IV. AXES DE RECOMMANDATIONS
A. ATTRACTION DE L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER RÉSULTE D'UN PROCESSUS DE VENTE AVEC DIFFÉRENTS LEVIERS
Attirer l'investissement étranger, c'est avant tout identifier le(s) besoin(s) des investisseurs, et leur montrer que la France est capable de combler et de répondre à ces besoins.
Face à une décision complexe, lourde de conséquences pour l'investisseur, et présentant de nombreuses alternatives, il est important de rationaliser la démarche et de structurer le processus d'attraction comme s'il s'agissait d'un processus commercial de vente. Un processus d'investissement, assorti d'une prise de risques, dans un contexte de marchés ouverts, est une décision rationnelle prise par des opérateurs très informés et exigeants. La démarche d'attraction doit s'inscrire dans une marche d'aide auprès d'un "client" qui cherche à atteindre un objectif le plus souvent financier, en minimisant ses risques.
Il est clair pour des projets complexes, la vente s'inscrit d'abord dans une relation d'aide. Ce n'est que dans la mesure où le "vendeur" comprendra le besoin du client qu'il pourra dans une relation de confiance, faire cheminer celui-ci vers une décision judicieuse. Le vendeur doit passer autant de temps à établir relation de confiance, à comprendre comment le client procède à la résolution de son problème, qu'il doit en passer à lui expliquer les aspects technique de son "offre".
Il y a dans toute démarche de "vente" de ce type, quatre étapes qui ne peuvent être négligées :
• Etablir une relation de confiance vis-à-vis
des investisseurs potentiels
• Comprendre les besoins des entreprises qui
souhaitent s'implanter en Europe
• Proposer une offre ciblée
• Influencer la décision d'achat
C'est autour des quatre étapes de cette démarche structurée que nous avons bâti nos recommandations. C'est autour de cette démarche que nous vous proposons une nouvelle organisation du dispositif d'attraction de l'investissement étranger.
1. établir une relation de confiance vis-à-vis des investisseurs potentiels
Il s'agit dès le début du processus de rassurer les investisseurs potentiels. II existe plusieurs facteurs négatifs dans la démarche de "vente", qui sont susceptibles de faire échouer un projet, et qu'il est nécessaire de savoir éliminer. Ces facteurs sont principalement la méfiance, la confusion et l'indécision. Ces trois sentiments négatifs sont à l'origine des objections formulées par un client, que ce soit consciemment ou non.
La méfiance résulte souvent de la difficulté même du client à définir de façon très précise ses besoins et donc à identifier les solutions qui seront les meilleures pour lui. Il a besoin d'un interlocuteur capable de l'aider à cerner ses propres attentes. Seule la confiance permet à un client de se dévoiler suffisamment pour que le dialogue s'installe de façon constructive.
Le client peut également éprouver une certaine confusion, non seulement devant ses propres besoins, mais aussi, et surtout devant l'offre qui lui est proposée, et qui peut lui sembler trop floue, pas assez ciblée... Obtenir du client qu'il vous fasse part de ses craintes, de ses doutes ou de ses objections est essentiel. A partir du moment où l'investisseur se sera ouvert, il sera beaucoup plus facile de lui répondre de façon ciblée et fine et trouver avec lui des solutions adaptées.
Enfin, l'un des écueils classiques en matière de vente est l'indécision de l'acheteur : celui-ci hésite, et n'arrive pas à se décider sur la solution qu'il choisira. Le vendeur doit alors être capable de comprendre que l'acheteur souhaite encore à ce stade-là être sécurisé, et demande souvent des informations complémentaires. Il s'agit de savoir lui apporter patiemment le support nécessaire.
Pour gérer ces facteurs négatifs, il faut donc entreprendre une démarche globale très en amont pour créer un climat de confiance et le développer au fil d'une relation.
La confiance qu'il faut en premier lieu établir, s'obtient en démontrant un certain niveau de conformité, d'affinités et de compétences.
Au niveau d'un pays comme la France, pour briser les barrières culturelles qui peuvent exister avec les investisseurs étrangers, il peut sembler important de rechercher les bases de cette conformité et affinité mutuelle par un tissu culturel commun fort.
La langue joue un rôle important. Par rapport aux États-Unis qui sont les premiers investisseurs au monde, la France est en Europe, de ce point de vue, dans une situation moins facile que le Royaume-Uni, la langue anglaise étant devenue depuis longtemps le standard de base. Développer des actions culturelles importantes n'en est que plus nécessaire.
Les voies pour y parvenir sont multiples. La télévision, les médias ou le tourisme sont des moyens de nous faire connaître. Les actions culturelles autour notamment de la francophonie ou de l'éducation (maîtrise des langues étrangères ou lycées français à l'étranger) sont également des moyens de créer des affinités.
La coordination des actions pour créer un tissu culturel favorable de conformité et d'affinité au service d'une stratégie de développement est un besoin évident. La représentation des principaux ministères concernés au sein de "l'instance de Direction" de la promotion des investissements étrangers en France l'est tout autant.
2. comprendre les besoins des entreprises qui souhaitent s'implanter en europe
Établir une relation de confiance, développer un tissu d'affinités avec des investisseurs potentiels ne sont pas bien sûr des éléments suffisants au succès d'un projet d'envergure. Il faut développer une véritable stratégie de compréhension du besoin.
Il est absolument nécessaire de se mettre à la place du "client" pour comprendre ses besoins depuis son point de vue, et non pas depuis le point de vue du "vendeur" (de l'offreur) qui a bien sûr des objectifs différents.
L'exemple des Pays-Bas est, à ce niveau, révélateur. Ayant décidé d'être la porte d'entrée de l'Europe pour un ensemble de pays ciblés et un type d'entreprises, ils ont décliné tous les services qu'un importateur était susceptible d'attendre. Les éléments clés de leur démarche sont une stratégie, un ciblage sectoriel, une demande d'empathie qui a consisté non pas à chercher à vendre un pays, une région ou une zone industrielle mais à "aider à acheter", c'est-à-dire à résoudre un besoin.
Dans un environnement concurrentiel où les entreprises étrangères ont le choix de d'implanter dans le pays ou la région qui leur procurera le plus de valeur ajoutée, le but est de cerner les besoins et la motivation de l'entreprise et d'être capable, pour autant que cela présente de l'intérêt, de proposer des solutions adéquates.
La découverte du besoin est un étape clé. Au-delà du fait qu'elle permet de qualifier le "prospect" au regard de la stratégie du pays d'accueil et du sérieux de la démarche, elle permet d'identifier très tôt le contexte, les critères et les personnes impliquées dans la prise de décision.
Dans toute opération, les "acheteurs" sont multiples : le décideur final, les financiers, les juristes et fiscalistes, les conseils et experts extérieurs, le futur patron de l'entité créée, etc. Tous sont à convaincre et donc à écouter. Tous ont des critères différents.
La découverte du besoin ne peut pas être le fait d'un homme seul en poste quelque part à travers le monde, mais le fait d'une équipe de professionnels structurée dont le seul objectif, avant tout début d'offre, est de comprendre.
En termes d'organisation et de structure, cela signifie une équipe de professionnels expérimentés capables de comprendre un pays, ses règles et ses contraintes, un secteur d'activité et ses besoins, une entreprise et les motivations de chacun de ses acteurs ; en un mot, des talents multiples.
Cette compréhension ne peut pas se faire en France dans un bureau, mais par des équipes de terrain basées à l'étranger. La proportion entre le personnel résident et le personnel basé en poste à l'étranger doit au sein des différentes structures françaises, être totalement inversée, à l'image de ce que fait l'Invest in Britain Bureau en Grande-Bretagne.
Une véritable "force commerciale debout" dotée d'une stratégie de prospection ciblée doit remplacer une dispersion de moyens résidents assis.
3. proposer une offre ciblée.
Cette troisième phase du cycle de vente est la plus classique. Il s'agit de démontrer à l'investisseur pourquoi la France est le meilleur choix pour lui, en prenant en compte tous les paramètres et tous les éléments de décision.
La proposition d'une solution est bien évidemment l'élément capital de la démarche de "vente". Mais elle n'arrive qu'après la mise en place de tous les éléments de contexte indispensables à l'établissement d'une relation gagnant/gagnant. La compréhension du besoin dans toutes ses dimensions est indispensable pour bâtir une offre de produits et de services spécifique structurée et ciblée.
Nos principaux concurrents l'ont bien compris. Comme déjà mentionné, les Pays-Bas ont développé une offre en matière de logistique, qui couvre tous les besoins d'une entreprise en la matière, depuis la commande clients (bons de commande, dédouanement, assurances, ...) jusqu'au stockage des biens, et à leur expédition depuis les ports hollandais. qui sont réputés pour être parmi les meilleurs du monde. De plus, les Pays-Bas ont très bien su communiquer sur cette offre, et mettre en valeur le fait qu'elle pouvait être la porte d'entrée à tout le marché européen et qu'elle incluait une véritable dimension de « sur-mesure » pour l'investisseur.
L'empathie est un point de passage obligé pour bâtir l'offre. 11 est nécessaire pour la France de définir des objectifs clairs, sur les produits à vendre, les services que le pays offre, et les régions du monde qui semblent les plus intéressantes en termes de potentiel d'investissement afin de répondre pleinement à leurs besoins.
Cette démarche de définition, d'une part d'une stratégie ciblée sur quelques secteurs à forte valeur ajoutée pour la France (Automobile, Télécom. Biotechnologies, etc.), et d'autre part d'élaboration de l'offre et. concrètement, d'une proposition, doivent relever de structures stables basées en France :
• Élaboration d'une stratégie au niveau
national
• Identification des meilleures "offres" et sites
d'accueil possibles, et arbitrage
• Élaboration des propositions et
défense des offres en impliquant les acteurs concernes.
C'est-à-dire les régions, les départements et les sites
industriels.
L'articulation des multiples acteurs opérant aujourd'hui pour promouvoir l'investissement étranger peut se faire tout naturellement a partir du moment ou le client et la compréhension de besoin ont été positionnés au centre de la démarche.
L'arbitrage entre acteurs internes sur le choix de deux ou trois régions, départements ou zones industrielles répondant le mieux aux éléments qui sont essentiels à la satisfaction du besoin est largement facilite.
Il est de la pleine responsabilité des acteurs locaux de préparer les argumentaires pertinents pour mettre en avant leur "produit''
4. influencer la décision d'achat
La phase d'indécision qui précède le choix doit être pleinement gérée Elle doit faire intervenir non seulement l'équipe projet qui a élaboré l'offre, mais aussi l'équipe commerciale a l'origine du contact et qui a su bâtir une relation de confiance avec l'ensemble des "acteurs" participant à la décision d'achat.
Une analyse systématique des craintes et objections doit être effectuée pour ne laisser aucun motif caché de non décision. La réponse aux objections pouvant conduire à des mécanismes dérogatoires ou à des prises d'engagement qui dépassent les intervenants engagés dans le projet, une coordination au plus haut niveau national sera le plus souvent nécessaire.
Dernier point, le support ne doit pas s'arrêter avec la prise de décision et la réalisation de l'investissement. La mise en place d'une structure "d'après vente" est tout aussi importante pour mesurer la satisfaction réelle et les intentions de réinvestissement, sachant qu'une "vente" complémentaire est à l'expérience beaucoup plus facile.
L'IBB britannique l'a bien compris. Tous les sites sont visités annuellement par un responsable de haut niveau. L'Ecosse qui s'est également engagée dans cette voie a des résultats étonnants.
Ce contact permanent avec l'investisseur étranger sur place, en proximité, chez lui. et sur le lui même de son investissement en France est la meilleure approche pour assimiler la compréhension du besoin et passer d'une culture "produit" où l'on met en avant son offre, à une culture "client" où l'on passe trois quart de son temps en écoute.