EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a procédé à l'examen du premier tome du rapport de M. Christian CUVILLIEZ, député, et de M. René TRÉGOUËT, sénateur, sur " les conditions d'implantation d'un synchrotron et le rôle des très grands équipements dans la recherche publique et privée, en France et en Europe " , dans sa réunion du mercredi 15 mars 2000.
M. René TRÉGOUËT, sénateur, rapporteur, a indiqué que le synchrotron est un très grand équipement différent des autres parce qu'il est employé par une communauté très large d'utilisateurs, et non pas par des équipes restreintes comme celles des satellites ou des collisionneurs. Les demandes d'accès au rayonnement synchrotron augmentent rapidement, et devraient être multipliées par deux dans les dix à vingt prochaines années. De nombreux pays de toutes dimensions, des Etats-Unis à la Suisse ou à la Thaïlande, possèdent des synchrotrons nationaux, l'Allemagne disposant, pour sa part, de cinq centres. Si l'on ne saurait être opposé à la coopération internationale, on n'imagine pas la France sans source nationale d'une énergie suffisante (2,5 GeV) pour les besoins de formation, d'interdisciplinarité et d'analyse de la matière d'une communauté de plusieurs milliers de chercheurs. En tout état de cause, une machine nationale s'impose aussi, car c'est aussi la solution la plus avantageuse en termes de coûts par utilisateur. Mais, une nouvelle dynamique devrait être créée autour de cette machine par de nouvelles dispositions d'organisation et de fonctionnement.
M. Christian CUVILLIEZ, député, rapporteur, a souligné que l'étude de ce dossier délicat, dans une situation de crise, a montré que les enjeux scientifiques du rayonnement synchrotron sont compris dans le monde entier. Or, en France et au Royaume Uni, c'est bien une division par deux des capacités en ligne de lumière qui est actuellement proposée. Les besoins avérés en rayonnement synchrotron ne sont pas en opposition avec l'accroissement des moyens des laboratoires, mais y contribuent directement. Au reste, la construction d'un synchrotron est compatible avec le budget de la recherche, et ne présente aucun aléa financier. En complément de la solution originale de 5-6 lignes de lumière sur DIAMOND, il convient de construire un synchrotron de 2,5 GeV en France, disponible plus rapidement, qui répondra aux besoins de nos chercheurs, et permettra de ne pas dissoudre une communauté en pointe dans la recherche mondiale.
M. Henri REVOL, sénateur, président, a félicité les rapporteurs pour leur étude, réalisée, au demeurant, dans le délai restreint et inhabituel de trois mois, et qui constitue le premier tome dont la suite sera consacrée aux très grands équipements. Il leur a ensuite demandé des précisions sur les modalités de fonctionnement du LURE, et sur leurs éventuelles propositions pour mieux associer l'industrie au futur synchrotron, et pour dégager ainsi de nouveaux moyens de financement de la recherche.
M. Christian CUVILLIEZ, député, rapporteur, a souligné que le rapport fait des propositions modifiant les conditions de gestion d'une machine nouvelle par rapport aux conditions actuelles de fonctionnement, ce qui suppose une ouverture d'esprit des personnels du LURE.
M. René TRÉGOUËT, sénateur, rapporteur, a précisé que, même si la vétusté des installations actuelles explique une partie de l'écart des durées d'utilisation entre le Lure et des équipements comparables, une nouvelle dynamique entrepreneuriale devra être créée, ce qui nécessite que la forme juridique du futur synchrotron ne soit pas trop rigide. A cet égard, l'exemple anglais du Wellcome Trust montre l'intérêt des fondations de financement de la recherche. De plus, les crédits d'impôt accordés dans certains pays étrangers pour l'investissement dans des synchrotrons expliquent l'association plus étroite des entreprises à ces équipements.
M. Pierre LAFFITTE, sénateur, après avoir félicité les rapporteurs pour leur excellent travail, a estimé, tout en étant réservé vis-à-vis des très grands équipements, qu'il convenait d'aménager les conditions de fonctionnement d'un futur synchrotron national. Une fondation pourrait être créée à cette occasion, bénéficiant de contributions d'entreprises françaises et européennes. Il faudrait également soutenir l'intention de M. Philippe BUSQUIN, commissaire européen à la recherche, de proposer que l'Europe prenne une part importante dans le financement et le fonctionnement des très grands équipements. Enfin, il faudrait veiller à prendre des mesures pour assurer la plus grande souplesse de fonctionnement possible à la future installation.
M. Christian CUVILLIEZ, député, rapporteur, a souligné que certaines grandes entreprises internationales peuvent décider de l'implantation d'un laboratoire en fonction de la seule présence d'un grand instrument, ce qui montre que les effets d'entraînement d'un tel équipement sur une zone économique donnée sont importants.
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député, Premier vice-président, a ensuite félicité les rapporteurs pour avoir travaillé avec succès dans des conditions difficiles sur un sujet sensible, et a posé quatre questions, sur la différence de leur évaluation de la demande de rayonnement synchrotron par rapport à celle du ministère, sur la concurrence des autres méthodes d'analyse de la matière vis-à-vis du rayonnement synchrotron, sur les conditions de financement de l'investissement dans le cadre d'un budget de la recherche à enveloppe limitée, et sur l'énergie optimale du futur synchrotron national.
M. René TRÉGOUËT, sénateur, rapporteur, a indiqué que les besoins réels des chercheurs français, déjà insatisfaits, ne pourraient pas être mieux pris en considération à l'avenir par une diminution de moitié des lignes disponibles. S'agissant du coût des solutions proposées, il est démontré que le coût par utilisateur des accès aux synchrotrons implantés à l'étranger dépasse de 55 % celui d'un synchrotron national. Par ailleurs, entre les différentes méthodes d'étude de la matière, il existe une complémentarité plutôt qu'une concurrence, le rayonnement synchrotron étant toutefois la seule technique, pour au moins encore cinq à dix ans, à permettre d'élucider la structure de protéines de masse moléculaire très importante. S'agissant de l'énergie de la machine, le niveau de 2,5 GeV correspond à un consensus mondial en terme d'optimum de brillance, de stabilité des faisceaux et de longueurs d'onde.
M. Ivan RENAR, sénateur, a souligné l'importance qu'il y aurait à prendre en compte les atouts des différentes régions candidates pour l'implantation d'un équipement qui aura des retombées importantes.
M. Christian CUVILLIEZ, député, rapporteur, a estimé qu'un synchrotron représente une force culturelle scientifique qui suppose un environnement de recherche très structuré.
Pour M. René TRÉGOUËT, sénateur, rapporteur, il n'entrait pas dans la mission des rapporteurs d'entrer dans le débat de la localisation, ce qui les a conduits à se limiter à proposer les critères d'un choix rationnel.
M. Claude BIRRAUX, député, a estimé que le rapport a bien remis en perspective la question du synchrotron en France, et a dégagé les enjeux nationaux d'une question au départ essentiellement locale.
M. Robert GALLEY, député, approuvant les orientations du rapport, a souligné l'importance, pour la France, de prendre des décisions courageuses de mobilisation de ses propres ressources, ainsi qu'elle l'a fait avec succès au début des années soixante-dix pour la commutation téléphonique électronique, et a demandé des précisions sur la politique américaine dans le domaine des synchrotrons.
M. René TRÉGOUËT, sénateur, rapporteur, a souligné que la demande d'un synchrotron national émane de l'ensemble de la communauté scientifique, et que les Etats-Unis engagent des efforts importants dans les sciences du vivant où ils bénéficient pourtant déjà d'une avance considérable. Compte tenu de l'intérêt d'un synchrotron pour la biologie structurale, pierre angulaire du post-génôme, il est indispensable que la France, si elle réexamine sa politique des très grands instruments, opère ses choix en fonction des effets d'entraînement de ceux-ci. Au reste, c'est l'Europe tout entière qui doit se ressaisir.
M. Henri REVOL, sénateur, président, a ensuite appelé les membres de l'office à se prononcer sur l'étude présentée par leurs collègues.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté à l'unanimité le rapport de MM. Christian CUVILLIEZ, député, et René TRÉGOUËT, sénateur, sur " les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron " , et a confirmé la mission qui leur a été donnée d'étudier, dans la deuxième partie de leur étude, " le rôle des très grands équipements dans la recherche publique et privée en France et en Europe " .