AMÉLIORATION DES RELATIONS
ENTRE LES ADMINISTRATIONS ET LE PUBLIC

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Ce projet de loi, monsieur le ministre, est très attendu.
D'une part, il est censé répondre à l'obligation de déconcentration de l'Etat prévue par la loi de décentralisation du 2 mars 1982. La déconcentration doit se poursuivre : le mouvement de rapprochement des services de l'Etat vers le citoyen-administré est le pendant indispensable de la décentralisation des services vers des élus territoriaux reconnus responsables.
D'autre part, ce projet de loi doit aussi traduire une des orientations de la loi du 4 février 1995 sur l'aménagement et le développement du territoire.
En écho à son annonce, avec force et solennité, par la plus haute autorité de l'Etat - le Président de la République - dès 1995, le Gouvernement exprime dans ce projet de loi ses intentions.
Vous aviez soumis à la concertation des élus, entre autres choses, une sorte de mémorandum qui nous avait autorisés à croire à un projet de loi fort, exhaustif, adapté aux nécessités de la décentralisation et répondant mieux aux exigences de sa réussite, monsieur le ministre.
Force est tout de même de constater que le projet de loi que vous nous soumettez a perdu de ses ambitions ! Sa portée est limitée, et c'est parfois d'ailleurs significatif, notamment sur le plan législatif, puisque, pour les quatre cinquièmes, il s'agit de dispositions de caractère réglementaire plus que de dispositions de nature nécessairement législative. Une fois encore, monsieur le ministre, le décalage entre les promesses et les propositions est important. Il en est même inquiétant.
Autant je crois à la nécessité de se plier aux obligations nées des deux lois essentielles que j'ai rappelées, autant je déplore l'insuffisance des solutions proposées. La volonté de l'Etat ne s'exprime pas avec force et, s'il y a un objectif affirmé, celui-ci manque de clarté ; il y a aussi matière à lire entre les lignes !
J'ajoute que le Gouvernement aborde ce débat sous des auspices peu rassurants : les services publics ont besoin de moyens humains - les fonctionnaires - suffisants et adaptés pour assurer leur présence et leur pérennité. Mais, les fonctionnaires, c'est la feuille d'impôt, selon le chef de l'Etat. M. Alain Madelin, lui, dénonçait leurs salaires. Quant au Premier ministre, il parlait il y a peu encore de « mauvaise graisse » !
Les négociations salariales que vous aviez entamées voilà quelques semaines ont d'ailleurs tourné court, le Gouvernement ayant fait des propositions dont je ne veux pas croire qu'il ignorait qu'elles étaient inacceptables.
J'indique, pour que les choses soient claires, que la France, avec 5,73 agents publics pour 100 habitants, n'est qu'en neuvième position dans l'Union européenne. Il faut donc cesser de répéter à tout va que la France est d'abord et avant tout constituée d'une armée de fonctionnaires !
Mon collègue Jacques Mahéas a analysé les dispositions relatives au régime des décisions administratives. Je n'y reviens pas.
Il a aussi, fort remarquablement, argumenté notre position en ce qui concerne la saisine du Médiateur. Je veux à mon tour insister sur le fait que cette saisine est bien aujourd'hui ouverte à tous nos concitoyens. Ils doivent, certes, faire transiter leurs demandes par des parlementaires nationaux, mais le système n'en est pas moins satisfaisant et doit en conséquence demeurer en l'état. Vous avez eu la sagesse, monsieur le rapporteur, de proposer et de faire adopter en commission un amendement allant dans ce sens.
Plus importantes, plus novatrices et plus intéressantes sont les dispositions relatives aux maisons des services publics.
Les services de l'Etat sont parfois difficilement accessibles, voire inaccessibles à certains de nos concitoyens vivant dans les secteurs ruraux ou les périphéries urbaines. D'ordre administratif, ils ont parfois un caractère commercial, comme La Poste, la SNCF, EDF, GDF, ou encore sont des institutions sous tutelle de l'Etat, comme la sécurité sociale, les caisses d'allocations familiales, etc. Ils doivent donc être offerts, sans discrimination, à tous nos compatriotes. Je crois pouvoir dire que c'est un devoir constitutionnel, nos compatriotes étant eux-mêmes en droit d'en demander l'égal accès sans que les distances et les délais pour s'y rendre ne dépassent les limites que la loi du 4 février 1995 a posées.
On ne peut considérer la gestion d'un service public, c'est-à-dire d'un service d'intérêt général, à la seule aune de son coût, sous son seul aspect financier.
M. Robert Pagès. Très juste !
M. René Régnault. La cohésion sociale dépend de la réduction des fractures sociales et, des inégalités de traitement entre nos concitoyens par les services de l'Etat. La cohérence territoriale dépend, elle aussi, de la garantie d'offre de services publics, services, je le répète, d'intérêt général.
La seule arithmétique des normes est inacceptable et ne peut répondre aux exigences des milieux ruraux ou des périphéries en mal d'insertion et d'intégration.
Je veux encore préciser que ce ne sont pas, ou bien rarement, les services des collectivités territoriales qui font le plus défaut. Les maires veillent et s'organisent pour répondre aux nécessités des populations. Il eût d'ailleurs été intéressant pour les maires que vous indiquiez, monsieur le ministre, comment s'établira la carte des pays et, surtout, ce que recouvriront ces entités. Les maisons des services publics, sur lesquelles tout le monde s'interroge, préfigureraient-elles une nouvelle organisation administrative ?
En revanche, ce sont les services publics de l'Etat, les services publics à caractère commercial ainsi que certaines institutions sociales ou professionnelles qui font défaut ; au fil des années, ils se sont éloignés du public.
Pour répondre aux attentes nées de l'adoption de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, je peux croire à l'utilité des maisons des services publics, mais à quelques conditions fortes, simples et essentielles que je présenterai maintenant sous forme de questions. Vos réponses, monsieur le ministre, seront déterminantes et orienteront le vote du groupe socialiste.
En premier lieu, ces maisons des services publics ont-elles pour objet de maintenir, voire de rétablir le service public de l'Etat, ou le service public institutionnel, afin de porter remède à la désertification des territoires ruraux et aux difficultés rencontrées par les populations déracinées des banlieues ?
En second lieu, ces services publics, relevant essentiellement de l'Etat ou placés sous sa tutelle, doivent, au nom de la solidarité nationale découlant de son pouvoir régalien, être placés sous sa responsabilité. L'Etat devrait donc doter les maisons des services publics de fonctionnaires d'Etat, préparés à assumer des missions et des responsabilités spécifiques. Cette proposition, monsieur le ministre, est fondamentale, et votre réponse sera ici essentielle.
S'il est permis de ne pas écarter l'idée de transfert de quelques services territoriaux sous convention, il est clair qu'il ne saurait être question de déstabiliser nos mairies ou nos services municipaux en les affaiblissant.
Les collectivités territoriales, par la voix notamment de l'Association des maires de France qui a formulé un avis en ce sens, mettent en garde l'Etat contre toute nouvelle tentative de transferts de charges et de responsabilités de lui incombant.
Etablir ou rétablir des services publics de l'Etat, ou sous le contrôle de l'Etat, reçoit mon adhésion. Que l'Etat assure sa charge et sa responsabilité est indispensable. Celles-ci doivent être clairement exprimées pour être durablement assurées et garanties.
La suite du débat, vos réponses, l'examen des articles et des amendements retiendront notre attention et conditionneront notre vote final qui, d'une abstention bienveillante, pourrait devenir un refus catégorique si j'en juge par le sort qui a été réservé à quelques-uns de nos amendements lors de leur examen par la commission, il y a quelques heures. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques vient de diffuser un rapport : La France et la société de l'information, un cri d'alarme et une croisade nécessaire.
Un cri d'alarme, pourquoi ? Parce que la France prend du retard en ce domaine. Le Président de la République en est bien conscient et le Premier ministre a lui-même affirmé récemment la nécessité de la présence de l'Etat sur le Net.
A deux pas de l'hémicycle, monsieur le ministre, une démonstration est d'ailleurs en cours, exposant tout ce qui est disponible non seulement sur l'Intranet, mais aussi sur le site Internet du Sénat.
Les résultats de nos missions d'information, au-delà des cercles traditionnels, sont désormais consultés par le public et rencontrent un large succès. Un constat toutefois : ni les départements ministériels, ni les collectivités locales ne participent à ces consultations, ce qui est préoccupant, surtout eu égard au rôle du Sénat par rapport aux collectivités locales.
Les autorités administratives, en la matière, ne donnent pas l'exemple de la modernité, d'où, à mon sens, la nécessité de les y inciter. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que, dans le cadre de la réforme de l'Etat, vous vous y prépariez.
Vous avez vous-même évoqué à cette tribune, il y a quelques instants, la communication en temps réel. Toutefois, je crains, monsieur le ministre, que, aux yeux du public, le texte que les services vous ont préparé et que l'Assemblée nationale a modifié légèrement ne fasse penser que le Gouvernement ignore les progrès de la société de l'information et à quel point celle-ci bouleversr les habitudes, les structures, les hiérarchies et les comportements, et permet à chacun d'avoir accès à toutes les sources d'information. Je sais qu'il n'en est rien et je pense que vous avez à coeur de placer dans la réforme de l'Etat les nouvelles possibilités d'information et de communication, moyens d'une démocratie moderne.
Mais ce serait une erreur de ne pas le dire dans une loi. La plus grande puissance du monde, lors d'une élection présidentielle datant de quelque cinq ans et au cours de laquelle MM. Clinton et Al Gore ont fait campagne en grande partie sur les autoroutes de l'information, n'a pas craint de le dire. Depuis lors, toutes les autorités administratives de l'Amérique du Nord s'informatisent ; les citoyens en bénéficient et cela diminue notablement les frais de fonctionnement des administrations.
A l'intérieur d'une administration, un système de réseau interne, par exemple de type Intranet, permet d'activer la communication et d'annihiler les délais prohibitifs.
A l'extérieur, un Extranet interministériel, protégé et fermé, donc confidentiel, permet de gagner un temps considérable.
L'accord de douze directeurs peut être obtenu en un quart d'heure et la négociation des points délicats peut s'effectuer en quelques heures. Par la voie dite « normale », cela nécessite des semaines ou des mois. Bien sûr, cela change la nature du travail et nécessite le reformatage des fonctions de chacun - ce qui prend du temps - mais, au total, l'administration s'en trouve bien, et les usagers de l'administration et le public également.
Je prendrai plusieurs exemples.
Le premier concerne le domaine de la justice. La population française admet très difficilement que plusieurs mois s'écoulent avant qu'une décision de justice soit transmise par les greffiers. En effet, une informatisation systématique permettrait de le faire le jour même de la décision, puisque la plupart des attendus correspondent non pas à des innovations, mais à des références assez classiques et des coupés-collés informatisés permettent en quelques minutes de rédiger une conclusion. La relecture et la signature ne durent pas des semaines. J'évoque la justice parce que c'est tout de même une priorité pour nos compatriotes, qui sont très sensibles à la durée des délais.
Le deuxième exemple concerne la comptabilité M 14, que mes collègues sénateurs connaissent bien et que la plupart des collectivités locales implantent, mais à quel coût ! Sur Internet, il existe un site, émanant d'une entreprise privée, qui propose un forum traitant de la manière d'implanter cette comptabilité. Il est relativement peu actif parce que les collectivités n'ont pas acheté, pour quelque mille francs, un modem et ne sont pas connectées. Elles dépensent beaucoup plus d'argent pour obtenir les formations et les informations qu'elles pourraient avoir en se connectant sur Wanadoo ou tout autre fournisseur d'accès. Cette absence de modernité coûte cher.
De la même manière, la préparation des réunions intersyndicales et même leur tenue peuvent très bien se faire sous forme de forum Intranet ou Internet. Je prends volontiers des exemples qui ne concernent pas directement l'Etat, parce que le présent projet de loi traite de l'Etat et de ses services, mais aussi des administrations en général.
Le troisième exemple concerne l'Association des maires de France. Je suis convaincu que cette association serait encore plus active, plus utile et plus dynamique si elle privilégiait une action par le biais d'Internet. Encore faut-il que les mairies soient connectées, donc qu'elles y soient incitées.
Un message que je viens de recevoir sur Internet par l'intermédiaire du serveur du Sénat me cite de nombreux exemples du cercle vicieux que représente le fait que les choses ne se font pas parce que les mairies ne sont pas suffisamment connectées. Dans notre groupe, nous avons la possibilité de faire des visio-conférences sur Numéris.
Nous l'utilisons avec la Guyane, mais relativement peu avec nos collègues de la métropole, parce qu'ils ne sont pas connectés, n'ont pas de système visio-conférence sur Numéris. Pourtant, cela ne coûte pratiquement rien : l'investissement est tout à fait négligeable et le prix de l'abonnement vient encore de baisser.
Autre exemple : je viens de déposer une proposition de loi qui sera présentée par notre collègue M. Othily. Elle vise à permettre aux parents de déclarer la naissance d'un enfant à la mairie de leur lieu de résidence, et non pas à celle du lieu de naissance. Apparemment, cela était impossible jusqu'à présent, faute d'une centralisation des fichiers de l'état civil par le ministère compétent. Désormais, grâce aux transmissions de données, cela est possible. On peut même maintenant effectuer une centralisation virtuelle, sans qu'il soit nécessaire d'y procéder matériellement.
Le problème est majeur. Le développement informatique des administrations reste, selon moi, limité. C'est pourquoi nous proposons, par amendement, la création de cellules au sein de chacune des autorités administratives et d'un observatoire chargé de suivre la mise en réseau de ces cellules. En effet, pour le moment, les différents ministères ne sont pas connectés et règne un certain flou. Une connexion entre ces cellules, avec un observatoire qui en rendrait compte et qui viserait la connexion, serait très utile.
Un deuxième amendement tend à ce que les services décentralisés de l'Etat puissent veiller à ce que les réclamations adressées par voie électronique soient traitées de la même façon et dans les mêmes conditions. Si vous considérez, monsieur le ministre, que cette disposition relève du domaine réglementaire et si vous nous indiquez que cela pourrait être mis en place par cette voie, nous pourrons retirer cet amendement.
M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de conclure.
M. Pierre Laffitte. Je conclus, monsieur le président.
Un autre de nos amendements vise les maisons des services publics. Il persuadera peut-être nos collègues de la gauche que les quelques craintes qu'ils peuvent ressentir en ce qui concerne ces maisons sont injustifiées.
Les usagers devraient pouvoir être aidés dans leur utilisation des guichets électroniques installés dans ces maisons.
Monsieur le ministre, nous voterons votre projet de loi parce qu'il va dans le bon sens, surtout si vous acceptez nos amendements. En effet, aux termes de ce texte, les usagers sont considérés un peu moins comme des assujettis et un peu plus comme des partenaires au coeur des services publics. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je souhaiterais apporter un certain nombre de précisions à la suite des réflexions et des interrogations qui viennent d'être exprimées.
J'ai d'abord entendu la confirmation de ce que nous disions, les uns et les autres, c'est-à-dire une attente forte vis-à-vis de la réforme de l'Etat dans ses différents objectifs, qu'il s'agise de la simplification, comme l'a dit M. Cabanel, de la déconcentration, comme l'ont souligné M. le rapporteur et M. Courtois, ou de la nécessité de s'appuyer sur les ressources humaines et peut-être de mieux développer la déconcentation de la gestion des personnels. M. Bordas a insisté sur ce point et je voudrais lui dire que nous avançons dans ce domaine.
En effet, j'ai présenté au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, au mois de décembre, un certain nombre de projets de textes qui ont été adoptés depuis et qui vont dans ce sens : ils vont permettre à la fois de déconcentrer la gestion des personnels et de nouer le dialogue social, car on ne peut pas faire l'un sans l'autre. Cela constituera, selon moi, un élément de cette mobilité que vous avez appelée de vos voeux. A cet égard, je citerai un seul exemple : la mise à disposition, d'une administration à une autre, d'un agent dans les services déconcentrés sera dorénavant décidée par les préfets. Cela pourra donner à certains agents, qui, bien souvent, le souhaitent, des possibilités pour diversifier leur carrière et, donc, leur expérience professionnelle.
S'agissant de la nécessité d'améliorer les relations entre les administrations et le public, tous les orateurs sont d'accord, notamment sur le raccourcissement des délais de réponse, sur la question des accusés de réception ou encore sur l'obligation de transmettre la demande d'un usager si celui-ci se trompe car, au fond, c'est à l'administration d'assumer sa propre complexité.
Cela étant, un certain nombre de craintes ou d'interrogations ont été exprimées, et je voudrais y revenir.
Plusieurs d'entre vous, en particulier M. le rapporteur, ont évoqué la capacité des petites communes à faire face, ce qui provoque quelques craintes, à la transmission de dossiers qui leur auraient été adressés par erreur.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce point à l'Assemblée nationale. C'est une question que nous devrions régler de manière pragmatique, en particulier en utilisant les bonnes relations qui existent entre les petites communes et les sous-préfectures. Le plus simple sera effectivement que nous veillions à ce que les sous-préfets, d'une manière très claire, reçoivent la demande qui serait arrivée dans une petite commune par erreur et se fassent fort de l'acheminer dans la bonne direction. Cela évitera ainsi au maire d'une petite commune de rechercher quel peut bien être le service destinataire de la demande. Les sous-préfets, qui ont l'habitude des relations avec les maires des petites communes, pourront assumer cette tâche, afin qu'elle ne constitue pas un surcroît de travail pour les maires de ces communes.
J'en viens aux décrets d'application. J'ai évoqué à plusieurs reprises leur nécessité. C'est notre Constitution elle-même, en ses articles 34 et 37, monsieur Pagès, qui prévoit les choses ainsi. Cela étant, il est bien normal que vous souhaitiez savoir ce qui va se passer après le vote du projet de loi.
D'abord, seront pris deux décrets généraux d'application : l'un concernera les modalités de mise en oeuvre de l'obligation d'accuser réception des demandes, avec les mentions obligatoires, les exceptions et un certain nombre d'éléments précis ; l'autre sera relatif aux maisons des services publics.
Par ailleurs, comme je l'ai indiqué à propos des articles 4 et 5, des décrets interviendront pour la mise en oeuvre de ces articles.
Pour les articles 4 et 5, il s'agira en premier lieu de prévoir, par décret en Conseil d'Etat, les délais de refus ou d'accord implicite dérogatoires au droit commun de deux mois, pour un motif tiré de l'urgence ou de la complexité de la procédure. Les administrations procèdent en ce moment même au balayage des différentes situations et, dans le délai d'entrée en vigueur de la loi, je pense que les textes concernés pourront être pris.
Pour l'article 5 du projet de loi, des décrets seront pris afin de développer les cas dans lesquels le silence vaut acceptation. J'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure. Tout cela étant très théorique et un peu abstrait, je citerai quelques exemples. Ce sera un peu un inventaire à la Prévert, et je vous prie de m'en excuser à l'avance.
Les accords implicites pourraient concerner des sujets relatifs aux professions, comme l'autorisation de poursuite d'activité pour les agriculteurs retraités, ou encore l'autorisation de commercialisation de certains gibiers, le visa du contrat d'engagement maritime, la licence annuelle d'agent artistique, l'approbation des programmes d'exploitation des services aériens intracommunautaires, l'autorisation des concours de pêche et l'agrément des associations intermédiaires traitant des publics en difficulté.
Il s'agit de situations variées, mais elles reflètent la vie de tous les jours. Pour revêtir un aspect insolite ici, à cette tribune, cette énumération n'en correspond pas moins à la vie concrète. Cela procurera donc en fait autant de simplifications dans la vie quotidienne des citoyens et dans le travail des fonctionnaires.
Je vais donner quelques exemples de simplification administrative par suppression pure et simple des régimes d'autorisation administrative. Certains concernent les domaines de la vie économique et sociale. C'est le cas de la suppression de la carte professionnelle de coiffeur ou de VRP, ou de la déclaration de colportage. C'est aussi le cas de la transformation de l'autorisation des manifestations commerciales en régime déclaratif, de la suppression de l'autorisation de télétransmission des factures, de la suppression de l'obligation de déclaration des services privés de transport, de la simplification des procédures de gestion des espèces piscicoles ou des régimes de la pisciculture. Il s'agit là encore d'une multitude d'éléments.
Les suppressions énumérées visent des procédures qui encombrent très franchement à la fois l'esprit de nos concitoyens et les services administratifs. Ces derniers seront ainsi libérés de tâches pour lesquelles ils n'apportent pas une valeur ajoutée considérable. Cela se traduira par un gain de temps.
Je voudrais revenir maintenant sur les maisons des services publics, point évoqué par tous les orateurs.
Si nous avons souhaité prévoir un cadre juridique pour ces maisons des services publics dans un texte de loi, c'est bien parce que l'autorisation du législateur était nécessaire. En effet, la loi permettra de prévoir les conditions dans lesquelles les différentes autorités administratives concernées pourront déléguer leur signature au responsable d'une maison des services publics, alors que ce ne serait pas possible sans texte de loi.
De plus, grâce à ce support législatif, un groupement d'intérêt public pourra être mis en place dans tous les cas où cela paraîtra souhaitable.
Enfin, il est également normal que la création de maisons des services publics impliquant les collectivités locales passe par une habilitation législative.
Je voudrais revenir sur la problématique maisons des services publics/maintien des services publics en zones rurales, soulignée en particulier par M. Régnault.
Bien évidemment, la mise en place de maisons des services publics doit s'inscrire dans la politique globale de maintien des services publics en milieu rural ; sinon, en effet, la situation confinerait à l'absurde.
Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, et comme l'a d'ailleurs très justement rappelé M. le rapporteur, il y a, au fond, deux types de zones géographiques où il nous paraît intéressant de développer des maisons des services publics, et c'est d'ailleurs dans ces sites qu'ont été menées les expériences : d'une part, le secteur rural menacé de désertification et, d'autre part, les quartiers difficiles, où le type de population résidente implique une simplification de l'accès à l'administration. Il y a, notamment dans l'Est lyonnais, des exemples tout à fait intéressants à cet égard.
Il s'agit donc non pas de créer un échelon supplémentaire d'administration, mais d'ouvrir en quelque sorte des guichets polyvalents et plus proches des gens.
Pour faire référence à la politique définie par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, je dirai qu'il est bien évident que la mise en place des maisons des services publics devra s'insérer dans le cadre des schémas départementaux des services publics sur lesquels les élus locaux sont consultés ; ces derniers pourront donc donner leur avis sur ces perspectives.
Le problème de la relation entre l'Etat et les collectivités locales a été abordé de manière indirecte, mais il me paraît néanmoins intéressant d'y revenir : bien que cela figure dans le texte, je tiens à réaffirmer très clairement que, s'il doit y avoir implication à la fois de l'Etat et des collectivités locales, ce sera sur une base contractuelle. S'il y a participation des collectivités locales, c'est parce qu'il en sera ainsi décidé par elles et qu'il apparaîtra donc qu'une maison des services publics présente un intérêt dans le département considéré. Par ailleurs, il est bien clair que contrat et tutelle sont tout à fait antinomiques.
La contribution de chacun des services prendra bien sûr une forme financière, qui sera définie par la convention ; c'est d'ailleurs l'un des intérêts de cette dernière de permettre d'établir clairement les choses dès le départ et de prévoir qui finance et dans quelle proportion. Bien entendu, l'Etat apportera sa part et, comme il ne sera pas seul, il faudra bien définir la contribution de chacun.
L'Etat apportera dans les années qui viennent une aide particulière à la mise en place de ces structures dans le cadre du fonds pour la réforme de l'Etat évoqué par un certain nombre d'orateurs.
M. Courtois a craint, m'a-t-il semblé, que la concurrence ne soit perturbée si La Poste participait à une maison des services publics en y développant ses services financiers.
Que les choses soient claires ! Le dispositif concernant les maisons des services publics est neutre par rapport à la problématique de la concurrence entre les services financiers de La Poste et les autres structures bancaires ; cette dernière préexiste d'ailleurs aux maisons des services publics, lesquelles n'apportent pas d'élément nouveau à cet égard.
Il faudra donc bien entendu veiller à ne pas introduire dans le cadre de la convention de distorsion de concurrence du fait de la mise en place de cette structure. Les choses devraient, me semble-t-il, se clarifier dans la pratique encore plus facilement que sur un plan théorique.
J'ajoute que ces règles du droit de la concurrence, s'agissant de La Poste, sont toujours soumises au contrôle du juge. Il en sera de même, bien entendu, dans le cadre des maisons des services publics.
J'en viens maintenant à la question des statuts des personnels, qui a effectivement suscité quelques interrogations.
Sur ce sujet, les choses sont maintenant parfaitement claires. Nous en avons d'ailleurs beaucoup discuté avec les organisations syndicales. J'aurai probablement encore l'occasion dans les prochaines semaines de le faire dans le cadre des différents rendez-vous que j'ai avec ces dernières, en particulier sur ces sujets.
Le Gouvernement prévoit de conserver intégralement aux agents qui travailleront dans les maisons des services publics le statut qui était le leur dans leur administration d'origine. Lorsque la structure fonctionnera sur la base d'une convention, ces agents continueront d'appartenir à leur administration. Dans le cadre d'un groupement d'intérêt public, s'il est créé, le projet de décret que nous préparons prévoit que les agents du groupement seront soit mis à disposition par leur administration d'origine - c'est une position bien connue - soit en position de détachement ; mais ce sont là deux positions statutaires prévues par le statut général du fonctionnaire. Par conséquent, aucun risque n'est à craindre s'agissant de la position des fonctionnaires.
S'il est vrai, par ailleurs, que des organismes de droit privé pourront participer à une maison des services publics, ce sera uniquement dans les cas où de tels organismes seront chargés d'une mission de service public. Chacun sait que, dans le droit français, l'une des façons d'exercer une mission de service public est de le faire à travers une structure de droit privé.
Mais, dans la plupart des cas, ce sont l'Etat et les collectivités locales qui auront un rôle majeur dans le fonctionnement de ces structures. C'est pourquoi nous avons demandé que les préfets soient pilotes de la création des maisons des services publics. Il n'est pas question, bien entendu, de confier la responsabilité d'une telle maison des services publics à des agents qui ne relèveraient pas de l'une de ces personnes morales de droit public. Il faut que les choses soient claires à cet égard.
Telles sont les quelques mises au point qu'il me paraissait nécessaire de faire.
Je voudrais maintenant indiquer à M. Mahéas qu'il n'y a pas de rupture du dialogue social ; simplement, certains sujets sont plus faciles à traiter que d'autres, monsieur le sénateur. Depuis que j'ai la responsabilité du ministère de la fonction publique, j'ai signé trois accords avec six organisations syndicales sur sept, ce qui ne s'était jamais vu au cours des dix ou quinze dernières années. Nous battons donc aussi des records en matière de dialogue social !
S'agissant des questions salariales, le fait que le Gouvernement ne soit pas revenu sur le gel de l'indice décidé pour 1996 n'a étonné personne, en tout cas pas mes interlocuteurs : voilà au moins un an, en effet, que j'en avais prévenu ces derniers. Il ne faut pas demander au Gouvernement de faire un jour une politique et le lendemain son contraire ! J'avais informé les organisations syndicales voilà bien longtemps, et je regrette que nous n'ayons pas pu aller plus loin.
M. Jacques Mahéas. Elles ne sont pas satisfaites pour autant !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Sans doute, mais, en tout cas, l'information n'a pas été une surprise !
Les mesures nouvelles en matière de masse salariale s'élèvent, pour 1997, à 15 milliards de francs, chiffre significatif, comme chacun le sait bien : 3,5 milliards de francs au titre de l'évolution de l'indice et le reste au titre des évolutions catégorielles.
Monsieur Mahéas, vous m'avez reproché, quasiment dans la même phrase, de mettre à mal la décentralisation et d'affaiblir l'Etat. Il serait tout à fait étonnant que je parvienne à faire les deux à la fois !
Ces deux reproches sont en vérité contradictoires. Je souhaite, monsieur le sénateur - je vous le dis avec franchise - un Etat plus efficace et plus proche de nos concitoyens. Ma conviction, que je tire de mon expérience tant au service de l'administration de l'Etat que comme élu local, c'est que les deux vont de pair : nous n'aurons une décentralisation sereine et efficace que si, de son côté, l'Etat se déconcentre.
Il faut que les collectivités territoriales puissent avoir avec les représentants de l'Etat dans les départements un partenariat efficace ; pour qu'il le soit, les représentants de l'Etat dans le département doivent avoir une marge de liberté, une autonomie financière, une autonomie de décision. Les décisions doivent être prises sur le terrain, et vous verrez que cela ne fera que renforcer la décentralisation.
M. Laffitte a évoqué un certain nombre de questions liées aux nouvelles technologies.
Je suis tout à fait convaincu que l'administration doit utiliser ces nouvelles technologies. Toutefois, le projet de loi qui vous est soumis et qui vise à établir des normes législatives ne traite pas des moyens. Les règles nouvelles que nous établissons en termes de délais, d'accusés de réception, de déclarations se substituant à des autorisations sont indépendantes du support tant de la demande que de la réponse. D'ailleurs, comme vous le savez bien, des choses se sont produites depuis un certain nombre d'années dans ce domaine sans que les textes dont nous parlons aujourd'hui aient été modifiés. Ainsi, la jurisprudence accepte maintenant, dans certaines conditions, l'utilisation du fax pour accomplir des démarches administratives ou juridiques, et cette évolution n'est pas due à l'adoption d'un projet de loi relatif aux procédures administratives.
Je pense qu'il en ira de même, s'agissant des nouvelles technologies. C'est par l'acceptation de celles-ci en matière juridique que nous avancerons, mais non pas au travers d'un texte sur les relations entre l'administration et les usagers.
Cela étant, nous devons effectivement encourager les administrations à s'équiper de ces nouveaux outils. A cet égard, je vous indique que nous avons inauguré, voilà quelques semaines, un site Internet de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, et que nous avons en particulier ouvert à nos concitoyens la possibilité d'adresser du courrier électronique : ils peuvent ainsi saisir le ministre chargé de la réforme de l'Etat. Je crois donc que vous avez eu raison, monsieur Laffitte, de dire que l'Etat doit être attentif à son niveau d'investissement en matière de nouvelles technologies.
Voilà les éléments de réponse que je voudrais apporter aux interrogations soulevées par les différents orateurs. Je voudrais souligner à nouveau, en conclusion, la qualité du travail qui a été accompli par la commission des lois du Sénat, laquelle a sensiblement amélioré le texte que nous lui avions transmis. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AU RÉGIME
DES DÉCISIONS ADMINISTRATIVES

M. le président. Par amendement n° 2, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'intitulé du titre Ier :