B. APRÈS LE LÉGER FLÉCHISSEMENT DE 1999, UN ESSOR SOUTENU EN 2000 ET, SELON LE GOUVERNEMENT, EN 2001
1. Un très léger fléchissement du rythme de croissance en 1999
Selon
les résultats des comptes nationaux qui ne sont pas encore
définitifs, l'activité économique a un peu ralenti en
1999, la croissance s'élevant à 2,9 % contre 3,1 % en
1998.
Ce résultat est supérieur à celui attendu au moment de
l'élaboration du projet de loi de finances (2,7 %) et, encore bien
davantage, par rapport à la révision opérée par le
gouvernement en début d'année (2,3 %). Le gouvernement ne
manque pourtant pas de l'attribuer à l'excellence de sa politique
économique, ironisant sur les réserves de prudence qu'avaient pu
émettre plusieurs observateurs indépendants.
Or, les révisions officielles effectuées par le gouvernement ne
procédaient pas d'un autre souci que celui exprimé par ces
derniers et démontrent que la confiance dans les vertus de sa propre
politique proclamée par le gouvernement n'était pas telle que les
résultats économiques finalement enregistrés en 1999 aient
pu être à l'abri de ses propres incertitudes.
Il est d'ailleurs remarquable qu'en 1999, les ressorts de la croissance n'ont
nullement reposé sur les enchaînements imaginés par le
gouvernement comme le montrent les deux tableaux ci-après
récapitulant, le premier, les prévisions associées au
projet de loi de finances, le second, les résultats effectifs.
Principales contributions à la croissance du PIB en
1999
Prévisions
Taux de croissance annuel moyen en %
|
1999 |
Consommation des ménages |
1,6 |
Consommation des administrations |
0,3 |
Formation brute de capital fixe totale |
0,7 |
Dont : société et EI |
0,5 |
Variations de stocks |
0,0 |
Commerce extérieur |
- 0,1 |
Dont : exportations
|
1,2
|
PIB |
2,7 |
Source : Rapport économique, social et financier. Projet de loi de finances pour 1999
Contributions effectives à l'évolution du PIB, au prix de l'année précédente
|
1999 |
Dépenses de consommation finale des ménages |
1,1 |
Dépenses de consommation finale des administrations publiques |
0,6 |
Formation brute de capital fixe dont : |
1,3 |
- formation brute de capital fixe des sociétés non financières et entreprises individuelles |
0,8 |
- formation brute de capital fixe des ménages hors entreprises individuelles |
0,4 |
- formation brute de capital fixe des administrations publiques |
0,1 |
- formation brute de capital fixe des sociétés financières |
0,1 |
Solde extérieur des biens et services |
0,1 |
Exportations de biens et services |
1,0 |
Importations de biens et services |
- 0,8 |
Variation de stocks |
- 0,3 |
Produit intérieur brut |
2,9 |
Source : INSEE
,
Comptes nationaux
Le supplément de croissance observé (+ 0,2 point) s'explique
par une mauvaise prévision de la contribution du commerce
extérieur
à l'activité qui, négative en
prévision (- 0,1 point), s'est révélée
positive dans les faits (+ 0,1 point).
Le " trou d'air " n'a pas produit l'ensemble des effets
négatifs que le gouvernement en redoutait.
En effet, la contribution
du commerce extérieur à la croissance s'est redressée
dès le premier trimestre, la baisse du volume des exportations
étant significativement réduite par rapport au dernier trimestre
de 1998 tandis que celle des importations se trouvait considérablement
accentuée. Surtout, les investissements des entreprises n'ont pas
été ralentis par les anticipations sur lesquelles s'est
fondée la théorie popularisée sous le terme de " trou
d'air ". Au contraire, ils ont atteint leur rythme de croissance
trimestriel le plus fort depuis longtemps avec + 2,8 % au premier
trimestre 1999. On relèvera que si, en 1998, le commerce
extérieur avait dégagé les mêmes tendances qu'en
1999, la croissance aurait alors atteint un rythme de 3,7 %, proche de
celui escompté par le gouvernement en 2000.
A l'inverse, les composantes de la demande intérieure ont
évolué très différemment de ce qui était
prévu.
L'investissement a été beaucoup plus dynamique que dans les
prévisions, un phénomène inverse se produisant pour la
consommation des ménages, tandis que les administrations publiques ont
soutenu la croissance plus qu'escompté.
Le dynamisme de l'investissement des entreprises et des ménages a
constitué pour le premier un démenti à la théorie
du " trou d'air " et pour le second, la confirmation et
l'accentuation d'une rupture intervenue en 1998.
Il s'explique sans doute beaucoup par l'assouplissement des conditions de
crédit détaillé ci-dessous.
En revanche, la consommation des ménages a augmenté sur un rythme
très ralenti de 2,1 % en volume contre 3,3 % l'année
précédente. Ce ralentissement ne résulte que très
marginalement d'une hausse du taux d'épargne des ménages qui est
passé de 15,7 à 15,8 points. Il s'explique par un
ralentissement des gains de pouvoir d'achat de leur revenu disponible brut
passés de 2,8 à 2,2 %.
Le mouvement de désinflation qui, combiné avec la baisse du
taux d'épargne des ménages, avait soutenu leur consommation en
1998 n'a plus joué en 1999.
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Agriculture, sylviculture, pêche |
0,9 |
0,2 |
1,6 |
3,9 |
- 0,5 |
Produits de l'industrie dont : |
1,2 |
1,7 |
1,0 |
- 0,1 |
0,1 |
- Energie |
2,0 |
4,9 |
2,0 |
- 2,5 |
0,5 |
- Construction |
2,8 |
3,5 |
2,0 |
1,9 |
- 0,8 |
Services principalement marchands |
2,9 |
2,1 |
1,9 |
1,5 |
1,5 |
Ensemble |
2,0 |
1,9 |
1,4 |
0,8 |
0,8 |
On relèvera, pour finir, car c'est important pour l'avenir, que la réduction du rythme de croissance de la consommation des ménages survenue en 1999 n'a pas affecté les achats de véhicules neufs dont l'augmentation en volume, après avoir atteint 15,3 % en 1998, s'est maintenue sur le rythme élevé de 13,1 %.
2. Les années 2000-2001
Les perspectives économiques retenues par le gouvernement pour 2000 et 2001 et synthétisées ci-dessous décrivent un scénario d'accélération de l'activité durant l'année en cours suivie d'un certain freinage l'an prochain, laissant toutefois subsister un rythme soutenu de croissance.
La
prévision de croissance du gouvernement pour 2000 et 2001
(en % et en
volume)
|
2000 |
2001 |
PIB |
3,6 |
3,0 |
Demande intérieure hors stocks |
3,2 |
2,9 |
Importations |
9,5 |
6,7 |
Dépense de consommation des ménages |
2,9 |
3,4 |
Dépense de consommation finale des APU |
1,4 |
1,4 |
FBCF totale |
6,0 |
3,5 |
SNF-EI (1) |
7,2 |
5,7 |
Ménages hors EI |
6,3 |
0,6 |
Exportations |
9,2 |
6,4 |
(1) Sociétés non financières - Entrepreneurs individuels
a) 2000, une croissance plus soutenue : 3,6 %
L'accélération de la croissance en 2000, non
prévue au moment de l'élaboration du projet de loi de finances
mais qui faisait déjà consensus lors de sa discussion
parlementaire, ne résulterait pas d'une amélioration de la
position extérieure de la France plus vive qu'en 1999.
Elle proviendrait d'une hausse de la demande intérieure plus importante
qu'en 1999, dont les composantes varieraient cependant différemment que
ce qui a alors été observé.
La consommation des ménages accélérerait nettement,
atteignant un rythme moyen de 2,9 %. Par contraste, l'investissement des
entreprises s'accroîtrait un peu moins vite, de 7,2 % contre
7,6 % l'an dernier. Cependant, les comportements de stocks des entreprises
compenseraient ce ralentissement, la contribution des stocks à la
croissance permettant de gagner 0,7 point de croissance par rapport
à 1999.
b) 2001, un fléchissement sur un rythme soutenu : 3 %
Pour
l'an prochain, la prévision du gouvernement escompte une croissance de
3 % en volume, soit un fléchissement atteignant 0,6 point de
PIB.
Le scénario du gouvernement ne retient pas d'évolution
significative des effets du commerce extérieur sur l'activité.
Comme en 1999 et en 2000, l'amélioration du solde extérieur
apporterait un modeste supplément d'activité de 0,1 point de
PIB
Le fléchissement de la croissance proviendrait donc de
l'évolution de la demande intérieure et s'expliquerait
principalement par le freinage de la demande des entreprises. Les variations de
stocks ne viendraient plus soutenir l'activité, tandis que les
investissements des entreprises ralentiraient.
La consommation des ménages resterait quant à elle bien
orientée et son rythme de croissance augmenterait, revenant au niveau
observé en 1998. A l'inverse, le cycle de l'investissement global serait
accusé, à la baisse, par la stagnation des investissements des
ménages. Après avoir atteint 7,8 % et 6,3 %, en 1999 et 2000
respectivement, la croissance de l'investissement des ménages
reviendrait à 0,6 %.
c) Brève synthèse : quelques paradoxes
Comme le montre le tableau ci-dessous, les variations du cycle économique en 2000 et 2001 reposeraient entièrement sur l'investissement et les comportements de stocks des entreprises.
Les contributions à la croissance du PIB en 2000 et 2001 (en points)
|
2000 |
2001 |
Commerce extérieur |
0,1 |
0,1 |
Dépense de consommation des ménages |
1,6 |
1,8 |
Dépense de consommation finale des APU |
0,3 |
0,3 |
FBCF |
1,1 |
0,7 |
Variations de stocks et objets de valeur |
0,4 |
- |
Ceux-ci
varieraient significativement dans un sens baissier en 2001 alors que la
consommation des ménages s'accélérerait. Ce paradoxe ne
peut guère s'expliquer autrement que par des perspectives
financières moins favorables venant brider les entreprises et
l'investissement des ménages, perspectives qui ne sont pas
détaillées par les budgets économiques.
En dépit de prévisions de croissance des Etats-Unis et du Japon
nettement orientées à la baisse, et malgré une
hypothèse conventionnelle de stabilité des changes, le commerce
extérieur n'influencerait pas l'activité. De ce point de vue
également, la projection économique du gouvernement recèle
un réel contraste entre un environnement international très
évolutif - même si le scénario repose sur
l'hypothèse d'un atterrissage en douceur de l'économie
américaine - et le maintien sur une tendance stable du commerce
extérieur français et des conditions financières et
monétaires de sa croissance.