M. le président. Par amendement n° 6, M. Vinçon, au nom de la commission, propose :
I. - De rédiger ainsi le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 111-2 du code du service national :
« Art. L. 111-2. - Le service national universel comprend des obligations : le recensement, la Rencontre armées-jeunesse et, si la défense de la Nation le justifie, la conscription.
« Il comporte aussi des volontariats.
« La Rencontre armées-jeunesse a pour objet de conforter l'esprit de défense et de concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, ainsi qu'au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse. Elle permet aussi de procéder à un bilan de la situation personnelle des jeunes, sur les plans scolaire et médical.
« La conscription permet d'atteindre, avec les militaires professionnels, les volontaires et les réservistes, les effectifs déterminés par le législateur pour assurer la défense de la Nation. »
II. - En conséquence, dans la suite du projet de loi, de substituer à chaque fois que nécessaire aux mots : « L'appel de préparation à la défense » les mots : « la Rencontre armées-jeunesse ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 30, présenté par M. Calmejane, et tendant, après le troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'amendement n° 6 pour l'article L. 111-2 du code du service national, à insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le bilan de santé, s'il ne peut avoir lieu pour des raisons pratiques le jour même de la Rencontre armées-jeunesse, pourra être préalablement effectué dans un centre de soins public. Un bon d'examen gratuit sera délivré avec la convocation.
« Les résultats de ce bilan, dont le contenu sera fixé par décret, devront obligatoirement être transcrits sur le carnet de santé individuel des jeunes. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Serge Vinçon, rapporteur. La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 111-2 du code du service national vise à substituer l'expression « Rencontre armées-jeunesse » à celle, contestable selon nous, d'« appel de préparation à la défense ». Il est vain en effet d'attendre de quelques heures d'exposés une quelconque préparation à la défense, celle-ci devant désormais incomber aux préparations militaires.
La dénomination « Rencontre armées-jeunesse » renvoie de manière plus adéquate à l'objet, certes modeste, de cette nouvelle obligation, qui est essentiellement de maintenir un lien privilégié entre les jeunes et l'armée.
Cette nouvelle rédaction permet aussi d'enrichir le contenu de la Rencontre armées-jeunesse par rapport à celui de l'appel de préparation à la défense, en prévoyant expressément, dès le début du code du service national, qu'à cette occasion sera effectué un bilan de la situation personnelle des jeunes sur les plans scolaire et médical. Le bilan de santé sera effectué notamment dans une logique de santé publique, en vue de procéder à un rattrapage pour les jeunes qui, aujourd'hui, sont trop nombreux à être exclus du système de santé.
Cet amendement a également pour objet de substituer le terme « conscription », auquel se réfère la législation française depuis la loi Jourdan, à l'expression juridiquement moins rigoureuse d'« appel sous les drapeaux », et de rappeler que, loin de constituer une modalité banale et normale d'accomplissement du service national, sur le même plan que le recensement et la Rencontre armées-jeunesse, la conscription répond à une menace affectant la sécurité du pays.
Le présent amendement a enfin pour objet de procéder, dans la suite du projet de loi, à la substitution de l'expression « Rencontre armées-jeunesse » à celle d'« appel de préparation à la défense » à chaque fois que cela est nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Calmejane, pour défendre le sous-amendement n° 30.
M. Robert Calmejane. Ce sous-amendement vise à compléter l'amendement très pertinemment introduit par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en vue de rétablir le bilan de santé, sans toutefois en préciser les conditions pratiques, au cours de la journée de Rencontre armées-jeunesse.
Il importe d'affirmer, comme le souhaite d'ailleurs M. le président de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, l'universalité et la gratuité de ce bilan, indispensble à une prévention efficace.
Alors même que la Conférence nationale de la santé, reprenant les conclusions du rapport du Haut Comité de santé publique, a dressé début juillet un bilan accablant de l'état de santé des jeunes, la disparition des « trois jours » doit non pas déboucher sur une régression du dispositif de prévention, mais, au contraire, étendre aux jeunes filles la garantie d'un bilan gratuit, seul capable de prendre en compte les jeunes que la précarité sociale place souvent en dehors de tout système de soins. Il s'agit de remplacer la consultation précédente par ce que l'on pourrait appeler un véritable appel de préparation à la santé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 30 ?
M. Serge Vinçon, rapporteur. Je suis au regret de dire à mon collègue M. Calmejane que la commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendment.
Elle est en effet convaincue de la nécessité d'effectuer un bilan de santé - c'est l'une des importantes modifications qu'elle souhaite apporter à ce projet de loi - et ce à l'occasion de la Rencontre armées-jeunesse, qui doit être l'occasion d'évaluer globalement la situation sanitaire d'une classe d'âge.
Par-delà cette nuance rédactionnelle, il n'y a pas de désaccord sur le fond quant à la nécessité de pratiquer ce bilan de santé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 et sur le sous-amendement n° 30 ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement, qui aborde l'un des deux ou trois sujets de ce projet de loi - finalement, ils ne sont pas très nombreux ! - sur lesquels il y a une différence d'appréciation entre la majorité de la commission et le Gouvernement.
Il y a d'abord deux questions de terminologie : en premier lieu, celle qui consisterait à rebaptiser « Rencontre armées-jeunesse » l'appel de préparation à la défense ; en second lieu, la question du terme « conscription ». Le Gouvernement n'est pas favorable à ces deux substitutions, d'abord parce que le terme « Rencontre » ne me paraît pas représenter ce que nous avons entendu faire et avec quoi, je crois, le Sénat est d'accord : il s'agit d'une convocation, c'est-à-dire de la mise en oeuvre d'une obligation.
Le Gouvernement, pour des raisons de principe, a souhaité que la journée d'information et de sensibilisation des jeunes sur les questions de défense fasse l'objet d'une convocation spécifique et obligatoire, distincte de l'obligation scolaire. C'est pour cela, qu'il a choisi le terme « appel ».
On peut certes discuter du choix de ce terme et en proposer un autre ; néanmoins, celui de « Rencontre » n'évoque pas la même notion.
Le terme « conscription » a été écarté par le Conseil d'Etat lors de la préparation du projet de loi, car il n'a pas d'effet juridique direct. Ce qui, à l'issue de sa délibération, est apparu au Conseil d'Etat comme traduisant au mieux l'obligation d'être incorporé pour accomplir une mission militaire, c'est l'expression « appel sous les drapeaux ». Le Gouvernement s'en tient à cette recommandation.
Voilà pour ce qui est des deux points de terminologie, étant entendu que, sur la question de la dénomination de la convocation, le Gouvernement n'a pas une position bloquée ; si le Sénat souhaite trouver une dénomination autre que « appel de préparation à la défense », il n'émet pas d'objection de principe. Simplement, le mot « rencontre » ne lui paraît pas adapté.
J'en viens à la différence de fond, qui porte sur la décision qui serait prise dès maintenant d'inclure dans cette journée un bilan de la situation personnelle des jeunes sur les plans scolaire et médical.
Les objections qu'a formulées le Sénat, dans la phase antérieure de la discussion, sur le cahier des charges trop volumineux du rendez-vous citoyen me paraissent s'appliquer à cette modification.
Le Gouvernement l'a déjà dit devant l'Assemblée nationale, il le dit de nouveau devant le Sénat, établir un bilan de santé des jeunes orienté vers leur information sur les risques qu'ils courent et sur la responsabilité qu'ils ont au regard de leur propre santé est un objectif de santé publique qui doit être atteint.
Le système des trois jours, auquel nous étions accoutumés, avait certes, des retombées positives en termes de santé publique, mais c'était avant tout un système d'appréciation de l'aptitude militaire. Compte tenu des exigences actuelles de la technique médicale, il nous paraît particulièrement difficile de conjuguer les deux objectifs.
La préférence du Gouvernement va à un système de contrôle de santé général pour les jeunes qui prépare leur prise de responsabilité au regard de leur maintien en bonne santé.
Par ailleurs, le Gouvernement a besoin de plus de temps. Je rappelle que nous avons été obligés de présenter ce projet de loi rapidement, dès la rentrée parlementaire, parce qu'il y a, aujourd'hui, un vide juridique. Ce n'est pas à la même échéance que nous pouvons faire des propositions pratiques applicables sur le bilan de santé des jeunes.
J'insiste donc auprès du Sénat pour que nous soit laissé le temps de la réflexion et de la concertation. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être présenté dans un délai qui est fixé par la Constitution. Tout système de bilan de santé généralisé, souhaitable dans son principe, a un coût budgétaire relativement important, et la répartition de ce coût entre les différentes instances de financement possibles est un sujet délicat. Ce n'est donc pas pour l'année 1998 que pourra être proposé un système définitif.
C'est la raison pour laquelle je demande au Sénat de bien examiner les conséquences que pourrait avoir l'inscription dans la loi d'une obligation que l'Etat ne pourrait pas assumer, en raison du cumul d'un objectif militaire et du bilan de santé des jeunes, qui est un objectif civil.
L'amendement de la commission, de ce point de vue, n'améliore pas la cohérence du texte.
S'agissant du sous-amendement n° 30, il s'y oppose, me semble-t-il, un argument de forme.
L'article L. 111-2, dont nous débattons, fixe les principes du code du service national. On peut donc tout à fait logiquement, même si je ne suis pas d'accord, inscrire dans ces principes que l'appel de préparation à la défense comporte un bilan scolaire et médical. En revanche, les modalités de cet appel de préparation à la défense sont prévues à l'article L. 114. C'est donc à cet article que pourrait être discuté le sous-amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 30, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Robert-Paul Vigouroux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Il serait dommage que nous nous arrêtions à une simple question de terminologie alors que, me semble-t-il, nous sommes tous d'accord.
J'ai parlé tout à l'heure des rencontres armées-santé. Effectivement, ce n'est pas durant cette journée d'appel qu'elles doivent se faire ; c'est auparavant. C'est dans les écoles que des représentants des armées de terre, de mer ou de l'air peuvent venir expliquer ce qu'est l'armée. J'ai également fait allusion aux informations par les multimédias. C'est à ce stade que doivent se placer les rencontres.
Cette journée, elle, est une journée où, en définitive, on va un peu plus loin. C'est plus qu'une rencontre, cette dernière étant préalable. C'est là que des décisions peuvent être prises, en particulier celle d'être volontaire ou non, par ceux qui sont présents.
Quant au bilan médical, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est nécessaire à notre jeunesse, mais à condition que ce soit un vrai bilan. S'il était possible de savoir rapidement, en fonction de la taille, du poids, de la tension artérielle, au besoin d'une radiologie, si un jeune était apte ou non, il n'en va pas de même du bilan de santé. Ce dernier peut être très rapide si le jeune n'a rien : on fait un examen d'urine, un examen de sang, on l'ausculte, on discute avec lui ; c'est l'affaire de dix minutes. Mais si le jeune a quoi que ce soit, on est obligé d'aller plus loin, de faire des examens complémentaires, si l'on veut être sérieux, ce qui peut nécessiter une semaine. De plus, il pourait y avoir une incompréhension entre le jeune et le médecin, qui ne le connaît pas, et cela jouerait contre la qualité de cet examen.
Si donc nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'un bilan, il doit s'agir d'un vrai bilan.
En conséquence, il faut le faire avant et, à cet égard, puisque cela ne peut pas figurer dans ce projet de loi, nous aimerions, à tout le moins, que M. le ministre contribue à trouver le financement et à fixer les modalités de ce vrai bilan de santé pour les jeunes garçons et pour les jeunes filles à un âge qu'il nous faudra fixer.
Pour toutes ces raisons, je suis évidemment défavorable à l'amendement, qui ne résout pas le problème, tout en considérant qu'il comporte certains éléments qu'il nous faudra discuter et que nous ne pouvons éluder.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Il s'agit évidemment d'un amendement fondamental, le seul probablement sur lequel notre commission et la majorité de notre assemblée diffèrent complètement de l'opinion du Gouvernement.
Monsieur le ministre, le texte de l'article L. 111-2, tel qu'il est rédigé dans votre projet de loi, mentionne « l'appel sous les drapeaux ». Cela ne correspond plus à la réalité.
Il faudrait y ajouter, comme la commission le prévoit à juste titre dans son amendement, les mots : « si la défense de la nation le justifie ». (M. le ministre fait un signe d'assentiment.) Si tel avait été le cas, nous l'aurions alors considéré plus favorablement.
Par ailleurs, j'ai dit dans mon exposé liminaire ce que je pensais du mot « rencontre ». Il est peut-être contestable. Je le préfère cependant à l'expression « appel de préparation à la défense », à cause, notamment, de la connotation très désagréable des trois lettres APD par lesquelles on va probablement le désigner. C'est peut-être un peu stupide, mais il faut y réfléchir. (M. le ministre opine.)
Vous êtes hostile à l'introduction du mot « conscription », monsieur le ministre. A mes yeux, pourtant, ce mot est important. Je note d'ailleurs que bien des voix s'étaient élevées à gauche, à l'occasion de la discussion de la loi Millon, pour dire qu'il fallait non pas supprimer la conscription, mais simplement la suspendre.
Personnellement, j'ai été heureux que la commission décide, non sans une certaine audace, de la réintroduire, en ajoutant, naturellement, « si la défense de la nation le justifie », ce qui est bien normal.
Depuis la loi de fructidor an VI du maréchal Jourdan, le vainqueur de Fleurus, la conscription, souvent contestée, quelquefois supprimée, toujours rétablie, a traversé les âges. Nous en fêterons bientôt le bicentenaire, peu avant le bicentenaire du Sénat, créé par la Constitution de l'an VIII - mais cela est une autre histoire !
La conscription a été pour le pays un ferment d'égalité et de fraternité. Comme l'a dit l'un de vos prédécesseurs : « La conscription est intimement liée, de Valmy à Verdun, à l'histoire républicaine. »
Pour cette raison, je voterai l'amendement, comme, je le pense, la majorité de notre assemblée.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Etant fondamentalement en désaccord avec ce projet de loi, qui me paraît non seulement grave mais dangereux pour l'avenir de la France et néfaste au regard du devoir d'une solidarité nationale plus active, d'un esprit de défense plus vigilant, de moyens plus puissants pour la défense de la nation face aux risques extérieurs qui peuvent, plus rapidement qu'on ne le pense, peser à nouveau sur elle, pour ces raisons, à mon regret, quelle que soit l'estime que je porte à M. le ministre, je ne pourrai que voter contre ce projet de loi, que je réprouve fondamentalement, et contre les amendements qui s'y rattachent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 5 : :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 300
Majorité absolue des suffrages 151
Pour l'adoption 219
Contre 81

En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 111-2 du code du service national est ainsi rédigé et il sera procédé à la coordination nécessaire.

ARTICLE L. 111-3 DU CODE DU SERVICE NATIONAL