CHAPITRE PREMIER
LA VALEUR ORGANIQUE DU RÉGIME JURIDIQUE DES
DÉPENSES ÉVENTUELLES ET ACCIDENTELLES
Le
régime juridique des dépenses éventuelles et des
dépenses accidentelles est déterminé par l'ordonnance
organique de 1959, et semble ne pas poser de problème particulier dans
son application pratique.
Toutefois, une réforme de ce texte fondateur mais obsolète par
bien des aspects viendrait probablement l'affecter.
I. LES DISPOSITIONS DE L'ORDONNANCE ORGANIQUE DE 1959
L'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi
organique
relative aux lois de finances fixe le régime juridique des
dépenses éventuelles et des dépenses accidentelles,
respectivement ses articles 10 et 11.
Toutefois, l'article 7 de l'ordonnance mentionne déjà l'existence
de chapitres pour crédits globaux.
A. L'ARTICLE 7
L'article 7 de l'ordonnance organique de 1959 est relatif
à
la spécialité des chapitres et aux crédits globaux.
Article 7 de l'ordonnance organique de 1959
Les crédits ouverts par les lois de finances sont mis à la
disposition des ministres pour les dépenses ordinaires, les
dépenses en capital et les prêts et avances.
Ils sont affectés à un service ou à un ensemble de
services. ils sont spécialisés par chapitre groupant les
dépenses selon leur nature ou selon leur destination.
Toutefois,
certains chapitres peuvent comporter des crédits globaux destinés
à faire face à des dépenses éventuelles ou à
des dépenses accidentelles.
Des crédits globaux peuvent également être ouverts pour des
dépenses dont la répartition par chapitre ne peut être
déterminée au moment où ils sont votés.
L'application de ces crédits au chapitre qu'ils concernent est ensuite
réalisée par arrêté du ministre des finances.
La règle de la spécialité des crédits par chapitre
est l'une des principales règles du droit budgétaire. Elle
consiste à n'autoriser une dépense qu'à un service
particulier et pour un objet spécifique.
L'article 7 prévoit des exceptions à ce principe :
l'existence de crédits globaux, et de chapitres permettant de faire face
à des dépenses éventuelles ou à des dépenses
accidentelles, le principe de spécialité des crédits
étant toutefois contourné si des crédits dont la
destination est connue sont inscrits sur ces chapitres.
B. L'ARTICLE 10
L'existence des dépenses éventuelles est mentionnée par l' article 10 de l'ordonnance organique de 1959, relatif aux crédits provisionnels.
Article 10 de l'ordonnance organique de 1959
Les
crédits provisionnels s'appliquent aux dépenses dont le montant
ne peut correspondre exactement à la dotation inscrite dans la loi de
finances parce que les dépenses afférentes à ces
crédits sont engagées en vertu d'une loi ou d'un règlement
contresigné par le ministre des finances. La liste des chapitres dont
les dotations ont un caractère provisionnel est donnée chaque
année par la loi de finances.
Les dépenses sur crédits provisionnels ne peuvent être
ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts. S'il est
constaté en cours d'année que ces crédits sont
insuffisants, ils peuvent être complétés par
arrêté du ministre des finances, par prélèvements
sur
le crédit global pour dépenses éventuelles
. En
cas d'urgence, si ces prélèvements sont eux-mêmes
insuffisants, des crédits supplémentaires peuvent être
ouverts par décrets d'avance pris sur le rapport du ministre des
finances et dont la ratification est demandée au Parlement dans la plus
prochaine loi de finances.
Ainsi l'article 10 de l'ordonnance organique prévoit-il que
" le
crédit global des dépenses éventuelles "
sert
à abonder, le cas échéant, les crédits
provisionnels, ces derniers s'appliquant aux dépenses dont le montant ne
peut correspondre exactement à la dotation inscrite dans la loi de
finances.
Les dépenses éventuelles, inscrites au chapitre 37-94 du budget
des charges communes, constituent donc une
dotation
" réservoir "
, et ont vocation à compléter,
en cours d'année, les crédits provisionnels en cas d'insuffisance
de ces derniers.
Il convient toutefois de souligner le montant indiqué aux
différents chapitres concernant les crédits provisionnels doit
normalement être suffisant pour couvrir les besoins.
L'article 10 de l'ordonnance organique fixe également la nature des
textes réglementaires qui permettent les prélèvements
susmentionnés.
Il s'agit, pour le prélèvement sur le chapitre des
dépenses éventuelles, d'un
arrêté pris par le
ministre des finances.
C. L'ARTICLE 11
Quant aux dépenses accidentelles, leur mention apparaît à l' article 11 de l'ordonnance organique de 1959.
Article 11 de l'ordonnance organique de 1959
Tous
les crédits qui n'entrent pas dans les catégories prévues
aux articles 9 et 10 ci-dessus sont limitatifs.
Sauf dispositions spéciales prévoyant un engagement par
anticipation sur les crédits de l'année suivante et sans
préjudice des exceptions au principe de l'annualité qui pourront
être apportées par le décret prévu à
l'article 16, les dépenses sur crédits limitatifs ne peuvent
être engagées et ordonnancées que dans la limite des
crédits ouverts ; ceux-ci ne peuvent être modifiés que
par une loi de finances sous réserve des dispositions prévues aux
articles 14, 17, 21 et 25, ainsi que des exceptions ci-après :
1° Dans la limite d'
un crédit global pour dépenses
accidentelles
, des décrets pris sur le rapport du ministre des
finances peuvent ouvrir des crédits pour faire face à des
calamités ou des dépenses urgentes ou imprévues ;
2° En cas d'urgence, s'il est établi, par rapport du ministre des
finances au premier ministre, que l'équilibre financier prévu
à la dernière loi de finances n'est pas affecté, des
crédits supplémentaires peuvent être ouverts par
décrets d'avance pris sur avis du Conseil d'Etat. La ratification de ces
crédits est demandée au Parlement dans la plus prochaine loi de
finances.
3° En cas d'urgence et de nécessité impérieuse
d'intérêt national, des crédits supplémentaires
peuvent être ouverts par décrets d'avance pris en Conseil des
ministres sur avis du Conseil d'Etat. Un projet de loi de finances portant
ratification de ces crédits est déposé
immédiatement ou à l'ouverture de la plus prochaine session du
Parlement.
Les dépenses accidentelles constituent donc une exception au principe
du caractère limitatif des crédits
, selon lequel, à
l'exception des crédits évaluatifs et provisionnels, une
dépense ne peut être décidée que dans la limite des
crédits inscrits au chapitre auquel elle se rattache. Les décrets
d'avance constituent une autre exception à ce principe.
Ainsi, en cas de calamités ou de dépenses urgentes ou
imprévues, le gouvernement peut recourir aux crédits inscrits au
chapitre 37-95 du budget des charges communes.
L'article 11 de l'ordonnance de 1959 prévoit, en effet, que le
prélèvement sur le chapitre des dépenses accidentelles
nécessite la publication d'un
décret, sur rapport du ministre
des finances.
L'objet des dépenses accidentelles est précisément
déterminé par l'ordonnance organique de 1959.
Il convient donc de veiller à ce que ces dépenses ne servent
pas à corriger des évaluations de crédits initiales
insuffisantes.