CONVENTION AVEC LA SUISSE
RELATIVE AU SERVICE MILITAIRE
DES DOUBLE-NATIONAUX

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 453, 1995-1996) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative au service militaire des double-nationaux (ensemble une annexe). [Rapport n° 6 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la Suisse sont liées depuis 1958 par une convention tendant à éviter que les double-nationaux franco-suisses n'effectuent leurs obligations militaires dans chacun des deux pays.
Cette convention a fait l'objet d'un arrangement administratif à la même date, d'un protocole additionnel du 3 mars 1961 et de l'accord, sous forme d'échange de lettres, du 14 février 1989.
Des difficultés d'application ont surgi, en 1990, pour régulariser la situation au regard des obligations militaires des jeunes gens qui devenaient suisses par naturalisation ou français par déclaration consécutive à leur mariage, après l'âge de dix-neuf ans dans les deux cas. Ces deux catégories de double-nationaux ne remplissaient pas alors les conditions de l'article 1er de la convention de 1958, puisqu'au moment de leur majorité ils n'avaient pas « vocation pour » la double nationalité.
Pour éviter d'amender à nouveau la convention de 1958, une nouvelle convention a été élaborée et signée à Berne le 16 novembre 1995.
Le nouveau texte vise à préserver le principe selon lequel les double-nationaux ne peuvent être astreints à l'accomplissement des obligations militaires qu'à l'égard d'un seul pays et en fixe les conditions d'application.
Après avoir déterminé son champ d'application, à savoir les double-nationaux au regard de la loi en vigueur dans chacun des deux Etats - la notion de « vocation pour » n'a pas été reprise - la convention définit les obligations militaires : le service national sous toutes ses formes pour la France et, pour la Suisse, le service militaire, le service civil et le paiement de la taxe d'exemption.
Les double-nationaux effectuent leurs obligations militaires dans le pays où ils ont leur résidence permanente au 1er janvier de l'année au cours de laquelle ils atteignent l'âge de dix-huit ans. Cependant, sur proposition française, une nouvelle disposition a été introduite : un droit d'option entre les deux pays, à la condition qu'il soit exercé avant les dix-neuf ans révolus.
Les deux parties ont inclus dans le champ d'application de la nouvelle convention les jeunes gens qui deviennent double-nationaux ultérieurement, vidant ainsi le contentieux qui avait surgi dès 1990. Pour eux également, c'est le principe de la résidence qui a été retenu, mais au moment de l'acquisition de la seconde nationalité, qui détermine l'Etat dans lequel les obligations seront accomplies. Toutefois, une dérogation a été apportée à ce principe lorsque des prestations ont déjà été fournies auparavant : le double-national n'est tenu qu'à l'égard du pays dans lequel il accomplit ces prestations. Ces dernières s'entendent de tout service militaire ou civil, quelle qu'en soit la durée, y compris les périodes de préparation militaire en France, le paiement de la taxe d'exemption en Suisse, ou encore l'exemption ou la dispense dans les cas prévus par la législation applicable. Le seul recensement administratif n'est pas considéré comme prestation au sens de la convention.
Le nouveau texte définit les critères de la résidence, les obligations de réserve ainsi que les conditions de mobilisation, qui dépendent des textes applicables dans l'Etat où le service militaire a été accompli.
Des dispositions transitoires permettent de régulariser les situations contentieuses nées de l'application de la convention de 1958.
La perspective du profond remaniement des obligations militaires en France ne rend pas inutile la présente convention, notamment pour régler tous les cas d'acquisition de la double nationalité au-delà de l'âge de dix-neuf ans.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention entre la France et la Suisse relative au service militaire des double-nationaux qui fait l'objet du projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Penne, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui, les ressortissants français qui acquièrent la nationalité suisse après l'âge de vingt et un ans se trouvent dans une situation intenable vis-à-vis de leur obligations militaires : contraints d'accomplir leur service national en France, ils risquent d'être poursuivis par la justice militaire suisse à leur retour ; en revanche, s'ils ne répondent pas à leur ordre d'appel, ils seront déclarés insoumis et donc poursuivis en France.
Cette aberration résulte des failles du droit actuel destiné à éviter aux double-nationaux l'accomplissement de leurs obligations militaires dans les deux pays.
La convention de 1958, complétée par un échange de lettres de 1989, ne concernait en effet que les double-nationaux de moins de vingt et un ans.
Or, les modifications intervenues dans les législations intérieures en France comme en Suisse ont eu pour effet de retarder la date où les intéressés peuvent se prévaloir de l'une ou l'autre des nationalités.
La Confédération helvétique a notamment abrogé le principe suivant lequel le candidat à la naturalisation suisse était tenu de renoncer à sa nationalité d'origine. Dès lors, le problème du double service se posait pour les personnes majeures acquérant la nationalité suisse par naturalisation.
La convention du 16 novembre 1995, dont la ratification est aujourd'hui soumise à notre accord, apporte trois grandes modifications au dispositif antérieur.
Première innovation : le texte ouvre, pour l'intéressé, la faculté non prévue initialement de choisir librement, avant l'âge de dix-neuf ans, le pays où il souhaite accomplir ses obligations militaires. L'exercice de cette option ne requiert qu'une simple déclaration adressée aux deux Etats.
La présente convention se conforme ainsi au principe posé par la convention du Conseil de l'Europe et des textes de même nature signés par la France avec douze autres Etats européens.
Deuxième innovation : la convention prend en compte le cas des ressortissants ayant acquis la double nationalité au-delà de vingt et un ans. Les personnes intéressées sont alors en principe tenues d'accomplir leurs obligations militaires dans l'Etat de leur résidence permanente.
Enfin, troisième innovation : le texte de 1995 ne reprend pas les dispositions de la convention de 1958, aux termes desquelles un double-national pouvait être soumis aux obligations de réserve dans l'Etat où il avait établi sa résidence principale sans y avoir accompli son service national. En effet, l'accord de 1995 précise que le double-national n'est soumis aux obligations de réserve que dans le pays où il est tenu d'accomplir ses obligations militaires.
Ce principe n'est pas tout à fait indifférent quand on sait que, en Suisse, les appelés sont tenus d'effectuer, après leurs quinze semaines de service, des « cours de répétition » de douze à dix-neuf jours tous les deux ans, jusqu'au terme de leur obligation. Celle-ci peut aller jusqu'à quarante-deux ans, voire cinquante-deux pour certains officiers supérieurs.
En conclusion, on peut s'interroger sur la pérennité d'un accord portant sur le service militaire des double-nationaux, alors que la France s'apprête à réformer en profondeur son service national. L'objection appelle cependant trois observations.
D'abord, le présent accord permettra de régler les cas litigieux, au nombre de soixante aujourd'hui.
Ensuite, il a vocation à s'appliquer à l'ensemble des jeunes gens encore soumis à l'obligation du service national, notamment aux bénéficiaires d'un sursis d'incorporation. Les double-nationaux concernés sont aujourd'hui au nombre de 500.
Enfin, la France, sous la forme du « rendez-vous citoyen », devrait maintenir une forme d'obligation : il appartiendra dès lors aux autorités helvétiques, si elles jugent trop disparates les obligations existant dans nos deux pays, de demander une renégociation de la convention. Celle-ci, pour l'heure, constitue une utile clarification des règles applicables à nos double-nationaux dans le domaine des obligations militaires.
C'est pourquoi la commission vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative au service militaire des double-nationaux (ensemble une annexe), signée à Berne le 16 novembre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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