CHAPITRE VI :

LES FINANCES SOCIALES AU FIL DE L'EAU

L'annonce du retour comptable à l'équilibre du régime général de la sécurité sociale en 1999 (200 millions de francs) et d'un excédent important en 2000 (5 milliards de francs), les discussions autour des perspectives favorables de l'Unedic, les bonnes rentrées de CRDS, tout cela donne l'apparence d'une maîtrise complète et efficace des finances sociales par le gouvernement. Ainsi, le solde positif des administrations de sécurité sociale contribuera dès cette année à afficher, dans le cadre du programme pluriannuel de finances publiques, un niveau de déficit public compatible avec les engagements européens de la France.

Il convient cependant de s'interroger sur la réalité de cette maîtrise apparente et, surtout, sur la manière dont les résultats d'aujourd'hui préparent l'avenir. C'est à l'aune du niveau global de prélèvements affectés à la protection sociale et du rythme d'évolution des dépenses sociales qu'il convient de porter un jugement sur l'état des finances sociales françaises.

Or, force est de constater que l'analyse détaillée des évolutions récentes révèle une coupable réalité : l'absence de direction de nos finances sociales, qui paraissent voguer au gré des vents de la croissance économique et des évolutions démographiques , plutôt que de profiter du temps ainsi gagné pour assurer les réparations qui permettront au navire de subir sans dommage les tempêtes à venir.

I. DÉPENSES ET RECETTES EN CONSTANTE PROGRESSION

A. LE REDRESSEMENT DES SOLDES DES FINANCES SOCIALES

1. Un équilibre comptable du régime général ...

Déficitaire depuis 1985, le régime général de la Sécurité sociale devrait présenter un léger excédent de 235 millions de francs en 1999, après un déficit de 16,5 milliards de francs en 1998. La Commission des comptes de la Sécurité sociale a revu ses estimations à la hausse puisqu'elle annonçait en septembre 1999 un déficit de 4 milliards de francs. Elle prévoit pour 2000 un excédent d'environ 5 milliards de francs (cet excédent prévisionnel, initialement de 13,5 milliards de francs, a été ramené à 5 milliards de francs après affectation de 8,5 milliards de francs au Fonds de réserve pour les retraites).

Evolution du solde du régime général

(en milliards de francs)

 

1996

1997

1998

1999*

2000**

Maladie

- 35,4

- 14,4

- 15,9

- 9, 3

- 1,2

Accidents du travail

0,2

0,3

1,6

1

1

Vieillesse

- 7,9

- 5,2

- 0,2

3,7

0,7

Famille

- 9,6

- 14,5

- 1,9

4,8

4,5

Régime général

- 53,2

- 33,8

- 16,4

0,2

5

Source : CCSS mai 2000

* estimation

** prévisions


Pour 2000, le nouveau compte présenté par la Commission retient des hypothèses économiques plus favorables qu'en septembre. Ainsi la croissance du PIB serait de 3,6 % au lieu de 2,8 %, la prévision de hausse des prix à la consommation est relevée de 0,3 point pour atteindre 1,3 %. Enfin la croissance de la masse salariale atteindrait 5,2 % au lieu de 4 % initialement prévue. Les comptes 2000 retiennent également une révision à la hausse des dépenses d'assurance-maladie, celle-ci se poursuivant à un rythme soutenu. Finalement le rythme de croissance des dépenses restera élevé en 2000 ( + 3,2 %), à peine inférieur à celui des recettes (+ 3,6 %).

2. ... qui se répercute sur le solde des administrations de Sécurité sociale (ASSO)

Le solde des administrations de Sécurité sociale (ASSO) s'est amélioré depuis 1998, passant d'un besoin de financement de l'ordre de 0,1 % du PIB à une capacité de financement de 0,2 % du PIB en 1999, de 0,4 % en 2000 et une prévision de 0,5- 0,6 point de PIB en 2001.

Au sens de la comptabilité nationale, les transferts de l'Etat au profit des ASSO s'élèvent à 192 milliards de francs en 1999. L'Etat prend en charge des dépenses de solidarité versées par des ASSO (Allocation Adultes Handicapés, 25 milliards de francs en 1999). Il finance certaines dépenses de sécurité sociale (BAPSA pour 27 milliards de francs, fonds de compensation des organismes de sécurité sociale pour 19 milliards de francs). Il compense des allégements de cotisations sociales (notamment la réduction dégressive des cotisations patronales sur les bas salaires, 38,4 milliards de francs, jusqu'en 1999). Exceptionnellement, l'Etat a supporté la charge de 10 milliards de francs au titre de la dette obligataire de l'UNEDIC.

Les administrations de sécurité sociale ont donc poursuivi leur redressement pour des raisons essentiellement conjoncturelles (croissance de l'emploi notamment). Comme le souligne le gouvernement dans son rapport d'orientation budgétaire, " l'amélioration du marché du travail induit d'importants surcroîts de recettes pour les administrations de sécurité sociale, l'essentiel de leurs ressources fiscales et sociales étant assis sur les revenus du travail ".

Le redressement comptable des administrations de sécurité sociale concerne l'ensemble des régimes : le régime général, les régimes d'assurance chômage (en raison de la sensible diminution du chômage), les régimes complémentaires (notamment l'ARRCO), les accords conclus en 1996 ayant permis d'asseoir la maîtrise de leurs dépenses.

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