M. le président. M. François Gerbaud appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences de la non-privatisation du groupe Air France sur l'avenir du pavillon français.
Il lui rappelle que, par cette décision, trois points fondamentaux pour l'avenir du transport aérien français restent en suspens : l'avenir du groupe Air France tout d'abord, qui doit répondre à quatre objectifs principaux, à savoir l'affrontement d'une nouvelle concurrence, la dynamisation de l'offre commerciale, la poursuite du redressement financier et la création d'alliances internationales ; le développement de Roissy ensuite, qui ne peut assurer pleinement son rôle de plate-forme européenne sans ses deux pistes supplémentaires ; la mise en oeuvre du schéma aéroportuaire, enfin, qui a été acté dans la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, notamment par l'utilisation plus rationnelle des aéroports existants.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser quelle politique il entend mener pour le transport aérien français. (N° 30.)
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le ministre, très rapidement après avoir pris vos fonctions au ministère de l'équipement, des transports et du logement, vous avez annoncé qu'il n'était pas question de privatiser Air France. Nous restons aujourd'hui très nombreux à redouter qu'une telle décision ne pénalise, voire ne paralyse le développement de la compagnie nationale. Où en sommes-nous en ce domaine ? Pouvez-vous nous dire quand et dans quelle proportion vous allez, comme vous l'avez annoncé, ouvrir le capital d'Air France ?
Nous savons, par ailleurs, que le développement de la compagnie nationale est l'une des conditions essentielles du développement de notre aviation civile sur l'ensemble du territoire national.
C'est, je crois, votre sentiment. En effet, lors d'une récente conférence de presse relative à la construction de pistes supplémentaires à Roissy, vous avez tenu à souligner le rôle que peuvent jouer certains aéroports de province pour soulager le ciel parisien de plus en plus embouteillé.
A cette occasion, vous n'avez pas manqué de citer l'aéroport de Châteauroux - Marcel-Dassault pour sa spécialité du fret - de tous les frets, y compris les plus spécialisés, ajouterai-je - et je vous en remercie très vivement.
En effet, l'aéroport de Châteauroux - Marcel-Dassault est un exemplaire et irremplaçable outil d'aménagement du territoire pour le département de l'Indre, pour la région et pour le territoire national. Dans le schéma aéroportuaire que nous attendons - d'ailleurs, quand allez-vous le publier, monsieur le ministre ? - l'aéroport de Châteauroux constitue l'illustration réussie de l'intermodalité des transports et la réponse immédiatement opérationnelle à l'encombrement des aéroports parisiens et aux attentes du marché du transport aérien, que l'on sait actuellement en pleine expansion.
Si vous avez nommément cité Châteauroux, c'est parce que vous savez que cet aéroport, avec sa piste de 3 500 mètres, est doté de tous les équipements de piste, de stockage et de manutention indispensables au traitement de tous types d'avions cargos. De surcroît, il se trouve en dehors des embouteillages du ciel qui paralysent la région parisienne, au coeur de la France, et bénéficie de conditions météorologiques plus que favorables.
Vous avez également cité l'aéroport de Châteauroux parce qu'il est parfaitement desservi par l'autoroute A 20, qui le met à deux heures de Paris, ainsi que par une voie ferrée en modernisation. De plus, s'agissant d'un aéroport industriel, donc sans luxe, il est particulièrement économique pour les compagnies qui commencent à l'utiliser.
Ainsi, Châteauroux peut soulager Paris. Cet aéroport est d'ores et déjà opérationnel ; il n'est pas une chimère en construction. Il est souhaité et utilisé par les professionnels du fret. Il est défini par le gouvernement auquel vous appartenez ainsi que par le précédent gouvernement comme une alternative au fret parisien.
Dès lors, monsieur le ministre, ma question est la suivante : au-delà du choix que vous avez exprimé de recourir davantage aux aéroports de province, comment et dans quelles conditions peut-on concrètement organiser la meilleure utilisation de l'infrastructure de Châteauroux - Marcel-Dassault, satisfaisant ainsi le double objectif d'aménager notre territoire et de désembouteiller Paris ?
En d'autres termes, comment organiser la déconcentration parisienne, que, comme vous, nous appelons de nos voeux, vers des aéroports de province qui, dès à présent, sont la meilleure manière de répondre au défi terrible de demain dans ce domaine ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, auprès du ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui reçoit en ce moment même, le ministre britannique des transports et qui m'a demandé de le suppléer.
Lors de son entrée en fonctions, M. Jean-Claude Gayssot a déclaré, au nom du Gouvernement, qu'il ne serait pas le ministre de la privatisation et de la dérégulation, ne croyant pas, pas plus que le Gouvernement, à l'infaillibilité des dogmes ultralibéraux ; d'ailleurs, les électrices et les électeurs n'y croient manifestement pas davantage.
L'évolution du marché des transports aériens rend en effet indispensable une attitude pragmatique, dans l'intérêt même de la desserte aérienne de notre pays. C'est notamment ce qui nous a conduit à accepter l'accroissement de la capacité de l'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle, tout en prenant les mesures nécessaires pour ne pas augmenter les nuisances.
Dans un environnement désormais très concurrentiel, sur le marché tant national et communautaire qu'extracommunautaire, tout doit être mis en oeuvre afin qu'Air France conserve son rang au sein des grands transporteurs mondiaux. C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable au statu quo .
Cela suppose de renforcer ses alliances internationales actuelles et d'en rechercher de nouvelles.
Le statut public de l'entreprise ne constitue pas un obstacle à la réalisation de ces alliances, pas plus que la privatisation n'est imposée par l'Union européenne.
Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que 85 % des alliances passées dans le monde par les entreprises de transport aérien sont exclusivement de nature commerciale et n'ont aucune implication sur le capital des compagnies.
Cela ne nous conduit cependant pas à exclure formellement toute perspective d'alliances financières ou de participations croisées qui pourraient être utiles à l'avenir d'Air France et à l'intérêt national.
Même si la situation de la compagnie nationale présente encore beaucoup d'éléments de fragilité, il est aujourd'hui indiscutable qu'Air France se porte mieux. Les résultats de son dernier exercice l'attestent.
A cet égard, l'Etat, qui a recapitalisé la compagnie à concurrence de 20 milliards de francs, les personnels, qui ont consenti des efforts importants, ainsi que la direction d'Air France, qui a opéré de bons choix stratégiques, ont pleinement contribué au rétablissement de l'entreprise publique.
Je constate d'ailleurs que l'appartenance d'Air France au secteur public n'a pas constitué, en l'espèce, un frein au rétablissement de la compagnie.
Les réformes opérées par Air France ont déjà produit des résultats tangibles, qu'il s'agisse de l'organisation du réseau autour de la plate-forme de correspondances de Roissy - Charles-de-Gaulle, de l'amélioration de l'utilisation des avions, de la dynamisation de l'offre commerciale ou encore de l'utilisation d'outils modernes de gestion de recettes ; mais les effets escomptés restent, dans une certaine mesure, à confirmer.
Ce n'est que dans quelque temps que nous pourrons constater si la fusion d'Air France et d'Air France Europe, dont l'intérêt stratégique pour l'entreprise publique de transport aérien paraît incontestable, aura été maîtrisée et produira les effets attendus.
Le potentiel de développement de l'aéroport de Roissy nous paraît être un argument bien plus pertinent pour les partenaires actuels ou futurs d'Air France que son appartenance ou non au secteur public.
La décision récente relative au principe d'une ouverture limitée et minoritaire du capital d'Air France est donc, pour le Gouvernement, l'un des moyens d'assurer le développement de la compagnie et de lui permettre les nécessaires adaptations à l'environnement économique dans lequel elle évolue.
C'est la mission que le Gouvernement a entendu confier au nouveau président de la compagnie.
Vous avez certainement noté que la décision de réaliser deux nouvelles pistes à l'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle a été accompagnée de mesures concernant tant l'insertion de l'aéroport dans son environnement économique et social que l'aménagement du territoire. Le Gouvernement a également décidé de prendre toute une série de mesures destinées à lutter contre le bruit.
Ces dispositions s'accompagnent d'un engagement à limiter à terme le trafic global de l'aéroport. Le rôle que peuvent jouer les aéroports situés dans les régions fait l'objet d'une évaluation, et la perspective de développement du trafic de fret sur des plates-formes telles que celle de Châteauroux semble intéressante.
Ces éléments permettront d'alimenter le débat national sur la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, prévu l'année prochaine, et sur le schéma directeur sectoriel des infrastructures aéroportuaires.
L'importance de l'infrastructure de Châteauroux est à prendre en considération. Ce sera sans doute une opportunité dont les compagnies aériennes pourront se saisir.
A cet égard, il a été constaté que le tonnage de fret, qui représente maintenant plus de 1 700 tonnes par jour, a plus que doublé depuis le début de l'année 1997. Cela représente 22 % de mouvements d'avions en plus par rapport aux neuf premiers mois de 1996.
Il semble donc que les atouts de cette plate-forme attirent effectivement des transporteurs aériens, confirmant sa capacité à jouer une complémentarité intéressante par rapport aux aéroports parisiens.
M. François Gerbaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie infiniment de la précision de votre réponse.
S'agissant d'Air France, vous campez sur vos certitudes en bout de piste. Je ne pense que vous puissiez faire autrement, mais j'espère que le ciel vous entendra - lorsque je parle de ciel, je pense évidemment à celui dans lequel évoluent les avions (Sourires) - et que, effectivement, les réseaux pourront se constituer sans que pour autant Air France ait changé de statut.
Le temps répondra sans doute à votre certitude concernant la non-privatisation. Pour ma part, je reste convaincu qu'il sera difficile de réaliser des alliances au-delà du simple fait commercial. Par conséquent, l'interrogation reste posée ; elle n'est pas agressive, elle n'est pas dogmatique, elle répond simplement au bon sens.
En deuxième lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir insisté sur l'avantage que Roissy offre désormais à Air France et à son hub. Nous avions beaucoup insisté pour la création des deux nouvelles pistes, tout en tenant compte de l'intégration de la plate-forme dans son environnement, compte tenu des risques de nuisances. Je pense à Satolas, mais je pourrais citer d'autres exemples.
Quoi qu'il en soit, je souhaiterais que vous puissiez me confirmer la vocation de l'aéroport de Châteauroux, d'autant que cette vocation a été programmée et inscrite dans le temps, ce qui n'est pas le cas pour d'autres aéroports.
Aménagement des axes routiers de l'Allier