M. le président. Nous en revenons au texte proposé pour l'article 231-117 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 29, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de compléter in fine le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-117 du code de procédure pénale par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il ordonne que le dossier de la procédure soit déposé entre les mains du greffier du tribunal d'assises ; toutefois, il conserve, en vue de la délibération prévue par les articles 231-126 et suivants, la décision de mise en accusation.
« Si, au cours de la délibération, le tribunal d'assises estime nécessaire l'examen d'une ou plusieurs pièces de la procédure, le président ordonne le transport dans la salle des délibérations du dossier qui, à ces fins, sera rouvert en présence du ministère public et des avocats de l'accusé et de la partie civile. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit, par cet amendement, de tirer les conséquences du fait que la motivation sous la forme littéraire n'a pas été retenue. Une première conséquence en est que le tribunal d'assises ne doit pas se retirer avec le dossier dans la salle des délibérations. Il s'agit là d'une disposition importante du projet de loi.
A partir du moment où la motivation telle qu'elle avait été envisagée initialement ne sera pas retenue, il convient, me semble-t-il, que nous nous en tenions à la pratique actuelle, c'est-à-dire que le dossier de la procédure à la fin des débats est déposé entre les mains du greffier du tribunal d'assises. Toutefois, le président conserve, en vue de la délibération, la décision de mise en accusation.
Il est donc prévu que « si, au cours de la délibération, le tribunal d'assises estime nécessaire l'examen d'une ou plusieurs pièces de la procédure, le président ordonne le transport, dans la salle des délibérations, du dossier qui, à ces fins, sera rouvert en présence du ministère public et des avocats de l'accusé et de la partie civile ».
Il s'agit là de la préservation du principe de l'oralité des débats, qui est une tradition à laquelle la commission souscrit.
Dans l'état actuel du droit, j'indique à mes collègues que le président a toujours la possibilité, au cours des délibérations, de demander la transmission du dossier si cela lui paraît nécessaire.
C'est ce que nous vous demandons d'adopter, mes chers collègues, ce qui implique de refuser que le tribunal se retire avec le dossier dans la salle des délibérations.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour les éléments à charge ou à décharge, cela peut servir !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je vais m'en remettre à la sagesse du Sénat.
J'avais précédemment envisagé d'émettre un avis favorable sur cet amendement, escomptant que serait adopté, à l'article 231-137, un amendement du Gouvernement qui permettait au greffier de venir avec le dossier, en fin de délibéré, dans la salle des délibérations.
Cependant, le vote qui vient d'intervenir modifie le système de telle sorte que l'amendement que je viens d'évoquer ne trouve plus à s'appliquer.
Voilà pourquoi je m'en remets à la sagesse du Sénat, étant entendu que l'amendement n° 29 sera évidemment adopté.
M. le président. Ne préjugez pas le vote de l'assemblée, monsieur le garde des sceaux !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Si je m'en remets à la sagesse, monsieur le président, c'est en pensant que celle-ci s'exercera et que l'amendement sera donc adopté.
Ensuite, au cours de la navette, nous pourrons éventuellement mettre au point, à partir de la proposition que j'avais faite mais qui ne se raccroche plus au texte tel qu'il est, des dispositions complémentaires.
En tout état de cause, j'annonce d'ores et déjà le retrait de l'amendement n° 272, qui porte sur l'article 231-137.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Nous soutiendrons l'amendement de la commission des lois parce que c'est un impératif que de ne pas permettre au dossier de la procédure d'être accessible au tribunal et aux jurés pendant la totalité du délibéré. Le permettre, ce serait opérer une véritable révolution au regard de la règle classique. Seul compte ce qui se passe à l'audience parce que seul ce qui se passe à l'audience est ouvert à la discussion contradictoire de la défense et de l'accusation. A partir du moment où le dossier de l'instruction serait entre les mains du président et, inévitablement, rendu ainsi accessible à tous ceux qui participent au délibéré, on changerait radicalement la nature du procès d'assises.
Imaginons ce que pourraient être les interrogations de ceux qui seraient condamnés à partir d'un délibéré dans lequel des éléments écrits de l'instruction auraient été consultés sans qu'aucune des parties, en particulier les avocats de la défense et l'accusé lui-même, ait pu faire valoir ses observations.
Non, dans ce domaine-là, il n'est pas possible de transiger. C'est pourquoi nous sommes heureux que la commission des lois ait adopté cette position.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Il est certain que le dossier de la cour d'assises doit être conservé entre les mains du greffier et ne pas être introduit dans la salle des délibérations.
Ce qui me gêne, c'est que si, au cours des délibérations, la cour estime nécessaire de consulter une pièce, il va y avoir en quelque sorte de nouvelles plaidoiries : nécessairement, les avocats vont poser des questions, intervenir. Il y aura donc une plaidoirie à l'audience et une autre dans la salle des délibérations.
Cela risque d'influencer certains membres du jury, qui n'avaient peut-être pas écouté la première fois et qui vont soudainement éprouver le besoin de jouer les justiciers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De toute façon, c'est ce que prévoit déjà l'actuel article 347 !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-117 du code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-118 À 231-123
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE