PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est reprise. Nous poursuivons le débat consécutif à la déclaration
du Gouvernement sur l'éducation nationale.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, brièvement
et bien que, dans la déclaration du Gouvernement, il n'ait pas été beaucoup
question de la période pré-élémentaire et élémentaire, je me permettrai de
développer quelque peu ces étapes, qui me paraissent assez fondamentales, pour
la raison très simple que, lorsque les responsabilités initiales ne sont pas
prises, on risque de retrouver tout le long du chemin des erreurs que l'on
aurait pu éviter.
Je commencerai mon propos, monsieur le ministre, en vous citant. Dans
La
Défaite de Platon
, que j'ai lu avec intérêt, deux affirmations ont retenu
mon attention.
La première est extraite de la conclusion. Il peut sembler bizarre que l'on
parte de la conclusion, mais c'est là que vous affirmez - et je vous suis sans
réserve - que le XXIe siècle sera technologique et culturel.
Par ailleurs, vous dites, dès le début, que l'ordinateur est l'outil
emblématique et symbolique, l'outil indispensable, le moteur de la science, et
vous lui donnez donc une place toute particulière, ensuite, dans votre
ouvrage.
Ces deux éléments mettent en évidence un accroissement, une diversification et
un approfondissement culturels qui auront, à n'en pas douter, des conséquences
sur l'évolution du modèle culturel que nous connaissons aujourd'hui.
C'est donc une obligation de trouver des moyens permettant l'accès de tous aux
nouveaux outils numériques, en inventant un parcours qui autorise une
progression semblable à celle de l'acquisition de la lecture et de l'écriture,
et ce dès l'école maternelle.
C'est nécessaire si nous voulons éviter une fracture culturelle - déjà
existante, d'ailleurs, dans le maniement de ces outils - qui viendrait
accroître la fracture sociale.
Tout récemment, lors d'un entretien avec Edgar Morin, vous avez dit qu'il
fallait initier à cette révolution culturelle. Pour ce faire, vous avez suggéré
que la révolution se fasse plutôt par le haut, estimant que la révolution par
le bas viendrait par la suite.
C'est vrai, les IUFM forment les enseignants, et il faut donc commencer par
là, c'est-à-dire accroître le nombre d'heures de formation, qui est aujourd'hui
insuffisant pour acquérir la maîtrise des subtilités de l'ordinateur, de
l'usage du cédérom et, surtout, pour naviguer sur Internet sans s'y noyer - j'y
reviendrai dans un instant.
Je remarque toutefois que dans le système pédagogique de l'école dite de Jules
Ferry mais commencée déjà sous Guizot, on n'a pas attendu, pour apprendre à
lire et à écrire, que les écoles normales d'instituteurs et d'institutrices
soient créées, puisque celles-ci l'ont été les premières en 1875 et les
secondes seulement en 1878.
Je pense - je ne sais si je vous en convaincrai - qu'il faut trouver les
moyens pour démarrer l'apprentissage très tôt.
Il faut également se méfier de ce que j'appellerai le « paradoxe d'Internet ».
En effet, on a tendance à dire que si l'on donne un mél - le
e-mail
des
Anglo-Saxons - à tout le monde sur Internet, on aura résolu le problème. Or, je
crains que, pour utiliser intelligemment ce réseau, on ne soit obligé de
prendre un certain nombre de précautions.
Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Voilà quelques jours, dans une
école maternelle, on a branché les enfants sur le réseau Internet. Victoire !
On a trouvé de nombreuses informations. Puis, tout à coup, avec un lien, on est
tombé sur
X-Files
, les niaiseries du monde moderne, puis sur
Welcome
McDonald
. N'oublions jamais que tous ceux qui incitent à l'usage du réseau
sont aussi des vendeurs, et avant tout des vendeurs d'un peu n'importe quoi
!
Aujourd'hui, naviguer ainsi sur Internet, sans préparation, c'est un peu comme
si l'on envoyait dans une bibliothèque quelqu'un qui ne sait pas lire, ou à
peine, et qui ne sait pas comment choisir un livre parmi tous ceux qui
l'entourent.
Il faut donc - c'est l'essentiel de mon propos - commencer par l'usage banal
de l'ordinateur, et ce dès l'école maternelle, en faisant toutefois attention à
l'illusion que peut donner la capacité intuitive de l'enfant à savoir. En
effet, l'enfant peut savoir gribouiller avec des crayons, mais il lui faut un
certain temps pour apprendre à écrire et à lire correctement. Il faut donc
recourir à une démarche pédagogique progressive et graduelle pour aller petit à
petit vers le plus compliqué.
Ce nouveau stylo qu'est pour moi l'ordinateur, cet outil numérique ne
remplacera pas le stylo ordinaire et les livres, mais il modifiera les
capacités d'accès à la culture. Portable, il sera un cartable électronique avec
des cédérom. Mais on ne pourra pas toujours, j'en suis persuadé, lire sur
écran, car on ne peut pas analyser sur écran comme on le fait sur papier.
En revanche, il faudra instaurer une pédagogie de l'image, car il faut autant
d'attention et de recherche pour arriver à faire un travail correct sur une
image et apprendre à la décrypter qu'il en faut pour apprendre à décrypter les
textes, connaître la syntaxe, la grammaire, la place des mots, des adjectifs,
dont le sens varie selon qu'ils sont avant ou après le nom.
Aujourd'hui nous devons donc préparer rapidement, intelligemment, cette entrée
de l'ordinateur dans la vie de l'enfant. Il a fallu quelque quatre à cinq ans
pour qu'un instrument très banal, aujourd'hui supprimé d'ailleurs, à savoir
l'encrier sur les tables scolaires, trouve une forme qui permette de le fixer
de telle sorte qu'on ne puisse plus se le jeter à la tête en jouant dans la
classe !
Ensuite, il faudra apprendre à gérer effectivement Internet. De ce point de
vue, il y aurait besoin de quelques signes forts. De nombreuses expériences ont
eu lieu en France. Il conviendrait d'en rassembler les fruits et, à cet égard,
un déclic ministériel serait intéressant.
Le signe fort, ce serait décider d'équiper les écoles, comme lors du plan
Informatique pour tous, qui a ses mérites et qui a eu ses défauts, avec les
emplois-jeunes, faciliter la formation accélérée des enseignants, sans attendre
l'arrivée de ceux qui sortiront des IUFM, doubler les heures d'enseignement par
rapport à ce qui se pratique aujourd'hui dans les IUFM et, peut-être, créer
d'abord des réseaux Intranet entre les écoles de France, les écoles
européennes, si possible les bibliothèques et les musées, sans pour autant
exclure l'ouverture de fenêtres sur Internet.
Bref, je vous fais confiance quant à cette évolution. A ce propos, j'ai
regretté que vous ne soyez pas présent, le 9 octobre dernier, au colloque
organisé par le Sénat.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je ne peux pas me couper en trois !
M. Franck Sérusclat.
Vous étiez cependant présent dans le discours, car les propos tenus à la fois
par M. le Premier ministre, par M. le président de l'Assemblée nationale et par
M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale étaient très proches de ce qu'auraient pu
être les vôtres.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées et
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'enseignement supérieur et la recherche ont été l'objet depuis plusieurs
années de maintes attentions et sollicitations. Celles-ci se sont
malheureusement bien souvent traduites par une aggravation des conditions de
vie, de travail et d'études des enseignants, chercheurs et étudiants, et par
une inadaptation des structures aux enjeux contemporains.
Je ne peux donc, monsieur le ministre, qu'approuver les avancées contenues
tant dans l'orientation des choix opérés que dans le projet de budget pour
l'Université et la recherche. Celles-ci peuvent permettre l'amorce d'une
nouvelle approche de ces questions fondamentales pour l'avenir de notre
société. C'est dans cette perpective que je veux situer cette brève
intervention.
Nous assistons depuis plusieurs années à une hausse très importante de la
demande sociale de formation supérieure. On peut toujours disserter sur les
différentes origines de ce phénomène ; l'essentiel est qu'il existe et qu'il
est durable. La formation initiale et continue de l'essentiel des salariés de
demain passera par l'enseignement supérieur.
La question de l'enseignement supérieur pour tous est donc posée. Nous vivons
une mutation de la société où le développement de la culture scientifique,
technique et sociale pose cette question. Quand on disait cela il y a quinze ou
vingt ans, monsieur le ministre, on nous riait au nez. Aujourd'hui, des gens
sont recrutés à bac + 2 pour un travail d'ouvrier parce que ce travail est
devenu très qualifié. Cela vaut aussi pour les employés. C'est un autre cas de
figure que celui que nous avons connu dans notre jeunesse.
La question d'une culture de haut niveau pour tous est à l'ordre du jour, sauf
à accepter une société à plusieurs vitesses dans laquelle des gens seront
assistés quasiment toute leur vie.
Cela dit, des questions d'une ampleur nouvelle se posent.
Est-il possible de concilier formation de masse et formation de haut niveau,
formation initiale de qualité et préparation aux métiers d'une société en
perpétuelle évolution ?
Est-il possible de continuer à former dans un même système supérieur ceux qui
devront occuper les postes avancés de la recherche et ceux qui occuperont la
grande variété des métiers et des qualifications nécessaires au pays ?
Si ces questions ne sont pas sans effrayer certains, je considère, au
contraire, que l'élargissement des missions de l'université et de ce qu'il est
de coutume d'appeler la « massification » est une chance historique pour notre
société.
C'est au niveau de ces enjeux considérables, essentiels pour l'avenir de la
nation et de la jeunesse, qu'il nous faut penser les missions de l'université
d'aujourd'hui et appréhender les moyens, humains et financiers nécessaires à
ces objectifs.
Les outils majeurs d'adaptation de l'enseignement supérieur à ces nouvelles
missions sont, à mon sens, monsieur le ministre, la rénovation et la
démocratisation du service public d'éducation et de recherche.
Je partage votre volonté de « débureaucratiser » le système. Ce n'est pas un
effet de mode, mais une nécessité pour l'efficacité, la qualité, la justice
dans le service rendu. Mais je pense qu'il faut la lier à la démocratisation
des structures de gestion, d'évaluation et de direction, et à une meilleure
participation des personnels dans leur ensemble.
Le temps me manquera pour évoquer les autres réformes de structures
nécessaires. Permettez-moi, cependant, d'évoquer l'amélioration de
l'orientation, de l'articulation entre enseignement secondaire et supérieur, du
lien recherche-enseignement, de la complémentarité entre universités et grandes
écoles et toujours la grande question de l'aménagement du territoire dans ce
domaine.
S'agissant maintenant de l'emploi, les besoins sont très importants, et les
chiffres que nous connaissons témoignent tous de l'ampleur du nombre de postes
à créer. Il est vrai que la création d'emplois d'enseignants-chercheurs, de
personnels IATOS sera le témoin-vérité de toute possibilité de développement de
l'enseignement supérieur et de la recherche.
Evidemment, cette université du troisième millénaire ne peut évidemment se
construire sur l'exclusion d'une grande partie de notre jeunesse.
La massification n'a pas fait disparaître la sélection sociale ; celle-ci
s'est même aggravée. L'égalité des chances, pensons-nous, doit être au coeur de
toute politique en matière d'enseignement supérieur. Une définition et une
adoption rapide du plan social « Etudiant » peuvent y contribuer avec
efficacité.
Enfin, la recherche et plus particulièrement l'emploi scientifique doivent
être fortement impliqués dans ces objectifs. Les avancées du futur budget sont
notables. Pour autant, certaines questions se posent.
Si je partage la priorité que vous donnez à l'emploi scientifique, celle-ci
est-elle contradictoire avec un essor des très grands équipements ? Or le
budget des très grands équipements régresse. Des projets sont arrêtés, comme
vous nous l'avez annoncé vous-même, monsieur le ministre, lors de votre
dernière audition devant notre commission des affaires culturelles. Je pense au
projet SOLEIL. Je suis élu, vous le savez, d'une région candidate à l'accueil
de ce projet. Son arrêt suscite une émotion certaine...
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. Ivan Renar.
... car l'accueil du LURE, tout en répondant à un besoin national, permettrait
de rééquilibrer un déficit en matière de postes et d'équipements. L'arrêt du
projet est un moins pour les régions candidates qui n'est pour l'heure pas
compensé par un plus significatif en matière d'emplois scientifiques.
Monsieur le ministre, voilà quelques réflexions que je voulais rapidement vous
soumettre à l'occasion de ce débat. Je l'ai fait en m'appuyant sur les avancées
politiques et budgétaires positives que vous avez annoncées pour contribuer à
la réflexion et à l'élaboration d'un enseignement supérieur et d'une recherche
modernes, aptes à affronter les défis et enjeux du troisième millénaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin.
Je dois d'abord vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir permis ce débat
prébudgétaire, qui nous donne l'occasion d'échanger des idées et de vous faire
part de nos préoccupations.
Je voudrais vous livrer le sentiment que je ressens depuis maintenant quatre
ou cinq mois.
Les trois premiers mois, en congé un peu forcé, nous n'avions pour seules
informations que celles que nous pouvions lire dans la presse.
L'un de vos illustres prédécesseurs voulait faire passer la France des
ténèbres aux lumières : j'ai l'impression que vous, vous vous plaisez dans un
certain clair-obscur où il est très difficile de discerner les détails. Mais,
au bout d'un certain temps, l'oeil s'adapte et apparaissent des choses que l'on
ne voyait pas de prime abord.
Qu'avons-nous appris cet été par la presse ?
Je me souviens du premier article que j'ai lu et de la déclaration du comité
anti-amiante de Jussieu ; les syndicats des personnels de l'université de
Paris-VII avaient adressé un courrier au nouveau Premier ministre dans lequel
ils qualifiaient de « provocation inutile » votre nomination ! Le ton semblait
donné.
Dans le même article, les journalistes prenaient tout de même la précaution de
rappeler le programme socialiste et de bien préciser l'abandon des suppressions
de postes qui avait été promis pendant la campagne, surtout dans les premier et
deuxième degrés, les mesures d'urgence dans les zones difficiles, la relance
d'une politique ambitieuse pour l'université et la recherche, et cela avait
particulièrement attiré mon attention, monsieur le ministre, car je ne vous
parle que de l'enseignement supérieur, vous vous en doutez.
Puis j'ai découvert une interview à
Paris-Match
dans laquelle vous
disiez non pas que les choses allaient changer, mais que la réforme Jospin,
baptisée « Bayrou », avait été mise en route, que, de toute manière, vous ne
vouliez pas de cassure et que vous alliez faire du « bricolage » au sens noble
du terme, et vous ajoutiez : « La réforme Bayrou, nous allons la poursuivre,
mais la mettre en place dans la concertation. »
S'agissant de concertation, nous assisterons, dans les quelques jours qui
suivront, à un psychodrame affectant vos relations avec les syndicats, qui
présentent en vain des demandes d'audience,...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous plaisantez !
M. Jean-Pierre Camoin.
... ce qui fera dire à un syndicaliste cité par
Le Monde
: « Cinq ans
qu'ils ont quitté le pouvoir, et ils croient tout savoir. » Mais passons...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, j'ai passé vingt-cinq jours à recevoir des syndicats !
M. Jean-Pierre Camoin.
Je cite la presse, c'est tout !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Excusez-moi de vous interrompre, mais je suis un scientifique, et je ne peux
pas écouter des informations fausses sans réagir !
M. le président.
Vous avez le droit de réagir, monsieur le ministre, mais vous devez demander à
l'orateur l'autorisation de l'interrompre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je vous prie de m'excuser, monsieur le président.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin.
Il s'agissait donc d'une citation tirée du
Monde.
Je tiens l'article à votre disposition, monsieur le ministre.
Quoi qu'il en soit, le 24 juin, j'étais tout à fait rassuré, car était alors
rendu public le plan pour les universités. Comment ne pas applaudir à ce plan
visant à mener la bataille de l'intelligence du xxie siècle ?
Quinze points étaient détaillés, mais je n'en citerai que quelques-uns : faire
entrer l'innovation dans le système éducatif, replacer l'élève et l'étudiant au
centre de celui-ci et, surtout, donner la priorité budgétaire à l'éducation et
à l'enseignement supérieur.
Je passerai sur le fait que c'est alors que vous avez annoncé qu'il fallait «
dégraisser le mammouth » et déclaré que vous n'étiez pas le Père Noël.
Quelques jours plus tard, le 19 juillet, nous prenions connaissance du plan
social. Je vous cite : « Dans ce pays de comptables qui ne savent
qu'additionner des chiffres et aligner des statistiques, je veux que le sujet
principal de l'éducation soit l'enfant, l'étudiant, pas la situation des
enseignants. Cette priorité des priorités doit être posée non dans une
assemblée de syndicats, mais devant le pays tout entier. » Et vous ajoutiez : «
Entre la reconnaissance du principe d'autonomie dès dix-huit ans, qui se
traduirait par une forme de salaire étudiant, et l'attribution d'allocations
fondées sur le revenu des parents, il n'y a pas de solutions toutes faites »,
et vous envisagiez de saisir le Parlement dès 1998.
La confusion était alors à son comble et a fait dire à Arnaud Hurel, de l'UNI
: « Enfin un vrai ministre de droite. Que n'a-t-il été nommé plus tôt ! »
Le même jour, cependant, on pouvait lire dans les colonnes du
Monde
: «
L'exception Claude Allègre, le ministre aux mille et une idées. Il parle
beaucoup, de tout et partout, promet des emplois, des postes, des bâtiments,
des programmes, des chercheurs et des découvertes. Ce ministre à part adore le
contre-pied mais continue à buter sur une difficile équation budgétaire. » Et
l'auteur de regretter en conclusion que le statut étudiant soit renvoyé à plus
tard. Car, en fait, c'est de cela qu'il s'agit : lorsque vous étiez intervenu,
c'était pour annoncer que le statut étudiant était reporté à 1998.
Le mois d'août passe normalement, dans la quiétude de la chaleur de l'été et
d'une France en sommeil pour cause de congés.
Et nous voilà à reprendre nos travaux parlementaires !
Dans un premier temps, nous avons en quelque sorte régularisé des mesures que
vous aviez prises et pour lesquelles il était difficile de réunir le Parlement.
Je vous avais déjà posé la question en commission ; vous m'avez fort justement
répondu qu'il y avait une question de date et qu'il fallait se presser ; c'est
pour cette raison que vous n'aviez pas tenu compte des principes républicains,
qui, normalement, ne souffrent pas d'exception, mais qui, là, et cela peut se
comprendre, en ont subi.
Depuis, nous avons appris que la réforme de la relance de la formation
continue à l'université était reportée à 1998 et que, en revanche, la réforme
du recrutement des universitaires devenait un problème urgent. Il est vrai
qu'il ne s'agit que de la treizième modification de ces procédures depuis 1984
! D'ailleurs, les premières propositions que vous aviez présentées ont subi des
modifications ; mais vous affirmiez qu'il ne s'agissait que d'une étape
provisoire.
En fait, si tout cela participait d'une certaine ambiance, ce ne serait pas
grave. Mais nous avons reçu, voilà maintenant quelques jours, un dossier
d'information qui, lui, à mon avis, est assez parlant : il traite de la rentrée
universitaire de 1997 et des projets de budget.
Là, pour le coup, nous sommes passés de la pénombre à la clarté lumineuse : le
projet de budget de l'enseignement supérieur qui est présenté comme prioritaire
serait en progression de 3,05 % en 1998. Or, je vous rappelle que celui de
l'exercice précédent avait augmenté de 5,5 %. Votre effort en faveur de
l'enseignement supérieur doit donc être relativisé.
Ces crédits globaux, monsieur le ministre, restent d'ailleurs inférieurs au
total de la subvention d'équilibre et du déficit de la SNCF. Il n'y a donc pas
de quoi pavoiser s'agissant de l'effort que nous faisons en faveur de
l'enseignement supérieur dans notre pays !
Vous avez également annoncé 3 000 recrutements. Je vous rappelle que votre
prédécesseur avait lancé un plan de rattrapage de 4 000 emplois par an. En
réalité, l'idée sur laquelle j'étais resté à la fin de l'été - le recentrage
sur l'étudiant et sur les problèmes sociaux - avait disparu. En revanche,
l'effort que vous faites est inférieur à celui de votre prédécesseur, malgré
tous les beaux discours.
Si nous ajoutons à cela que ce budget, comme tous les budgets, risque d'être
en trompe-l'oeil, qu'il s'agit d'un budget prévisionnel fondé sur des recettes
qui, peut-être, ne seront pas toutes au rendez-vous, eh bien, monsieur le
ministre, sans vouloir être un oiseau de mauvais augure, je pense que les
difficultés sont devant nous et non pas derrière.
Mais nous n'allons pas entrer dans les détails budgétaires...
M. Guy Allouche.
C'est dommage !
M. Jean-Pierre Camoin.
Nous le ferons dans quelques semaines.
La conclusion que je tire de tout cela - c'est que le clair-obscur ne profite
pas toujours et que, autant nous étions prêts, avec vous, à « dégraisser le
mammouth », autant nous ne sommes pas prêts à vous aider à « repeindre la
girafe » !
(Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, loin d'être
un animal préhistorique fossilisé, l'éducation nationale constitue un enjeu
trop important pour que les sénateurs, représentants des collectivités locales
- en particulier les maires qui exercent des responsabilités dans le domaine
scolaire - soient absents d'un débat crucial pour l'avenir de ce grand service
public et pour notre société.
Depuis votre prise de fonctions, monsieur le ministre, vos déclarations
tonitruantes ont été largement entendues, bien accueillies par l'opinion et
différemment ressenties par les enseignants.
Cependant, au-delà de vos talents d'orateur, finement maladroit et
volontairement provocateur, je serais tenté de dire : « Paroles, paroles...
».
Il est vrai qu'il paraîtrait délicat de se montrer hostile à l'annonce de
mesures aussi alléchantes, bien que encore à l'état de projet pour
certaines.
Mais, n'en soyez pas étonné, l'ancien directeur d'école que je suis n'a pas
été vraiment convaincu !
En effet, monsieur le ministre, de nombreuses contradictions apparaissent dans
vos déclarations.
Vous avez gagné en popularité - cela a été longuement répété au cours de cette
séance - en déclarant, le 25 juin 1997, dans un quotidien du soir, vouloir «
dégraisser le mammouth » qu'est l'éducation nationale alors que, dans le même
temps, vous annonciez la titularisation progressive de 39 000 maîtres
auxiliaires et que vous promettiez la création de 40 000 emplois par an, pour
lesquels il faudra engager des procédures de titularisation au terme des cinq
ans. Où est la cohérence, monsieur le ministre ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Dans la définition du « mammouth » !
M. Pierre Martin.
J'y reviendrai !
Et avec votre verbe et votre verve, désormais légendaires, vous avez su
dénoncer les dysfonctionnements qui affectent l'éducation nationale.
Je citerai le cloisonnement bureaucratique et l'univers administratif et
syndical qu'il convient de débloquer, la gestion centralisée du personnel, qui
est un véritable casse-tête pour vos services, la procédure de remplacement des
enseignants partis en congés formation, qui est inefficace et qui concourt à un
absentéisme aux effets certainement déplorables pour nos enfants.
Le « zéro défaut » est encore loin !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il est là !
M. Pierre Martin.
Non, monsieur le ministre, pas encore !
Que penser, par ailleurs, monsieur le ministre, de tous ces maîtres
auxiliaires envoyés en nombre dans les lycées dans l'attente d'un remplacement
- environ 10 % du personnel enseignant - et qui finissent par rester chez eux
parce qu'ils ne trouvent pas ou ne veulent pas trouver, en raison de leur
spécialité, de tâches de soutien à assurer.
Quant au personnel titulaire, il s'aperçoit qu'il peut être plus souvent
malade qu'avant : toute façon, il y a quelqu'un pour le remplacer.
J'imagine mal comment un fils, un époux et un père d'enseignant comme vous,
monsieur le ministre, peut tolérer plus longtemps un tel gâchis !
Il convient de réformer au plus vite cette administration qui est le premier
employeur mondial, avec plus d'un million de salariés, et qui est classée au
premier rang des postes budgétaires de l'Etat.
Il est par ailleurs inacceptable qu'un enfant sur sept ne sache pas lire à
l'entrée en classe de sixième, que deux enfants sur cinq ignorent la différence
entre un carré et un rectangle, que 10 % à 15 % de la population scolaire
empruntent le long couloir de l'illettrisme qui, de la maternelle à la classe
de troisième, traversent l'école de la République, qu'un jeune sur dix quitte
le système scolaire à seize ans sans aucun diplôme et qu'un conscrit sur dix ne
sache pas lire.
Si l'école ne peut ni faire disparaître les inégalités individuelles et
sociales, ni effacer les situations d'exclusion, nous ne pouvons nous résigner
à ce qu'elle soit le reflet fidèle de ces inégalités.
Alors oui, monsieur le ministre, le « mammouth » doit se remuer !
Permettez-moi de vous interpeller plus particulièrement, monsieur le ministre
- j'aurais cependant souhaité m'adresser directement à Mme le ministre - sur
des points qui me paraissent essentiels.
Il s'agit, en premier lieu, du fonds créé pour faciliter l'accès aux cantines
scolaires. Les enfants des écoles maternelles et élémentaires peuvent-ils en
bénéficier...
M. Guy Allouche.
Oui !
M. Pierre Martin.
... et, si oui, à quelles conditions ?
Il s'agit, en second lieu, de la reconduite du moratoire et de la réouverture
de huit cents classes sur quatre-vingt-un départements.
Décidées en fonction d'une convergence de critères qualitatifs et non
arithmétiques, privilégiant les zones rurales et urbaines difficiles, ces
réouvertures ont remis en cause une carte scolaire qui, finalement, était
presque acceptée par tous.
Pourquoi maintenir une solution transitoire qui retarde mais n'empêche pas des
fermetures rendues inévitables par la baisse des effectifs ?
Ne pouvait-on utiliser ces huit cents postes en les redéployant vers des
missions de soutien dans des zones difficiles, ou pour conforter en milieu
rural les regroupements centralisés voulus et créés ?
La Somme, mon département, avec 783 communes, connaît la ruralité, qui est un
« critère de difficulté sociale », selon vos propos.
En tant qu'élu local et national, j'ai la conviction que le moratoire n'est
pas, à terme, de nature à enrayer la désertification rurale. Peut-il contribuer
à améliorer l'enseignement ? Permettez-moi d'en douter !
En tant qu'enseignant, je peux affirmer que le système éducatif doit prendre
en compte les nouvelles technologies, considérer la démographie et l'espace
territoire et, plus simplement, s'adapter à notre temps.
Offrir les meilleurs services à nos enfants est un devoir. Cette possibilité
est-elle imaginable partout en l'état ? Je ne le crois pas !
L'intercommunalité, l'imagination et la volonté peuvent aider à la réalisation
de ces objectifs.
La réhabilitation et la transformation des écoles fermées en espaces de jeux,
d'animation, de lecture, par exemple, pour les jeunes d'un village, comme j'ai
pu l'expérimenter dans mon département, sont - croyez-moi - des facteurs de
valorisation et de réussite éducatives et culturelles et une façon de «
positiver » une fermeture.
Dans le cadre de l'ARVEJ, peut-on imaginer, monsieur le ministre, une prise en
compte des éducateurs qui assurent les activités périscolaires au titre des
emplois-jeunes ?
Vous avez décidé d'ouvrir de nombreux chantiers de rénovation. Je voudrais, à
cet égard, livrer quelques réflexions.
J'aurai certainement l'occasion d'intervenir ultérieurement sur des sujets
capitaux tel que le réemploi, lors de cette dernière rentrée scolaire, de 39
000 maîtres auxiliaires, enseignant parfois depuis dix ans, pour lesquels je ne
suis pas certain que le problème soit définitivement réglé.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Pierre Martin.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, vous avez employé un sigle, pourriez-vous le développer
?
M. Pierre Martin.
J'ai effectivement parlé de l'ARVEJ : il s'agit de l'aménagement des rythmes
de vie de l'enfant et du jeune.
Dans notre pays, de nombreux sites fonctionnent à titre expérimental,
c'est-à-dire que le matin est généralement réservé aux activités scolaires,
l'après-midi étant dévolu aux activités périscolaires, ces activités englobant
le sport.
J'interviendrai également sur la réintroduction, dès la maternelle, de cours
de morale et de civisme. Les bonnes habitudes abandonnées en 1969 apparaissent
aujourd'hui comme une action indispensable. Mais est-ce une découverte ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je vous dis oui !
M. Pierre Martin.
Voyez, nous sommes d'accord sur un point au moins !
J'évoquerai ensuite l'éradication de l'illettrisme que vous souhaitez mettre
en oeuvre pour lutter contre l'échec scolaire. Si l'intention est évidemment
bonne - très bonne même, monsieur le ministre - comment cependant comprendre
que des jeunes, après treize années de souffrance, finissent leur scolarité
sans maîtriser les apprentissages fondamentaux ? Ce n'est pas normal !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Non !
M. Pierre Martin.
Je me contenterai pour l'heure d'évoquer la loi sur les emplois-jeunes, par
laquelle vous créerez - au-delà des 40 000 emplois - un immense espoir, dont
j'ose souhaiter qu'il ne deviendra pas une désillusion.
Sans même attendre le vote définitif du texte par le Parlement, les rectorats
ont enregistré et sélectionné des milliers de candidatures ; ces demandes ne
pourront pas être toutes satisfaites.
Contrairement aux propos de Mme Aubry, ce plan exclut les jeunes n'ayant pas
de diplôme sanctionnant deux années d'études post-baccalauréat, au moins tant
que les 63 000 attributaires de contrats emplois-solidarité qui hantent les
établissements n'auront pas été réaffectés.
Les modalités de ce recrutement massif semblent poser de nombreuses questions
relatives à la mission dévolue à ces jeunes, au statut de ces derniers dans les
établissements et aux délais impartis aux équipes éducatives pour accueillir ce
personnel parfois surdiplômé par rapport à l'équipe d'encadrement.
Dans les écoles élémentaires, on attend une clarification des responsabilités
de même que des précisions sur les périodes et les durées de travail qui
devront être assurées par les personnes recrutées.
Ce projet sibyllin, que vous ne jugez pas utile de réglementer par une
circulaire mais pour lequel vous avez finalement adressé une note de service
aux recteurs, va-t-il créer une catégorie nouvelle d'emplois peut-être
précaires, les « sous-maîtres », qui remplaceraient les anciens pions de façon
durable et seraient en mesure de faire évoluer les rythmes scolaires ?
Par ailleurs, est-il utile de vous rappeler, monsieur le ministre, que, si les
enseignants sont favorables, sur le fond, à la présence d'aides-éducateurs, ils
n'en demeurent pas moins sceptiques sur la forme.
J'aborderai maintenant un dernier point : la délicate question financière, qui
a volontairement été éludée auparavant.
Depuis quatre mois, le Gouvernement introduit des innovations importantes, qui
tendent vers davantage de justice et plus d'efficacité dans notre système
éducatif.
Monsieur le ministre, vous êtes un ministre chanceux, puisque le projet de
budget que vous proposez disposera de 334,4 milliards de francs et demeure,
avec la justice - plus 4 % - et l'emploi - plus 3,6 % - celui qui progresse le
plus fortement, alors que les dépenses de l'Etat, dans leur ensemble,
augmentent, elles, de 1,36 %.
Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi de m'inquiéter de savoir si les
idées qui foisonnent dans votre esprit correspondent aux chiffres du budget que
vous avez en tête.
Par quelle alchimie budgétaire parviendrez-vous à assurer effectivement la
réalisation de ce programme ambitieux et audacieux ?
Même les organisations syndicales, qui saluent - cela est à souligner -
l'inversion de tendance enregistrée dans le budget pour 1998, s'interrogent sur
la manière dont pourront être tenues ces promesses pléthoriques.
Monsieur le ministre, le moment est venu non plus de lutter contre l'échec
scolaire, mais de réunir les conditions pour la réussite scolaire.
Nous devons partir d'un principe primordial : l'enfant, l'élève, l'étudiant
doivent être placés au centre de la démarche pour la rénovation de ce service
public, que nous souhaitons moderne et efficace.
Je dirai que le devoir de l'éducation nationale, avec tous ses partenaires,
est de conduire nos enfants sur le chemin de la réussite, mais avec une même et
seule finalité : leur épanouissement, leur bien-être et leur avenir.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
« Mammouth », vous avez dit « mammouth », monsieur le ministre, et la France a
souri.
La rentrée est arrivée et vous avez récidivé en dénonçant avec vigueur un
absentéisme enseignant supposé excessif. L'écho de vos paroles est allé très
loin, très au-delà des limites habituelles de votre champ politique. Un
hebdomadaire parisien vous a classé parmi les membres du Gouvernement qui
trouvent un accueil favorable aussi dans l'opposition.
On vous crédite d'un parler vrai, d'une pensée forte, d'une volonté de
réforme.
J'ai quelque scrupule, dans ces conditions, à vous dire ici ma gêne, un
certain sentiment de malaise, l'impression d'ambiguïté que me causent les
premiers mois de votre action.
Oh, j'ai des excuses ! Je suis un pur produit du « mammouth » : un professeur
de l'enseignement secondaire, enseignant de lettres, puis d'histoire. Mon
métier, je l'ai exercé avec passion et avec bonheur, mais je ne sais pas si ce
serait encore le cas, car il est de plus en plus difficile d'être professeur.
Les enseignants sont au coeur des contradictions, au bord des fractures de la
société française. Ils doivent en permanence s'adapter. Ils s'efforcent de le
faire, mais leur métier, ce beau métier que j'ai aimé, n'est plus le même.
Alors, il faut leur dire la vérité, leur parler vrai, en effet, monsieur le
ministre. Mais il faut aussi dire à tous nos concitoyens, à tous les Français,
combien ce beau métier devient difficile et combien les enseignants doivent
être soutenus. Or ils n'ont pas le sentiment d'être vraiment soutenus par leur
ministre.
J'écoutais, dimanche, les propos d'un syndicat enseignant proche de vous...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
De moi ?
M. Jacques Legendre.
Disons de gauche. Je ressentais leur amertume.
Voici ce qu'écrit un autre syndicat dans un éditorial qui me parvient
aujourd'hui : « Chacun sait que les actes de violence morale et physique, les
injures, les insultes, les agressions physiques contre les professeurs, les
surveillants et les personnels d'éducation se sont multipliés à un tel point
qu'il est difficile d'en tenir un compte précis. Or, pour lutter vigoureusement
contre ces actes inqualifiables, nous n'avons jusqu'à maintenant qu'une
déclaration de M. Claude Allègre annonçant qu'il ne les tolérerait plus et
qu'il réagirait très fermement. Mais d'actes précis, de modification du décret
du 30 août 1985, qui donne au seul chef d'établissement le droit de réunir, ou
de ne pas réunir, le conseil de discipline, point. Mieux ou pire encore : nous
voyons se multiplier les propositions de médiateurs plutôt que de réunir le
conseil de discipline, les propositions de dialogue et les manifestations de
compréhension à l'égard de jeunes agresseurs...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Pas de ma part !
M. Jacques Legendre.
... plutôt que le rappel de la nécessité de préserver l'intégrité physique et
morale des professeurs, et donc le rappel des sanctions disciplinaires et
pénales contre les auteurs des insultes, injures et agressions. »
Ce ne sont pas mes propos, ce sont les déclarations d'une grande organisation
syndicale enseignante parues aujourd'hui.
Si je les ai lues à cette tribune, c'est qu'elles correspondent au sentiment
de nombreux enseignants, monsieur le ministre. Si vous vous élevez contre ces
faits, et si vous indiquez au Sénat votre détermination à réprimer les auteurs
d'injures ou d'agressions contre les professeurs, alors, soyez-en assuré,
monsieur le ministre, nous serons derrière vous et au diapason.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré qu'il était urgent d'agir. Il est
urgent d'agir aussi dans le domaine de l'apprentissage des langues dans
l'enseignement scolaire, de le dire et de le faire sans ambiguïté.
Vous avez déclaré, le 30 août dernier, devant l'université d'été du parti
socialiste : « Il ne faut plus compter l'anglais comme une langue étrangère. »
N'en doutez pas, monsieur le ministre, cette déclaration a consterné beaucoup
d'amoureux de la langue française, particulièrement à l'étranger.
Je comprends tout à fait qu'il soit nécessaire, et presque inévitable, de
connaître l'anglais, ou plus exactement l'anglo-américain, dans le monde qui se
construit. Si c'est ce que vous avez voulu dire, nous sommes d'accord. Mais le
rapport de l'homme à la langue qu'il parle est un rapport qui est très fort et
qui modèle sa pensée. Celui qui s'exprime en français n'a pas exactement les
mêmes valeurs ni la même vision du monde que celui qui pense et qui s'exprime
en anglais. Voilà pourquoi il est redoutable de mettre sur le même plan le
français et une autre langue.
Monsieur le ministre, avez-vous songé un seul instant à ce qu'ont ressenti, en
entendant une telle déclaration, les Québécois, pour qui le français ne saurait
en aucun cas être mis sur le même plan que l'anglais, même si bien évidemment,
l'anglais ne leur est pas étranger ?
Je crois qu'il y a au moins une ambiguïté à dissiper dans vos propos, monsieur
le ministre. Si vous pouviez le faire publiquement devant le Sénat, et en
pensant à nos amis francophones des autres pays, j'en serais particulièrement
heureux. Je souhaitais vous en donner l'occasion.
Une telle remarque ne signifie pas, bien sûr, que nous ne soyons pas attachés
à la connaissance, par les jeunes Français, des langues étrangères, et je dirai
à la connaissance de deux langues étrangères plutôt que d'une seule.
Mon collègue et ami Alain Vasselle, sénateur de l'Oise, s'attache tout
particulièrement, depuis 1993, à suivre l'expérimentation de l'apprentissage
précoce de langues étrangères en CM 1 et en CM 2 dans le secteur rural de
Froissy. Deux postes ont été créés : un temps plein pour l'anglais, un mi-temps
pour l'allemand. Tous les acteurs de cette expérimentation reconnaissent les
résultats positifs qui ont été obtenus.
Avez-vous l'intention, monsieur le ministre, de généraliser cette initiation
aux langues étrangères à tous les enfants dès le cours préparatoire ? Avez-vous
l'intention, comme le souhaite M. Vasselle, de conforter cet enseignement
précoce dans les classes de CM 1 et de CM 2, avec, éventuellement, le concours
d'intervenants extérieurs ?
Plus généralement, quelles sont vos intentions par rapport à la proposition n°
7 du
Nouveau contrat pour l'école
qu'avait formulée M. François Bayrou ?
Plusieurs associations de linguistes tiendront ces jours prochains leur congrès
annuel : je pense en particulier aux germanistes, qui se réuniront bientôt à
Marseille.
Si l'enseignement de l'anglais se porte bien, une commission spécialement
créée au Sénat sur ma suggestion a marqué, à l'unanimité, sa vive inquiétude
devant la régression de l'enseignement de langues aussi importantes que
l'allemand, l'italien, le portugais, le russe ou l'arabe, pour ne rien dire du
polonais. Quand tiendrez-vous compte des suggestions de cette commission ?
Aurez-vous enfin une politique dynamique de l'enseignement des langues
étrangères ? Quand je dis « enfin », monsieur le ministre, ce propos n'est pas
un reproche à vous particulièrement adressé, il concerne également vos
prédécesseurs.
Monsieur le ministre, Camus disait qu'il faut espérer Sisyphe heureux. Je
crois que ce que nous devons attendre d'un ministre de l'éducation nationale,
c'est qu'il sache bientôt rendre le mammouth heureux et, si possible aussi,
polyglotte.
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier tous ceux qui
sont présents à cette heure tardive pour entendre mes réponses.
Si vous le voulez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par
des remarques de méthode, et je vous prie instamment d'excuser la liberté que
je prends en vous parlant de méthode. Non que je veuille, en tant qu'ancien
professeur, donner des leçons à qui que ce soit, mais parce que je souhaite que
nos rapports soient fixés sans ambiguïté.
J'appartiens à un gouvernement dont le Premier ministre est l'un des hommes
politiques que je connais qui respecte le plus la démocratie. On l'a vu hier
encore à l'Assemblée nationale, lorsqu'il a fait une mise au point sur un
imbroglio créé par le président du RPR. Etant pourtant moi-même issu d'une
famille de résistants depuis la première heure, je n'ai rien compris à cet
imbroglio.
Je respecte profondément le Parlement, et je pense même que ses droits sont
encore insuffisants. Je crois pouvoir dire que M. le Premier ministre est du
même avis. Nous sommes donc extrêmement respectueux des droits du Parlement, et
nous viendrons, en toute occasion, nous exprimer devant les assemblées. Je suis
prêt pour ma part à avoir tous les débats que vous souhaiterez sur l'éducation
nationale. Mais, dans la société de médias qui est la nôtre, les déclarations
sont souvent déformées et les interprétations ne sont pas toujours dignes des
débats du Parlement. Par conséquent, de la même manière que je souhaite que
l'on respecte le Parlement - et je le respecterai - je vous demande de vous en
tenir à cette éthique qui consiste à ne se référer, entre nous qu'aux propos
tenus par le ministre en public ou aux déclarations écrites. Si vous ne le
faites pas, en public, je ne vous en tiendrai pas rigueur, mais je ne changerai
pas d'attitude.
J'ai entendu, dans un certain nombre de vos interpellations, des
interprétations de propos que j'ai peut-être tenus, mais qui sont des
interprétations de la presse et non les miennes !
Je n'ai jamais, par exemple - je veux le dire -, prononcé en public les mots :
« dégraisser le mammouth ». C'est un journaliste qui m'a attribué cette
expression à la suite de conversations privées. Que cela ait fait la une des
journaux, que cela ait pu être populaire, peut-être, mais je ne l'ai jamais dit
!
De même, je n'ai jamais prononcé, de quelque manière publique que ce soit, de
condamnation des enseignants ! Il s'est trouvé que, lors d'une visite d'école,
j'ai vu un enseignant assis sur une chaise. Lorsque je lui ai demandé ce qu'il
faisait, il m'a dit : « J'attends que quelqu'un soit malade pour le remplacer.
» Ce à quoi j'ai répondu : « C'est scandaleux ! » Et on a montré cet échange à
la télévision. Avais-je tort ?
Plusieurs sénateurs du RPR.
Non !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il s'est trouvé qu'au cours d'une réunion privée du parti socialiste un député
m'a dit : « Les enseignants de ma circonscription sont venus faire la rentrée
scolaire, puis, au bout de huit jours, ils ont laissé leurs élèves pour partir
en stage de formation. » Je lui ai, là encore, déclaré : « C'est scandaleux ! »
Avais-je tort ? (
Non ! sur les mêmes travées.
)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'était une réunion privée !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais aussi
que vous preniez quand même la mesure de la situation dont j'hérite de mon
prédécesseur !
Chaque jour, des milliers d'élèves se trouvent sans professeur. Pourquoi ?
Parce que ces derniers sont quelque part ! Eh bien, cette situation, je ne la
tolérerai pas, je tiens à le dire solennellement ! (
Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.
) Je prends d'ailleurs les mesures
nécessaires pour cela car, pour moi, c'est l'enfant qui est au centre du
système éducatif, et non pas l'enseignant.
De plus, je ne veux pas que l'on me fasse un procès alors que j'assume
l'héritage de quelqu'un qui a géré l'éducation nationale plus en fonction de sa
carrière que de l'intérêt des enfants de France. Je vous le dis clairement !
(
Applaudissements sur les travées socialistes. Oh ! sur les travées du
RPR
.)
Plusieurs sénateurs du RPR.
Ce n'est pas le seul responsable !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous avez raison, il n'est pas le seul responsable. Je pense que, s'agissant de
la gestion de l'éducation nationale, se sont accumulées un certain nombre
d'habitudes avec lesquelles je veux rompre.
Si j'ai accepté ce poste - après beaucoup d'hésitations, le Premier ministre
pourrait vous le dire - c'est pour changer les choses. Je n'ai pas besoin
d'être ministre de l'éducation nationale, je le dis comme je le pense ! J'ai
accepté ce poste par devoir, parce que je suis d'une famille républicaine. Je
pense qu'il faut changer la situation, ce qui signifie, pour moi, deux
choses.
La première, c'est mettre l'enfant au centre du système éducatif. Nous sommes,
mesdames, messieurs les sénateurs, le premier pays du monde à avoir éprouvé le
besoin d'affirmer, dans une loi, que l'enfant est au centre du système éducatif
! Personne d'autre n'a osé faire une chose pareille, parce que c'est tellement
évident... Mais pourquoi l'avons-nous fait, nous ? Parce que cela n'était pas
le cas !
La seconde, c'est mettre l'éducation au centre du débat politique de ce pays.
En dépit de ce que tel ou tel écart de langage laisse à penser, l'enseignement
est bien au centre du débat politique. Tout à l'heure, l'un de vous disait que,
tous les jours, il est question de l'éducation nationale. Eh bien, j'en suis
fier parce que l'éducation nationale est la première des priorités si l'on veut
préparer l'avenir.
M. Franck Sérusclat.
Très juste !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je veux dire clairement une chose : voulez-vous d'une éducation nationale dont,
l'un après l'autre, vous avez dénoncé le statisme et les déviations, alors que,
parallèlement, excusez-moi de faire un peu de politique, certains d'entre vous
ont qualifié les enseignants de merveilleux, le système de formidable,
d'extraordinaire, etc. ?
Connaissez-vous les chiffres ? Lorsqu'il y a 1 % d'erreur à l'éducation
nationale, ce sont 150 000 élèves qui le paient ! Lorsqu'il y a 10 % d'erreurs
à l'éducation nationale, c'est 1,5 million d'élèves qui le paient !
M. Jean-Claude Carle.
Et les citoyens !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Lorsque je dénonce les déviances, je ne dénonce pas la majorité des enseignants
! La majorité d'entre eux, j'ai été le premier à le dire - je suis issu de ce
milieu je fais partie de ce milieu, je vis dans ce milieu, la majorité d'entre
eux, dis-je, font leur travail dans des conditions difficiles, terribles
parfois. Certes, il y en a quelques-uns qui ne font pas leur travail, et ce
sont ceux-là que l'on montre.
En fait, dans la même situation que le ministre de la justice : si la majorité
des magistrats font leur métier, lorsqu'il y en a 1 % qui ne le font pas, ils
sont à la une des journaux. Seulement, le ministre de la justice gère 6 000
magistrats, alors que moi, je gère 800 000 enseignants ! C'est considérable
!
J'ai décidé de m'attaquer aux problèmes avec ce slogan ambitieux, stupide
peut-être, mais nécessaire de « zéro défaut », car nous ne pouvons pas admettre
qu'un seul enfant dans ce pays soit victime de telle ou telle défaillance.
Lorsque je lis dans
La Croix
- qui n'est pas spécialement un journal
socialiste - qu'en Corrèze des professeurs de mathématiques ont accompli
pendant trois semaines un stage de perfectionnement de tennis, croyez-vous que
le ministre de l'éducation nationale que je suis peut ne pas réagir ? Eh bien,
je réagis.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Faut-il continuer à ne discuter qu'avec les syndicats d'enseignants ? Eh bien,
non !
M. Jean-Claude Carle.
Il faut agir !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il faut discuter avec les syndicats d'enseignants, certes, mais aussi avec tout
le monde. Je veux remettre l'enfant au centre du système éducatif. C'est
pourquoi, lorsque je rencontre les syndicats d'enseignants, la même semaine, je
parle avec les grandes confédérations syndicales et le patronat. Voyez les
déclarations de M. Viannet, de M. Blondel, de Mme Notat : elles vont dans le
sens de ce changement !
Evidemment, certains - peu nombreux - ceux qui n'ont jamais proposé aucune
disposition d'ordre qualitatif mais dont la revendication consiste toujours à
demander plus de créations de postes et des augmentations de salaire, ceux-là,
oui, nous reprochent un certain nombre de choses, mais vous l'avez dit
vous-même - et tous les sondages le prouvent - et ce n'est pas là que se situe
le problème.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je tiens à vous dire solennellement que je suis prêt au dialogue. Nous
défendons la France, nous ne défendons pas tel ou tel parti politique ; nous
défendons l'avenir de notre pays. Je suis donc prêt à accepter tous les débats,
toutes les suggestions, toutes les propositions pour que nous bâtissions
ensemble le système d'éducation de l'avenir.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
On me reproche d'être brutal. Mais M. Bayrou, qui n'est pas un homme brutal,
qui est même extrêmement habile, a réussi à faire descendre des milliers de
personnes dans la rue. Nous avons donc une petite marge !
Ceux qui voulaient le maintien des avantages acquis, ceux qui n'entrent plus
au ministère sans avoir besoin de s'annoncer à l'huissier, ceux-là ont
manifesté : ils étaient cinq mille !
Maintenant, je vais rappeler ce que nous avons promis de faire avec ma
collègue Ségolène Royal, qui ne peut pas être présente ce soir parce qu'elle
s'occupe de ses enfants.
Ensemble, nous nous sommes engagés à réemployer les maîtres auxiliaires, non
parce que nous les aimons, mais parce que ces personnels ont été embauchés et
ont parfois passé douze ans sans être inspectés. Et maintenant on les
licencierait ! Ils ont été mis devant nos enfants. On leur a confié l'éducation
du futur et on leur demanderait de rentrer chez eux ! Est-ce humain ?
J'ai donc repris des maîtres auxiliaires. Etais-je content de le faire ?
Etait-ce raisonnable ? C'était humainement nécessaire.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous l'avons fait sans réclamer un sou d'augmentation du budget. Lorsque nous
avons dit que nous le ferions, personne ne nous a cru.
Nous avons annoncé que nous réouvririons des classes. Peut-être tout n'a-t-il
pas été parfait, mais nous en avons réouvert dans des endroits où cela était
nécessaire.
Nous avons dit que nous mettrions en place une allocation de cantine scolaire.
Nous l'avons fait.
Nous avons dit que nous rétablirions la République dans l'école, car la
République est sortie de l'école. Sur ce point, je me permettrai d'insister.
Lorsque, avec Ségolène Royal, nous nous sommes attaqués au problème de la
pédophilie, nous avons constaté que des circulaires étaient rédigées, mais,
comme les syndicats agissaient sur le ministre, ces circulaires n'étaient pas
envoyées. Alors qu'elles étaient bonnes ! Il a suffi que nous parlions pour que
les choses rentrent dans l'ordre.
Lorsqu'il y a des cas scandaleux, la loi s'applique. Mais ce n'est pas à nous
de juger ou de faire des enquêtes. Les procureurs font leur travail et les
choses rentrent dans l'ordre.
J'en viens au bizutage.
Savez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il y a en France, depuis des
années, des cas scandaleux de bizutage ? Ségolène Royal s'est attaquée à ce
problème. Nous remettons en ordre un certain nombre de choses.
Est-il normal que des enfants soient torturés au cours de bizutages absurdes
et idiots ? Est-il normal que l'on humilie des jeunes filles dans la rue, sous
prétexte que ce sont des jeunes filles, comme on l'a vu à Marseille ?
Pourquoi d'autres, avant nous, n'ont rien fait ? Nous sommes bien obligé
d'agir.
Quant à la violence à l'école, elle est intolérable. Nous dévoilerons notre
plan antiviolence, avec Jean-Pierre Chevènement, le 5 novembre prochain.
Le rétablissement de l'école républicaine est une priorité. Nous l'avons
promis, nous le ferons.
J'en viens aux emplois-jeunes.
Chacun peut penser qu'il y a trop d'enseignants dans notre pays.
Permettez-moi, à ce propos, de vous soumettre quelques éléments de réflexion,
monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs.
Commençons par une comparaison internationale - les comparaisons
internationales sont toujours de bon ton, surtout quand elles vous sont
favorables. Je vous livre celle-ci d'autant plus volontiers qu'elles concerne
un pays auquel certains se réfèrent toujours : les Etats-Unis d'Amérique.
En France, la population active compte 6 % d'enseignants, tout compris. Aux
Etats-Unis d'Amérique, ce chiffre est de 7 %. En Scandinavie, il est de 8 %.
Cette première donnée prouve que nous n'avons pas trop d'enseignants.
La deuxième donnée confirme la première : comment prétendre que nous aurions
trop d'enseignants alors que les collectivités territoriales s'empressent de
créer des postes d'enseignant, alors que les entreprises éprouvent le besoin de
créer des emplois d'enseignant ? Cela prouve que, pour les unes et les autres,
les enseignants ne sont pas encore assez nombreux.
Pourquoi avons-nous créé des emplois-jeunes dans le primaire ? Parce que nous
avons un projet pédagogique dans ce cycle : il s'agit de changer les rythmes
scolaires. Autrement dit, nous nous apprêtons à imiter MM. Séguin et Drut, mais
avec trois fois moins d'argent qu'eux. Eh oui ! Les projets de MM. Séguin et
Drut seraient pour les communes riches et non pour les communes pauvres.
Nous, nous appliquerons notre projet partout. Nous changerons les rythmes
scolaires conformément aux voeux du Sénat, qui en a affirmé la nécessité dans
un de ses rapports. Nous nous y emploierons avec des emplois-jeunes.
Lorsque nous proposons la création d'emplois-jeunes dans les collèges pour
lutter contre la violence, c'est que nous nous inscrivons dans un projet
pédagogique.
Lorsque nous préconisons les emplois-jeunes pour permettre l'accueil de tous
les enfants dès l'âge de deux ans, c'est toujours dans le cadre d'un projet
pédagogique.
Comme nous n'avons pas encore de projet pédagogique pour le lycée, nous n'y
avons pas prévu actuellement d'emplois-jeunes. Quand nous aurons un projet
pédagogique, nous en créerons au lycée.
Les emplois-jeunes ne sont pas un gadget, une fantaisie, un slogan ! Les
emplois-jeunes répondent à un besoin de meilleur encadrement, de meilleur
contact entre l'élève et le maître.
Venons-en aux remplacements.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été
confrontés ces jours-ci à des difficultés de remplacement dans vos régions,
dans vos communes, dans vos départements, et je m'en excuse. Je peux vous
indiquer que ces difficultés cesseront dans trois jours. Pourquoi ?
En fait, je ne voulais pas poursuivre la gestion traditionnelle de l'éducation
nationale qui consiste de la part des recteurs à recruter des maîtres
auxiliaires et à laisser à l'Etat le soin de payer la facture.
Par conséquent, j'ai demandé aux recteurs d'assumer leur responsabilité de
républicains, c'est-à-dire de respecter l'argent de la République et
l'efficacité du service public. Trouvez-vous normal que, dans ce pays, des
milliers de personnes ne soient pas en charge de classes ? Ce n'est pas normal
quand un certain nombre d'enfants ont besoin d'aide et qu'il y a tant de
quartiers difficiles. Voilà ce que nous sommes en train de corriger, avec
l'objectif de « zéro défaut ».
Désormais, dans les affectations, nous allons donner la priorité aux personnes
admissibles au CAPES et à l'agrégation. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait plus tôt
? L'année suivante, ces personnes entrent dans la voie des concours normaux.
Pourquoi, depuis des années, a-t-on pris n'importe qui pour composer ces corps
de maîtres auxiliaires, que j'ai recrutés pour des raisons humanitaires.
J'ai dit que je règlerai le problème des remplacements.
Enfin, vous ne pouvez pas me demander de déconcentrer avant d'avoir engagé la
réforme de l'administration centrale.
Actuellement, dans l'administration centrale, sur dix-neuf directeurs, il n'y
a pas une seule femme. A partir du mois de décembre, il y aura douze
directeurs, dont la moitié seront des femmes.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Dans un milieu qui est majoritairement féminin, ne pensez-vous pas qu'il s'agit
d'un progrès ?
Mme Hélène Luc.
Si !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ces directeurs ne seront pas des esclaves entre les mains du ministre. Ils
auront une mission à accomplir, notamment celle de procéder à la
déconcentration. De vos interventions, j'ai conclu que la déconcentration
était, pour vous comme pour moi, une préoccupation.
Voilà ce que je tenais à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs. Et je
ne veux pas que vous me fassiez de procès d'intention à travers des polémiques
politiques. Bien sûr, je suis un socialiste - et j'en suis fier ! On me dit
parfois que je suis aimé des hommes de droite. Mais je n'ai rien d'un homme de
droite, au sens partisan du terme, même si je défends la qualité, le labeur.
M. Jean-Claude Carle.
C'est vrai à droite aussi !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je suis d'une famille socialiste qui a toujours aimé le travail, le labeur, la
qualité.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Nous aussi !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Par conséquent, je ne veux pas que l'on me classe d'un côté qui n'est pas le
mien.
M. Philippe Richert.
Ce sont des valeurs communes !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
En effet, l'égalité des chances,...
M. Philippe Richert.
Nous aussi, nous la prônons !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... la promotion sociale,...
M. Jean-Claude Carle.
Nous aussi, nous la souhaitons !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... l'aide différenciée - aider plus celui qui a moins - c'est la base...
MM. Jean-Pierre Camoin
et
Jean-Claude Carle.
Comme pour nous !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Eh bien alors, passez de l'autre bord et votez pour ce Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Ivan Renar.
Laissez venir à moi...
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je crois profondément que l'acquis est plus fort que l'inné...
M. Jean-Claude Carle.
C'est une valeur que nous partageons !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... car je crois que l'apprentissage est plus important que la naissance.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Mais nous aussi !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Eh bien alors, passez de l'autre côté et votez notre budget !
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Philippe Richert.
N'importe quoi ! Qu'est-ce que c'est que ces leçons ?
Mme Hélène Luc.
Venez à la place de Victor-Hugo !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je suis de gauche, et j'en suis fier !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Laissez-nous être
nous-mêmes !
M. Pierre Martin.
Comparons nos parcours !
M. le président.
Monsieur le ministre, s'il vous plaît, ne semez pas la perturbation dans
l'hémicycle.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je voudrais maintenant répondre à chaque orateur, comme je l'ai fait en
commission.
M. Gouteyron a dit beaucoup de choses intéressantes, comme M. Richert
d'ailleurs, en mélangeant le miel, le vinaigre, de temps en temps la moutarde,
...
M. Pierre Martin.
La cuisine évolue !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... puis une couche de confiture, etc.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
C'est cela la bonne
cuisine !
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Oui, mais il faut que j'apprenne la politique.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
A mon avis, vous
n'en avez pas besoin, vous savez faire !
M. le président.
Si vous voulez interrompre M. le ministre, il faut me le demander !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Il nous y invite
!
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur Gouteyron, j'ai dit récemment que la promotion des enseignants devait
désormais se faire en tenant compte de la qualité, du dévouement, de
l'imagination et de la difficulté de la tâche.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Bravo !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous aiderons les enseignants qui décideront de s'investir dans les zones
difficiles, dans les ZEP ou dans les quartiers les plus exposés à la
violence.
Je ne veux pas engager de polémique, mais ce n'est pas moi qui ai créé
l'agrégation à l'ancienneté, c'est mon prédécesseur. Moi, je l'ai supprimée.
Savez-vous, monsieur le président de la commission, que des enseignants qui
n'avaient pas mis les pieds dans leur classe depuis vingt ans ont obtenu leur
agrégation à l'ancienneté sous mon prédécesseur ? Moi, jamais je n'admettrai
une chose pareille !
M. Jacques Legendre.
Vous avez raison !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Moi, je défends la qualité, je défends le dévouement, je défends l'imagination
parce que je suis d'une famille ouvrière qui a toujours admiré ces valeurs.
Vous avez évoqué la question du financement des emploi-jeunes. Je ne suis pas
un magicien, mais je ne suis pas non plus né de la dernière couvée.
M. Ivan Renar.
Ah ça non !
M. Jacques Legendre.
Certes !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il y a en outre un certain nombre d'années que je gère des crédits publics.
Savez-vous, monsieur le président de la commission, que je n'ai jamais eu un
sou de déficit de ma vie de gestionnaire, ni lorsque je gérais mon laboratoire,
ni, excusez-moi de le rappeler, lorsque je gérais le département de
l'enseignement supérieur au ministère de l'éducation nationale.
Les emplois-jeunes sont financés. Comment le sont-ils ? C'est en effet une
question que l'on peut poser. Je ne l'avais encore dit à personne, je vais
maintenant vous indiquer comment l'éducation nationale financera les 20 % à sa
charge.
Supprimons-nous des heures complémentaires dont la disparition entraverait
l'enseignement ? Non ! Mais les heures complémentaires - encore une grande
gracieuseté de mon prédécesseur - cela revient à faire trente-six heures payées
quarante-deux.
J'ai décidé que lorsqu'on ferait trente-six heures on serait payé trente-six
heures ! Avec la différence, on crée 40 000 emplois-jeunes. Est-ce une mauvaise
action ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Pierre Martin.
Trente-cinq heures payées trente-cinq heures !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Trente-six heures payées trente-six heures ! Je ne vois pas pourquoi nous les
payerions quarante-deux heures, d'autant que cela nous permet de financer 40
000 emplois-jeunes.
Le réemploi des maîtres auxiliaires sera financé sur les heures
complémentaires. Et je n'aurai pas l'outrecuidance de dire le nombre de ces
heures qui avaient été créées pour faire plaisir à tel ou tel.
M. Guy Allouche.
Si, complémentaires, dites-le !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mais, rassurez-vous, nous n'avons pas supprimé la totalité des heures
complémentaires dans l'éducation nationale. Dans l'enseignement secondaire,
elles représentent près d'un million d'heures. Nous en supprimons, modestement,
80 000...
M. Guy Allouche.
C'est tout ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... pour financer le réemploi des maîtres auxiliaires. N'est-ce pas une bonne
action ?
En ce qui concerne les « reçus-collés », selon l'expression que vous avez
utilisée, monsieur le président de la commission...
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Ah non !
M. Philippe Richert.
C'est moi qui l'ai utilisée !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Quoi qu'il en soit, je dis tout de suite qu'il n'y a pas de reçus-collés. Il y
a, vous le savez, des listes complémentaires... Si l'on considère ceux qui y
sont inscrits comme reçus, il faudra instaurer des listes complémentaires de
listes complémentaires et, finalement, il ne sera plus nécessaire d'organiser
de concours, puisque tout le monde sera admis ! Ce n'est pas ma philosophie.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Ni la nôtre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous ferons appel aux listes complémentaires si le besoin s'en fait sentir.
Elles sont là pour ça. De la même manière que les maîtres auxiliaires
n'obtiendront pas leur titularisation en défilant avec des pancartes, les
inscrits sur les listes complémentaire ne seront pas automatiquement intégrés.
La gauche, ce n'est pas le laxisme, c'est la rigueur, la vraie rigueur, une
rigueur démocratique !
(Très bien ! sur les travées socialistes. -
Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Philippe Richert.
Ah, la rigueur démocratique...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je veux dire à ce sujet que les titulaires d'emploi-jeunes de l'éducation
nationale - de l'éducation nationale, j'y insiste - recevront à partir du mois
de janvier une formation continue, que nous organisons en ce moment. Elle leur
permettra de trouver des emplois, dont la moitié peut-être conduiront à des
concours dans l'éducation nationale, tandis que d'autres seront extérieurs à
celle-ci. Je n'ai pas du tout l'intention de les intégrer massivement comme
fonctionnaires.
Je crois profondément aux emplois-jeunes, et je vous ferai remarquer, puisque
certains d'entre vous se sont fait l'écho de la presse, que, lorsque j'ai
annoncé la création de 40 000 de ces emplois dans l'éducation nationale au 1er
octobre, les ricanements ont été quasi unanimes.
Eh bien, ces emplois, ils sont là, les jeunes sont embauchés, ils sont sur le
terrain, ils sont dans les écoles, et cela à la satisfaction de tous. Je vous
invite les uns et les autres à venir le constater ; vous serez les bienvenus,
car les recteurs ont reçu instruction de recevoir, sans passer par
l'intermédiaire des préfets, les représentants de la nation désireux d'examiner
sur le terrain le fonctionnement du dispositif. Si vous avez à faire des
remarques, des critiques, des suggestions, des propositions, elles seront bien
reçues.
Les emplois-jeunes n'ont pas pour finalité de créer de nouveaux fonctionnaires
mais d'instituer un nouveau système, à la fois système de formation et système
conduisant à créer des emplois. Certains jeunes seront animateurs culturels,
d'autres animateurs sportifs de la jeunesse et des sports, d'autres encore
suivront des études à l'université ou passeront les concours des IUFM, les
instituts universitaires de formation des maîtres. Certains encore exerceront
des professions n'ayant rien à voir avec l'éducation nationale.
Nous mettons ce système en place, et je vous garantis que c'est difficile, car
nous sommes obligés d'organiser, dans tous les cursus d'enseignement supérieur,
une formation continue inexistante aujourd'hui. Elle n'en sera pas moins en
place au 1er janvier 1998.
M. Franck Sérusclat.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Les jeunes interrogés dans les médias le disent tous : les emplois-jeunes sont
un immense espoir. Je souhaiterais donc que l'on évite de faire des remarques,
dégradantes, à mon avis, à leur propos, car nous avons là une chance formidable
de lutter contre ce fléau qu'est le chômage.
Monsieur Maman, vous avez soulevé la question de l'orientation des étudiants
du lycée à l'université, et vous avez eu raison. Je vais vous exposer nos
intentions à cet égard.
D'abord, nous souhaitons que les agrégés et les certifiés cessent d'être en
compétition dans les lycées, certains faisant plus d'heures et d'autres moins,
les uns étant payés davantage que les autres. Nous voulons mettre en place un
système original : les agrégés exerceraient « vers le haut », dans les
dernières classes des lycées et « le début » des universités, et le plus grand
nombre possible d'entre eux assureraient un service partagé entre le lycée et
l'université de manière, précisément, à pouvoir expliquer, discuter, «
fabriquer » l'orientation des jeunes.
Je n'ai aucune intention, je l'affirme encore une fois devant la
représentation nationale, de supprimer le concours de l'agrégation ; je compte
au contraire utiliser au mieux les capacités des agrégés, mais les mettre en
compétition avec les titulaires du CAPES, c'est rendre un mauvais service à
l'éducation. Leur orientation en fonction de leur diplôme, de leurs capacités,
est donc une de mes grandes préoccupations, et sur ce point je vous rejoins,
monsieur Maman.
J'en arrive à la question du financement, sur laquelle nous ne sommes certes
pas totalement d'accord, mais nous le sommes au moins partiellement.
Dans la tradition européenne, l'enseignement supérieur est gratuit, financé
par l'Etat. Nous prenons part actuellement à un débat européen avec l'Italie,
l'Allemagne et l'Angleterre sur ce sujet.
Notre position sur le financement de l'université doit évoluer car deux
nouvelles populations font leur entrée à l'université : les étrangers et les
retraités, lesquels, j'attire votre attention sur ce point, deviennent une part
importante de la population dans les universités. Je ne citerai pas de nom,
mais quelqu'un qui a été directeur de banque et décide de faire des études doit
pouvoir payer des droits d'inscription élevés !
Par conséquent, pour les retraités, nous allons fixer des droits d'inscription
fonction de leurs ressources, mais nous allons aussi créer des cours.
Pour les étudiants étrangers, nous allons mettre au point le système suivant -
qui fera l'objet d'une discussion avec la représentation nationale : les
étudiants étrangers qui bénéficient d'une bourse sous condition de ressources
n'auront pas à acquitter de droits d'inscription différents de ceux qui sont
réclamés aux Français, mais ceux dont les revenus sont extrêmement élevés dans
leur pays devront, eux, payer des droits d'inscription un peu plus élevés. Sans
entrer en compétition avec l'Australie, cela devrait faire entrer des devises
en France et accroître les ressources de nos universités.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis soucieux comme vous
d'une meilleure adéquation entre les ressources et les droits d'inscription.
Toutefois, je voudrais préciser ici que, contrairement à ce qu'a dit l'un des
orateurs, lorsque je ne suis pas sûr de faire quelque chose, je ne l'annonce
pas. Je passe un temps considérable depuis que je suis en fonction - vous devez
le savoir par diverses indiscrétions - à recevoir nombre de chefs d'entreprise
pour « monter » un projet dans ce domaine. Quand il sera prêt, vous serez les
premiers à le savoir.
En ce qui concerne l'enseignement à l'étranger, si le ministère des affaires
étrangères est prêt à transférer les moyens financiers correspondants,
l'éducation nationale est, pour sa part, prête à assumer la responsabilité de
l'enseignement du français et, plus généralement, de la culture française à
l'étranger.
J'ai passé une journée en Inde - j'en informe, à cette occasion, la
représentation nationale - où j'ai pu visiter le lycée de Pondichéry. Il est
très émouvant pour nous, Français, de constater que 1 200 jeunes Tamouls ont
choisi l'éducation française plutôt qu'une autre, là-bas, au bout du monde.
Je suis aussi allé à l'Institut français et à l'école française
d'Extrême-Orient, qui assurent une présence française dans cette partie du
monde.
L'éducation nationale est donc prête à assumer ses fonctions, comme le
ministère des finances assume les siennes par le biais des conseillers
commerciaux.
Quand et comment allons-nous mettre en place ces réformes, m'avez-vous
demandé, monsieur Carle. Dès que possible ! Je ne peux pas dire mieux, et je
vous ai tout à l'heure donné des exemples de réformes déjà mises en place : les
emplois-jeunes sont entrés en application, le réemploi des maîtres auxiliaires
est effectué, je travaille au « zéro défaut » et je vais m'attaquer au problème
des programmes. Ne vous faites donc pas de souci ! Je n'aurai pas
l'outrecuidance de vous demander d'examiner ce que j'ai fait dans ma vie, mais,
jamais de ma vie, je n'ai fait de promesses que je n'ai pas tenues, y compris
lorsque j'étais simple conseiller spécial au ministère de l'éducation nationale
!
M. André Maman.
Très bien ! Il faut continuer.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous pouvez donc être certains que le jour où je ne pourrai pas faire ce que
j'ai envie de faire, je retournerai dans mon laboratoire. Je n'aurai besoin de
personne, je n'aurai besoin d'aucune motion de censure pour cela ; je m'en irai
comme Cincinnatus est reparti dans ses champs, soyez-en sûrs.
Au sujet du délicat problème de la formation professionnelle, monsieur Carle,
je dirai juste qu'enseignants et proviseurs de lycées professionnels
connaissent une grande évolution : les mots « alternance » et « apprentissage »
ne sont plus tabous. Si vous extrapolez, vous comprendrez ce que j'ai
l'intention de faire. Mais je vous demande de me laisser mener la négociation
doucement, parce qu'il y a beaucoup de cicatrices et il me faut beaucoup de
mercurochrome et même de sparadrap.
(Sourires.)
M. Jean-Claude Carle.
J'extrapole lentement !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mon ami Jean-Louis Carrère n'étant pas là, je ne vais pas répondre à ses douze
questions.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
L'une d'entre elles cependant intéresse tout le monde : les parlementaires
seront-ils associés au débat sur le problème de l'aide sociale aux étudiants ?
Ma réponse est « oui ». Elle n'a pas changé. J'ai dit à M. Gois de répondre à
une éventuelle convocation de votre part.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires étrangères.
Nous le convoquerons
!
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ensuite, j'entendrai vos suggestions. Il n'y a donc pas de problème !
Madame Luc, vous m'avez demandé d'assurer l'égalité des chances, et, compte
tenu du mouvement auquel vous appartenez, votre souhait est tout naturel.
Oui, je veux assurer l'égalité des chances ! Oui, c'est la priorité ! Oui,
nous ferons tout ce que nous pourrons pour y parvenir !
Nous avons indiqué que nous allions réorganiser l'éducation nationale, en
particulier dans la région parisienne, afin de garantir un encadrement plus
proche dans les zones sensibles.
Il est vrai que l'égalité des chances n'est pas assurée. Mais il s'agit d'un
problème difficile. Nous sommes un vieux peuple habitué à des certitudes dans
un monde plein d'incertitudes. Nous sommes habitués à ce qu'il y ait des
disciplines nobles et d'autres qui le sont moins. Je fais partie de ceux qui
pensent que les talents sont extraordinairement répartis.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous essayons donc de faire en sorte que les talents divers soient reconnus à
égalité. Il n'existe pas de disciplines scientifiques ou littéraires nobles et
d'autres secondaires. Il est aussi bien d'être très bon en musique que d'être
très bon en mathématiques.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Telle est la mutation à laquelle nous voulons procéder : nous voulons atteindre
au sein de l'éducation nationale l'excellence dans la diversité, et donc
l'égalité des chances.
J'ai affirmé devant la Haute Assemblée que nous allions créer des bourses pour
les familles très défavorisées afin de permettre à leurs enfants de poursuivre
des études dont les frais seront intégralement couverts par l'Etat. Je suis
donc extrêmement soucieux de ce problème.
Je sais que le système que nous avons mis en place bénéficie à une tranche
moyenne et élimine les familles très pauvres. Il nous faut donc travailler sur
ce sujet, et je suis prêt à écouter toutes les suggestions.
Les collectivités locales, c'est vrai, ne sont pas des vaches à lait. Quand je
vois, comme dans la région qui m'est chère, des ronds-points, des ronds-points,
des ronds-points et encore des ronds-points...
(Rires),
j'ai tendance à
penser que l'argent nécessaire à leur construction aurait été mieux utilisé
pour l'éducation nationale. Etant donné le prix de ces ronds-points, lesquels
font travailler des
scrapers
japonais ou américains et peu d'employés
français, j'ai tendance à dire que, si j'étais ministre de l'équipement, je
ferai voter un texte contre les ronds-points !
(Rires.)
Mme Hélène Luc.
Certains évitent des accidents, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Cela évite peut-être quelques accidents.
Mme Hélène Luc.
Il y en a beaucoup !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mais en sortant de Montpellier pour accéder à la route des Cévennes, il faut
passer huit ronds-points ! Pensez-vous que cela soit utile ? Quand on connaît
le prix des ronds-points - je ne vous ferai pas l'injure de vous le dire ! - on
peut penser que cet argent serait mieux utilisé dans l'éducation nationale.
Les collectivités territoriales sont donc non des vaches à lait, mais des
partenaires, et nous sommes ouverts à un partenariat avec elles sur nombre de
sujets.
Monsieur Ostermann, je vous rassure tout de suite : je ne vais pas supprimer
l'unité d'enseignement professionnel. J'ai rencontré M. Pineau-Valencienne
(Exclamations sur les travées du RPR),
qui, par ailleurs, ne nous fait
pas particulièrement de « cadeaux » et qui fréquente plutôt certains milieux
que d'autres ; mais peu importe !
(Murmures sur les travées du RPR.)
Je
tenais à le dire pour vous montrer que je ne suis pas sectaire ! Quoi qu'il en
soit, cette unité d'enseignement professionnel sera réalisée.
Cependant, je ne veux pas - je tiens à l'affirmer avec une grande solennité,
et l'ensemble des dirigeants du patronat français partage mon point de vue -
que les stages soient des emplois déguisés.
Figurez-vous qu'avant d'être ministre de l'éducation nationale, j'ai été
président du BRGM, le bureau des recherches géologiques et minières. Lors de ma
prise de fonctions, j'ai découvert l'existence de cent stages clandestins qui
correspondaient en fait à des emplois d'ingénieurs.
De telles pratiques ne sont pas bonnes pour l'emploi. Le patronat français en
est convenu - je n'ose pas citer M. Gandois parce que son nom n'a peut-être pas
aujourd'hui la résonance qu'il mérite. Nous avons retenu le principe et d'une
table ronde qui serait organisée pour discuter de ce problème et pour
déterminer les stages utiles, courts et encadrés visant à intégrer des jeunes
dans l'entreprise.
Gardons-nous de toute naïveté face aux stages qui sont, en fait, du travail
déguisé. Ancien chef d'entreprise, je connais le discours des gestionnaires.
Ils sont prompts à suggérer l'embauche d'untel qu'on ne paierait pas, tout en
le faisant travailler pour le plus grand bien de l'entreprise ! Par conséquent,
j'incite à la vigilance à l'égard de de ce type de stages.
J'en viens aux nouvelles technologies et à l'intervention de M. Sérusclat.
Connaissant assez bien le sujet, pour avoir été probablement l'un des premiers
Français à utiliser Internet - nos amis américains nous en ont fait bénéficier
dès le début - et l'un des premiers géologues français à utiliser des
ordinateurs, je voudrais quand même dire une chose : je ne veux pas recommencer
- je le dis sans aucune polémique - le centre mondial de l'informatique, le
plan informatique pour tous...
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... ou le dernier plan de M. Bayrou, qui est resté dans un tiroir. Je veux que
ce projet réussisse et, pour ce faire, il sera étalé sur trois ans ; il
comportera une formation des enseignants et fera appel à la conviction de ces
derniers.
M. Marcel Vidal.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous sommes donc en train de mettre l'administration de l'éducation nationale
sur Internet. Je peux vous dire que c'est une révolution ! L'idée que l'on
puisse envoyer des courriers tous les jours dans toute la France est quasiment
réalisée.
Les universités et les grandes écoles sont branchées sur Internet. Nous
faisons un effort pour que les IUFM puissent former les enseignants du futur.
Ensuite, nous procéderons au branchement des différents établissements.
Paradoxalement, nous allons commencer par les écoles, avec un système qui
utilisera à la fois le câble optique dans les villes ayant le câble optique, le
cuivre dans les villes ayant du cuivre et les satellites dans les campagnes,
afin d'assurer une transmission plus directe.
Nous allons donc mettre en oeuvre ce plan sans répéter l'erreur commise dans
le passé par un certain nombre de communes, de départements et de régions, qui
se sont ruinés pour acheter des ordinateurs : ces collectivités locales sont
confrontées aujourd'hui à des demandes d'élèves visant au remplacement
d'appareils devenus obsolètes. Nous allons donc non pas acheter, mais louer les
ordinateurs. Ainsi, au fur et à mesure de l'avancement de la technologie, les
anciens ordinateurs pourront être remplacés par de nouveaux.
Monsieur le sénateur, nous avons bien évidemment lu votre rapport, comme nous
avons naturellement lu - je suis étonné que M. Carrère ne le sache pas ! - le
rapport du Sénat.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
C'est vrai !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous avons donc lu le rapport sur les nouvelles technologies, et nous en tenons
compte.
M. Renar m'a posé la question suivante : formation de masse ou formation de
haut niveau ? Les deux, mon général !
(Rires.)
M. Ivan Renar.
C'est la réponse que j'attendais !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
D'ailleurs, s'il n'y avait pas eu la massification dans l'enseignement
supérieur, nous n'aurions pas, aujourd'hui, dans les universités, un certain
nombre de professeurs ayant obtenu le prix Nobel, parce qu'ils n'auraient pas
été recrutés.
Mme Hélène Luc.
C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ils auraient en effet été arrêtés par le mandarinat traditionnel et ils
seraient probablement partis pour les Etats-Unis.
Par conséquent, la massification a été une chance formidable.
M. Ivan Renar.
C'est bien ce que j'ai dit !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Elle a permis d'ouvrir l'enseignement supérieur : ainsi, Pierre-Gilles de
Gennes a été recruté comme professeur à Orsay et Claude Cohen-Tannoudji l'a été
à Paris.
Par conséquent, il est extrêmement important de comprendre que la
massification et le haut niveau sont complémentaires, et ce tant en matière
scientifique que dans le domaine sportif : on a plus de chances de gagner les
jeux Olympiques quand on a beaucoup de pratiquants que quand on en a peu ! Moi
je veux donc les deux !
Simplement, il faut procéder à des évaluations et reconnaître que certains
courent plus vite que d'autres, même si cela ne signifie pas qu'il faut tuer
ceux qui courent moins vite. C'est tout ce que je voulais dire.
J'en viens au projet SOLEIL. Vous m'avez dit tout à l'heure, monsieur le
sénateur, que j'allais décevoir beaucoup de monde ! Mais si SOLEIL avait
fonctionné et si je l'avais implanté dans un endroit, j'en aurais déçu encore
plus... En effet, jusqu'à maintenant, beaucoup vivent avec l'espoir !
Pourquoi avons-nous bloqué SOLEIL ? Parce que cet équipement extrêmement cher
ne constitue pas une nécessité, compte tenu du fait que l'équipement actuel
n'est pas obsolète. Nous souhaitons d'abord attendre un peu, refaire un projet
et surtout associer des pays européens au financement.
Vous me direz sans doute que mon côté paysan aveyronnais me conduit à compter
les sous... Mais il ne me paraît pas si mal de partager un peu ces derniers
pour des équipements que l'on a tendance, en France, à ne pas utiliser le
week-end, la nuit, etc. Je considère donc qu'il serait bien qu'un Italien, un
Anglais ou un Allemand puisse participer à ce projet. J'ai donc demandé qu'on
examine le dossier. SOLEIL renaîtra. Vous savez, il suffit d'attendre
vingt-quatre heures et il revient, au ponant comme au levant.
M. Ivan Renar.
Pas vingt-quatre ans, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Pas vingt-quatre ans, mais quelques années !
M. Laffitte, qui n'est pas là, me demandait comment je dégraisserais le
mammouth. C'est un secret !
(Rires.)
Comme je n'ai pas employé cette
expression, je ne peux pas donner de réponse !
Il se souciait de la bataille entre les universités et les grandes écoles. Je
comprends la préoccupation de l'éminent représentant du corps des Mines qu'il
est. Qu'il se rassure ! J'ai nommé rapporteur de cette commission M. Jacques
Attali, sorti major de l'Ecole polytechnique. Les polytechniciens ne peuvent
donc pas se sentir sous-représentés. M. Attali appartenant également au corps
des Mines et au Conseil d'Etat, il est blindé de toutes parts.
(Sourires.)
Nous ne voulons pas supprimer les grandes écoles ! Je ferai néanmoins
remarquer qu'un élève de l'Ecole polytechnique coûte au pays 400 kilofrancs par
an, alors qu'un étudiant de l'université en coûte 30. Entre un élève de Harvard
et un élève de l'université du Wyoming, le facteur ne doit pas être supérieur à
deux ou trois.
On exagère donc un peu, à mon avis, les facteurs. Il ne faut par conséquent
pas hésiter à rapprocher les deux choses, d'autant que certains élèves de
l'Ecole polytechnique ne font pas grand-chose : ils n'assistent pas toujours
aux cours et ne passent pas tous les examens.
Quant à savoir s'il faut imposer aux élèves de l'Ecole polytechnique un cours
de mécanique quantique et de relativité susceptible de les conduire à un emploi
de physicien au CERN alors que les trois quarts d'entre eux deviendront hauts
fonctionnaires ou cadres supérieurs, c'est un sujet dont je laisse à la
commission le soin de discuter ! Ne vaudrait-il pas mieux, par exemple, qu'ils
apprennent trois langues étrangères pour aller vendre leurs avions dans les
pays étrangers ? Laissons passer !
Monsieur Camoin, vous êtes le premier à avoir défendu M. Bayrou, que ce soit
ici ou à l'Assemblée nationale, et je dois vous rendre hommage à cet égard.
M. André Maman.
Non ! nous sommes nombreux à l'avoir fait.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mais si le budget de M. Bayrou était si bon, pourquoi n'a-t-il pas permis
d'ouvrir les postes d'enseignants dont on avait besoin ?
M. Jean-Claude Carle.
M. Bayrou n'a pas eu le temps !
M. Jean-Pierre Camoin.
Les chiffres sont là : 5 % et 3 % !
M. le président.
Monsieur le ministre, si vous ne voulez pas être interrompu, essayez de ne pas
provoquer vos interlocuteurs !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
A cette heure-ci, monsieur le président, peut-être cela pourrait-il provoquer
quelque intérêt supplémentaire !
M. le président.
Si vous le prenez ainsi, je vous laisse faire !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mon intérêt, c'est de réveiller tout le monde... à propos de l'éducation
nationale !
(Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Adrien Gouteyron
président de la commission des affaires culturelles.
Soyez tranquille
!
M. le président.
Monsieur le ministre, le Sénat ne dort jamais !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
J'ai bien dit « réveiller tout le monde sur l'éducation nationale ». Il ne faut
pas prendre mes termes d'une manière trop littérale !
M. Jacques Legendre.
Encore une ambiguïté !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
En politique, quand on sort de l'ambiguïté, c'est toujours à ses dépens, disait
le cardinal de Retz.
M. Ivan Renar.
La représentation nationale veille !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Quoi qu'il en soit, j'ai dit et répété partout que le problème budgétaire
n'était pas essentiel, et je ne me déjugerai donc pas.
Selon vous, M. Bayrou disposait d'un budget meilleur que le mien. Eh bien,
soit ! J'utiliserai cette donnée, je vous le promets, et l'on pourra établir
des comparaisons en termes d'efficacité. Par conséquent, votre affirmation
m'aide énormément !
Je crois néanmoins que les choses ne sont pas perçues de cette manière, y
compris par les enseignants, y compris par les syndicats enseignants de
l'enseignement supérieur.
M. Jean-Pierre Camoin.
Oui : 3 % contre 5 % !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Martin m'a parlé des rythmes de vie de l'enfant, de la morale civique, des
maîtres auxiliaires, des cantines scolaires et de la carte scolaire.
Nous pouvons, certes, en discuter, mais je pense que le problème de la carte
scolaire mérite d'être examiné de plus près. Permettez-moi quand même de
souligner que Mme Ségolène Royal a réglé le problème des réouvertures de
classes avec un doigté et une efficacité remarquables ! J'aurais d'ailleurs
souhaité que cela fût fait avant...
Le problème, c'est que nos personnels de l'éducation nationale ont découvert
la calculette et que, même si la règle de trois n'est plus enseignée dans le
primaire - elle le sera à nouveau
(Très bien ! sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
- la calculette a permis à nos
inspecteurs, qui en sont devenus fanatiques, de répondre à leur manière à bien
des problèmes.
Mais la règle de trois, vous le savez, ce n'est pas la vie ! Or fermer une
école rurale, c'est un drame ; fermer une école dans une zone d'éducation
prioritaire, même si elle compte peu d'élèves, c'est aussi un drame.
M. Guy Fischer.
Une classe pour un élève !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Oui, dans certains endroits, fermer une classe, c'est condamner un village,
voire une région !
D'un autre côté, face à la décroissance démographique, il faut bien, de temps
en temps, fermer des classes : sinon, ce serait bientôt le prêche du curé du
Cucugnan ou bien le moulin de Maître Cornille ! On ne va pas maintenir des
classes vides !
M. Pierre Martin.
Et la qualité de l'enseignement ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
En conséquence, il faut mélanger critères quantitatifs et critères qualitatifs.
Mme Ségolène Royal l'a fait et je peux vous dire en son nom qu'elle est ouverte
à toutes les critiques et à toutes les suggestions qui permettront d'améliorer
localement le dispositif.
Sur les rythmes de vie de l'enfant, nous sommes en train d'agir avec les
emplois-jeunes, mais nous le faisons discrètement. Ainsi, de temps en temps,
vous trouvez que je fais un peu de bruit, mais là, vous ne m'entendrez pas : je
m'y prends doucement pour changer les rythmes scolaires de l'enfant.
Au demeurant, permettez-moi de vous livrer une information dont vous ne
disposez peut-être pas encore : les études faites par les psychologues sur le
sujet nous montrent que la période comprise entre dix heures et douze heures
est extrêmement propice à l'acquisition d'un certain nombre de savoirs alors
que, ensuite, on constate une chute. Mais, s'agissant des exercices de mémoire,
il y a une certaine remontée à dix-sept heures. C'est pourquoi, bien que je
reconnaisse des mérites aux initiatives de M. Drut, en particulier dans la
mesure où il a permis de faire évoluer les mentalités d'un certain nombre de
syndicats enseignants, je ne suis pas d'accord avec lui sur la formule : « Le
matin avec cartable, l'après-midi sans cartable ».
Selon moi, les activités dites d'éveil, c'est-à-dire le sport, la culture, la
musique, les travaux divers, en bref l'acte éducatif, ne doivent jamais être
absentes. En effet, c'est parfois à cette occasion qu'on peut apprendre la
morale civique, voire la lecture ou telle ou telle discipline. C'est pourquoi
nous cherchons à réaliser une certaine continuité éducative dans la journée.
A cet égard, je vais peut-être vous étonner, je vais même sans doute en faire
hurler certains : je n'ai pas de religion à propos de la semaine de quatre ou
de cinq jours, mais je considère que les petites vacances trop longues
pénalisent les familles qui n'ont pas de moyens. Pour les autres, le problème
est différent : quand les enfants ont douze jours de vacances, on les envoie au
ski ; mais, quand on n'a pas de moyens, les enfants traînent dans la rue si les
familles n'ont pas la chance de vivre dans des communes qui organisent des
garderies. Par conséquent, douze jours pour des petites vacances sans arrêt,
c'est un problème !
Cela étant, je n'ai pas dit que j'allais supprimer ces vacances ! Il ne faut
donc pas écrire demain que M. Allègre a dit qu'il allait les supprimer ! J'ai
dit que les petites vacances trop longues, c'est un problème.
Par ailleurs, le système éducatif n'évoluera que si nous instaurons un
dialogue entre les parents d'élèves et les enseignants. Or, si je considère que
le samedi matin n'est pas un bon moment pour faire de l'enseignement, je crois
que c'est un bon moment pour que les parents puissent venir à l'école et
dialoguer avec les enseignants.
Ainsi, vouloir réduire la semaine à quatre jours, cela implique que les
enfants auront plus d'heures de travail chaque jour et qu'ils seront fatigués.
Par ailleurs, les parents n'auront pas le temps de voir les enseignants. Il est
vrai, d'ailleurs, que, certains enseignants sont bien contents de ne pas voir
les parents. La preuve ? Ils organisent les conseils de classe à quatorze
heures, ce que nous venons d'interdire, soit dit en passant.
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
C'est une bonne chose !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Cela étant, je puis prendre l'engagement que, s'agissant du problème des
rythmes scolaires, une discussion s'instaurera avec la représentation
nationale, car je considère que ce problème ne concerne pas seulement
l'éducation nationale, mais également tout le pays. Je suis donc disposé,
lorsque mes propositions seront prêtes, à organiser un débat sur ce sujet au
Sénat et à l'Assemblée nationale.
Monsieur Legendre, je sais que le métier de professeur est difficile. Cela
fait trente ans - et même plus - que je l'exerce et je considère effectivement
que c'est un métier très difficile. Mes parents l'ont exercé et, comme
quelqu'un l'a rappelé, beaucoup de membres de ma famille l'exercent également.
Mais quand, dans une profession, 1 ou 2 % de personnes ne font pas bien leur
métier, du fait du coefficient d'amplification que j'ai signalé, c'est toute la
profession qui est touchée.
Pour ma part, j'ai l'impression, en dénonçant les manquements, que je défends
la profession. Mais vous avez raison : si un certain nombre de personnes,
pourtant non susceptibles d'être visées par ces critiques, les prennent pour
elles, c'est qu'il y a un problème.
M. Jacques Legendre.
Eh oui !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ainsi, depuis des années, j'entends dire que, quand ils assurent trois heures
de cours, les professeurs de faculté ne « foutent rien » ! Moi, je n'ai jamais
pris cela pour moi, car tout le monde savait bien que, du lundi matin au samedi
soir, je dirigeais mon laboratoire, j'étais présent ; par conséquent, cela ne
me touchait pas, je ne me suis jamais senti visé par de tels propos.
Je suis cependant tout à fait conscient de ce que vous dites et le fait qu'un
certain nombre d'enseignants qui n'ont rien à se reprocher traduisent ainsi ce
message prouve qu'il y a un réel problème.
Croyez bien, en tout cas, que, si les indices de popularité que m'ont valus
mes déclarations - réelles ou supposées - ont flatté mon ego, ils m'ont
inquiété, car ils signifient que ce pays, quoi qu'en disent les sondages, a un
ressentiment vis-à-vis de son système éducatif.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Tout à fait !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'est ainsi que la PEEP publie aujourd'hui un sondage selon lequel les parents
d'élèves pensent que 30 % des enseignants ne font pas bien leur travail. C'est
considérable, mais c'est faux ! Je vous le dis d'une manière très solennelle,
je considère que mon travail, mon métier, mon rôle, ma mission, sont de
réconcilier l'école et le pays. Mais ce n'est pas en masquant les difficultés
et les incompréhensions que nous le ferons.
Je sais également que, dans les salles de classe mes déclarations - réelles ou
supposées - ont provoqué des débats ; mais je considère que ces débats sont
sains. Je peux vous dire, par exemple, que, dans un certain nombre d'académies,
aucun enseignant, depuis deux mois, n'a demandé à aller faire un stage de
formation en laissant ses élèves : tous se sont préoccupés de leur remplacement
ou ont demandé à faire leur stage le mercredi. Je considère que c'est un
progrès !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Claude Carle.
Bravo !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Quoi qu'il en soit, le débat sur l'école ne concerne pas que les enseignants,
il concerne tout le monde, car il permettra de réconcilier le pays avec son
école. Et je vous promets, monsieur le sénateur, que j'y apporterai toute mon
énergie.
Vous m'avez parlé des langues. Ce sujet me va droit au coeur, pour de
multiples raisons. Au demeurant, de vous à moi, je peux vous dire que je
considère que, en tant que langue, l'anglais est condamné : demain, tout le
monde parlera une sorte de pidgin plus ou moins mâtiné de français ou de
japonais. Mais il faut bien reconnaître que l'anglais est devenu un moyen de
communication universel ! Il doit donc être appris au même titre que
l'ordinateur ou Internet. Il faut donc lui faire une place à part dans notre
réglementation vis-à-vis des langues étrangères.
Mais je constate comme vous que l'allemand, le russe, l'italien, l'arabe ou le
portugais sont en perte de vitesse...
M. Ivan Renar.
Et le polonais dans le Nord - Pas-de-Calais !
M. Philippe Richert.
Et l'alsacien !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Carle.
Et l'espagnol !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
L'espagnol se maintient au sud de la Loire !
Je veux en tout cas mener une politique dynamique en ce qui concerne les
langues étrangères. Ainsi, en enseignant l'anglais plus deux autres langues
étrangères, cela fera trois langues étrangères. Mais il s'agira d'un anglais de
communication, d'un anglais qui, au demeurant, est indispensable pour « surfer
» sur Internet, soit dit en passant, car ceux qui veulent communiquer sur ce
réseau ne peuvent le faire s'ils ne maîtrisent pas un minimum d'anglais.
A cet égard, j'ai chargé M. Michel Oriano, membre de mon cabinet, qui est un
linguiste, de formuler des propositions. Nous allons les « mettre en musique »,
y compris pour la rénovation de l'enseignement des langues étrangères à
l'université, ce qui manque actuellement considérablement.
Vous le voyez, je suis tout à fait sur votre longueur d'ondes, monsieur le
sénateur !
Voilà ce que je voulais dire. Si j'ai été un peu long...
Plusieurs sénateurs.
Non ! Non !
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... n'y voyez que le signe de l'intérêt que j'accorde à vos questions.
Je répète ce que j'ai dit dans mon propos liminaire : ce gouvernement est
extrêmement attaché au dialogue démocratique. Vous avez vu, ces derniers jours,
le Premier ministre refuser de discuter sur un certain nombre de revendications
inscrites sur des pancartes et accepter des amendements présentés au Parlement.
Cela traduit notre volonté de redonner un rôle à la représentation nationale.
Nous ne céderons pas sous la pression des pancartes. Mais lorsque la
représentation nationale nous fera des suggestions, parce qu'elle représente la
France, je le dis solennellement, nous serons attentifs à ces suggestions,
qu'elles viennent de droite ou de gauche. Si elles sont conformes à l'intérêt
de la France, nous les prendrons en compte.
Les combats partisans existent ; je les mènerai à mon heure, de ma place et
quand il le faudra sur les sujets qui nous divisent. Je ne renie pas mon camp
et ne fais aucune égratignure à mes convictions ; tout le monde sait où je
suis.
Mais nous sommes à l'orée du xxie siècle, d'une formidable bataille mondiale
qui met en péril notre identité nationale, notre capacité à survivre, notre
rôle en Europe, notre rôle dans le monde.
C'est la bataille de l'intelligence que nous allons mener, et cette bataille,
le ministère que l'on m'a confié en est le coeur. Pour cette bataille, je
sollicite une mobilisation générale. En ce qui me concerne, je ne ferai preuve
ni d'ostracisme ni d'esprit partisan. Je ferai simplement ce que je crois être,
en mon âme et conscience, de l'intérêt de la France.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen et sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je demande la parole
pour répondre à M. le ministre.
M. le président.
En vertu de l'article 37, alinéa 3, du règlement, la parole est à M. le
président de la commission.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je vous remercie,
monsieur le président, de me donner la parole après l'intervention longue et
intéressante de M. le ministre.
Monsieur le ministre, à défaut de savoir si je vais prendre le sel, le poivre,
la confiture ou la moutarde, je vais vous faire part de quelques réactions.
Comme nous tous, j'ai été frappé par la passion que vous avez mise dans vos
propos, par votre sincérité évidente, mais aussi par un sens très aigu de
l'effet que vous ne manquez pas de rechercher. Je salue cette apparente naïveté
qui, en réalité, cache une grande habileté.
Monsieur le ministre, j'ai apprécié.
Un point tout de même : pour défendre votre cause, il n'était pas nécessaire
de vous en prendre comme vous l'avez fait à votre prédécesseur. Vous pouviez
critiquer son action peut-être, pas sa personne.
M. Philippe Richert.
Trop, c'est trop !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Vos propos nous ont
sans doute éclairés.
Alors qu'on parlait de générosité, d'humanité, et que nous approuvions, vous
nous avez dit : « Passez de notre côté ! » Monsieur le ministre, ne croyez pas
que la générosité soit toute d'un côté et que nous défendions je ne sais quelle
cause moins noble que celle que vous défendez.
Non, nous aussi, nous mettons l'enfant au centre de nos préoccupations ; je
vous demande de le croire.
Et puisque vous avez parlé de votre côté, croyez bien que nous aurions pu,
nous aussi, vous entendant sur certains points, vous rétorquer : « Mais,
monsieur le ministre, venez donc du nôtre ! » En effet, nous avons approuvé
certains de vos propos, et vous vous en êtes bien rendu compte.
Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre au début de ce débat que vous
n'étiez pas très convaincu de sa nécessité. Peut-être me suis-je trompé ! Vos
réponses nous ont montré qu'en fait ce débat était utile, même si vous n'avez
pas répondu à toutes les questions, notamment à toutes celles que j'ai posées.
Peu importe, le débat budgétaire approchant, nous aurons d'autres occasions de
les aborder.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé - je ne retiens que cela - que vous
faisiez ce que vous disiez. Et d'ajouter que, le jour où vous ne pourriez pas
faire ce que vous aviez envie de faire, vous retourneriez dans votre
laboratoire. Monsieur le ministre, ces propos ne sont sûrement pas des propos
en l'air.
Vous permettrez que le Sénat ait la même exigence. Croyez-le, monsieur le
ministre, nous serons des partenaires vigilants. Nous suivrons avec attention
ce que vous faites, nous regarderons si vous tenez les engagements que vous
avez pris - vous en avez pris, ce soir, un certain nombre.
Comme vous, nous voulons servir l'éducation nationale, et nous devons bien à
cette cause cette exigence.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le
numéro 50 et distribuée.
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