CHAPITRE DEUX

UNE RÉSERVE DE CRÉDITS DÉTERMINÉE DE FAÇON INCERTAINE

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, votre rapporteur avait attiré l'attention sur la forte augmentation, sans la moindre justification, des crédits inscrits aux chapitres 37-94 et 37-95 du budget des charges communes.

En fait, une hausse des dépenses éventuelles et accidentelles est perceptible depuis 1999.

Cette évolution ne peut du reste pas trouver d'explication dans les modalités de détermination de ces dotations budgétaires, en raison de l'absence de règles précises de prévision, qui facilite, pour le gouvernement, la constitution d'une réserve budgétaire lui donnant une marge de gestion.

I. UNE ÉVOLUTION INEXPLIQUÉE DEPUIS DEUX ANS

A. LA FAIBLE PART DES DÉPENSES ÉVENTUELLES ET ACCIDENTELLES AU SEIN DU BUDGET DES CHARGES COMMUNES

Le budget des charges communes est le premier budget de l'Etat, au regard du montant des crédits qui y sont inscrits, soit, en 2000, 702 milliards de francs.

Toutefois, votre rapporteur avait souligné, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 , " le caractère paradoxal et hétéroclite " du budget des charges communes 3( * ) , puisqu'il comprend les crédits destinés à l'ensemble des services de l'Etat ou à plusieurs d'entre eux, et qui ne peuvent être inscrits dans le budget d'un ministère particulier.

Les crédits bruts du budget des charges communes sont passés de 429 milliards de francs en 1990 à 702 milliards de francs en 2000, soit une augmentation de 63,7 % en 10 ans.

La progression des crédits nets des remboursements et dégrèvements d'impôts, quant à elle, est de 43 %, passant de 259,3 milliards de francs en 1990 à 370,8 milliards de francs en 2000, comme le montre le graphique ci-dessous :



Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il convient toutefois de rappeler que le budget des charges communes est, chaque année, affecté de très nombreuses modifications de périmètre qui en rendent l'analyse complexe, sinon peu pertinente.

Ainsi, les crédits correspondant au financement de la " ristourne dégressive " sur les bas salaires, soit environ 40 milliards de francs, étaient inscrits au chapitre 44-75 du budget des charges communes, avant d'être " sortis " de ce budget et imputés à celui de l'emploi 4( * ) , conformément aux recommandations de la Cour des comptes.

En revanche, il est possible de rappeler que le montant des remboursements et dégrèvements a très vivement augmenté : il s'est établi à 331,2 milliards de francs en 2000 contre 169,7 milliards de francs en 1990, soit une progression de plus de 95 % en 10 ans.

Au sein de cette masse considérable de crédits, les dotations allouées aux dépenses éventuelles (chapitre 37-94) et aux dépenses accidentelles (chapitre 37-95) ne représentent qu'une très faible part.



Ce tableau montre que la part des dépenses éventuelles et accidentelles au sein du budget des charges communes (en net des remboursements et dégrèvements d'impôts) s'est établie entre 0,08 % et 0,52  % au cours des dix dernières années.

La faiblesse de ces chiffres ne doit toutefois pas masquer l'importance des variations du montant de ces crédits, soit un écart de 1 à 6,5.

Même en ne tenant pas compte de la particularité de l'année 1996 (cf. infra), cet écart est de 1 à 4,7 (0,52 % en 2000 et 0,11 % en 1997). Il suffit de rapporter cette variation aux crédits d'un département ministériel pour se rendre compte de son importance.

Par ailleurs, il convient de constater la forte progression, de 1999 sur 2000, de la part des dépenses éventuelles et accidentelles au sein du budget des charges communes, qui passe de 0,20 % à 0,52 %, soit une augmentation de deux fois et demi.

Certes, cette évolution est liée à la diminution du montant net des crédits du budget des charges communes de 1999 à 2000, qui passe de 374 milliards de francs à 370,8 milliards de francs, suite, notamment, au transfert des crédits de la " ristourne dégressive ".

Toutefois, elle résulte également de la forte augmentation de ces crédits depuis deux ans.

B. UNE FORTE AUGMENTATION SANS JUSTIFICATION

Les crédits inscrits aux chapitres 37-94 et 37-95 du budget des charges communes ont évolué de la façon suivante depuis 1990 :

1. Les dépenses éventuelles

Le graphique ci-après retrace l'évolution, depuis 1990, des crédits alloués aux dépenses éventuelles :

Il convient de constater la grande stabilité du niveau des crédits destinés aux dépenses éventuelles depuis 1990 :

- 285 millions de francs de 1990 à 1995 ;

- 245 millions de francs en 1997 ;

- 285 millions de francs en 1998 ;

- 300 millions de francs en 1999 et 2000.

Seule l'année 1996, avec 85 millions de francs, constitue une exception.

En effet, cette année-là, la dotation du chapitre 37-94 a été nettement minorée en raison, d'une part, du niveau de reliquat de crédits non utilisés à la fin de la gestion de 1995, soit 113,6 millions de francs, et, d'autre part, du souhait du Parlement de procéder à des économies supplémentaires par rapport au projet de loi de finances initiale présenté par le gouvernement.

Toutefois, comme l'a noté la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1996, il s'est avéré en cours de gestion que les besoins avaient été sous-estimés, notamment au titre des frais de réception et de voyages exceptionnels financés sur le chapitre 34-03 du budget des affaires étrangères. Aussi le chapitre 37-94 du budget des charges communes a-t-il été abondé de 70 millions de francs dans le cadre du décret d'avance du 26 septembre 1996, ce qui a porté le total des crédits ouverts à 155 millions de francs pour 1996.

2. Les dépenses accidentelles

Il convient d'ores et déjà de préciser qu'une partie des crédits pour dépenses accidentelles faisait l'objet, certaines années, de versements vers le compte d'affectation spéciale n° 902-13 " fonds de secours aux victimes de sinistres et calamités ". Ces transferts sont retracés dans le tableau ci-après :

Toutefois, la loi de finances pour 1997 a créé un nouveau chapitre 46-02, article 10 " Fonds de secours aux victimes de sinistres et calamités en métropole ". La loi de finances pour 1999 a ouvert un nouvel article au sein de ce chapitre afin d'imputer les dépenses relatives à l'outre-mer.

Le compte d'affectation spéciale continuera de fonctionner jusqu'à la clôture des opérations en cours. En raison de la suppression des interventions métropolitaines, le compte n° 902-13 n'est plus utilisé, à partir de 1998, que pour les secours versés outre-mer.

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, la Cour des comptes renouvelle sa demande d'un " regroupement de ces dépenses dans un chapitre budgétaire " , ce qui " s'accorderait à la réalité du financement de ces opérations sur des ressources non affectées " .

Globalement, les crédits inscrits au chapitre 37-95 ont évolué de la façon suivante depuis 1990 :

Le graphique ci-dessus met en évidence la forte progression des dépenses accidentelles depuis 1999.

La dotation de ce chapitre a été relativement stable jusqu'en 1998, oscillant entre 200 millions de francs et 260 millions de francs, soit une variation de 30 %.

Toutefois, à partir de l'année dernière, elle a connu une très vive progression, s'établissant à 450 millions de francs en 1999 (+ 73 % par rapport à 1998) et à 1.640 millions de francs en 2000 (+ 264 % par rapport à 1999 et + 530 % par rapport à 1998) !

Cette véritable explosion des crédits du chapitre 37-95 du budget des charges communes reste sans explication satisfaisante, à moins qu'elle ne laisse présager un changement de nature de l'objet même des dépenses accidentelles, c'est-à-dire le financement de dépenses urgentes et véritablement imprévues.

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