M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Plusieurs sénateurs du RPR. Quel succès !
M. François Gerbaud. Je vous invite, monsieur le ministre, sauvé des eaux et des inconvénients de la route, à monter au ciel. Rassurez-vous, je parle du ciel des transports aériens ! (Sourires.)
Aujourd'hui et demain, le syndicat national des pilotes de ligne appelle l'ensemble des pilotes et mécaniciens navigants d'Air France à cesser le travail.
Les raisons comme les effets de cette grève ne sont pas forcément perceptibles pour le grand public. En effet, une fois n'est pas coutume, cette grève n'a pas pris tous les usagers du ciel en otage.
Toutefois, le mouvement d'aujourd'hui témoigne d'un malaise persistant au sein de l'ex-Air Inter et de revendications qui appellent quelques réflexions, puis une question.
La fusion est désormais acquise et irréversible. Toute opération de fusion, chacun le sait, comporte un certain nombre de difficultés. Il semblerait qu'à Air Inter les conditions d'une fusion sans heurts ne soient pas remplies.
Notamment, les personnels d'Air Inter ne se voient pas confirmés à des postes de responsabilité que leur grade, leur expérience et leur technicité devraient justifier. De surcroît, il semble qu'ils soient bien souvent, en l'absence de concertation, mis face à des changements importants dans les méthodes de travail ; c'est précisément le cas des personnels navigants.
Par exemple, en ce qui concerne la formation des pilotes, ces derniers s'étonnent des changements fondamentaux intervenus dans les méthodes de travail dans les cockpits et dans la documentation avion : chacun d'eux reçoit, pour toute instruction, une cassette vidéo de vingt minutes à étudier chez soi sur son magnétoscope !
Autre exemple : pour la rédaction du compte rendu mécanique, que tout pilote doit rédiger après chaque vol, on est revenu, contre toute logique de modernisation, à l'ère du papier carbone ! A Air Inter, depuis quinze ans, ces documents étaient apparemment traités par informatique.
Monsieur le ministre, Air Inter doit-il, oui ou non, rester l'outil d'aménagement du territoire qu'il a toujours été ? Cette vocation ne semble pas aujourd'hui confirmée : des escales et des lignes ont été abandonnées - Toulouse, Nantes, Paris-Perpignan - au profit d'autres compagnies, notamment étrangères, désormais très présentes dans le ciel français du fait de la déréglementation.
Doit-on en conclure que la réorganisation des missions de desserte domestique de l'ex-Air Inter est conçue dans le seul but d'alimenter le très important hub Air France de Roissy et qu'il y aurait un relâchement dans les missions court-courrier de l'ex-Air Inter ?
Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, qu'Air France, pénalisée par sa non-privatisation annoncée, privée des alliances dont elle a besoin, sacrifie à sa vocation d'un transport aérien exclusivement intercontinental les missions de desserte domestique et d'aménagement du territoire.
Comment entendez-vous, avec le pragmatisme que l'on vous connaît et reconnaît, aider aux exigences d'une fusion harmonieuse ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison : lorsqu'il y a malaise, il faut étudier les moyens de le dissiper, notamment en contribuant à l'établissement du dialogue social.
Trop longtemps, hélas ! ce souci n'a pas prévalu chez ceux qui gouvernaient la France, et c'est pourquoi sont advenues les difficultés que vous avez évoquées. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Un sénateur du RPR. Et qu'en pense M. Christian Blanc ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je tenais à faire ce rappel. Vous voyez ce à quoi je fais allusion. Il n'est point besoin de m'étendre davantage sur ce sujet. En tout cas, les Français ont choisi.
J'en viens au problème précis que vous avez soulevé. Tout d'abord, je tiens à rappeler que le départ de M. Christian Blanc était dû au fait que nous ne voulions pas privatiser Air France. Le Gouvernement souhaitait laisser cette compagnie dans le secteur public en lui accordant toutefois quelques ouvertures sur lesquelles je reviendrai. La nomination, à la tête d'Air France, de M. Spinetta, qui est un ancien président-directeur général d'Air Inter, a été, vous le savez, plutôt bien accueillie par le personnel.
Cela dit, vous avez posé une question très pertinente : la taille d'Air France, qui est aujourd'hui devenue la huitième compagnie au monde et qui est la première au plan national depuis sa fusion avec Air Inter, lui permettra-t-elle de se développer non seulement sur l'axe intercontinental, grâce au hub que vous avez évoqué à juste titre, mais également sur l'axe domestique, c'est-à-dire sur les liaisons intérieures et européennes ?
Je puis vous rassurer sur ce point, monsieur le sénateur. La lettre de mission que Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons adressée au président d'Air France va d'ailleurs tout à fait dans ce sens. Ainsi, l'effort en matière de politique commerciale et l'optimisation de l'outil de production, notamment grâce au hub, devront être poursuivis. Il devra également être veillé au renforcement de la qualité et de l'efficacité du réseau domestique, ce qui répond aux questions que vous avez soulevées, monsieur le sénateur.
Bien entendu, monsieur Gerbaud, - mais je suppose que vous partagez mon point de vue à cet égard - il n'appartient pas à l'Etat d'administrer une entreprise qui, certes, fait partie du secteur public mais qui doit bénéficier d'une autonomie de gestion. Loin de moi l'idée de vouloir étatiser quoi que ce soit (Ah ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste), et j'espère que telle n'est pas non plus votre intention !
L'abandon des lignes que vous avez évoqué, notamment celle de Perpignan, a été décidé - je ne me souviens pas de la date précise - par le précédent gouvernement.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Enfin, le Gouvernement a pris l'engagement, dès le début, de ne pas remettre en cause les alliances potentielles à la fois avec des compagnies américaines, s'il le faut, ou avec des compagnies européennes. Au contraire, nous ferons tout pour que Air France, qui reste dans le secteur public, non seulement se maintienne mais aussi se développe et rayonne aux échelons international et national. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)

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