Un régime dérogatoire au profit de la Russie
- La clause de sauvegarde permettant aux partenaires de l'Union européenne issus de la disparition de l'URSS de maintenir des restrictions quantitatives aux échanges diffère dans son contenu selon qu'il s'agit de la Russie ou des autres pays de la CEI.
Pour ces derniers, la clause de sauvegarde se limite à la protection des " industries naissantes ", ou des " secteurs en restructuration ou confrontés à de sérieuses difficultés ". Mais il est admis que la Russie ait recours à des restrictions quantitatives pour protéger des secteurs de l'économie russe confrontés à des pertes de marché . La faculté de déroger à la libéralisation des échanges est donc définie de manière beaucoup moins exigeante à l'égard de la Russie.
La même remarque vaut pour les délais pendant lesquels de telles dérogations sont autorisées. Pour la Russie, la seule limite prévue est celle de l'adhésion de la Fédération russe à l'Organisation mondiale du commerce. Pour les autres pays signataires d'accords de partenariat et de coopération, les dérogations ne sont acceptées que jusqu'au 31 décembre 1998, ou jusqu'à l'adhésion de ces pays à l'OMC pour le cas où leur adhésion serait antérieure à cette date.
- Les restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements courants sont également définies de manière plus libérale à l'égard de la Russie. Les autres signataires d'accords de partenariat et de coopération, en effet, ne peuvent adopter de restrictions dans le domaine des changes que dans des circonstances exceptionnelles, et tant que la convertibilité totale de leur monnaie n'est pas acquise. La Russie conserve, au contraire, la possibilité de maintenir de telles restrictions pendant les cinq années qui suivent l'entrée en vigueur de l'accord. Au terme de ce délai, l'accord de partenariat et de coopération avec la Russie se borne à se référer à des consultations entre les Parties sur le maintien de ces restrictions.
- Les engagements souscrits par la Russie sont également plus réduits dans le domaine de l'établissement, sur son territoire, de sociétés communautaires.
L'ensemble des accords de partenariat et de coopération conclus avec des pays de la CEI proscrit l'adoption, par ces derniers, de législations ou de réglementations qui " risquent de rendre les conditions d'établissement des sociétés communautaires (déjà établies au moment de l'entrée en vigueur des accords) plus restrictives ". Cette clause vaut pendant les trois années qui suivent l'entrée en vigueur de ces accords.
L'accord de partenariat et de coopération avec la Russie tolère la modification de l'ordre juridique s'imposant aux sociétés communautaires, à la seule et bénigne condition que des " consultations " puissent être engagées à la demande de l'une des Parties.
Votre rapporteur s'étonne que les négociateurs de l'Union européenne aient toléré cette stipulation, sachant que l'absence de sécurité juridique en Russie nuit très fâcheusement aux investisseurs occidentaux dans ce pays et, en tout premier lieu, aux sociétés françaises.
Rappelons que le décret signé par le chef de l'Etat russe le 7 novembre 1993 afin d'interdire aux banques étrangères toute activité avec des clients russes sur le territoire de la Fédération de Russie a constitué un précédent très éclairant sur les risques liés, pour nos investisseurs, à un ordre juridique erratique en Russie. Certes, un compromis a été trouvé en reconnaissant aux banques étrangères établies avant le 15 novembre 1993 le droit de poursuivre leurs activités, ce qui préservait la situation de la BNP, de la Société Générale et du Crédit Lyonnais. N'aurait-il pas été plus judicieux d'arguer de ce précédent pour faire valoir un degré supérieur d'exigence vis-à-vis de la Russie, dans le cadre de l'accord de partenariat et de coopération ?