M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Doublet pour explication de vote.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous venons d'examiner aujourd'hui en seconde lecture répond pleinement aux préoccupations de l'ensemble d'une profession trop longtemps oubliée.
Votre texte, monsieur le ministre, marque une avancée considérable pour un secteur à part entière de notre économie et constitue le cadre d'une véritable réforme pour notre pêche maritime.
Vous avez d'ores et déjà inscrit cette volonté dans le budget pour l'année 1997 en maintenant les dotations au niveau de 1996, tant en dépenses ordinaires qu'en crédits d'équipement. Vous avez ainsi préservé la pérennité des actions les plus structurantes engagées pour ce secteur.
Vous venez encore d'obtenir des avancées notables à l'échelon européen s'agissant du POP IV. En effet, à l'issue de longues et difficiles négociations, un compromis vient d'être adopté au dernier Conseil des ministres européens de la pêche : il réduit, d'une part, de moitié les objectifs initiaux de la Commission, et d'autre part, il reconnaît globalement la polyvalence des flottilles.
Même si vous avez, à juste titre, voté contre des taux de réduction demeurant trop élevés par rapport aux équilibres atteints par les différentes flottilles françaises, ce POP IV permet néanmoins de rétablir les aides à la modernisation de la flotte.
Je tiens tout particulièrement à rendre hommage à notre rapporteur, M. Josselin de Rohan, pour la qualité et la pertinence de son travail.
En première lecture, le Sénat, sous son impulsion, avait renforcé ce texte sur trois points essentiels : le dispositif en faveur des jeunes marins-pêcheurs, le dispositif en faveur des conjoints de patrons marins-pêcheurs ; enfin, l'équilibre entre la non-patrimonialisation des droits de pêche et les impératifs économiques de la profession.
Aujourd'hui, le Sénat, toujours sous votre impulsion, monsieur le rapporteur, a notamment créé un dispositif permettant de favoriser l'autofinancement des pêcheurs lors de la première installation, avec une incitation fiscale pour la souscription de parts de fonds de placement quirataire, à l'instar du système mis en place pour la flotte de commerce. C'est ici une avancée considérable.
Nous venons également d'abaisser l'âge à partir duquel le versement d'une allocation est possible pour les conjoints de conchyliculteurs, en retenant un seuil qui, sans pouvoir être inférieur à cinquante-cinq ans, correspond non pas à l'accession du chef d'exploitation à la retraite, mais à la cessation d'activité de l'exploitation.
Toutes ces modifications enrichissent ce projet de loi et répondent enfin aux attentes de toute la profession. Le texte tel qu'il ressort aujourd'hui de nos travaux doit beaucoup, monsieur le rapporteur, à vos compétences, à vos connaissances et à votre vision globale des problèmes du monde de la pêche. Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR le votera.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le ministre, vous constatez que, pour voter ce texte - qui doit beaucoup à votre imagination et à votre volonté de progrès - se trouvent dans l'hémicycle un marin célèbre, l'amiral de Gaulle, le président du groupe des sénateurs non inscrits, qui, chaque année, survole sur des dizaines de milliers de kilomètres les mers du globe, des sénateurs représentant des départements proches des mers, comme M. Doublet, mais aussi des sénateurs représentant des départements de l'intérieur, comme celui du département du Rhône que j'ai l'honneur d'être !.
Nous savons bien que le destin de la France est lié à l'accomplissement, à l'épanouissement de sa vocation maritime. Nous sommes solidaires, nous les citoyens de l'intérieur, des marins, face aux risques qu'ils courent et compte tenu de ce qu'ils apportent à la France. C'est la raison pour laquelle, comme beaucoup d'autres collègues sénateurs de départements de l'intérieur sans marins, je suis ici intentionnellement pour exprimer ma solidarité avec cette catégorie exceptionnelle de Français, qui ont la chance d'avoir dans cet hémicycle, non pas pour porte-parole, mais pour avocat prestigieux M. de Rohan qui, depuis des années, s'est spécialisé dans leurs problèmes et la défense de leur mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. J'ai envie de poursuivre sur la lancée de notre collègue :
« Combien de marins, combien de capitaines...
M. Emmanuel Hamel. ... « Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines
« Dans ce morne horizon se sont évanouis ! Saluons-les ! »
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, nous avons noté que le texte, s'il prend en compte un certain nombre de préoccupations du monde de la pêche, n'était pas de nature à résoudre les graves problèmes que connaissent aujourd'hui les marins-pêcheurs.
Il revient en seconde lecture sous le feu de l'actualité, comme je l'ai indiqué ce matin, et sans modification significative. Nous continuons de penser qu'il ne réglera pas les problèmes posés aujourd'hui aux pêches maritimes en France.
Tout à l'heure, a été souligné comme élément nouveau l'application à la pêche du système quirataire. La pêche a en effet besoin de soutien financier, et il est indispensable de favoriser les investissements, qu'ils soient publics ou privés. Il est nécessaire d'accroître les financements de l'Etat en faveur des jeunes en particulier. Toutefois, nous pensons que l'application du système quirataire aura tendance à accentuer la « financiarisation » des activités de la pêche. Cela favorisera, à notre avis, la pénétration d'intérêts étrangers, ce qui, à terme, nuira à la permanence de nos capacités de pêche, notamment artisanales. Or on sait combien ces pêches occupent une place importante dans nos activités. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voté tout à l'heure cet amendement.
Sur l'ensemble du texte, nous maintenons notre position, celle que nous avons exprimée lors du vote en première lecture : le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Nous avions adopté ce texte en première lecture. Il nous est revenu de l'Assemblée nationale légèrement modifié.
J'ai souhaité y inclure des amendements, et j'avais dit tout à l'heure, dans la discussion générale, que le sort qui serait réservé à ces amendements dicterait ma position et celle du groupe que je représente ici.
J'ai eu le sentiment que M. le ministre était disposé à les voir adopter, mais la commission, par la voix de son rapporteur, a été beaucoup plus rigide. Peut-être ces amendements avaient-ils le tort d'avoir été déposés par l'opposition ! Ils devenaient ainsi plus difficilement acceptables.
La formation aurait pu avoir une meilleure place - un amendement sur l'apprentissage a d'ailleurs été adopté - mais il n'en a rien été.
L'amendement que j'avais présenté sur la pêche industrielle et semi-industrielle n'a pas, lui non plus, été retenu.
C'est la raison pour laquelle, au nom du groupe socialiste, je m'abstiendrai du vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Vous êtes, monsieur Vasseur, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je suis, moi, comme M. Hamel, de l'intérieur, des plaines de Champagne. Pourquoi alors intervenir sur la pêche ? Certes, je vais me promener de temps en temps au bord de la mer ; mais il n'y a pas que cela.
J'ai senti, à travers ce débat, comme agriculteur, comme quelqu'un qui se bat pour l'agriculture, que l'on agissait pour que les jeunes puissent continuer à travailler. C'est très important.
Le groupe de l'Union centriste votera donc ce texte.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je ne dirai qu'un mot, monsieur le président, car je me sens obligé de remercier M. Hamel de sa belle envolée !
M. Emmanuel Hamel. J'ai plutôt survolé !
M. Jacques Habert. Je veux surtout exprimer ma gratitude d'abord à notre rapporteur, M. Josselin de Rohan, dont la compétence en la matière s'est affirmée une fois de plus, mais surtout au Gouvernement et à vous-même, monsieur le ministre de l'agriculture et, à nos yeux aujourd'hui, principalement ministre de la pêche, qui avez pris l'initiative de ce texte et qui, depuis le mois de novembre, y avez travaillé.
Vous nous avez présenté aujourd'hui un document qui est tout à fait remarquable et qui, je pense, va permettre de prendre un nouveau départ dans le domaine si difficile dont il était question aujourd'hui.
Je vous remercie en particulier d'avoir accepté l'amendement de M. Darniche, d'avoir travaillé avec lui et avec d'autres ici, notamment à l'occasion du congrès du 4 avril, sur le problème de l'apprentissage, qui est extrêmement important pour l'avenir de tous nos jeunes. J'espère que ces derniers trouveront dans la pêche les débouchés qui leur permettront de bien défendre notre pays dans un domaine que la tradition a placé très haut.
M. le président. Si M. Hamel traverse aussi bien les océans qu'il traverse l'hémicycle, il doit être un grand navigateur ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. C'est au nom de la commission des finances, sinon je n'oserais pas m'asseoir à cette place !
M. Félix Leyzour. Proche de celle de Victor-Hugo !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, je voudrais d'abord me féliciter de la tournure qu'il a prise.
On a trop souvent dit que la France n'avait pas de politique maritime, qu'elle n'avait pas d'ambition maritime. Ce texte démontre le contraire.
Je voudrais aussi dire ce que ce texte doit au Président de la République, qui l'a voulu depuis longtemps et qui a soutenu les efforts du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation pour le concevoir.
Je voudrais encore féliciter M. le ministre pour la manière tout à fait exemplaire dont il a préparé ce texte. En effet, il a permis une très longue concertation avec la profession et il a pris le temps nécessaire pour écouter ses interlocuteurs. Je crois pouvoir dire que ce projet de loi a été très largement élaboré avec leur concours.
Puis les deux assemblées ont étudié le texte. Je me félicite du fait que l'Assemblée nationale ait accepté la façon dont nous l'avions rédigé, même si nos collègues députés y ont apporté des éléments très utiles.
Je me réjouis de l'avancée importante que représente le système quirataire pour les jeunes. Elle a été obtenue grâce à l'opiniâtreté dont a fait preuve M. le ministre en négociant à Bruxelles et en convainquant les commissaires de l'utilité de ce dispositif.
Je ne vois pas du tout en quoi, avec des dispositions de cette nature, les pêcheurs pourraient tomber sous la coupe des trusts et des monopoles qui effarouchent toujours M. Leyzour et ses amis.
M. Félix Leyzour. A juste titre !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Il veut des concours financiers plus importants de l'Etat. Peut-être souhaite-t-il transformer les pêcheurs en fonctionnaires ? Je ne crois pas que ce soit ce que recherche la profession !
M. Félix Leyzour. Pas de dérision, monsieur le rapporteur !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je voudrais enfin rassurer M. Sergent : ce n'est pas du tout pour des raisons idéologiques que la commission n'a pas accepté ses amendements ; c'est tout simplement pour des raisons de principe, qui tiennent à l'élaboration du projet de loi.
Tout d'abord, il ne fallait pas alourdir inutilement les efforts demandés au Gouvernement s'agissant de la préparation de rapports. D'une part cela n'a pas de véritable portée, d'autre part ce ne sont pas tant des rapports que nous demandons au Gouvernement que des actes. Un rapport de plus ne changerait pas grand-chose à la condition des pêcheurs !
Ensuite - il est vrai que j'ai une formation de haut fonctionnaire, monsieur Sergent...
M. Félix Leyzour. Ah !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. ... et je la revendique ! - je ne crois pas aux textes qui comportent des incantations et des voeux. J'attends d'un texte qu'il annonce, permette, interdise ou favorise, et non qu'il constitue un catalogue, une lettre au père Noël, sans aucune expèce de portée.
Si des idées nous parviennent des diverses parties de l'hémicycle et des diverses formations, nous sommes très heureux de les adopter quand nous pensons qu'elles sont bonnes.
Je conclurai mon propos en souhaitant que cette loi d'orientation permette à la pêche française de prendre un nouveau départ et de s'adapter. Elle en a grand besoin mais cela va être très difficile.
En effet, la ressource a diminué. Il va donc falloir cesser la course à la productivité à tout prix, parce que nous avons à « aménager » également les océans. Cela suppose des reconversions. La profession y procède avec beaucoup de courage. Elle a besoin d'être accompagnée par un effort important de l'Etat. Cela doit se faire dans la concertation.
C'est tout l'objet de ce projet de loi, car telle est aussi la volonté du ministre.
Le souhait que je formule et que, je crois, nous partageons tous, c'est que de cette loi d'orientation date la modernisation de la pêche française et sa pérennité. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Sans allonger le débat, je voudrais féliciter l'ensemble des sénateurs, plus particulièrement, bien entendu, le rapporteur, M. Josselin de Rohan, pour le travail considérable qui a été accompli.
Nous avons donné, je pense, une image sereine et saine de ce que doit être le fonctionnement démocratique de nos institutions, c'est-à-dire un débat, un dialogue permanent - même si nous avons été amenés, quelquefois, à émettre des points de vue divergents ; mais c'est aussi à l'honneur de notre démocratie - et, au bout du compte, un grand sens de l'intérêt général.
Le texte issu des travaux du Sénat après tant la première lecture que la seconde, aujourd'hui, comporte des avancées très importantes qui démontrent l'efficacité et l'utilité du travail des sénateurs.
J'ai le sentiment que, ensemble, nous avons effectivement doté notre secteur des pêches maritimes du texte dont il avait besoin, d'une grande loi. Bien sûr, rien n'est jamais gagné d'avance, mais nous avons enfin l'outil qui doit nous permettre de rendre espoir aux pêcheurs et de doter notre pays d'une véritable filière des produits de la mer.
Alors que nous ne disposions pas, jusqu'à présent, de tous les moyens nécessaires, le texte obtenu aujourd'hui va, me semble-t-il, nous permettre de mener une grande politique, démontrant ainsi que la France entend être partie prenante et rester un élément important dans le domaine des activités maritimes, et particulièrement de la pêche. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Michel Sergent. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Le projet de loi est adopté.)
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