b) Un dispositif critiqué
Le
système actuel de ressources propres a fait récemment l'objet de
nombreuses critiques émanant notamment de la Commission elle-même,
de la Cour des comptes européenne et du Parlement européen.
Ces critiques ne portent pas sur le plafond de 1,27 % du PNB, qui a
toujours permis de financer de manière satisfaisante les dépenses
de l'Union européenne.
Elles sont d'ordre qualitatif et concernent
notamment l'équité, l'autonomie financière de l'Union
européenne et l'efficacité du dispositif.
Ressources propres et équité
Comme le souligne la Commission dans son récent rapport, la charge
financière doit être répartie équitablement entre
les Etats membres. A cet égard, la Commission a longtemps
critiqué la ressource TVA qui, par sa nature d'impôt sur la
consommation, lui paraissait peser proportionnellement davantage sur les Etats
les moins prospères. Par hypothèse, ceux-ci consacrent en effet
à la consommation une part de leur revenu relativement plus
élevée que les Etats dits riches. Mais l'importante diminution de
la part de la ressource TVA depuis le début de la présente
décennie a conduit la Commission, dans son récent rapport,
à juger satisfaisant au regard de l'équité le
système actuel de ressources propres :
" les contributions
des Etats membres sont désormais en plus étroite
corrélation avec les PNB nationaux (...). Les contributions
reflètent fidèlement les parts du PNB, à l'exception de
l'Italie et du Royaume-Uni où, du fait de la correction, les
contributions
(4(
*
))
sont
nettement inférieures "
.
Le raisonnement de la Commission sur l'effet régressif de la ressource
TVA devrait logiquement conduire à la suppression de cette
dernière et à son remplacement pur et simple par la ressource
PNB. Mais celle-ci contient également des facteurs de
déséquilibre que la Cour des comptes européenne a
dénoncés dans un rapport spécial
" relatif au
bilan du système des ressources fondées sur la TVA et le
PNB "
, adopté en mai 1998 :
- d'abord parce que la ressource PNB n'est pas calculée sur la base la
plus affinée, celle de la nouvelle version du système
européen de comptes économiques intégrés (dit SEC
1995), mais sur la base d'une version plus ancienne, le SEC 1979. Or, comme le
souligne la Cour des comptes, s'appuyant sur un document du Conseil,
" il est probable que le nouveau système entraîne une
augmentation du PNB communautaire et une modification des rapports entre les
PNB des Etats membres. Parmi les neuf Etats membres ayant fourni une estimation
lors des travaux préparatoires du SEC 1995, la différence par
rapport au PNB actuel (SEC 1979) se situait entre - 9,7 % et
+ 5 % selon les pays "
. Et la Cour de conclure :
" le principe d'impartialité des statistiques communautaires,
qui implique qu'elles soient produites de manière objective et
indépendante, s'en trouve affecté "
.
- ensuite, en raison des approximations dans la prévision de l'assiette
(qui concerne d'ailleurs aussi bien la recette PNB que la recette TVA) :
" au cours de la période 1989-1995, pour la ressource TVA, les
écarts maximaux entre assiette prévisionnelle et assiette
réelle ont varié, pour l'ensemble des Etats membres, entre
- 5 % et + 9 %. Pour la ressource PNB, ce même
écart se situait entre - 6 % et + 3 %. Comme les
ressources globalement disponibles pour un exercice n,
déterminées au début de l'année n-1 à
partir d'une prévision du PNB communautaire, ne sont pas
corrigées au cours de cet exercice n de référence, la
qualité des prévisions est donc particulièrement
importante "
.
Ressources propres et autonomie financière de l'Union
européenne
Selon la Commission, les ressources de l'Union européenne doivent
assurer l'indépendance du budget de celle-ci par rapport aux
trésors publics nationaux. Or, les ressources propres traditionnelles,
dont la part ne cesse de diminuer,
" constituent à l'heure
actuelle la seule vraie ressource propre de l'Union
européenne "
. La Cour des comptes rejoint la Commission dans
cette analyse : si la ressource PNB est, par nature, une contribution
nationale et n'a donc pas de caractère fiscal,
" la situation
n'est pas très différente pour ce qui est de la ressource TVA. Et
ce en dépit du fait que le système des ressources TVA avait
été conçu pour fournir une source de financement
communautaire tout en assurant un lien direct entre les contribuables
européens et le budget communautaire "
. En particulier, observe
la Cour,
" l'écrêtement progressif de l'assiette de la
ressource TVA en pourcentage du PNB (...) en accentue le caractère
macro-économique par son lien avec le PNB "
.
Ce " déficit d'autonomie financière " de l'Union
européenne par rapport aux Etats membres présente quatre
inconvénients :
- les contributions nationales alimentent des conflits en imitant les
Etats membres à se livrer à des calculs (souvent biaisés)
sur leur contribution au financement du budget communautaire, calculs en
eux-mêmes totalement incompatibles avec la logique communautaire ;
- comme le souligne la Commission,
" les variations dans les
dépenses communautaire se traduisent à la marge par des
variations dans les dépenses nationales "
(puisque les Etats
membres doivent prévoir dans leur budget un chapitre relatif à
leur contribution au budget de l'Union européenne, laquelle varie d'une
année sur l'autre dans la mesure où la ressource PNB, variable
d'ajustement des recettes aux dépenses, varie elle-même).
" Cela mêle les problèmes de financement de l'Union
européenne aux politiques financières et budgétaires
nationales en masquant pour les citoyens les priorités en jeu au niveau
de l'Union "
. Cette observation rejoint celle de la Cour des comptes
européenne selon laquelle
" les ressources TVA et PNB
constituent des transferts de recettes des Etats membres vers le budget de
l'Union européenne ".
En résumé, la part
croissante des contributions des Etats a pour conséquence que le
financement de l'Union européenne est assuré par des
contribuables nationaux bien plus que par des contribuables européens ;
-
comme le fait observer la Commission, "
toute perte dans le
recouvrement des ressources propres traditionnelles doit être
compensée par une augmentation correspondante de la ressource PNB
appelée. La négligence d'un Etat membre a donc des
conséquences financières pour tous les autres
". On
pourrait ajouter que le coût de cette négligence est
réparti entre les Etats membres. Cette situation n'incite guère
les Etats a fournir des efforts coûteux et impopulaires pour percevoir
des ressources au nom de l'Union européenne. Ainsi, par essence, le
système des ressources propres de l'Union européenne tel qu'il
existe dissuade les Etats d'adopter un comportement véritablement
européen ;
- enfin, comme le note également la Commission,
" le
contrôle démocratique est amenuisé par l'absence de
relation directe entre les citoyens et les taxes versées au budget de
l'Union européenne "
.
Ressources propres et efficacité
Cour des comptes et Commission se rejoignent également pour
dénoncer la complexité de la gestion des ressources propres et
notamment des ressources propres traditionnelles.
Ainsi, la seule législation douanière compte plus de
11 000 positions tarifaires sans pour autant être
adaptée à l'ensemble des échanges internationaux, toujours
plus complexes en raison de l'apparition quotidienne de nouveaux produits et de
nouveaux flux commerciaux.
Cette complexité facilite la fraude et multiplie les litiges. Elle est
en outre à l'origine d'un découragement des administrations
nationales, pourtant chargées de percevoir les ressources propres
traditionnelles pour le compte de l'Union européenne. D'ailleurs, comme
le souligne la Commission,
" pour des raisons compréhensibles,
(les Etats membres) ne sont disposés ni à renforcer le cadre
réglementaire du système douanier, ni à engager les
ressources nécessaires au recouvrement des droits de douane "
.