II. UNE ORGANISATION TERRITORIALE EN DEVENIR

A. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES : L'ABSENCE D'UN MODÈLE UNIQUE

Il est classique de distinguer en Europe les Etats fédéraux , comme l'Allemagne, la Belgique, l'Autriche, la Russie et la Suisse, des Etats unitaires comme la France, le Royaume-Uni, les pays scandinaves, la Grèce, l'Irlande, le Portugal et les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale.

Cependant, une distinction trop rigoureuse entre ces deux formes étatiques tend à exclure des pays comme l'Italie, qualifié " d'Etat régional ", et l'Espagne, qualifié " d'Etat des autonomies " (la Belgique, quant à elle, a opté définitivement pour le fédéralisme après une lente évolution).

En outre, la mise en oeuvre de réformes décentralisatrices, d'un côté, le mécanisme d'intégration centralisatrice de Bruxelles, de l'autre, ont rendu moins nette la distinction entre Etats unitaires et Etats fédéraux et l'Europe d'aujourd'hui est marquée par une diversification croissante des formes étatiques et un rapprochement sensible des diverses organisations territoriales .

On assiste presque partout au renforcement d'une tendance toujours plus nette à la régionalisation. Cependant, force est de constater l'absence d'un modèle unique , auquel l'organisation territorial française serait invitée à se conformer.

1. Décentralisation et évolution du modèle fédéral

Il y a Etat fédéral quand deux principes essentiels sont respectés.

le principe d'autonomie qui exige que les composantes de l'Etat fédéral, elles-mêmes des Etats, conservent la liberté de fixer leur propre statut et de définir leur politique ;

le principe de participation qui veut que les composantes puissent participer à l'expression de la volonté fédérale à travers leur représentation dans les institutions de la fédération.

D'autre part, l'une des grandes différences entre l'Etat fédéral et l'Etat unitaire réside dans le fait que la répartition des compétences entre le niveau fédéral et les niveaux fédérés résulte d'un pacte initial : la Constitution. Ces compétences devraient être exclusives, mais la tendance générale des constitutions européennes est le développement de compétences concurrentes .

Par exemple, Länder et fédération ont des compétences propres en Allemagne, mais elles sont limitées (police, enseignement, organisation des collectivités locales pour les Länder, affaires étrangères, défense, monnaie, commerce, douanes, postes... pour la fédération). Le plus grand nombre des compétences sont concurrentes.

Autre exemple : en Suisse, l'article 3 de la Constitution confère au canton une compétence de principe ; la fédération reçoit des compétences exclusives pour lesquelles la fédération reçoit le droit de fixer les principes, l'application étant laissée aux cantons.

On assiste donc au développement du fédéralisme coopératif . En outre, les pactes initiaux se sont trouvés affectés à la fois par la pratique et par les conséquences de la construction européenne.

C'est ainsi qu'en Allemagne se sont multipliées les instances associant les Länder et la fédération (et s'efforçant de fonctionner selon la règle de l'unanimité) : conférence des ministres de l'éducation, des ministres-présidents, comité allemand de la recherche... Cette politique a permis une certaine uniformisation des règles en matière judiciaire, en matière de police et de fonction publique. Le système de péréquation des ressources fournit également un excellent exemple de coopération. De plus, la loi constitutionnelle du 12 mai 1969 a introduit le concept de " tâches communes de la fédération et des Länder " en matière économique, financière et éducative entre autres.

Voilà pourquoi, de modèle de conciliation entre l'unité et la diversité, l'Etat fédéral a évolué en pratique vers davantage d'uniformité et un renforcement des pouvoirs des fédérations. A cette évolution, trois grands facteurs ont contribué : l'utilisation intensive par la fédération des pouvoirs qui lui étaient réservés par la Constitution, la jurisprudence des cours constitutionnelles et les révisions du pacte fondateur lui-même.

D'autre part, la ratification du traité de Maastricht qui entraîne une nouvelle extension des politiques communes ne pouvait que susciter des réactions des Etats à l'intérieur de fédérations qui risquaient de se voir privés de pans entiers de leurs compétences ou voir l'exercice de celles-ci étroitement contrôlé sans avoir pu être associés aux discussions préalables sur les transferts de souveraineté. Le problème était d'autant plus sensible en Allemagne qu'en l'absence d'administration fédérale générale, c'est aux Länder qu'allait incomber l'application des nouvelles règles communautaires. Lors de la ratification du Traité, les Länder ont échangé leur approbation contre une révision de la constitution posant que les transferts de souveraineté à venir ne pourraient se faire sans l'accord du Bundesrat à la majorité des deux tiers .

Page mise à jour le

Partager cette page