Troisième table ronde Quel futur postal ? Concurrents et régulateurs.
Richard WOODS Ambassadeur de Nouvelle-Zélande en France
Je ne suis pas un expert des questions postales mais seulement un consommateur. De même, la Nouvelle-Zélande n'est pas associée intimement à l'idée d'un quelconque exemple postal. On pense plus volontiers au rugby, aux moutons, à la voile ou aux kiwis... Pourtant, j'ai très souvent l'occasion de prononcer des discours sur les réformes économiques qui ont été introduites dans mon pays depuis 1984 . C'est dans le cadre de ces réformes d'ensemble qu'il faut envisager la libéralisation du secteur postal.
Les réformes en Nouvelle-Zélande
Depuis 1984, le Gouvernement a procédé à de profondes transformations économiques parmi lesquelles :
- la suppression totale des subventions à l'agriculture,
- l'indépendance de la banque centrale,
- la libéralisation du marché de l'emploi,
- la responsabilisation du Gouvernement en matière fiscale qui doit publier tous les six mois les prévisions en matière de fiscalité pour le pays.
- La transformation en société ou la privatisation de toutes les entreprises d'État comme les chemins de fer, l'office des forêts, l'aviation civile, les télécommunications ou la poste.
Cette dernière mesure a pris effet dès 1987.
La poste néo-zélandaise
L'entreprise connaissait de graves difficultés liées aux déficits, aux retards de livraison, au sureffectif, au manque de capital et aux insuffisances en matière de gestion. Il est alors apparu nécessaire de créer un nouveau cadre pour la gestion de l'entreprise et d'assurer l'indépendance du management vis à vis du Gouvernement. Pour cela, on a mis à plat le mode de fonctionnement de l'entreprise pour la réorganiser en profondeur. Le rapport qui a suivi cette analyse était intitulé "Serrer la bride du dinosaure".
Au cours des cinq premières années qui ont suivi l'indépendance de la poste il a fallu accroître les investissements et modifier l'organisation de l'entreprise. La rapidité d'action a sans doute été un facteur clef de succès, même si elle a rendu le changement assez douloureux dans certains cas. Mais c'était la seule façon d'assurer une croissance vraiment stable et profitable.
Des résultats très positifs sont d'ailleurs apparus : une croissance de 5 % par an du volume et des profits qui a permis une baisse des prix à trois reprises. Cela a permis de diminuer le prix du timbre de 11 %. Notre poste a même développé une activité de conseil international auprès de 35 pays. Parallèlement, la poste s'est recentrée sur son marché de base : les activités de télécommunication ont été vendues à une entreprise américaine et les activités bancaires à une banque commerciale néo-zélandaise.
Ainsi, après quelques années consacrées à l'investissement et à la prise en charge des licenciements, la poste a connu une hausse importante du profit moyen en 1994, 1995 et 1996. Cela a permis à l'entreprise de se diversifier et de se préparer à la dérégulation du marché.
En fait, paradoxalement, l'État a tiré un grand avantage de la libéralisation puisque les revenus de ses dividendes et les impôts que lui versait la poste n'ont cessé d'augmenter.
La productivité
La hausse de la productivité a été rendue possible par la baisse de la part de la main d'oeuvre dans les coûts de l'entreprise (de 75 % à 51 %). Cela a permis à la poste néo-zélandaise de bénéficier du timbre domestique le plus économique des pays de l'OCDE après celui de la Turquie. Pourtant, la Nouvelle-Zélande a la superficie de l'Italie et une population de 3,6 millions d'habitants seulement.
Le réseau de distribution de timbres était constitué de 800 bureaux de poste et 400 points de vente. Aujourd'hui, il n'y a plus que 300 bureaux de poste mais nous avons multiplié le nombre de points de vente. Au départ, le public se plaignait un peu mais cela n'a pas duré et le taux de satisfaction actuel est de 95 % aujourd'hui contre 60 % avant la libéralisation.
La déréglementation
La déréglementation n'a pas empêché la poste de continuer sa progression en se fondant sur une stratégie simple : une politique client très forte, un personnel compétent, une grande importance accordée au résultat, et un intéressement du personnel à ce résultat sous forme de bonus. Actuellement, la poste livre 70 % de courrier en plus avec 34 % de charges unitaires en moins. La productivité a augmenté de 130 % alors que le personnel a diminué de 40 %. La poste rapporte à l'État plus de 2 milliards de francs sous forme d'impôts et de dividendes. Enfin, il n'y a pas eu un seul jour de grève. Le niveau de profitabilité a augmenté de 25 % et le chiffre d'affaires a augmenté de 11 %.
Je vous conseille à ce propos de lire le discours prononcé par le directeur des relations internationales de la poste de Nouvelle-Zélande : "The global postal industry of the future".