B. UN DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF
Idée ancienne et soutenue par le Général de Gaulle, l'actionnariat salarié ne s'est pourtant développé que lentement dans notre pays, son essor étant bien plus lent que celui des autres formes de participation financière, malgré le " coup de fouet " de 1986.
1. Les étapes du développement de l'actionnariat salarié en France
Il est
possible de distinguer trois phases distinctes dans la mise en place d'une
législation en faveur du développement de l'actionnariat
salarié :
- une phase initiale dans le cadre de la participation financière
(1959-1970) ;
- des tentatives de relance (1970-1986) ;
- l'amorce d'un nouvel essor depuis les privatisations
(1986-1994).
a) La phase initiale (1959-1970)
•
L'ordonnance n° 59-126 du 7 janvier 1959 tendant à
favoriser l'association ou l'intéressement des travailleurs à la
marché de l'entreprise.
L'ordonnance de 1959 a été le premier texte législatif
à instituer une formule de participation financière. Il
prévoit la possibilité, par voie d'accord collectif, d'associer
les salariés aux résultats de l'entreprise, les sommes
distribuées aux salariés étant exonérées de
charges sociales.
A l'origine, l'ordonnance de 1959 prévoyait une modalité
particulière d'intéressement : la participation au capital.
Elle instaurait en effet la possibilité d'une distribution gratuite
d'actions à la suite d'une incorporation des bénéfices au
capital aboutissant à la création de nouveaux titres. Il
s'agissait là d'une première formule favorisant l'actionnariat
des salariés.
L'ordonnance du 21 octobre 1986 a néanmoins supprimé cet
intéressement au capital.
•
L'ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 relative
à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des
entreprises
Obligatoire pour les entreprises de plus de 100 salariés (de plus de 50
depuis 1990), ce régime ouvre aux salariés un véritable
droit sur les bénéfices dégagés au cours de
l'exercice. Ces entreprises doivent en effet faire bénéficier
leur personnel d'une " participation aux résultats ", les
sommes ainsi distribuées étant cependant bloquées pendant
cinq ans.
En cas d'accord, l'ordonnance prévoyait quatre formules d'emploi de la
réserve spéciale de participation et notamment l'attribution
d'actions de la société, ces actions provenant soit d'une
incorporation des réserves au capital, soit d'un rachat préalable
de ses actions par l'entreprise.
Cette formule permettait donc, au travers de la participation aux
résultats, aux salariés qui participent aux résultats de
leur entreprise de devenir associé de celle-ci et de posséder une
partie de son patrimoine.
•
L'ordonnance n° 67-694 du 17 août 1967
créant les plans d'épargne d'entreprise
Facultatifs, les plans d'épargne d'entreprise (PEE) permettaient de
collecter l'épargne salariale en l'assortissant d'un régime
fiscal favorable. L'ordonnance prévoyait expressément que
l'épargne salariale placée sur les PEE pouvait être
affectée à l'acquisition d'actions de l'entreprise.
b) Les tentatives de relance spécifique de l'actionnariat salarié (1970-1986)
Si la
mise en place de régimes d'actionnariat salarié s'est
initialement réalisée dans le cadre des mécanismes de
participation financière institués par le Général
de Gaulle, on assiste à partir de 1970 à une relance plus
spécifique du seul actionnariat salarié.
Cette relance a pris deux formes bien distinctes :
- l'instauration d'un actionnariat dans les entreprises publiques ;
- le développement des formules d'actionnariat dans les
sociétés privées.
Dans le
secteur public
, cette tentation de relance de l'actionnariat
s'est essentiellement traduite par des distributions gratuites d'actions. On
rappellera pour mémoire les principaux dispositifs.
La
loi n° 70-11 du 2 janvier 1970
a mis en place un
système d'actionnariat à la
Régie nationale des usines
Renault
. Un capital a été constitué qui a fait l'objet
de distributions gratuites d'actions au personnel selon un système de
" points " tenant compte de l'ancienneté (cinq années
au moins) et des responsabilités.
La
loi n° 73-8 du 4 janvier 1973
relative à la mise
en oeuvre de l'actionnariat du personnel dans les banques nationales et les
entreprises nationales d'assurance
prolonge l'expérience
tentée à la Régie Renault en l'élargissant. Alors
que les actions " Renault " n'étaient cessibles qu'à
l'Etat, à la Régie, à un fonds spécial et aux
membres du personnel, les titres cédés gratuitement au personnel
des banques et sociétés d'assurances nationales peuvent venir
à terme sur le marché financier et être acquis par certains
opérateurs. Le capital distribué dans ce cadre représente
environ 5 % du capital social. Deux cessions onéreuses ont
été réalisées au cours des deux exercices 1973 et
1974. Dans les sociétés d'assurances, ces cessions atteignent
environ 1 % du capital.
La
loi n° 73-9 du 4 janvier 1973
instituant l'actionnariat du
personnel pour les deux sociétés SNIAS (société
nationale industrielle aérospatiale) et SNECMA (société
nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation) a
prévu une attribution gratuite d'actions au personnel ainsi que la
participation des salariés aux fruits de l'expansion, qui peut
être réalisée par l'attribution d'actions ou de coupures
d'actions des sociétés. L'Etat doit cependant détenir, en
tout état de cause, une part du capital de ces entreprises, qui ne peut
être inférieure aux deux tiers.
Dans le
secteur privé
, plusieurs lois ont cherché à
relancer l'actionnariat salarié hors du cadre exclusif de la
participation financière. Ces différentes lois répondent
à des objectifs cependant différents. Trois d'entre elles visent
à mieux assurer l'association de l'ensemble des salariés au
capital de leur entreprise et s'intègrent donc dans la logique de la
participation au capital. Deux autres cherchent à répondre
à des objectifs plus spécifiques : la loi de 1970 sur les
plans d'options sur actions et la loi de 1984 sur le rachat d'entreprise par
ses salariés.
•
La loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970
relative aux options de souscription ou rachat d'actions au
bénéfice du personnel des sociétés
a
institué les
plans d'options sur actions
.
Directement inspiré du " stock-option plan " anglo-saxon, les
plans d'options sur actions constituent une forme mixte d'intéressement
et de participation au capital, dans laquelle l'entreprise consent à son
personnel le droit d'acquérir ses propres actions à des
conditions privilégiées.
Les plans d'options sur actions reposent sur le principe suivant : une
société peut décider d'offrir à ses salariés
la possibilité d'acquérir -sur une période qu'elle
détermine- ses actions à un prix fixé et constant sur
toute la période. Les salariés bénéficiaires
peuvent acquérir les actions en levant des options qui leur sont
consenties individuellement lorsqu'ils constatent que la valeur de l'action est
supérieure au prix de l'offre. L'intérêt de ce
mécanisme reposait sur l'existence d'un véritable gain en capital
et sur des avantages fiscaux importants.
•
La loi n° 73-1196 du 27 décembre 1973 relative
à la souscription d'actions de sociétés par leurs
salariés
a institué les "
plans
d'actionnariat
". Cette loi permet aux entreprises de réserver
des augmentations de capital à l'ensemble de leurs salariés ou de
proposer à ces derniers l'achat en bourse de leurs propres actions. Les
titres ainsi acquis sont obligatoirement nominatifs et restent, sauf exception,
incessibles pendant cinq ans. Ces acquisitions se font soit à titre
individuel, soit par l'intermédiaire d'un fonds commun de placement
d'entreprise. Ces plans d'actionnariat se veulent incitatifs tant pour le
salarié (décote de 10 % sur le prix d'acquisition ou de
souscription, possibilité d'abondement de l'entreprise,
exonération d'impôt sur le revenu dans un certain plafond) que
pour l'entreprise (déductibilité fiscale de l'abondement à
hauteur de 3.000 francs par salarié et par an, exonération de
cotisations sociales pour l'abondement et le rabais).
•
La loi n° 76-1232 du 29 décembre 1976
(loi de finances pour 1977) institue, dans son article 13, la
possibilité d'un
don manuel d'actions
entre les
propriétaires de l'entreprise et les salariés. Ce système
d'actionnariat salarié, qui visait avant tout à favoriser la
transmission de l'entreprise aux salariés, restait subordonné
à un agrément du ministère de l'économie et des
finances. Il bénéficiait alors, pour le calcul des droits de
succession, d'un abattement de 10.000 francs (100.000 francs depuis la loi de
finances pour 1989).
•
La loi n° 80-834 du 24 octobre 1980 relative
à distribution d'actions en faveur des salariés des entreprises
industrielles et commerciales
visait à inciter les
sociétés à
distribuer gratuitement des actions à
leur personnel à hauteur de 3 % de leur capital
. Il s'agissait
d'un système à la fois unique et facultatif. Unique car la
distribution était organisée dans des conditions qui ne se
renouvelleraient pas. Facultatif car elle laissait aux entreprises la
liberté d'y recourir. La spécificité de cette loi tenait
notamment dans les incitations mises en place. Ainsi, les entreprises qui
avaient décidé de distribuer gratuitement des actions se voyaient
attribuer une créance sur l'Etat égale à 65 % de la
valeur des actions, créance portant intérêt et remboursable
en 10 annuités constantes.
•
La loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 sur le
développement de l'initiative économique
institue la
reprise de l'entreprise par ses salariés (RES)
. Cette loi
introduit en France la technique du LMBO (" Leverage Management Buy
Out ") en l'assortissant de fortes incitations fiscales. Elle permet aux
salariés de réaliser le rachat de leur entreprise par
l'intermédiaire d'une société holding créée
à cette fin dont ils deviennent les actionnaires.
Au-delà de ces divers dispositifs législatifs, le Parlement a
également formulé différentes propositions de loi
approfondissant l'actionnariat des salariés. La plus symptomatique de
l'intérêt du Parlement sur ce sujet est sans doute la
proposition de loi créant les sociétés d'actionnariat
salarié
, rapportée au Sénat par votre rapporteur et
discutée en 1980. Cette proposition de loi
4(
*
)
, qui n'a jamais été
définitivement adoptée, visait à associer les
salariés et les apporteurs de capitaux dans les
" sociétés de matière grise " en instituant une
nouvelle forme de partage de la valeur ajoutée : les
salariés et les apporteurs de capitaux se répartissent
paritairement les bénéfices sous forme d'actions nouvelles
après versement d'un dividende préciputaire aux actionnaires.
La société d'actionnariat salarié 5( * )
1. Les
objectifs de la proposition de loi
" La société d'actionnariat salarié, formule
idéale ? Peut-être moins idéale et plus
aisément réalisable qu'il n'y paraît. Le caractère
facultatif de la transformation en société d'actionnariat
salarié conduit en effet à se poser des questions sur le
succès d'une telle formule. Dans quel domaine ce système
s'appliquerait-il le mieux ? Pourquoi ? Dans quelles conditions ?
" Il est un domaine d'activité dans lequel ce type de
sociétés serait extrêmement intéressant, aussi bien
pour les apporteurs de capitaux que pour les salariés, c'est celui des
sociétés à fort pourcentage de " matière
grise " ; les sociétés financières d'innovation
telles qu'elles sont définies par la loi n° 72-650 du 11
juillet 1972, les sociétés de services en informatique, les
sociétés de services aux collectivités locales, les
bureaux d'études, l'ingénierie, etc. Cependant, à
l'intérieur de ces sociétés, diverses prestations peuvent
être distinguées : les prestations de haut niveau, celles qui
inventent, qui innovent véritablement et celles qui relèvent du
travail à façon (en informatique), des services classiques qui ne
font que répéter des tâches antérieures. Les
premières seules, génératrices d'innovation, peut
être associées au capital dans le système juridique de la
société d'actionnariat salarié, car elles constituent par
elles-mêmes un véritable " capital-travail ".
" Il semble probable, dans ces conditions, qu'un des critères
à retenir pour déterminer ces prestations de haut niveau est le
traitement élevé versé aux intéressés.
" La société d'actionnariat salarié est une bonne
formule pour ces sociétés dans lesquelles
généralement les investissements sont faibles et qui disposent de
simples fonds de roulement pour faire vivre une équipe de recherche
jusqu'au moment où celle-ci peut " se rentabiliser " et
s'autofinancer. Or, les capitaux répugnent à s'investir dans des
sociétés sans gros outillage, sans immeubles pouvant servir de
gages. Les sociétés manquant de capitaux sont fragiles et
vulnérables. La France a beau avoir la deuxième industrie
mondiale de service informatique (Software), même dans de ce secteur, il
est fréquent que les petites entreprises disparaissent.
" Quant aux sociétés industrielles, d'une manière
générale, ce système pourrait, à travers la
création de filiales, sous cette nouvelle forme juridique, régler
leurs problèmes de recherche et celui des brevets déposés
dans le cadre de l'entreprise alors que l'invention vient du salarié. La
société d'actionnariat salarié, en intéressant le
personnel aux résultats de l'affaire, permettra de le fixer dans la
société. Il est à noter ici que le sort de ce genre de
société dépend souvent du départ de quelques
personnes et que la société d'actionnariat salarié est une
solution fort satisfaisante à ce problème : par
l'augmentation de revenus qui en résulte pour les salariés, par
l'assurance de garder leur personnel pour les actionnaires. "
2. Le contenu de la proposition de loi
" Il vise à associer les travailleurs et les apporteurs de capitaux
qui se répartissent paritairement les bénéfices sous forme
d'actions nouvelles après versement d'un dividende préciputaire
aux actionnaires.
" Cette formule réalise en quelque sorte une association
idéale du capital et du travail car elle organise une forme de
répartition du profit qui consacre les droits des salariés sans
léser les apporteurs de capitaux.
" Ces derniers sont rémunérés par un dividende
préciputaire. Le reste est distribué de façon
égale, entre les salariés et les actionnaires, en actions
nouvelles qui résultent d'incorporations automatiques au capital.
L'intérêt de cette opération pour les salariés est
de voir la part d'actions qui leur est distribuée croître à
chaque exercice et de pouvoir ainsi prétendre à une fraction sans
cesse accrue du dividende distribué.
" En revanche, les pouvoirs de décision des travailleurs sont peu
importants dans ce type de société. Ils sont réduits
à ceux des actionnaires que tout salarié de société
d'actionnariat salarié devient nécessairement. Il faut cependant
signaler la création d'un " fonds d'actionnariat
salarié " qui gère les droits acquis sur le capital par les
salariés et les représente pour toutes les décisions
collectives. Toutefois, ce mode de représentation ne dure que le temps
d'indisponibilité des titres distribués.
" Le texte prévoit aussi des avantages tendant à favoriser
la transformation de sociétés existantes en
sociétés d'actionnariat salarié. La plus importante
d'entre elles est la réévaluation périodique des actifs
qui est une mesure très exceptionnelle et intéressante pour les
entreprises. "
c) L'amorce d'un nouvel essor avec les privatisations (1986-1994)
Malgré la multiplication des dispositifs d'actionnariat
salarié dans les années 1970, celui-ci a tardé à se
développer en France. C'est pourquoi à partir de 1986, on a
cherché à le relancer au travers des privatisations et du
reformatage des systèmes d'épargne salariale.
•
le rôle central des privatisations
Parmi leurs différents objectifs, les privatisations visaient notamment
à inciter les salariés des entreprises publiques
privatisées à devenir actionnaires de leur entreprise. Dans cette
perspective, la
loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative
aux modalités des privatisations
avait prévu des dispositions
spécifiques fortement incitatives :
- 10 % du montant des titres mis sur le marché sont
réservés aux salariés (
article 11
) ;
- ceux-ci bénéficient d'un rabais pouvant atteindre 20 % du
prix de l'action, mais les titres ainsi acquis ne peuvent être
cédés avant deux ans (
article 11
) ;
- des délais de paiement peuvent être accordés aux
salariés (
article 11
) ;
- la possibilité de distribution d'actions gratuites aux salariés
est également prévue (
article 12
).
Ces dispositions sont toujours en vigueur.
•
l'approfondissement des dispositifs de participation
L'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à
l'intéressement et à la participation des salariés aux
résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des
salariés
a profondément rénové le cadre
législatif de la participation financière et de l'actionnariat
salarié. Il comporte notamment des dispositions visant à faire
des plans d'épargne entreprise (PEE) institués par l'ordonnance
du 17 août 1967 de véritables plans d'actionnariat.
Les PEE
Système facultatif d'épargne collectif, le PEE
permet
aux salariés qui le souhaitent (sous réserve d'une
ancienneté minimum qui ne peut excéder 6 mois), avec l'aide de
leur entreprise, de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières.
Les PEE sont régis par les articles L. 443-1 à L. 443-9 du code
du travail.
Le PEE est mis en place à l'initiative de l'employeur soit par
décision unilatérale, soit par accord négocié
conclu selon l'une des 4 procédures prévues pour les accords de
participation.
Contrairement à l'intéressement et à la participation qui
visent à distribuer un supplément de revenus aux salariés,
le PEE est une simple
structure d'accueil
de l'épargne
salariale
provenant de quatre sources :
- les sommes versées au titre de l'intéressement, par
décision individuelle du salarié ;
- les sommes attribuées au titre de la participation, soit en
application de l'accord de participation, soit par décision individuelle
du salarié ;
- les versements volontaires du salarié, qui ne peuvent
excéder un quart de sa rémunération annuelle ;
- les versements complémentaires de l'entreprise (ou
" abondement " qui sont limitées à 15.000 francs par an
et par salarié (ou 22.500 francs si les versements au salarié
servent à acquérir des actions ou des certificats
d'investissement émis par l'entreprise), sans pouvoir excéder le
triple de la contribution du bénéficiaire.
Les retraités et les préretraités peuvent continuer
à faire des versements sur le PEE. En revanche, les salariés qui
ont quitté l'entreprise pour une autre raison ne le peuvent plus, mais
peuvent y maintenir les sommes antérieurement placées.
Les fonds recueillis par le PEE
sont bloqués pendant un minimum de 5
ans
(sauf cas de déblocage anticipé identiques à ceux
reconnus pour la participation).
Ces fonds peuvent être consacrés à l'acquisition :
- de titre de SICAV ;
- de parts de fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) investis ou
non en titres de l'entreprise ;
- d'actions émises par les sociétés
créées par les salariés en vue d'une RES ;
- de titres émis par l'entreprise (actions, certificats
d'investissement, obligations et autres titres de créances), sans
obligation d'instituer un FCPE.
Le PEE est régi par un règlement qui en définit le
fonctionnement. Il n'est soumis à aucune obligation de
déclaration extérieure. Sa durée peut être
limitée en indéterminé. Les frais de tenue de compte
restent à la charge de l'entreprise.
La mise en place d'un PEE permet aux entreprises et aux salariés de
bénéficier d'un certain nombre
d'avantages fiscaux et
sociaux
:
- pour l'entreprise, les versements effectués sont
déductibles de l'assiette de l'impôt sur les
sociétés et exonérés de la taxe sur les salaires et
de charges sociales ;
- pour le salarié, les sommes versées sur le PEE sont
exonérées d'impôt sur le revenu (à l'exception des
versements volontaires) et de cotisations sociales. Les produits des sommes
versées sur le PEE sont exonérés d'impôt sur le
revenu s'ils sont réinvestis, mais supportent la CSG et la CRDS à
la sortie.
L'ordonnance du 21 octobre 1986 a introduit deux innovations en faveur de
l'actionnariat salarié.
D'une part, on assortissant les sommes investies dans le PEE d'un régime
fiscal et social favorable, elle a encouragé le développement de
l'épargne salariale et notamment celle investie en action de
l'entreprise.
D'autre part, elle a prévu, dans son article 25, un régime
spécifique d'augmentation de capital réservée aux
salariés adhérant au PEE. Dans ce cas, les salariés
peuvent bénéficier d'une décote maximale de 20 % sur le
prix de référence du titre, avantage qui s'ajoute aux avantages
fiscaux et sociaux du PEE.
Parallèlement,
l'ordonnance n° 86-1135 du 21 octobre 1986
modifiant la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les
sociétés afin d'offrir aux sociétés anonymes la
faculté d'introduire dans leurs statuts des dispositions
prévoyant que les représentants du personnel salarié
siégeront avec voix délibérative au sein du conseil
d'administration ou du conseil de surveillance
a cherché à
mieux associer les salariés à la gestion de leur entreprise.
Jusqu'en 1986, la loi du 24 juillet 1966 avait cherché à
favoriser l'entrée des salariés parmi les administrateurs ou les
membres du conseil de surveillance de la société, mais
très peu d'administrateurs salariés avaient ainsi
été désignés.
L'ordonnance du 21 octobre a voulu aller plus loin. Elle a prévu la
possibilité d'introduire dans les statuts de la société
une clause permettant la désignation d'administrateurs ou de membres du
conseil de surveillance élus par le personnel salarié. Seuls
peuvent ainsi être élus les salariés qui ont au moins deux
ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui sont présentés
soit par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l'entreprise,
soit par 5 % au moins des salariés ou 100 d'entre eux lorsque les
effectifs dépassent 2.000 salariés.
La loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de
placement collectif en valeurs mobilières et portant création des
fonds communs de créance
a, à son tour, modifié le
cadre de gestion de l'épargne salariale.
Les fonds communs de placements d'entreprise (FCPE) existent depuis 1968,
l'ordonnance n° 67-694 du 17 août 1967 relative aux plans
d'épargne d'entreprise ayant prévu la possibilité de
recourir à ce mode de gestion pour le placement des sommes issues de la
participation ou recueillies sur le PEE. Les fonds communs de placement
" généralistes ", non exclusivement destinés
à la gestion de l'épargne salariale, ne furent
créés qu'en 1979. Aussi, la loi du 23 décembre 1988 a
cherché à harmoniser la réglementation applicable aux FCPE
et aux FCP. Votre rapporteur constate néanmoins que ce rapprochement
s'est en pratique traduit par une " banalisation " de
l'épargne salariale. Il n'a en effet permis ni une amélioration
de la sécurité dans la gestion des fonds, ni un
développement de l'épargne salariale, tout en devenant souvent
une source de complexité supplémentaire pour les entreprises.
Il n'en reste pas moins que les FCPE constituent aujourd'hui la forme
principale de gestion de l'épargne salariale et de l'actionnariat
salarié.
Les fonds communs de placement d'entreprise
Les FCPE
constituent la forme principale de gestion des sommes placées sur les
PEE.
Les FCPE sont une catégorie particulière de fonds communs de
placement, qui sont réservés aux salariés des entreprises.
Ils sont des copropriétés de valeurs mobilières, sans
personnalité morale, dont les parts sont émises et
rachetées, à la demande des porteurs, sur la base d'une valeur
liquidative. Les parts émises expriment des droits des
copropriétaires, chaque part étant obligatoirement nominative et
correspondant à une fraction des actifs compris dans le fonds. Les fonds
sont gérés par des sociétés de gestion
spécialisées et le portefeuille est conservé par un
dépositaire.
Les FCPE sont créés, à l'initiative de l'entreprise,
conjointement par une société de gestion et un
établissement dépositaire.
Le code du travail prévoit, dans ses articles L. 442-5 et L. 443-3, que
les FCPE sont habilités à recevoir les sommes issues de la
participation aux résultats et celles placées sur un PEE. En
1997, 64 % de la réserve spéciale de participation était
investie en parts de FCPE, tandis que les sommes recueillies par le PEE
étaient en quasi-totalité investies en parts de FCPE.
Néanmoins, lorsque l'épargne salariale placée sur le PEE
est investie en actions de l'entreprise, l'institution d'un FCPE n'est pas
obligatoire.
La loi du 23 décembre 1988 distingue
deux types de FCPE
:
- les FCPE " diversifiés " qui sont constitués en vue
de gérer les sommes investies par les salariés, soit dans le
cadre de la participation, soit dans le cadre du PEE, ainsi que les sommes
investies dans le cadre de l'émission ou de l'achat en bourse d'actions
de la société réservées aux salariés
(
article 20
) ;
- les FCPE " actionnariat " dont le portefeuille est exclusivement
constitué de titres émis par la société (
article
21
).
En pratique, les FCPE " article 20 " sont, de loin, les plus
nombreux, même si une importante proportion d'entre eux est investie
prioritairement en titres de l'entreprise (c'est le cas pour 47 % des FCPE
créés en 1998).
Au 31 décembre 1998, il existait 3.610 FCPE
. Parmi ces FCPE,
3.198 étaient réservés aux salariés d'une seule
entreprise et 412 étaient des fonds " multi-entreprises ",
ouverts à toute entreprise souhaitant y adhérer et recevant en
conséquence les avoirs de salariés de différentes
sociétés.
A cette date,
l'encours global
des FCPE atteignait 231,8 milliards de
francs. Cet encours se répartissait ainsi :
- actions de l'entreprise 88 milliards de francs
- obligations de l'entreprise 13,7 milliards de francs
- actions diversifiées 32 milliards de francs
- obligations diversifiées 33 milliards de francs
- part d'autres OPCVM 48 milliards de francs
- autres produits 16,7 milliards de francs
La constitution d'un FCPE est soumise à
l'agrément de la
commission des opérations de bourse
(COB), la COB ayant
publié le 3 février 1998 une nouvelle instruction relative aux
FCPE prévoyant notamment l'instauration d'une notice d'information
simplifiée destinée à devenir le support d'information
obligatoire des FCPE.
Les règles de fonctionnement du FCPE sont définies dans un
règlement
, établi par la société de gestion
et l'établissement dépositaire. Ce règlement
précise notamment l'orientation de la gestion du fonds, les
modalités de souscription et de rachat des parts, les frais de gestion
et les commissions perçues lors de la souscription et du rachat des
parts, les modalités et la périodicité du calcul de la
valeur liquidative, la nature et la fréquence des informations à
fournir aux porteurs de parts et la composition et les pouvoirs du conseil de
surveillance.
Le FCPE doit avoir un
conseil de surveillance
.
Ce conseil est composé :
- dans les FCPE " article 20 " pour moitié au moins de
salariés porteurs de parts, les autres membres étant des
représentants de l'entreprise ;
- dans les FCPE " article 21 " exclusivement de salariés
porteurs de parts.
Le conseil de surveillance, qui se réunit au moins une fois par an,
exerce 5 missions principales :
- il fixe les grandes orientations de gestion du fonds,
- il assure le contrôle de la gestion du fonds (et donc de la
société de gestion et de l'établissement
dépositaire),
- il examine le rapport annuel de gestion,
- il approuve les modifications apportées au règlement du fonds,
- il peut exercer, pour les FCPE " article 20 ", les droits de vote
attachés aux titres.
La
loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à
l'amélioration de la participation des salariés dans
l'entreprise
a poursuivi ce mouvement
6(
*
)
.
D'abord, elle a cherché à rendre les PEE plus attractifs,
notamment en relevant le plafond de l'abondement versé par l'entreprise.
Ensuite, elle a introduit diverses dispositions visant à assortir le
développement de l'actionnariat salarié d'un certain nombre de
garanties pour les salariés. Ainsi, il est notamment prévu :
- la publication de la part du capital détenu par les
salariés dans le rapport annuel de l'entreprise ;
- la mise en place d'un " rendez-vous obligatoire "
destiné à favoriser la représentation des salariés
dans les organes dirigeants de l'entreprise. Il est ainsi prévu que
lorsque la part du capital détenu par les salariés atteint 5 %,
une assemblée générale extraordinaire est convoquée
pour se prononcer sur l'introduction d'une clause dans les statuts
prévoyant la présence d'un ou deux représentants des
actionnaires salariés parmi les membres du conseil d'administration ou
du conseil de surveillance ;
- la possibilité pour les membres du conseil de surveillance
représentant les salariés actionnaires (notamment dans les FCPE)
d'effectuer un stage de formation économique de cinq jours ;
- la création du Conseil supérieur de la participation,
organisme ayant pour mission d'étudier les différents
systèmes de participation (dont l'actionnariat salarié) et de
formuler des recommandations pour favoriser leur développement.