3. Le régime de compensation est-il respectueux de la libre administration des collectivités locales ?
Dans son
rapport au Parlement de 1997, la commission consultative sur
l'évaluation des charges estime que "
le raisonnement tendant
à mettre au regard des dépenses effectivement engagées
dans les domaines des compétences transférées les concours
de l'Etat est peu convaincant au regard des principes de la
décentralisation et des revendications des collectivités locales
en matière de décentralisation et d'autonomie
".
Elle ajoute qu'il n'est "
pas possible, sauf à
méconnaître les principes de la décentralisation, de
considérer qu'une dépense réalisée localement doit
être entièrement couverte par une dotation de transfert
".
A l'appui de ces affirmations, elle constate que :
- les compensations étaient intégrales à la date du
transfert ; l'augmentation du coût des compétences
résulte de décision des collectivités, qui ont
été libres "
de décider, postérieurement,
des dépenses supplémentaires, ce qu'elles ont d'ailleurs
fait
" ;
- le choix de compenser les transferts de compétences par des transferts
d'impôts a permis "
aux nouvelles collectivités
compétentes, en raison du dynamisme de l'assiette et de la
liberté de fixation des taux d'imposition qui leur était
accordée, d'adapter ces ressources transférées à
leurs besoins
".
- la comparaison de l'évolution des charges et des ressources
transférées relève d'une analyse "
historiquement
erronée
" qui "
méconnaît la logique
institutionnelle née de la décentralisation et le poids des
charges supportées par la collectivité indépendamment des
transferts de charges résultant de la décentralisation
".
Un tel raisonnement n'apparaît pas totalement recevable pour au moins
quatre raisons :
-
il
part du principe que les collectivités auraient dû
assurer les compétences transférées de manière
identique à celle dont l'Etat les exerçait
antérieurement.
Dans cette logique, les collectivités locales
n'auraient jamais pu, voire dû, réaliser de leur propre initiative
les efforts qu'elles ont faits en matière par exemple, de
rénovation, d'entretien et d'équipement des établissements
scolaires.
Cette conception est pourtant encore à l'oeuvre en 2000 puisque le
montant de la compensation versée aux régions en contrepartie de
la régionalisation de la compétence ferroviaire,
généralisée par le projet de loi relatif à la
solidarité et au renouvellement urbains examiné par le Parlement
au printemps 2000, a été calculé à partir d'une
étude réalisée six ans plus tôt par un cabinet
privé et ne tient pas compte des besoins d'investissement que les
régions devront satisfaire. Pour la première fois, une
compensation ne sera donc même pas intégrale à la date du
transfert ;
-
il juge conforme au principe de libre administration que le transfert de
compétences antérieurement assumées par l'Etat puisse se
traduire par une réduction de la marge de manoeuvre des
collectivités dans l'exercice de leurs compétences
" traditionnelles "
, ce qui est le cas puisque le coût des
compétences transférées n'est plus couvert par montant des
ressources transférées.
En pratique, entre 1987 et 1996, la part des dépenses liées
à l'exercice des compétences transférées dans les
dépenses totales des collectivités locales s'est accrue, passant
de 13,5 % à 17,8 %. Dans le même temps, la part des
ressources transférées dans les ressources totales des
collectivités se réduisait, passant de 9,5 % à
8,3 %. L'exemple de la régionalisation de la compétence
ferroviaire illustre également ce phénomène, puisque les
collectivités devront financer la rénovation des
équipements sur leurs " ressources propres " ;
-
la CCEC est sélective dans son invocation du principe de libre
administration
et de l'esprit des lois de décentralisation. Elle
n'insiste par exemple jamais sur l'échec de la globalisation des
dotations de compensation des transferts de compétence, pourtant au
coeur de l'idée décentralisatrice. Ainsi, en 2000, outre que la
DGD est encore une accumulation de concours particuliers, l'ensemble des
crédits n'y sont pas rassemblés puisqu'il subsiste deux dotations
d'équipement, une dotation spécifique à la formation
professionnelle et des crédits inscrits au ministère de la
culture.
Toutefois, compte tenu de la pratique de l'Etat en matière d'indexation
des dotations, cette entorse aux principes de la décentralisation reste
préférable à une fusion de l'ensemble des dotations,
puisque les deux dotations d'équipement bénéficient d'une
indexation plus favorable que la DGD.
- la justification de l'absence de compensation intégrale des transferts
de charges par l'accroissement des autres charges supportées par la
collectivité nationale constitue un
aveu de taille
:
les
collectivités locales sont donc bel et bien, dans l'esprit des
administrations de l'Etat, la variable d'ajustement des finances publiques.