B. LES 28 PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Compte
tenu du constat établi dans le présent rapport -le
développement de l'actionnariat salarié est souhaitable, mais
reste insuffisant- votre rapporteur a tenu à exposer les principales
pistes de réflexion et les mesures concrètes susceptibles, selon
lui, d'accompagner le développement de l'actionnariat salarié.
Ces mesures sont de natures différentes : certaines sont d'ordre
législatif, d'autres relèvent du domaine réglementaire,
les dernières ne concernent que le comportement des acteurs de
l'actionnariat salarié (entreprises et salariés).
Ces 28 propositions, nombreuses mais pour la plupart modestes et praticables,
reposent sur une idée centrale.
Ce n'est pas en instaurant par la loi
de nouvelles obligations et de nouvelles contraintes que l'actionnariat
salarié se développera
. Bien au contraire, il est
nécessaire que l'actionnariat reste une démarche volontaire et
définie dans le cadre de la négociation collective. C'est
pourquoi
ces propositions sont avant tout incitatives
. Elles visent
à accompagner le développement de l'actionnariat, à lever
les obstacles existants et à créer un contexte favorable à
une réelle association du travail et du capital.
Ces propositions répondent à une certaine conception de
l'actionnariat salarié, qui doit, selon votre rapporteur, s'inscrire
dans le
respect de
cinq principes
:
- il importe d'abord de
favoriser le développement de
l'actionnariat
dans le cadre contractuel, celui-ci permettant de mettre un
terme à l'affrontement stérile entre le capital et le travail et
de réaliser une association effective dans le contexte de la
mondialisation qui rend cette association d'autant plus nécessaire ;
- l'actionnariat salarié doit aussi être stable et durable.
Sa vocation n'est pas d'être un placement spéculatif. Il doit donc
être
fidélisé
;
- l'actionnariat salarié ne sera efficace que s'il est
organisé
. Un actionnariat exercé individuellement ne
pèse rien et ne permet pas aux salariés actionnaires d'influer
directement sur les décisions les plus importantes de l'entreprise.
Aussi cette organisation doit s'inscrire dans une démarche collective
tant au moment de sa mise en oeuvre qu'à celui de sa pratique. En ce
sens, loin d'être opposée à l'actionnariat, la
négociation collective devient une dimension essentielle de
l'actionnariat salarié ;
- l'actionnariat salarié doit se traduire par une
participation
réelle du salarié aux décisions
, et surtout aux
décisions les plus importantes qui engagent le destin de
l'entreprise ;
- l'actionnariat salarié doit être
adapté
aux
besoins des entreprises. Il ne s'agit alors pas d'imposer un modèle
unique d'actionnariat, mais d'ouvrir des voies différentes et souples
permettant aux entreprises et aux salariés de trouver un mode
d'actionnariat adapté à leurs spécificités.
Ces propositions s'articulent autour de six grands axes.
1. Améliorer l'information disponible sur l'actionnariat salarié
Force
est de constater les lacunes actuelles de l'information disponible sur
l'actionnariat salarié. Ces lacunes concernent aussi bien l'information
agrégée que celle concernant ponctuellement l'entreprise.
Au niveau agrégé, en l'absence d'indicateur statistique de
l'actionnariat salarié, il n'existe que trois sources disparates,
tardives et incomplètes d'information (DARES, COB, INSEE) qui ne
permettent d'apprécier qu'imparfaitement le phénomène.
A l'échelle de l'entreprise, nombreuses sont encore les
sociétés qui ne communiquent pas la part de leur capital
détenu par leurs salariés.
Votre rapporteur propose donc deux pistes pour améliorer cette
information.
a) Renforcer le rôle du Conseil supérieur de la participation
Le Conseil supérieur de la participation a été créé par l'article 27 de la loi du 25 juillet 1994. Ce conseil a un triple objectif : centraliser l'information disponible, apporter un concours aux entreprises, être une force de proposition.
Le
Conseil supérieur de la participation
(article L. 442-2 du
code du travail)
"
Art. L. 444-2
. - Il est institué un
Conseil
supérieur de la participation. Ce conseil a pour missions :
" - d'observer les conditions de mise en oeuvre de la
participation ;
" - de contribuer à la connaissance statistique de la
participation ;
" - de rassembler l'ensemble des informations disponibles sur les
modalités d'application de la participation dans les entreprises et de
les mettre à la disposition des salariés et des entreprises qui
en font la demande ;
" - d'apporter son concours aux initiatives prises dans les
entreprises pour développer la participation à la gestion et la
participation financière des salariés ;
" - de formuler des recommandations de nature à favoriser le
développement de la participation et à renforcer les moyens d'une
meilleure connaissance des pratiques de participation.
" Le Conseil supérieur de la participation établit chaque
année un rapport sur l'intéressement, la participation des
salariés aux résultats de l'entreprise, les plans
d'épargne d'entreprise et sur les négociations salariales dans
les entreprises ayant conclu des accords d'intéressement. Ce rapport est
remis au Premier ministre et au Parlement. Il est rendu public.
" Un décret en Conseil d'Etat détermine la composition et
les modalités de fonctionnement du conseil institué au
présent article, dans des conditions de nature à assurer son
indépendance et sa représentativité et à garantir
la qualité de ses travaux ".
Or, à l'heure actuelle, le Conseil, présidé par le
ministre chargé du travail, n'est pas en mesure de remplir pleinement
son rôle d'information
:
- d'une part, il est essentiellement alimenté en informations
statistiques par la DARES (qui dépend du ministère de l'emploi),
les services relevant du ministre chargé du travail assurant son
secrétariat, et n'a un accès que très limité aux
informations de la COB et de l'INSEE ;
- d'autre part, alors que l'article R. 444-2-5 du code du travail
précise que "
le Conseil supérieur de la participation se
réunit au moins deux fois par an sur convocation de son président
ou à la demande de la majorité de ses membres
", le
Conseil n'a pas été réuni depuis décembre 1997.
Pour renforcer le rôle du Conseil supérieur de la participation,
en lui permettant enfin de jouer son rôle prévu par la loi qui est
"
d'observer les conditions de mise en oeuvre de la
participation
" et "
de contribuer à la connaissance
statistique de la participation
", votre rapporteur propose de :
- diversifier les sources d'informations statistiques à la
disposition du Conseil en lui permettant d'accéder aux informations de
la COB et de l'INSEE, afin que celui-ci ne soit pas seulement alimenté
par les informations issues de la DARES. On pourrait ainsi prévoir
explicitement, dans la loi, que le rapport annuel du Conseil porte sur
l'actionnariat salarié et pas uniquement sur l'intéressement, la
participation et les PEE ;
- revoir la composition du Conseil en prévoyant la présence
d'un membre de la COB. Le rôle de la COB est en effet très
important en matière d'épargne salariale et d'actionnariat
salarié : elle donne un agrément aux FCPE, elle vise les
notices d'information en cas d'augmentation de capital. Elle dispose en outre
de sources statistiques précises sur les FCPE. Aussi, afin de coordonner
le travail des différents intervenants et de centraliser les sources
d'information, la présence d'un membre de la COB est souhaitable. Il
pourrait par exemple faire partie de l'une des huit personnalités
qualifiées désignées "
en raison de leur
compétence et de leur expérience dans le domaine de la
participation
" en application du 6° de l'article R. 442-2-1 du
code de travail
29(
*
)
;
- veiller à réunir régulièrement le Conseil,
au moins deux fois par an, en application de la réglementation en
vigueur.
b) Assurer le respect de l'obligation légale de publication des informations sur l'actionnariat salarié dans le rapport annuel des sociétés
L'article 157-2 de la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales prévoit que le conseil
d'administration ou le directoire des sociétés par actions doit
rendre compte annuellement à l'assemblée générale
de l'état de la participation des salariés au capital social au
dernier jour de l'exercice et établir la proportion du capital
détenu par le personnel de la société et de celles qui lui
sont liées.
On a vu que cette obligation légale n'était qu'imparfaitement
respectée. Beaucoup de rapports annuels de sociétés ne
publient pas ces informations. Ces sociétés ne sont passibles
d'aucune sanction.
Dans un premier temps, il serait possible de demander à la COB de
vérifier la publication de telles informations. S'il s'avérait
que l'obligation légale n'est que peu respectée, la
non-publication de ces informations pourrait alors être passible des
mêmes sanctions que celles prévues à l'article 293 du
décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales en
cas de non-dépôt au greffe du tribunal des comptes annuels et du
rapport de gestion.