b) Le cofinancement des dépenses agricoles ne peut être retenu
La PAC a
fait la preuve de son efficacité : elle a répondu aux
objectifs que lui assigne l'article 39 du traité instituant la
Communauté européenne, notamment la garantie de la
sécurité des approvisionnements et l'assurance de prix
raisonnables à la consommation. Ses résultats sont d'autant plus
remarquables que, au début des années 1960, le secteur agricole
de l'Europe des six était peu performant et n'assurait pas
l'autosuffisance de la Communauté économique européenne
pour la plupart des produits alimentaires de base. On peut d'ailleurs affirmer
sans exagération que la PAC symbolise la réussite de la
construction européenne : elle est le modèle d'une politique
commune réussie.
Ce rôle de ciment de l'Europe de la PAC ne saurait être remis en
question. La PAC sera même, on l'a vu, un instrument nécessaire
à la réussite de l'élargissement compte tenu de la part de
l'agriculture dans les économies des pays candidats à
l'adhésion.
Or le cofinancement de la PAC
envisagé par la Commission dans son
rapport sur les ressources propres,
conduirait inéluctablement
à la disparition progressive de cette politique en tant que politique
commune
:
- d'abord parce que les aides directes financées par les Etats le
seraient en fonction de critères, qui, pour être définis au
niveau communautaire, ne supprimeraient pas pour autant tout pouvoir
d'appréciation au niveau national. Il en résulterait des
différences inévitables entre quinze Etats, puis vingt-et-un, au
point que, à terme, l'épithète
" commune "
ne refléterait plus la
réalité ; comme l'écrit la Cour des comptes
européenne dans son avis n° 10/98, "
la
décentralisation pourrait réduire l'assurance d'une concurrence
loyale au sein de l'Union européenne, puisqu'une partie des aides
directes varieraient en fonction des critères
nationaux
" ;
- en deuxième lieu, quel que soit le taux de financement laissé
à la charge des Etats, la tentation serait forte de l'augmenter
progressivement pour répondre aux difficultés que
soulèverait le financement de l'Union européenne. Elle serait
d'autant moins résistible que cette augmentation ne nécessiterait
pas une décision à l'unanimité, mais à la
majorité qualifiée. Ainsi, le principe du cofinancement
contiendrait en germe la réduction, voire la disparition du financement
de la PAC par l'Union européenne.
On observera par ailleurs que le cofinancement de la PAC aurait pour seul objet
de réduire le solde budgétaire de certains Etats contributeurs
nets et non d'améliorer le fonctionnement de cette politique. Ce
faisant, l'Union européenne accepterait expressément de faire
primer le principe du juste retour sur celui de la solidarité
européenne. Ce serait un dangereux précédent qui, par la
suite, pourrait être appliqué à n'importe quelle politique
commune, y compris à celles qui, comme la PAC, favorisent le plus la
construction européenne.
Enfin, le cofinancement ne réduirait en rien la pression
financière exercée par Bruxelles sur les Etats membres puisque
ceux-ci seraient tenus d'inscrire les montants correspondants dans leur budget
national. Bien à rebours, et
en totale contradiction avec son
objectif annoncé, le cofinancement conduirait de fait à une
augmentation de la charge budgétaire imposée par l'Europe. La
somme mise à la charge des budgets nationaux serait toujours totalement
maîtrisée par Bruxelles et, en outre, augmenterait la marge
disponible sous le plafond des ressources propres pour un montant qui, nul ne
peut en douter, ne serait pas reversé dans son intégralité
aux Etats membres.