des entreprises, notamment dans le secteur que je citais tout à l'heure, peuvent rencontrer des problèmes de compétitivité lorsqu'elles sont confrontées à des entreprises concurrentes obéissant à des règles du jeu différentes.
J'ai bien entendu M. le rapporteur général, et j'indique par avance que je voterai l'amendement de la commission des finances, qui permet, par un étalement plus long, d'atténuer les difficultés à attendre de la mesure proposée par le Gouvernement.
Je crains, pour ma part, que ce ne soit pas la solution de fond pérenne qu'il serait nécessaire d'apporter à la question posée. Il semble que, pour préparer nos délibérations préalables à de futures lois de finances, il ne serait pas inutile de réaliser une étude plus complète. C'est pour cela que je suggère la présentation, par le Gouvernement, avant le 15 septembre 1998, d'un rapport nous permettant, notamment, de savoir s'il ne serait pas préférable d'opter pour une autre règle comptable d'évaluation des stocks.
Par ailleurs, la méthode « dernier entré, premier sorti », souvent adoptée par nos partenaires internationaux, me paraît de nature à répondre aux situations concrètes rencontrées par les entreprises concernées.
Une telle étude pourrait nous permettre de mieux apprécier la question. Monsieur le secrétaire d'Etat, ce rapport serait sans doute de nature, pour l'avenir, à mieux éclairer nos choix futurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-146 et I-33 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'amendement n° I-146 a beaucoup de qualités. Il n'a qu'un seul défaut : il dégrade le solde du présent projet de loi de finances. C'est ce qui a conduit la commission des finances, qui partage totalement les objectifs de son auteur, à préférer son propre amendement qui n'a pas le même impact sur le solde budgétaire du projet de loi de finances. Si M. Lesein rejoignait la proposition de la commission des finances, celle-ci s'en sentirait honorée.
S'agissant de l'amendement n° I-33 rectifié, présenté voilà un instant par notre collègue M. Marini, qui a d'ailleurs peut-être esquissé la présentation de l'amendement n° I-34, la commission est tout à fait favorable à la présentation d'un rapport.
Si nous sommes bien conscients, les uns et les autres, qu'il faut trouver des recettes pour équilibrer le budget, nous souhaitons que celles-ci soient le moins pénalisantes possible pour l'entreprise mais, aussi et surtout, pour l'emploi.
La préconisation de notre collègue M. Marini va dans ce sens. Il s'agit, grâce au rapport qu'il demande au Gouvernement de présenter au Parlement, d'étudier l'impact des dispositions fiscales de même nature que la déductibilité de cette provision et de disposer des informations nécessaires que pour les dispositifs à venir soient les moins pénalisants possible pour l'emploi.
Voilà les raisons pour lesquelles la commission des finances a émis un avis favorable sur l'amendement n° I-33 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-7 rectifié, I-146 et I-33 rectifié ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'amendement n° I-7 rectifié vise à porter de trois ans à six ans la durée de réintégration de la provision pour fluctuation des cours. Je reconnais que M. le rapporteur général a eu l'habileté de faire en sorte que cette mesure n'ait pas d'impact sur les comptes de l'Etat en 1998. Cependant, comme il n'y a pas de miracle, ce dispositif coûtera 350 millions de francs en 1999 et 350 millions de francs en l'an 2000, notamment.
Si cette mesure ne dégrade pas l'équilibre budgétaire de l'année sur laquelle nous sommes en train de travailler, elle porte en germe une dégradation à terme. C'est la raison pour laquelle l'amendement n° I-7 rectifié, pas plus, monsieur Lesein, que l'amendement n° I-146 ne peuvent être acceptés par le Gouvernement.
Par ailleurs, je relève que les propositions du Gouvernement dans le projet de budget initial ont été modifiées par l'Assemblée nationale et qu'un bon point d'équilibre a été trouvé : le dispositif n'est plus applicable qu'aux très grandes entreprises.
M. Marini propose enfin le dépôt d'un rapport comportant une étude d'impact d'ici au 15 septembre 1998. Si les rapports et les études d'impact sont tout à fait importants, il me semble que ces demandes n'ont rien à faire dans une loi de finances.
C'est donc pour des raisons non pas de fond, mais de forme, que je demande au Sénat de rejeter également l'amendement n° I-33 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-7 rectifié.
M. François Lesein. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Pour honorer la commission, je me rallie bien sûr à sa proposition de cinq ans.
En acceptant de diminuer un tel délai d'un an, j'allège certainement vos soucis, monsieur le secrétaire d'Etat.
A l'Assemblée nationale, certains avantages ont été accordés, ici et là, comme vous venez de le reconnaître. Le Sénat vaut bien l'Assemblée nationale, il mérite donc que l'on fasse aussi quelques efforts ici. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Cela dit, nous retirons notre amendement.
M. le président. L'amendement n° I-146 est retiré.
M. Maurice Blin. Je demande la parole pour explications de vote.
M. le président. La parole est à M. Blin.
M. Maurice Blin. Ce débat, qui paraît bien technique, est d'une importance économique et sociale considérable. J'espère que vous la mesurez à sa véritable dimension, monsieur le secrétaire d'Etat.
Vous avez bien voulu dire tout à l'heure que cette affaire méritait réflexion et qu'en ce qui concernait les plus grandes sociétés françaises concernées il y aurait, le temps venu, une étude plus approfondie des effets que cette disposition pourrait avoir sur elles.
Pourquoi donc ne pas commencer par là et pourquoi ne pas commencer par vous éclairer vous-même et éclairer le législateur sur une mesure qui risque d'avoir des conséquences graves, pour ne pas dire plus, sur des sociétés d'une extrême importance pour l'économie générale de notre pays, en particulier pour nos exportations ?
Je souhaiterais donc très vivement que le Sénat ne vous suive pas dans une décision que je trouve à tous égards regrettable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait une distinction qui ne me paraît pas saine entre les grands, les moyens, les petits, en disant que l'Assemblée nationale s'était souciée de protéger les moyens et les petits.
Elle a eu raison, mais ce n'est pas parce qu'on est gros que l'on est coupable. Je pense au contraire que les plus grandes entreprises concernées - j'en compte dans mon département, comme certains de mes collègues - sont, en matière d'exportation, de production, de productivité, le fer de lance de l'économie française. Or, vous nous dites que vous ne savez pas très bien ce qu'il adviendra d'elles.
Je ne puis, pour ma part, approuver un texte conçu de cette manière, et c'est à regret que je serai peut-être conduit à approuver la disposition que nous soumet la commission des finances, qui est saine dans son principe, mais qui n'est qu'une demi-mesure.
C'est donc, monsieur le secrétaire d'Etat, au principe même du texte que vous proposez que je m'oppose, car il aurait pour effet de porter atteinte aux entreprises de très haute qualification.
Si l'Etat cherche de l'argent, de grâce, qu'il le cherche ailleurs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Maurice Schumann. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Schumann.
M. Maurice Schumann. Je voudrais m'associer aux paroles qui viennent d'être prononcées par M. Blin et à celles qui avaient été prononcées auparavant par mon ami M. Philippe Marini.
Je suis consterné, je dois le dire, par l'accueil que réserve aux amendements du Sénat, même à celui de la commission des finances, le Gouvernement. Je me dois donc de vous poser très franchement une question, monsieur le secrétaire d'Etat.
L'industrie textile a le sentiment d'être l'une des cibles choisies par le Gouvernement. Je ne multiplierai pas les démonstrations à cet égard, je constate seulement qu'il y avait eu un arrêt de l'hémorragie, qu'il y avait eu une certaine reprise économique, et que tout cela est maintenant stoppé au détriment de l'emploi ! C'est là la considération capitale.
Il est vrai que l'amendement voté par l'Assemblée nationale avait amélioré la situation. Mais la distinction qui a été opérée et qui a été dénoncée par M. Blin ne tient pas compte du fait que les entreprises qui ne tireront pas de bénéfice de cet amendement sont précisément celles qui ont fait entrer pour l'essentiel, dans leurs fonds propres, la provision pour fluctuation des cours.
J'ai été très surpris d'apprendre que cette incorporation partielle des provisions pour fluctuation de cours dans les fonds propres avait été dénoncée par le Gouvernement alors qu'elle était parfaitement légale, qu'elle n'avait rien d'une fraude et qu'elle avait contribué à permettre l'arrêt de l'hémorragie de l'emploi et une participation croissante de l'industrie textile aux exportations.
Je dois vous dire que la consternation, non pas des syndicats patronaux seuls, mais également de tous ceux qui, de près ou de loin, participent aux industries textiles et de l'habillement, va être aggravée par le refus que vous venez de nous opposer, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je vous demande au moins de répondre à cette question précise : avez-vous calculé l'incidence en ce qui concerne l'emploi, c'est-à-dire l'essentiel, sur l'industrie qui est en cause et que je viens d'évoquer, l'industrie textile, des mesures que vous proposez imprudemment et des vetos que vous nous imposez non moins imprudemment ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, comme j'imagine que M. le secrétaire d'Etat souhaitera intervenir, je préfère prendre la parole avant lui, par courtoisie républicaine.
Tout à l'heure, M. le secrétaire d'Etat m'a alerté sur le danger qu'il y aurait à reporter sur les exercices budgétaires suivants une « facilité », si je puis dire.
La fierté du Sénat, c'est précisément de tout faire pour garder dans ce pays une assemblée qui veille à ce que l'on ne reporte pas, ou le moins possible, sur les générations futures ce que l'on n'aura pas accepté de faire supporter par les contribuables dès l'année prochaine.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, quand il m'arrivera de céder à quelque facilité, j'ose dire à quelque lâcheté, rappelez-moi à mes devoirs !
Toutefois, en la circonstance, je tiens à présenter une observation d'ordre comptable.
L'amendement n° I-7 rectifié de la commission des finances vise effectivement à reporter un peu dans le temps l'application de la loi, mais il ne dégradera pas le montant global des recettes fiscales attendu pour 1999 et les quatre années suivantes, comme vous l'avez dit.
En premier lieu, le mécanisme proposé ne fait que reporter dans le temps une partie des recettes fiscales escomptées. En second lieu, si un mécanisme de substitution est mis en place, de type provisions pour hausse des prix améliorée, les sommes portées aux provisions pour fluctuation des cours seront en partie reportées sur la nouvelle provision, aux dépens des recettes de l'Etat.
Nous avons donc eu le sentiment d'assumer aussi les exercices budgétaires ultérieurs, ce qui est important pour nous. En effet - n'y voyez pas malice - si les ministres passent, un certain nombre d'entre nous restent et, si Dieu me prête vie, je siégerai encore dans cette assemblée en l'an 2001 et je serai alors prêt à assumer la responsabilité des propos que j'ai tenus aujourd'hui.
L'amendement de la commission des finances n'est peut-être pas acceptable pour le Gouvernement, il n'en demeure pas moins qu'il est tout à fait honorable et responsable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je voudrais répondre de manière très précise à MM. Blin et Schumann et les rassurer.
Monsieur Blin, le Gouvernement n'a rien contre les grandes entreprises !
En l'espèce, il ne s'agit pas des grandes entreprises qui sont à la pointe de la technologie française et qui exportent dans le monde entier dont vous avez parlé. Le Gouvernement, qui est attaché à la croissance, comme vous tous, je pense, n'a en effet absolument aucune raison de les pénaliser.
Il s'agit d'une vingtaine de très grandes entreprises qui ont utilisé cette provision pour fluctuation des cours pour alléger leur contribution fiscale - c'était leur droit le plus strict, puisque cette possibilité figurait dans le droit fiscal - dans des proportions qui ont été parfois tout à fait notables.
Je rassure M. Blin en portant à 60 millions de francs la franchise pour ces provisions, les entreprises françaises de haute technologie sont épargnées.
Il en est de même pour les industries textiles. Monsieur Schumann, c'est à juste titre que vous vous êtes ému de leur situation, mais aucune d'entre elles ne figure dans les vingt entreprises dont je parle étant donné le seuil qui a été retenu. Sont épargnées également d'autres entreprises qui nous ont été signalées, telles que les papeteries, les scieries, etc.
Nous évoquerons peut-être le plan textile à l'occasion de la discussion d'autres amendements. Je sais que ce sujet vous tient à coeur, tout comme au Gouvernement d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, même si les entreprises textiles achètent de la laine, du coton, en un mot utilisent des matières premières, elles ne sont pas touchées par cette provision pour fluctuation des cours de 60 millions de francs.
J'ajoute, monsieur le rapporteur général, que je n'ai jamais prononcé le mot de « facilité » ni a fortiori le mot de « lâcheté ». Je ne les ai même pas pensés. (M. le rapporteur général acquiesce.)
Je dis simplement, monsieur le rapporteur général, que votre mesure qui, effectivement, ne coûte rien en 1998, crée un risque pour les années 1999, 2000 et les suivantes.
Connaissant votre sagacité, il est tout à fait possible que vous ayez raison. Si la provision pour hausse de prix permettait à l'Etat de ne pas voir se dégrader ses recettes fiscales, nous serions effectivement dans une situation de glissement intelligent d'une mesure qui a permis l'évasion fiscale vers une disposition fiscale qui paraît tout à fait respectable.
Je maintiens néanmoins l'opposition du Gouvernement et je demande au Sénat de bien vouloir rejeter l'amendement défendu par M. le rapporteur général, parce que je crois qu'il présente un risque financier pour les années 1999 et 2000, notamment.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-7 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-33 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6