C. DES CONDITIONS DE DURABILITÉ NON RÉUNIES PAR LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT

1. Une politique budgétaire qui ne prépare pas l'avenir

La réduction du déficit budgétaire est excessivement lente compte tenu de l'environnement conjoncturel.

Besoin de financement

des administrations publiques (en points de PIB)

 

1998

1999

2000

2001

Etat

ODAC

APUL

ASSO

- 3,00

0,10

0,30

- 0,10

- 2,50

1,15

0,40

0,20

- 2,30

0,20

0,25

0,40

- 2,1/-2,2

0,15

0,25

0,6/0,5

Total APU

- 2,70

- 1,80

- 1,50

- 1,1/- 1,3

Cette politique - qui repose sur les efforts des autres administrations publiques - comporte trois inconvénients majeurs :

- Elle est " pro-cyclique " alors que l'activité économique est déjà soutenue par les comportements des agents privés. Elle l'est globalement par la réduction de la vitesse de l'ajustement budgétaire. Elle l'est dans ses composantes fiscales par certains choix de réduction des prélèvements obligatoires.

La baisse de la TVA sur les travaux immobiliers a ainsi pu accentuer les phénomènes de pénurie d'où viennent in fine les tensions inflationnistes.

- Elle combine une absence de maîtrise des dépenses publiques avec l'annonce de réductions de prélèvements dont, dès lors, la pérennité ne peut être que douteuse.

- Elle ne prépare pas l'avenir et ce, de deux points de vue. En premier lieu, ne profitant pas du rythme de croissance exceptionnelle de l'économie pour se rapprocher de l'équilibre, elle ne crée pas les conditions d'une mobilisation des stabilisateurs automatiques en cas de baisse de l'activité. En second lieu, elle ne contribue pas à constituer les provisions financières qui pouvaient favoriser le financement des engagements de moyen et long terme de l'Etat.

Au contraire, en nourrissant la dette publique, elle expose l'Etat, en cas de renversement des tendances économiques et monétaires à devoir à nouveau supporter des charges financières dérivant spontanément.

La gestion effective des finances publiques n'est en rien conforme avec le modèle de combinaison des politiques économiques prôné par le gouvernement dont l'environnement économique favorise pourtant pleinement l'instauration.

Elle est de plus très éloignée dans ses résultats des performances moyennes observées en Europe.

Capacité de financement des administrations publiques

(en % du PIB)

Pays

1970-73

1974-85

1986-90

1991-95

1996-01

1997

1998

1999 (1)

2000 (2)

2001 (2)

Allemagne

0,2

- 2,8

- 1,5

- 3,1

- 1,9

- 2,6

- 1,7

- 1,1

- 1,0

- 1,4

Espagne

0,4

- 2,6

- 4,0

- 5,6

- 2,2

- 3,2

- 2,6

- 1,1

- 0,7

- 0,4

France

0,6

- 1,6

- 1,8

- 4,5

- 2,4

- 3,0

- 2,7

- 1,8

- 1,5

- 1,2

Italie

- 5,4

- 9,6

- 10,8

- 9,1

- 2,8

- 2,7

- 2,8

- 1,9

- 1,5

- 0,8

Pays-Bas

- 0,5

- 3,4

- 4,9

- 3,5

- 0,3

- 1,2

- 0,8

0,5

1,0

0,4

Royaume-Uni

0,1

- 3,6

- 0,7

- 5,7

- 0,5

- 2,0

0,3

1,2

0,9

0,7

Eu-15

- 0,3

- 3,7

- 3,3

- 5,1

- 1,6

- 2,4

- 1,5

- 0,6

- 0,4

- 0,3

EUR-11

- 0,7

- 3,9

- 4,1

- 4,9

- 2,0

- 2,6

- 2,0

- 1,2

- 0,9

- 0,8

USA

- 1,6

- 3,3

- 4,2

- 4,5

0,1

- 0,9

0,0

0,7

1,3

1,8

2. Des rigidités structurelles aggravées

Le maintien d'un rythme de croissance élevé sur une période longue suppose que le potentiel de production s'élève lui-aussi. Sans cela, la croissance vient buter sur des insuffisances de capacités et se traduit par une hausse du niveau des prix. L'économie française a subi des enchaînements de ce type lors de l'épisode de croissance de la fin des années 80.

La situation conjoncturelle réclame donc de privilégier une politique économique dynamisant l'offre plutôt qu'une politique économique soutenant la demande.

Ce n'est pas l'orientation qui est prise.

a) Une politique fiscale inadaptée

Comme on l'a indiqué plus haut, la politique fiscale du gouvernement est tournée vers la demande et ne comporte pas les mesures préconisées plus loin dans ce rapport susceptibles d'alléger le coût du travail et de prolonger l'enrichissement de la croissance en emplois.

b) Les craintes associées à la réduction de la durée du travail

Quant à la politique structurelle menée par le gouvernement, sa composante principale, la réduction de la durée du travail, est de nature à provoquer des effets économiques particulièrement indésirables en période d'expansion. Ses conditions théoriques de réussite sont en effet menacées dans leur concrétisation par le rythme soutenu de l'activité.

La première d'entre elles suppose que les capacités de production ne soient pas entamées par la réduction des heures travaillées. Or, le rythme des créations d'emplois naturellement suscité par la croissance réduit la disponibilité de la main d'oeuvre appelée à compenser la réduction du temps de travail. Ce phénomène est d'autant plus inquiétant en France que le taux d'activité y est faible, résultat à mettre en relation avec un taux de formation des adultes particulièrement médiocre et un coût du travail rigidifié par le niveau des charges sociales.

La vigueur de l'expansion pourrait, quant à elle, compromettre le maintien de la modération des coûts salariaux unitaires qui est pourtant une deuxième condition indispensable pour que la réduction du temps de travail n'hypothèque pas l'équilibre de la croissance. L'apparition de tensions inflationnistes dans certains secteurs - le bâtiment, l'informatique, l'automobile... - est d'autant plus susceptible d'enclencher une spirale prix-salaires que les variations de prix qu'elle entraîne seront prises en compte à l'occasion des négociations sur les compensations salariales ouvertes dans le cadre de la réduction du temps de travail. Les contraintes d'embauche que celle-ci avive vont dans le même sens. Un renchérissement du coût unitaire du travail irait à l'encontre d'une poursuite de la croissance :

l'inflation qu'il allumerait briderait la demande ;

il nuirait à l'ajustement de l'offre en dégradant la situation financière des entreprises et en rationnant l'utilisation des facteurs de production ;

il jouerait contre l'emploi.

Si la réduction de la durée du travail a exercé un effet très favorable sur l'emploi dans les pays où elle s'est produite sur la base des négociations collectives ou individuelles décentralisées, son application uniforme choisie par le gouvernement recèle au contraire des dangers particulièrement graves dans le contexte économique actuel.

c) L'absence de mesures concrètes pour élever le potentiel d'actifs

Le rapport déposé par le gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire consacre d'importants développements à cette question.

Il rend compte de phénomènes de " trappe à inactivité " et d'expatriations, phénomène d'exportation qui, selon les termes mêmes du rapport, " ne sont pas marginaux ". Votre commission s'est montrée depuis longtemps attentive à ces problèmes. Elle a préconisé pour les résoudre :

de corriger les mécanismes fiscaux confiscatoires qui provoquent l'expatriation ;

d'instaurer des régimes fiscaux favorisant l'émergence et le développement des activités innovantes sur le territoire ;

de substituer au revenu minimum d'insertion (RMI) un vrai revenu minimal d'activité (RMA) ;

d'alléger le coût du travail en réduisant les cotisations-employeurs.

Sur l'ensemble de ces sujets, la politique économique du gouvernement reste muette.

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