c) La politique régionale relève essentiellement de la responsabilité des Etats
A la
différence de la PAC, la politique régionale n'est pas à
proprement parler une politique commune conduite au seul niveau
européen. C'est même, ainsi que le rappelle le règlement du
24 juin 1988 concernant les fonds structurels, une action
"
complémentaire de l'action menée par les Etats
membres
" que conduit la Communauté européenne. Le
coût de cette action fait d'ailleurs l'objet d'un cofinancement entre la
Communauté et l'Etat concerné, dont le taux varie selon les
mesures.
Si le renforcement de la cohésion économique et sociale,
objectif consacré par les traités, consiste notamment à
réduire l'écart de développement des régions, il ne
saurait donc occulter la responsabilité des Etats membres en cette
matière
. C'est en effet à ces derniers qu'il appartient,
conformément au principe de subsidiarité, de conduire la
politique d'aménagement du territoire.
Or, la régionalisation
des crédits communautaires consacrés aux actions structurelles,
qui conduit à réserver les trois quarts des crédits aux
régions, traduit l'émergence d'une politique européenne
d'aménagement du territoire
, laquelle peut d'ailleurs aller à
l'encontre de celle conduite par les Etats.
Aussi pourrait-il être préférable d'affecter les actions
structurelles aux Etats les moins prospères, ceux-ci devant par la suite
les répartir entre leurs régions. A défaut,
l'extrême dispersion des interventions structurelles (et donc leur
relative inefficacité) risque de perdurer. Une solution envisageable
pourrait consister à accroître les crédits du fonds de
cohésion, qui sont attribués aux Etats et non aux régions.
La réduction des crédits des fonds structurels ne saurait
s'assimiler à un abandon de la politique d'aménagement du
territoire. Il s'agirait en réalité de rendre aux gouvernements
les prérogatives qui sont les leurs dans un domaine relevant avant tout
de la responsabilité des Etats membres. L'ampleur des dotations des
fonds structurels grève en effet lourdement les budgets nationaux et
conduit à un curieux partage des responsabilités dans lequel les
autorités nationales exécutent, sans pouvoir
d'appréciation, les décisions prises à Bruxelles. Cette
situation ne peut que donner lieu à un certain découragement,
voire à une démission des gouvernements comme on le constate en
France, puisque le budget de l'aménagement du territoire pour 1999 (1,8
milliard de francs) ne représente qu'un sixième des montants
transférés par les fonds structurels (11 milliards de francs).
En ce qui concerne le cas particulier de la France, une renationalisation
intégrale de la politique structurelle allégerait ainsi sa
contribution au budget européen de plus de 35 milliards de francs (en
1999) qui pourraient être consacrés à l'aménagement
du territoire au niveau national. Si l'on retire de ces 35 milliards le total
des montants versés par les fonds structurels (11 milliards), ce sont 24
milliards de francs supplémentaires, soit treize fois le budget de
l'aménagement du territoire, qui pourraient être consacrés
au développement des régions les plus en difficulté.
Il ne s'agit bien évidemment pas de prôner la suppression de la
politique structurelle de l'Union européenne qui constitue, avec la PAC,
l'un des deux piliers de la construction de l'Europe. Il s'agit seulement de
faire prendre conscience de l'importance démesurée de cette
politique et de la nécessité de la ramener à de plus
justes proportions au regard de la responsabilité qui, en ce domaine,
doit rester aux Etats membres
.
La voie de la réduction des dépenses structurelles,
compensée par les budgets nationaux, doit ainsi être
privilégiée. Cette réduction doit cependant s'effectuer
avec discernement : elle doit concerner les fonds structurels plutôt que
le fonds de cohésion, dont les crédits pourraient même
être abondés. Mais cette diminution des dotations des fonds
structurels doit être considérable. D'aucuns la jugeront
peut-être irréaliste et avanceront la probable opposition du
" syndicat de la cohésion ". Celui-ci ne perdrait pourtant
rien à l'opération : environ 180 milliards d'euros seront
effectivement dépensés sur la période 1993-1999, soit
près de 40 milliards de moins que ce que prévoit la Commission
pour les prochaines perspectives financières ; avec la réforme
des fonds structurels, ces crédits seraient plus concentrés sur
les régions les plus pauvres ; le " syndicat de la
cohésion " bénéficierait en outre d'une augmentation
des crédits du fonds de cohésion, qui pourrait être de
l'ordre d'un milliard d'euros par an (+ 33 %).
Une contraction des dotations structurelles permettrait une correction des
déséquilibres budgétaires dont on peut donner une
idée en indiquant qu'une réduction de 10 % de ces
dépenses réduirait de :
- près de 400 millions d'euros la contribution nette
allemande ;
- près de 60 millions la contribution nette suédoise ;
- plus de 42 millions la contribution nette autrichienne ;
- plus de 91 millions la contribution nette néerlandaise.
La France, qui reçoit en année pleine environ 2,6 milliards
d'écus (chiffre 1997) alors qu'elle finance la politique structurelle
à hauteur de 4,6 milliards (17,5 % du total des
dépenses structurelles) aurait, avec des dépenses structurelles
réduites de 10 %, et toutes choses égales par ailleurs,
touché 2,214 milliards et versé 4,14 milliards.
La
réduction de 246 millions d'écus des crédits
communautaires au profit des régions françaises aurait permis
l'octroi de 460 millions d'écus (soit 3 milliards de francs)
d'aides nationales auxdites régions sans que le déficit
budgétaire de la France en soit affecté
.
Bien entendu, cette concentration des actions structurelles au profit des Etats
les moins prospères ne saurait s'effectuer aux dépens des
régions pauvres des pays riches. Mais ces dernières
bénéficieraient alors non point de crédits communautaires,
mais de crédits nationaux que les Etats intéressés
pourraient mobiliser grâce au " ballon d'oxygène " que
constituerait la diminution totale des dotations consacrées aux actions
structurelles.