N° 39
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 2 novembre 1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) par le groupe de travail (2) sur l' avenir du secteur agro-alimentaire ,
Par MM.
Marcel DENEUX, Jean BIZET et Bernard DUSSAUT,
Sénateurs.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean François-Poncet,
président
; Philippe François, Jean Huchon,
Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marc Pastor, Pierre
Lefebvre,
vice-présidents
; Georges Berchet, Jean-Paul Emorine,
Léon Fatous, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM.
Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean
Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye,
Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland
Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard
Delfau, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier
Dugoin, Bernard Dussaut
,
Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire
Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy,
Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne
Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly,
Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret,
Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber
Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel
Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet,
Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme
Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.
(2)
Ce groupe de travail est composé de
: M. Marcel
Deneux,
président
; MM. Jean-Paul Emorine, Raymond
Soucaret, Gérard Le Cam,
vice-présidents
; MM.
Georges Berchet, Gérard César, Léon Fatous, André
Ferrand, Pierre Lefebvre, Michel Souplet,
secrétaires
; MM.
Jean Bizet, Bernard Dussaut,
rapporteurs
; M. Pierre André,
Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Mme Yolande Boyer,
MM. Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere,
Michel Doublet, Hilaire Flandre, Philippe François, Jean
François-Poncet, François Gerbaud, Serge Godard, Francis Grignon,
Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Rémi Herment, Jean
Huchon, Bernard Joly, Patrice Lassourd, Jean-François Le Grand,
André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier,
Louis Moinard, Bernard Murat, Bernard Piras, Jean-Pierre Raffarin, Paul Raoult,
Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel.
Agroalimentaire. |
POSITIONS ET PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L'AVENIR DU SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE
I. LA
CONSTITUTION D'UNE VÉRITABLE CHAÎNE DE VALORISATION
A. UN PARTENARIAT AVEC L'AMONT S'IMPOSE
1.
Le groupe de travail rappelle avec force la nécessité
d'une véritable organisation de la production
et
des
différentes filières
;
2.
La
généralisation d'une politique contractuelle
entre les industries agro-alimentaires et les agriculteurs et la
présence
d'un secteur coopératif puissant
doivent
permettre de renforcer le partenariat entre le monde agricole et celui de
l'agro-alimentaire.
B. LE DIALOGUE CONSTANT AVEC LA DISTRIBUTION EST UNE
NÉCESSITÉ
3.
Le groupe de travail se félicite des récentes
décisions du Gouvernement visant à organiser, d'une part, des
tables rondes entre les différents partenaires de la filière et
d'autre part, des assises de la distribution au début de
l'année 2000 ;
4.
Seul
un changement d'état d'esprit
des
" grands " de la distribution pourra permettre de
rééquilibrer le rapport de forces
et d'évoluer dans
un environnement moins conflictuel ;
5.
Le groupe de travail souligne l'intérêt que peut
présenter
le développement des ventes de produits agricoles et
transformés via le réseau Internet
;
6.
Le groupe de travail propose
l'amélioration de la
procédure d'urgence devant le Conseil de la Concurrence
en cas de
conflit ; il estime utile de créer une instance à
caractère public ayant pour mission de veiller à ce que soient
pleinement utilisées les voies de droit d'ores et déjà
existantes contre les abus de puissance d'achat.
II. LA MODERNISATION DE L'OUTIL INDUSTRIEL
A. S'ENGAGER DANS UNE POLITIQUE DE RECHERCHE ET D'INNOVATION PLUS
ACTIVE
7.
L'opposition entre tradition alimentaire et innovation technologique
doit être surmontée. Les chercheurs doivent explorer
parallèlement ces deux concepts afin de dégager de nouveaux
champs d'investigation ;
8.
Les chercheurs doivent se rapprocher du monde économique, pour
être à l'écoute des préoccupations et les traduire
en programmes de recherche ;
9.
Les pouvoirs publics doivent accompagner cet effort de recherche en
multipliant les programmes interministériels pluriannuels ;
10.
Les centres techniques doivent continuer à regrouper leurs
efforts pour créer des partenariats avec leurs homologues
européens, qui ont une taille souvent nettement plus importante. En
outre, la mise en réseau des centres techniques professionnels, des
centres régionaux et des centres techniques génériques
doit être accentuée ;
11.
Le groupe de travail
estime nécessaire de doter les
centres techniques agro-alimentaires de fonds propres
;
12.
Le groupe de travail souhaite
une évolution des
modalités de calcul du crédit impôt-recherche
;
13.
La mise en place, en faveur des particuliers, de mécanismes
d'imposition favorables aux investissements dans les entreprises innovantes,
comme aux Etats-Unis, serait un outil précieux de développement
de la recherche ;
14.
Le groupe de travail suivra avec intérêt l'application
de la loi sur l'innovation et la recherche adoptée le 30 juin dernier,
qui pourrait s'avérer particulièrement intéressante dans
le secteur agro-alimentaire
.
B. GÉRER DE FAÇON DYNAMIQUE L'EMPLOI, COMPOSANTE
ESSENTIELLE DU DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE
15.
Le groupe de travail juge impératif de
mieux prendre en
compte les questions de formation professionnelle
. L'Etat, en la
matière, doit jouer un rôle dynamique en encourageant notamment
les plus petites entreprises à investir dans la formation de leurs
personnels ;
16.
L'amélioration des conditions de travail
dans certains
secteurs est indispensable ;
17.
Le groupe de travail insiste pour que
la réduction du
temps de travail tienne compte des spécificités de chaque
secteur
;
18.
Le groupe de travail souligne que tout renforcement, en France de la
législation sociale -au même titre qu'en matière
d'environnement, de sécurité sanitaire et de qualité
alimentaire- si légitime soit-il- conforte souvent les avantages
concurrentiels de nos partenaires européens et des pays tiers en
augmentant les distorsions de concurrence ; cette difficulté doit
être prise en compte.
C. DÉGAGER DE RÉELLES CAPACITÉS DE FINANCEMENT
19.
L'extension du champ de la dotation pour provision pour
investissements aux parts sociales de la coopérative, lorsque celles-ci
constituent la contrepartie d'un capital finançant les investissements
nouveaux, a été une innovation intéressante de la loi
d'orientation agricole ; il est nécessaire de la concrétiser
rapidement ;
20.
Le groupe de travail encourage la mise en place d'un instrument
destiné à drainer l'épargne des agriculteurs
,
sociétaires de coopératives ou fournisseurs d'industries
agro-alimentaires. Cet outil, le plan d'épargne entreprise agricole
(PEEA), permettrait de renforcer les liens amont-aval, d'augmenter les fonds
propres de l'entreprise et de constituer un levier pour la mobilisation de
fonds propres ;
21.
Le groupe de travail reconnaît la nécessité de
recourir à des financements extérieurs. Le développement
de partenariat entre le secteur agro-alimentaire et le système bancaire
doit être, à ce titre, encouragé. Les pouvoirs publics ont,
en la matière, un rôle déterminant à jouer ;
22. L'introduction en bourse des industries agro-alimentaires
est
à favoriser
ainsi que la multiplication des organes financiers
dans le capital risque.
III. PLACER LE CONSOMMATEUR AU CENTRE DE LA STRATÉGIE ALIMENTAIRE
A. UN DIALOGUE NÉCESSAIRE ET TRANSPARENT ENTRE TOUS LES ACTEURS DE
L'ALIMENTATION
23.
Le primat donné à la sécurité
sanitaire des aliments
, le développement d'une véritable
politique de qualité et l'intégration de l'environnement dans
toute stratégie industrielle
nécessitent un lien étroit
entre tous les acteurs de la filière
et une gestion commune des
crises ;
24.
Le groupe de travail propose
un dialogue permanent
entre
scientifiques, experts, professionnels, consommateurs et représentants
des administrations sur les nouveaux enjeux du XXI
e
siècle
pour notre société, notamment dans le domaine des technologies
nouvelles. Ce dialogue passe par des partenariats avec des organismes comme
l'Institut français pour la Nutrition ;
25.
Le groupe de travail souhaite que
les Conseils économiques
et sociaux régionaux se saisissent du problème des
biotechnologies
, afin de l'analyser et de l'expliquer de manière
objective dans chaque région française ;
26.
Le groupe de travail estime
urgente la mise en place des mesures
préconisées par M. Philippe Demarescaux
,
Directeur Général de Rhône
Poulenc, sur l'usage non alimentaire des produits agricoles.
B. L'ALIMENTATION, UNE PRIORITÉ POUR L'EUROPE
27.
Il est urgent de donner
une définition au principe de
précaution
;
28.
Le groupe de travail est très attaché aux
trois
principes corollaires
du principe de précaution :
proportionnalité, compensation et adaptation
;
29.
La simplification et l'harmonisation de la législation
européenne dans le domaine de l'alimentaire
doivent être traitées comme une
priorité.
C. POUR UN CYCLE DE NÉGOCIATIONS LARGE ET GLOBAL
30.
La prise en compte
, lors des prochaines négociations
de l'Organisation mondiale du commerce,
des exigences des consommateurs
en termes de
sécurité et de qualité alimentaire
ainsi qu'en
matière d'environnement
constitue
un
impératif majeur non seulement pour les consommateurs
eux-mêmes, mais aussi
pour les industriels français de
l'alimentation ;
31.
Le groupe de travail souhaite que les prochaines négociations
s'achèvent sur un engagement unique
des
Etats membres de l'OMC :
les secteurs de l'agriculture et de la
pêche ne doivent à aucun prix être considérés
comme " une monnaie d'échange ".
IV. ASSURER UN ÉQUILIBRE ENTRE LES MARCHÉS
A. UN MARCHÉ INTÉRIEUR À PRÉSERVER
32.
Le groupe de travail encourage les entreprises agro-alimentaires
à ne pas négliger leurs positions sur le marché
français.
B. LA CONSOLIDATION NÉCESSAIRE DU MARCHÉ
EUROPÉEN
33.
La France doit, tout en n'oubliant pas ses productions agricoles de
base, s'efforcer
d'exporter des produits à haute valeur
ajoutée
qui valorisent d'autant mieux les efforts des branches
industrielles ;
34.
Les industries agro-alimentaires françaises doivent
absolument
renforcer leurs exportations sur le marché
communautaire.
C. PROFITER DES OPPORTUNITÉS SUR LES MARCHÉS
ÉMERGENTS
35.
A l'aube d'une mondialisation croissante des échanges et face
à l'augmentation sensible de la demande de pays émergents dans le
domaine alimentaire au XXI
e
siècle,
les industries
agro-alimentaires françaises doivent diversifier leurs échanges
en direction de l'Asie
(Chine et Inde), et
de l'Amérique
latine
(Brésil, Argentine, Chili).
Mesdames, Messieurs,
Traces de listeria dans des fromages au lait cru, résidus de dioxine
dans du poulet, problèmes digestifs à la suite, apparemment, de
l'absorption d'un soda, utilisation frauduleuse de boues issues d'usine
d'équarrissage dans l'alimentation animale, et plus récemment,
retrait de steaks hachés dans lesquels des germes de salmonelles avaient
été détectées... L'année 1999 est
décidément " riche " non seulement en
" crises " alimentaires, mais aussi en interrogations de toutes
sortes : faut-il bannir les organismes génétiquement
modifiés de notre alimentation ? Peut-on durablement refuser
d'importer des viandes hormonées en provenance des Etats-Unis ou du
boeuf britannique au mépris des règles du commerce international,
mais en se fondant sur le principe de précaution ? Notre
alimentation est-elle si peu sûre ?...
Ces événements et ces questions légitimes ne font
qu'accroître les
grandes
peurs du consommateur face à
l'alimentation
. Les aspirations de nos concitoyens à une
nourriture plus saine, plus authentique, respectueuse de l'environnement,
en quelques mots plus " naturelle ", sont constamment mises en
exergue par l'ensemble des médias.
Est-ce à dire que notre système agro-alimentaire -et en
priorité le secteur agro-alimentaire français- " fait fausse
route " ? Inconnu pendant des années, méconnu pendant
des décennies, longtemps considéré comme à part,
non assimilable au monde industriel,
le secteur agro-alimentaire
français est aujourd'hui à la croisée des chemins
.
S'il a réussi sa transformation " fordiste " dans les
années 60-70 et constitue aujourd'hui le premier secteur industriel
français avec plus de 120 milliards d'euros (803 milliards de
francs) de chiffre d'affaires, tout en dégageant un solde commercial
très important,
il paraît néanmoins terriblement
fragile
.
S'étant quelque peu éloigné -non sans conséquences-
de l'amont agricole, tout en transformant globalement 70 % de cette
production,
le secteur de l'agro-alimentaire est en effet dans l'oeil du
cyclone
: montré du doigt pour sa tendance à la
concentration, tant par les agriculteurs que par les consommateurs,
accusé régulièrement de ne pas respecter certaines
règles d'hygiène et de sécurité,
considéré par certains comme peu respectueux des normes sociales
et environnementales, l'agro-alimentaire français est aujourd'hui
confronté à un nouvel enjeu : celui des négociations
internationales de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui s'ouvrent
à Seattle à la fin du mois de novembre.
C'est dans ce contexte si incertain et si paradoxal, où la physionomie
des marchés alimentaires pourrait avoir radicalement changé dans
vingt ans sous l'effet de la demande croissante des pays en
développement, de la réduction des barrières au commerce
et à l'investissement, et de la diversification rapide des goûts
et des préférences des consommateurs, que
votre commission des
Affaires économiques a confié, le 5 mai dernier,
à un groupe de travail, présidé par M. Marcel Deneux, le
soin d'étudier la première industrie française
.
Après une quarantaine d'auditions d'experts, d'industriels et
d'organisations professionnelles
, le groupe de travail a souhaité
répondre à une seule question
:
" Le secteur agro-alimentaire français est-il prêt
à affronter le XXI
e
siècle ? "
Cette interrogation peut paraître quelque peu réductrice du monde
de l'agro-alimentaire. Et pourtant, elle est bien celle que chacun d'entre nous
se pose : l'agriculteur, qui plus que jamais, doit savoir combien et
à qui vendre avant de produire ; le salarié qui a besoin
d'un environnement de travail performant et respectueux de la personne ;
le distributeur qui doit chercher " le produit " demandé par
le consommateur ; ce dernier, qui veut aujourd'hui tout à la fois
un produit sain, sûr, bon marché. Le politique, qui pour
gouverner, doit prévoir.
Le souci de centrer sa réflexion sur cette question-clé a conduit
délibérément ce groupe de travail à s'abstenir de
présenter un tableau exhaustif de la situation des industries
agro-alimentaires : sur ce sujet, existent de nombreuses études
récentes
1(
*
)
, et souvent
excellentes, dont le rapport pour avis sur les crédits pour
l'an 2000 du ministère de l'agriculture consacrés au secteur
agro-alimentaire de M. Bernard Dussaut, qui sera publié dans
quelques jours.
Le groupe de travail n'a pas davantage souhaité alimenter le
différend typiquement " franco-français "
" coopération-industrie privée ", qui lui a paru, dans
bien des cas, relever plus de la querelle théologique que du souci de
préparer notre industrie agro-alimentaire au XXI
e
siècle : cette position avait d'ailleurs été
adoptée par votre commission des Affaires économiques en 1990,
lors de son rapport sur l'évolution des structures du secteur
agro-alimentaire dans la perspective de 1992
2(
*
)
.
Par ailleurs, la définition statistique de la notion même
d'industrie agro-alimentaire s'avère difficile. Celle-ci rassemble, en
effet, les activités de transformation des produits agricoles et
alimentaires et exclue le commerce de gros et de détail de ces produits.
Le partage entre les deux n'est pas toujours évident, ni constant. C'est
ainsi que, depuis toujours, la boulangerie est rangée dans les
industries agro-alimentaires, alors que la boucherie appartient au secteur du
commerce de détail. En revanche, l'abattage du bétail, que l'on
distingue parfois difficilement de la boucherie, a été
classé tantôt dans le commerce de gros, tantôt dans les
industries agro-alimentaires.
Vos rapporteurs, avant de pouvoir répondre précisément et
directement à la question relative à la capacité du
secteur agro-alimentaire français à affronter les défis du
XXI
e
siècle, ont voulu montrer comment
ce secteur
d'activité avait su, en quarante ans, accomplir une mutation sans
précédent
. Si une telle affirmation ne peut suffire au
consommateur, à l'entrepreneur ou au politique dans sa réflexion
sur l'avenir de l'agro-alimentaire pour les années à venir, elle
permet néanmoins d'observer et de considérer ce secteur avec un
minimum d'objectivité. Au moment où les industries
agro-alimentaires sont vouées aux gémonies et où l'on
s'interroge sur leurs perspectives à moyen terme, il est ainsi
intéressant de constater que ce secteur est loin d'être un acteur
économique figé.
Mais face aux enjeux, auxquels
ce secteur
est confronté -et auxquels il sera confronté
avec encore
plus d'acuité dans les années futures- (internationalisation,
croissance de la demande des pays en développement, explosion des
technologies nouvelles, exigences accrues des consommateurs),
les industries
agro-alimentaires devront accomplir de profondes transformations, voire une
véritable révolution dans le domaine agro-alimentaire
.
I. L'AGRO-ALIMENTAIRE EN FRANCE : UN SECTEUR QUI A SU EFFECTUER SA MUTATION
Constater que le secteur de l'agro-alimentaire français
a su,
en moins de quarante ans, se hisser au tout premier rang national,
européen et mondial, ne permet pas, certes, d'affirmer qu'il pourra
répondre aux enjeux du XXIe siècle.
Néanmoins,
ce constat constitue un préliminaire essentiel
et ce pour
trois raisons
: tout d'abord, en démontrant sa
capacité d'adaptation et de diversification, le secteur de
l'agro-alimentaire apparaît, à l'aube du
XXI
e
siècle,
comme un acteur non figé de
l'économie
: or, aujourd'hui, plus que jamais, notre
environnement est en mouvement perpétuel.
Ensuite, les
industries agro-alimentaires ont su, globalement,
répondre aux attentes des consommateurs
: à
côté de la production de masse, qui continue à jouer un
rôle capital, le secteur agro-alimentaire a pris en compte, de
façon accrue, depuis une dizaine d'années, certaines exigences du
consommateur en matière de santé, de qualité et de
sécurité, qui, même si elles évoluent dans l'avenir,
iront se renforçant.
Enfin,
ce secteur économique a pris la mesure du monde dans lequel il
évoluait
: l'excédent structurel de notre solde du
commerce extérieur dans le domaine agro-alimentaire depuis les
années 80 en est la preuve. Face aux réformes successives de
la Politique Agricole Commune et aux accords de Marrakech de 1994, les
industries agro-alimentaires sont jusqu'à présent parvenues
à faire face à l'internationalisation des échanges et des
investissements.
A. LE SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE A FAIT PREUVE, DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES 60, D'UNE FORTE CAPACITÉ D'ADAPTATION
1. Une révolution industrielle menée rapidement
L'industrie agro-alimentaire se définit comme
" l'activité industrielle qui transforme des matières
premières en provenance essentiellement de l'agriculture et de la
pêche en produits destinés à l'alimentation humaine et
animale "
3(
*
)
.
Elle
s'intègre donc dans le " système agro-alimentaire, qui va de
la fabrication des moyens de production pour l'agriculture jusqu'à la
distribution et même la consommation.
Selon M. Jacques Nefussi
4(
*
)
, une
première transformation des produits agricoles intervient dès le
début du XX
e
siècle, qui se développe
après la seconde guerre mondiale dans la filière animale, puis
végétale à la fin des années 50. Mais, c'est
seulement au milieu des années 60 que démarre le processus
d'industrialisation du secteur agro-alimentaire, avec une
accélération conjointe de la substitution capital-travail et de
la productivité du travail. Comme le souligne M. Nefussi, "
le
développement dans ce secteur a reposé à la fois sur une
transformation qualitative des méthodes de production et sur une
modification de la nature des produits fabriqués
".
Alors que le tissu industriel français a été
confronté à une forte crise durant les années 70, les
industries agro-alimentaires ont poursuivi leur croissance, notamment dans les
secteurs de la boulangerie-pâtisserie et de la viande. Durant les
années 80, un affaiblissement notable des gains de productivité a
affecté particulièrement le secteur agro-alimentaire, dont la
croissance de la valeur ajoutée en valeur s'est fortement ralentie.
Malgré des lacunes dans la mise en place des nouveaux facteurs de
compétitivité, les industries agro-alimentaires ont réussi
à s'imposer comme premier secteur industriel français, hissant la
France au tout premier rang des puissances mondiales exportatrices de produits
agro-alimentaires.
2. Un secteur diversifié réparti sur l'ensemble du territoire
Cette
diversification du secteur agro-alimentaire revêt deux aspects.
Le premier a trait à la variété et à
l'hétérogénéité des branches industrielles
représentées au sein de ce secteur.
Outre la distinction
traditionnelle entre industries de première et de seconde
transformation, neuf familles d'industries alimentaires sont habituellement
distinguées par la nomenclature d'activité française
officielle. Ces familles -industries des viandes, poissons, fruits et
légumes, corps gras, grains-amylacés, aliments pour animaux,
boissons, industrie laitière et enfin " divers "- regroupent
une infinie variété de sous-secteurs et de produits.
Il est donc nécessaire, lorsque l'on évoque le secteur
agro-alimentaire, de parler d'industries agro-alimentaires au pluriel.
Cette diversité se retrouve dans la présentation du Centre
français du Commerce extérieur sur le commerce extérieur
des produits agro-alimentaires. Ainsi, pour 1998, outre la distinction entre
produits agricoles et produits alimentaires, une vingtaine de produits sont
présentés parmi lesquels : les poissons, le tabac, le soja,
les plantes, l'élevage, les conserves, les fruits frais, les fruits
tempérés, les produits de la minoterie, les oléagineux, le
sucre, les viandes de volaille, les bovins, les produits laitiers, les
céréales, les vins et spiritueux...
Le second aspect concerne la structure des entreprises agro-alimentaires
.
On distingue traditionnellement le " secteur industriel " du secteur
coopératif.
Le secteur industriel regroupe en 1998 4.250 entreprises de plus de
10 salariés, 97,5 % d'entre elles ayant moins de 500
salariés et 47 % moins de 50.
L'immense majorité de ces
PME ont un capital familial. Si elles appartiennent déjà à
des groupes, elles continuent à fonctionner comme des entreprises
indépendantes. Les secteurs agro-alimentaires allemand, italien et
espagnol sont constitués elles aussi d'un tissu important de petites et
moyennes entreprises.
A côté de ces " entreprises industrielles ",
le
secteur coopératif est fortement présent au sein de cette
activité.
L'estimation précise du poids de la
coopération dans le secteur agro-alimentaire est assez variable en
fonction des paramètres utilisés : première et
deuxième transformation, prise en compte ou non des filiales des
coopératives dans les statistiques officielles, intégration ou
non de certains secteurs comme le tabac... Le secteur de la coopération
représente donc, en fonction des branches et des critères
retenus, entre 17 % et 33% du chiffre d'affaires de l'agro-alimentaire.
Tout en se félicitant des spécificités de la
coopération agricole et du lien qui existe ainsi avec l'amont agricole,
vos rapporteurs constatent que les
coopératives agro-alimentaires
sont devenues aujourd'hui, pour la plupart, de véritables entreprises en
raison des exigences du marché. Sur les 40 premiers groupes
français agro-alimentaires, se trouvent 16 groupes coopératifs
(SODIAAL, SOCOPA, CANA, Coop.Agri, UNICOPA, CEBAB...)
LES TROIS MÉTIERS DE LA COOPÉRATION AGRICOLE (FILIALES COMPRISES)
|
Chiffre d'affaires
|
Parts de marché (%) |
Marché total
|
AMONT :
|
170 |
57 |
300 |
AVAL :
|
200 |
25 |
792 |
Services et approvisionnements agricoles et ruraux |
50 |
60 |
90 |
TOTAL |
420 |
|
|
Source
: Confédération
française
de la coopération agricole
On distingue généralement quelques grands groupes
mondiaux -seulement 5 dont un franco-italien contre 32 américains,
13 anglais, 19 japonais et 7 néerlandais-, les entreprises de
taille ou d'implantation européenne, de dimension nationale et les PME
familiales.
CHIFFRES CLÉS DES INDUSTRIES AGRO-ALIMENTAIRES EN 1999
Secteur industriel |
Nombre d'entreprises (milliers) |
Effectif salarié (milliards de francs) |
Chiffre d'affaires (milliards de francs) |
Valeur ajoutée (milliards de francs) |
Investissement hors apports (milliards de francs) |
Viandes |
1.463 |
117,8 |
178,3 |
25,9 |
3,5 |
Poisson |
173 |
11,9 |
14,9 |
2,6 |
0,5 |
Fruits et légumes |
194 |
22,2 |
32,4 |
6,2 |
1,3 |
Corps gras |
30 |
4,2 |
13,2 |
2 |
0,3 |
Produits laitiers |
415 |
59,4 |
136,9 |
18,9 |
3,3 |
Travail du grain |
193 |
12,4 |
28,5 |
6,1 |
1,8 |
Aliments pour animaux |
306 |
17,8 |
56,6 |
6,6 |
1 |
Prod. Alim. divers |
991 |
92,1 |
154,2 |
38 |
5,2 |
Boissons |
492 |
40,2 |
95,3 |
24,8 |
4 |
Ensemble IAA |
4.257 |
378 |
710,3 |
131,1 |
20,9 |
Source
: Graph agri 1999
L'examen plus détaillé de la structure du secteur
agro-alimentaire permet de constater
son rôle dans
l'aménagement du territoire
.
Une étude récente du ministère de l'agriculture indique
que 10.000 entreprises agro-alimentaires ont moins de
20 salariés : celles-ci représentent 10% de l'emploi
agro-alimentaire et 5 % (soit 39 milliards de francs) du chiffre
d'affaires de l'ensemble des industries agro-alimentaires. Elles sont environ
20 % dans les industries de boissons et 10 % dans l'industrie du
lait, en raison de l'implantation des petites entreprises dans la vinification
et la fabrication de fromages. Ces entités économiques sont
disséminées sur l'ensemble du territoire et sont nettement plus
nombreuses au sud de la France qu'au nord et que dans l'ouest, régions
traditionnelles de concentration de l'industrie alimentaire française.
Cette industrie est répartie sur tout le territoire français
et représente 28 % de ses emplois. Très présente en
zone urbaine, elle contribue à l'industrialisation des zones rurales.
3. Un maillon essentiel de la chaîne alimentaire
Les
industries agro-alimentaires sont devenues aujourd'hui
" l'intermédiaire obligé entre le champ et
l'assiette
5(
*
)
. "
Elles s'alimentent en matières premières chez l'agriculteur qui
s'avère être leur principal fournisseur :
cette relation
avec l'amont agricole a considérablement évolué depuis les
années 60.
Dans un premier temps, l'apparition du secteur
agro-alimentaire a quelque peu " confisqué " certaines
activités qui étaient effectuées au sein même des
exploitations agricoles. Par la suite, on a pu assister à une forte
industrialisation de l'agriculture, encouragée par les industries
agro-alimentaires. Ce mouvement a entraîné une pression du secteur
agro-alimentaire sur l'amont agricole, dont les contrats d'intégration
consacrés au milieu des années 60 sont un exemple. Est-ce
à dire qu'une telle évolution a remis en cause le
caractère marchand des échanges entre ces deux secteurs ?
Vos rapporteurs ne le pensent pas et ce pour plusieurs raisons : tout
d'abord, comme l'indique à juste titre M. Jacques Néfussi,
"
les agriculteurs restent propriétaires de leurs moyens de
production, vendant des marchandises et non leur force de travail
".
En outre, l'organisation de l'offre -à travers les organisations de
producteurs par exemple- permet de mieux équilibrer ce rapport de force.
Enfin, on constate une évolution sensible des mentalités :
l'aval de la production agricole est mieux pris en considération. Alors
que jusqu'à une période récente, l'industrie avait pour
fonction de transformer la matière première agricole,
désormais
c'est à l'agriculture qu'il incombe de fournir
à la transformation la matière première conforme aux
exigences de la consommation.
Aujourd'hui, sept produits alimentaires sur dix sont achetés en grandes
et moyennes surfaces (GMS), qui sont devenues les premiers clients du secteur
agro-alimentaire.
Les rapports conflictuels entre les industries
agro-alimentaires et la distribution,
et notamment la grande distribution,
s'explique aisément : en effet si les premiers cherchent à
dégager le maximum de rentabilité de la transformation de leurs
produits, la seconde souhaite minorer cette valeur ajoutée afin
d'augmenter sa propre marge.
Le développement des GMS a eu deux conséquences importantes
sur le secteur agro-alimentaire
: en premier lieu, le nombre de
clients de celui-ci s'est considérablement réduit par la
concentration des circuits de grande distribution. Cette évolution s'est
traduite par une pression accrue sur les prix et a
accéléré la restructuration du tissu agro-industriel par
la disparition des entreprises les moins compétitives. En second lieu,
la croissance des GMS a également entraîné des exigences en
matière de produits ou de services
6(
*
)
: il s'agit notamment de la
notoriété des produits, de leur qualité, de la
capacité de choix du distributeur qui nécessite pour l'industriel
de décliner et de diversifier ses productions et enfin de la logistique,
-les GMS ayant imposé leur rythme aux entreprises-. Un industriel a
ainsi donné au groupe de travail l'exemple de l'évolution des
délais de livraison aux GMS des produits agro-alimentaires : la
distribution demandait traditionnellement la livraison des produits pour le
surlendemain il y a une vingtaine d'années. Depuis le début des
années 80, ce délai s'est réduit de vingt-quatre heure,
les GMS passant leurs commandes pour le lendemain. Depuis quelques
années, la grande distribution exige d'être livrée le jour
même, souvent avant 17 ou 20 heures, et ce à l'autre bout de la
France.
Ce transfert de marge vers l'aval opéré par les GMS explique les
performances boursières de la distribution, dont l'indice franchissait
fin août sur la place de Paris les 7.000 points, l'indice de valeur des
produits alimentaires plafonnant à 2.400 points.
Face à cette pression exercée sur l'agro-alimentaire et devant
l'ampleur toujours plus grande de la concentration dans le secteur de la grande
distribution -avec la fusion Carrefour-Promodès, le nombre de grands
groupes de GMS est désormais de 5-, d'aucuns évoquent un
processus quasiment identique de concentration dans les industries
agro-alimentaires.
Vos rapporteurs soulignent, d'une part, que le chiffre
d'affaires cumulé de Carrefour et de Promodès est quatre fois
supérieur à celui de la plus grande entreprise agro-alimentaire
française. On ne peut donc pas assimiler ces deux processus de
concentration. D'autre part, il est difficile de comparer la mise en place d'un
réseau de grande distribution limité à une demi-douzaine
de groupes et la structure industrielle d'un secteur d'activité qui
compte plus de 4.000 entreprises indépendantes, dont certaines
dépendent pour leur chiffre d'affaires de leur acheteur à plus de
90 %.
Malgré ce contexte, les PME agro-alimentaires ne sont nullement
condamnées à disparaître : en effet, à
côté de cette pression toujours plus actuelle sur le secteur
agro-alimentaire, la segmentation de la demande des consommateurs est
allée croissante. Le croisement des multiples exigences du client final
a fait naître une multitude de " niches ", qui sont autant
d'opportunités de développement pour les PME locales ou
innovantes. Aussi, les relations avec la grande distribution, même si
elles demeurent souvent conflictuelles, sont conçues parfois dans le
cadre d'un partenariat " sur mesure " tenant compte des
spécificités de chacun.
Par ailleurs,
la fabrication de produits à marque distributeur peut,
sous certaines conditions -notamment le respect du partenaire commercial
,
également constituer une solution
pour des PME qui disposent
d'une bonne maîtrise des coûts de production, mais qui n'ont pas
les capacités de supporter le coût croissant de charges
publicitaires et commerciales afin de conduire une politique de marque.
Ainsi, sans nier la domination des GMS par divers moyens -comme celui de la
coopération commerciale qui s'assimile à un véritable
chantage au référencement, les promotions de catalogues...- vos
rapporteurs constatent que les industries agro-alimentaires ont cherché
à recentrer leur politique industrielle afin de contourner cette
pression, parfois -il est vrai-, en vain.
B. LE SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE A GLOBALEMENT RÉPONDU AUX ATTENTES DES CONSOMMATEURS
L'alimentation repose sur trois piliers essentiels que sont
la
base nutritionnelle, les habitudes culturelles et les composantes
économiques
(revenu...). La fonction alimentaire vise à
satisfaire le besoin de se nourrir, avec un souci d'hygiène maximum,
à moindre coût, mais aussi tend à répondre à
la recherche du plaisir qu'éprouve le consommateur dans le produit
alimentaire.
Aujourd'hui, la consommation alimentaire représente entre 15 à
18 % du volume des budgets des ménages.
Le secteur agro-alimentaire est parvenu, non seulement à satisfaire la
consommation de masse en produits alimentaires, mais aussi à
répondre -au moins en grande partie- aux attentes des consommateurs en
termes de sécurité, de santé et de qualité.
1. Le pari réussi de la productivité et de la compétitivité
Durant
les années 60-70, le secteur agro-alimentaire est parvenu à
accroître considérablement ses gains de productivité et de
compétitivité. Le développement considérable des
produits alimentaires transformés au détriment des produits non
élaborés tient non seulement à l'évolution du mode
de vie -l'économie de temps dans la préparation des repas,
l'éloignement des consommateurs des lieux de production des biens
alimentaires...- mais aussi à la forte baisse de prix des produits
standardisés et à la hausse globale des revenus. Cette
"
période d'adaptation de l'alimentation aux normes du code de
vie donné par l'urbanisation, l'économie de temps et la
société de consommation
" a pris fin dans les
années 80
7(
*
)
.
Le secteur agro-alimentaire a donc parfaitement suivi le modèle de
développement des " Trente glorieuses " : il s'est
épanoui dans un nouveau paysage alimentaire dont le symbole a
été la consommation " de masse ".
2. La sécurité et la qualité alimentaires : des impératifs non négociables
Si la
production de masse a fait la place à la segmentation des marchés
dans les années 80, la consommation alimentaire a été
marquée, au cours des années 90, par l'émergence de
nouvelles attentes en matière de goût, de fraîcheur, de
sécurité, de santé, et de contenu culturel lié au
terroir et à des savoir-faire spécifiques.
Les carences de la réglementation nationale en matière de
sécurité alimentaire ont été mises en
évidence par notre collègue Claude Huriet
8(
*
)
. Si vos rapporteurs ne souhaitent pas
détailler le processus de sécurité alimentaire en France,
il sera nécessaire d'en présenter brièvement
l'architecture, le rapport de M. Jean-François Mattéi,
député, -"
De la vache folle à la vache
émissaire
" lors de la crise de l'ESB étant
antérieur à la loi de juillet 1998 sur l'organisation de la
sécurité alimentaire en France.
L'alimentation étant aujourd'hui devenue un sujet d'actualité
très " sensible ", le consommateur exige, en la
matière, une sécurité irréprochable.
Vos rapporteurs, à titre liminaire, soulignent que la
sécurité du consommateur, ainsi que la diversité des
produits, n'ont pas été sacrifiées dans le
développement du secteur agro-alimentaire. Comme l'indiquait dans un
article récent M. Jean Glavany, Ministre de l'agriculture et de la
pêche
9(
*
)
,
" les
produits alimentaires sont plus sains, plus sûrs aujourd'hui qu'hier. Et
si des crises se déclenchent, c'est plutôt parce qu'aujourd'hui
les contrôles sont plus efficaces
"
. Rappelons que de
1987 à 1997, les cas de listériose ont été
divisés par trois, passant de 661 à 225, soit 3,8 cas par
millions d'habitants. De plus, entre 1992 et 1997, les intoxications
alimentaires collectives ont touché entre 384 et 478 foyers par an, avec
un nombre de malades de 7.192 à 7.858. Même si ces chiffres sont
sous estimés, ils n'en reflètent pas moins une aggravation de la
situation, surtout si l'on tient compte de l'augmentation des tonnages des
denrées alimentaires fabriquées en circulation et du nombre
croissant de repas pris à l'extérieur.
Cette préoccupation de sécurité ne date pas de la crise de
l'ESB de 1996.
Elle a toujours été un déterminant
essentiel dans la fabrication du produit alimentaire : cependant, depuis
les années 90, elle est devenue la priorité pour les industries
agro-alimentaires
. Un industriel n'a-t-il pas confié au groupe de
travail lors d'un entretien : "
Nous avons aujourd'hui une seule
préoccupation qui devient totalement obsessionnelle : celle de la
sécurité alimentaire ".
Certains estiment que cette
préoccupation du " zéro défaut " dans
l'alimentation n'est pas normale, constatant que le tabac ou même
l'automobile sont des centaines de fois plus dangereux que l'aliment :
vos rapporteurs ne peuvent cautionner une telle logique
. En effet, si
tout un chacun est -ou doit être- conscient des risques encourus en
fumant ou en prenant son véhicule, nul ne s'attend, en 1999, en Europe,
à mettre sa vie en danger par la consommation d'un produit alimentaire,
censé satisfaire un besoin nutritionnel essentiel. Néanmoins, il
faut aussi se garder du raisonnement inverse, totalement excessif, consistant
à
exonérer le consommateur de toute
responsabilité
: ainsi, on sait que le fromage au lait cru
peut, dans certains cas précis, présenter des risques pour des
populations spécifiques (femmes enceintes, personnes
âgées...). Il est donc impératif de prévenir ces
populations en les informant le mieux possible (campagne d'information,
diffusion dans les établissements scolaires et universitaires,
information par les professions médicales et paramédicales...).
Il n'apparaît guère opportun, néanmoins, de condamner
définitivement ce produit pour des dizaines de milliers de
consommateurs !
Ainsi, lors de la dernière crise " du poulet à la
dioxine ", l'honnêteté exige de reconnaître, d'une
part, qu'un accident, et plus probablement une fraude en est à l'origine
et que, d'autre part, aucun cas de contamination humaine n'a pu être
détecté.
Par ailleurs, la France a adapté sa législation en matière
de sécurité sanitaire des produits alimentaires destinés
à l'homme depuis 1998 afin de mettre fin aux dysfonctionnements qui
peuvent survenir dans l'alimentation.
Le nouveau dispositif français en matière de surveillance de la
qualité sanitaire des produits repose, en premier lieu, sur la loi du
1
er
juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire des
produits destinés à l'homme. Ce texte crée une structure
indépendante, l'Agence française de sécurité
sanitaire des aliments (AFSSA) qui constitue dorénavant l'outil national
d'évaluation des risques sanitaires et nutritionnels des aliments. Le
dispositif de veille sanitaire mis en place par la loi comprend, en outre,
l'Institut de Veille sanitaire (IVS), qui remplace l'ancien Réseau
national de Santé Publique (RNSP), et prévoit la coordination de
l'AFSSA, de l'IVS et de l'Agence Française de Sécurité
Sanitaire des Produits de santé, par le Comité National de
Sécurité Sanitaire, présidé par le Ministre de la
santé. En second lieu, la loi d'orientation agricole du 10 juillet 1999
vise notamment à renforcer les contrôles des services de l'Etat
tout au long des filières, et notamment de leur amont et tend à
accroître, en particulier, la cohérence du système
français d'identification officielle de la qualité des
denrées alimentaires (dispositif de biovigilance...).
Vos rapporteurs rappellent que la gestion du risque alimentaire, mission de
service public par excellence, est une prérogative politique qui
relève du pouvoir exécutif, sous contrôle du pouvoir
législatif. Cette mission consiste à mettre en adéquation
les recommandations formulées par les experts chargés de
l'évaluation scientifique des risques, les moyens de toute nature que la
collectivité, les entreprises et les producteurs peuvent consacrer
à la maîtrise des risques, les objectifs en terme de niveau de
sécurité définis par le Gouvernement et à
procéder à une large information du public.
Il appartient, dans ce nouveau contexte, à la Direction
générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture,
en coopération avec les autres administrations concernées par la
sécurité des aliments, de mener à bien cette mission de
service public.
Parallèlement aux contrôles officiels, vos rapporteurs tiennent
à saluer l'important effort accompli par la profession dans le domaine
de la sécurité alimentaire
. La mise en place d'une politique
effective de traçabilité, le développement de guides de
bonnes pratiques hygiéniques validés par les différentes
branches, la prise en compte de la méthode HACCP (hazard analysis
critical control points) introduite par la loi du 19 mai 1998 -méthode
générale qui consiste à décortiquer un processus
alimentaire pour y définir les points clés d'une analyse de
risque et y porter remèdes- ainsi que l'explosion du nombre de sites
certifiés attestent de
la volonté réelle du secteur
agro-alimentaire de parvenir à une sécurité alimentaire
irréprochable, les professionnels étant conscients qu'il est
aujourd'hui impossible de transiger sur un tel impératif
.
Outre cette exigence de sécurité, le consommateur est de plus
en plus attentif à la qualité des produits
. Cet objectif de
qualité ne date pas du début des années 90 puisque,
même durant la période " fordiste " des industries
agro-alimentaires, certains marchés étaient spécifiquement
consacrés aux produits " de qualité ".
Vos
rapporteurs constatent, néanmoins, que si le créneau des produits
haut de gamme s'est élargi, le consommateur attend aujourd'hui,
même sur des produits de base, un minimum de qualité.
Par
exemple, à côté du poulet label dont la production
croît, il est aujourd'hui impensable d'offrir un poulet industriel ne
respectant pas certaines qualités organoleptiques. Les entreprises
agro-alimentaires modifient ainsi leur organisation pour améliorer la
qualité de leurs produits, tout en tentant de réduire leurs
coûts,
le consommateur ayant pris l'habitude de croire que le produit
alimentaire devait être systématiquement bon marché
.
Les industries agro-alimentaires adoptent de plus en plus de normes
certifiées par des organismes extérieurs pour atteindre ces
objectifs
. A titre d'exemple, une entreprise laitière sur deux
bénéficie d'une certification de référence et
30 % sont détentrices de la norme ISO 9001, ISO 9002 ou
EAQF
10(
*
)
. En outre, 61 %
des entreprises agro-alimentaires développent des démarches
" qualité ".
Par ailleurs,
le renforcement du contrôle de la qualité se
manifeste dans l'organisation du travail
; ainsi une entreprise
agro-alimentaire sur deux dispose d'un cadre à plein temps pour cette
tâche en 1997, et une entreprise sur quatre a créé un poste
de contrôle-qualité depuis 1994.
A côté de ces démarches de certification entreprise, qui
attestent de la mise en place d'un système d'assurance qualité
conformément à des normes internationales,
les industries
agro-alimentaires se sont engagées depuis une dizaine d'années
dans la certification-produit comme le label ou la certification de
conformité
: cette orientation est devenue aujourd'hui
essentielle dans les stratégies industrielles de la plupart des IAA. De
plus, la mise en place des labels constitue un bon exemple de politique de
filière, c'est-à-dire d'engagements négociés depuis
le producteur agricole jusqu'au distributeur, visant à la garantie d'une
qualité supérieure, clairement identifiable par le consommateur.
On comptait ainsi en 1998 près de 400 labels.
Ce système de signes de qualité permet de renforcer les
mécanismes de traçabilité qui se sont avérés
décisifs lors de la crise de l'ESB.
Vos rapporteurs constatent ainsi que la qualité est au coeur des
stratégies de développement des entreprises. Ce nouvel
impératif est, d'ailleurs, l'une des clés du succès sur
les marchés européens et internationaux.
C. LE SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE A PRIS EN COMPTE LES DIMENSIONS EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE DES MARCHÉS DE L'ALIMENTATION
Personne
ne s'étonne, aujourd'hui, des records successifs d'excédents de
la balance commerciale agro-alimentaire. Pourtant, le phénomène
n'est apparu qu'au milieu des années 70
11(
*
)
et ne
s'est imposé
durablement qu'à partir de 1979
.
En effet, au début des années 60, la France était
fortement déficitaire dans le secteur agro-alimentaire
,
s'approvisionnant principalement auprès de ses anciennes colonies. La
création du Marché commun a permis une réorientation des
échanges avec nos partenaires. Au plan mondial, la France, depuis le
début des années 90, rivalise avec les Etats-Unis pour la
place de première puissance exportatrice de produits agro-alimentaires.
EVOLUTION DU COMMERCE EXTERIEUR
AGRO-ALIMENTAIRE DE LA
FRANCE
Source : CFCE
1. Un développement européen important stimulé par la Politique Agricole Commune
La
dimension européenne
des marchés de l'agro-alimentaire par
les industries agro-alimentaires est une donnée fondamentale dont on
peut relever d'emblée deux aspects.
En premier lieu,
l'importance du marché européen pour le
commerce extérieur agro-alimentaire de la France
. En 1998,
l'excédent obtenu avec nos partenaires de l'Union européenne
s'est élevé à 45,9 milliards de francs, ce qui
représente 77 % de l'excédent global. Même si ce
volume est en baisse de 4,7 milliards de francs par rapport à 1997
(-9,3 %), le phénomène a bien un caractère structurel.
Il en est de même pour les exportations françaises vers l'Union
européenne et nos importations en provenance de la zone communautaire
puisqu'elles représentent toutes deux plus de 70 % du total.
De 1970 à 1998, les exportations vers la CEE ont
représenté, de manière assez stable, plus des deux tiers
des exportations françaises alors que les importations en provenance de
la CEE ont joué un rôle croissant puisqu'elles sont passées
de moins d'un tiers à plus des deux tiers entre 1970 et 1986.
Néanmoins, il est nécessaire de différencier produits
agricoles et produits des industries agro-alimentaires -même si cette
distinction repose parfois sur des critères discutables. En effet, de
1970 à 1987, si le solde des seuls produits agricoles avec la CEE s'est
constamment amélioré, la situation est quelque peu
différente pour les produits des IAA : le solde extérieur
vis-à-vis de la CEE, après une évolution favorable au
début des années 70, s'est dégradé
continuellement pour devenir négatif au milieu des
années 80. Cette évolution a néanmoins
été inversée dans les années 90, le solde des
produits du secteur agro-alimentaire avec l'Union européenne redevenant
excédentaire.
La part des produits des IAA dans les exportations
agro-alimentaires est d'ailleurs passée de 58,8 % en 1985 à
près de 70 % à la fin des années 90
, ce qui
atteste des efforts de productivité, de compétitivité et
d'expansion accomplis par cette branche industrielle.
En second lieu,
la mise en place de grands groupes alimentaires
français à vocation européenne atteste de l'importance du
marché européen pour les IAA
. Une trentaine de groupes
industriels français figurent parmi les 100 premiers
européens, ce qui fait de notre industrie agro-alimentaire la seconde en
Europe pour le nombre de groupes. Parmi ces industries agro-alimentaires de
taille européenne -voire mondiale- se trouvent Danone, Besnier,
Pernod-Ricard, Fromageries Bel, Bougrain, Roquette, Bonduelle, Entremont,
Soufflet...
PLACE DE LA FRANCE DANS LA LISTE DES 35 PREMIERS GROUPES EUROPÉENS
Groupes |
Activités principales |
Chiffre d'affaires en milliards de dollars |
Rang
européen
|
DANONE |
Multiproduits alimentaires, bières, eaux |
15,15 |
5 ème (11 è ) |
ERIDANIA/
|
Sucre, corps gras, huiles et produits amylacés |
10,89 |
6 (19 è ) |
L.V.M.H |
Vins et spiritueux |
8,22 |
10 (30 è ) |
LACTALIS (BESNIER) |
Produits laitiers |
4,79 |
16 (49 è ) |
PERNOD-RICARD |
Boissons |
3 |
26 (71 è ) |
SODIAAL |
Produits laitiers |
3 |
28 (78 è ) |
Source
: Centre Français du Commerce
Extérieur
Même si ces groupes restent insuffisants tant en nombre qu'en volume de
chiffre d'affaires -la Grande Bretagne compte 12 entreprises parmi les 35
premiers groupes européens-,
vos rapporteurs constatent que le
secteur agro-alimentaire n'a pas échappé, depuis le début
de la décennie, au mouvement de concentration
qu'a connu
l'agro-alimentaire dans le monde entier et qui s'était amorcé
dans les pays anglo-saxons. L'évolution du chiffre d'affaires
consolidé des vingt premiers groupes agro-alimentaires français
met en évidence ce phénomène de concentration.
Depuis une quinzaine d'années, les restructurations sont nombreuses dans
ce secteur d'activité : ainsi, chaque année sont
recensées près de 200 opérations de fusions,
absorptions et prises de participation. En 1998, ces mouvements ont
représenté plus de 30 milliards de francs.
Le développement des industries agro-alimentaires en France, comme
dans les autres pays européens, a tiré profit de la construction
européenne en général et de la Politique Agricole Commune
en particulier.
En effet, l'accroissement vigoureux des volumes produits, la baisse des prix
réels à la production, l'unification tarifaire puis la mise en
place de l'Euro et le démantèlement progressif des entraves
tarifaires aux échanges au sein du marché commun sont autant de
facteurs qui ont contribué à renforcer le secteur de
l'agro-alimentaire.
2. L'internationalisation du secteur agro-alimentaire
Le
développement international des industries agro-alimentaires passe, en
premier lieu, par l'accroissement important des échanges de produits
agro-alimentaires. Au cours des années 90, l'accélération
du phénomène de mondialisation a été nettement
perceptible pour les produits agro-alimentaires, l'indice des exportations
étant passés de 100 à 137 contre 100 à 115 pour la
production mondiale. L'internationalisation se concrétise,
corrélativement, par la multiplication des implantations commerciales et
agro-industrielles françaises à l'étranger
12(
*
)
. En outre, depuis une quinzaine
d'années, le montant des investissements dans le secteur des IAA s'est
considérablement accru, en France comme à l'étranger.
Au début des années 90, de nombreuses revues titraient sur
les prises de contrôle étrangères dans l'industrie
agro-alimentaire française, voire sur "
l'irrésistible
colonisation de l'agro-alimentaire français
13(
*
)
" : face à la
puissance financière des multinationales, de nombreuses entreprises
familiales moyennes ont en effet été rachetées : on
peut ainsi citer Ducros, Flodor, Boursin, Poulain...
La
croissance des acquisitions étrangères ne semble pas avoir
revêtu un simple caractère conjoncturel mais paraît
plutôt tenir à des raisons de fond
. En l'absence de
véritables investisseurs, la taille devenant une nécessité
sur certains marchés, la productivité de l'agriculture
française, son savoir-faire, les équipements modernes dans
l'industrie alimentaire, ses possibilités d'exportation en Europe, son
ingénierie vis-à-vis des pays en développement et enfin la
suppression progressive des entraves aux échanges
ont expliqué
et expliquent sans doute encore que les disponibilités
financières des principaux groupes étrangers se soient
portées sur la France
.
Ces opérations, qui s'élèvent chaque année à
plus d'un milliard d'euros (6,67 milliards de francs), sont parfois
à l'origine de certaines situations difficiles dues aux restructurations
qu'elles impliquent. Elles ont permis, néanmoins, à un grand
nombre d'industries agro-alimentaires françaises, en leur offrant la
capacité d'atteindre une taille critique pour être
présentes sur les marchés européens et internationaux, de
se développer.
Les implantations hors territoire métropolitain des industriels
français étaient assez peu courantes avant 1970. Celles-ci
existaient en Amérique Latine et dans les anciens pays de l'Union
Française.
Entre 1975 et 1980, des enquêtes ont montré
une multiplication par trois environ de la présence française
à l'étranger
.
En 1998, le total des investissements français dans les pays de l'OCDE,
pour le secteur agro-alimentaire a dépassé les 1,72 milliard
d'euros (11 milliards de francs) : en Europe ce chiffre a atteint
1,31 milliard d'euros (8,6 milliards de francs).
Danone est traditionnellement le principal investisseur français
à l'étranger, ce qui correspond à la stratégie de
redéploiement sur les principaux métiers de ce groupe :
produits laitiers frais, eaux minérales et biscuits, le tout en
priorité en direction des pays émergents d'Asie du Sud-Est et
d'Amérique Latine. Cette stratégie est suivie, à une
moindre échelle, par d'autres groupes comme Bongrain et Bel pour les
fromages et Pernod-Ricard dans les vins et spiritueux.
Avec 10 % du commerce mondial, la France est aujourd'hui le premier
exportateur mondial de produits agro-alimentaires transformés :
le secteur agro-alimentaire français a donc profité pleinement
de ses atouts
(abondance, variété, qualité...)
pour
faire face au développement des nouveaux marchés alimentaires
transformés au niveau mondial
, tout en évoluant dans un
contexte de libéralisation accrue des échanges depuis 1995.
LES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS EN FRANCE
En millions de francs |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Investissements |
1.370 |
9.663 |
5.357 |
6.673 |
Désinvestissements |
1.592 |
9.757 |
2.529 |
5.311 |
Solde |
- 222 |
- 94 |
2.828 |
1.362 |
LES INVESTISSEMENTS FRANÇAIS À L'ÉTRANGER
En millions de francs |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Investissements |
9.364 |
18.002 |
16.771 |
15.086 |
Désinvestissements |
5.252 |
9.393 |
9.181 |
11.614 |
Solde |
4.112 |
8.609 |
7.590 |
3.472 |
Source : Ministère de l'agriculture et de la pêche