2. Des propositions contestées
Le
principe retenu par la Commission d'un maintien à 1,27 % du plafond
des ressources propres recueille un large accord au sein du Conseil. Certains
Etats, l'Espagne en tête, jugent certes que ce plafond ne permettrait pas
d'intégrer les pays candidats dans des conditions satisfaisantes ;
ils craignent que, faute d'un relèvement, les ajustements
nécessaires ne s'effectuent par une compression des dépenses de
la rubrique 2 dont ils sont les principaux bénéficiaires.
Toutefois, dans la mesure où la décision du 31 octobre 1994
relative au système des ressources propres des communautés
européennes, qui fixe, sans limite de temps, ce plafond à
1,27 %, ne peut être modifiée qu'à l'unanimité,
on peut tenir pour acquis le maintien à 1,27 % du plafond de
ressources propres dans les prochaines perspectives financières. Dans
ces conditions, les propositions de la Commission doivent, dans un premier
temps, être appréciées au regard des réponses
apportées à l'interrogation suivante : les dotations
proposées pourront-elles être couvertes par les ressources propres
dont le plafond demeurera inchangé ?
Or, selon plusieurs
membres du Conseil, rien ne garantit que le montant effectif des ressources
propres corresponde aux prévisions de la Commission eu égard aux
hypothèses, jugées par beaucoup trop optimistes, retenues par
celle-ci.
Au-delà de la question sur le montant global des dépenses, c'est
en fonction de l'utilisation de celles-ci qu'il convient également
d'apprécier les propositions de la Commission :
la répartition
des crédits prévue dans la proposition E 1049 est-elle optimale
au regard des objectifs de l'Union Européenne ?
Sur ce point,
certaines dotations sont d'ores et déjà considérées
par les Etats membres comme trop importantes.
a) Un niveau annoncé de ressources propres jugé surestimé par une majorité d'Etats membres
Compte
tenu de ses hypothèses macro-économiques, la Commission
considère que les plafonds de dépenses proposés pour les
futures perspectives financières représenteraient
" un
pourcentage décroissant du PNB communautaire, passant de 1,23 % en
1999 à 1,13 % en 2006 "
, laissant ainsi
" une
importante marge sous le plafond des ressources propres qui augmenterait
progressivement pour atteindre 0,14 % du PNB en 2006 "
. Cette
marge serait ainsi utilisée :
- à hauteur de 0,03 % du PNB pour constituer la
" marge pour imprévus "
, destinée à faire
face à une croissance moins forte que prévue ;
- le surplus (soit, selon la Commission, 10,5 milliards d'euros en
2006) pour faire face aux dépenses entraînées par
l'adhésion de nouveaux Etats membres.
Cependant, dans un rapport publié le 10 juin dernier sur
l'avancement des travaux sur les principales questions de l'Agenda 2000, le
Conseil de l'Union européenne souligne que
" plusieurs
délégations ont jugé optimiste l'hypothèse d'un
taux de croissance moyen de 2,5 % "
sur la période
2000-2006 : elles "
ont fait valoir que toute baisse de la croissance
économique moyenne en deçà de 2 % pourrait susciter
des difficultés, notamment vers le milieu de la période
considérée. La plupart d'entre elles ont estimé qu'un taux
de croissance de 1,5 % aurait une incidence économique
considérable, en particulier eu égard au choc en retour qui
s'exercerait sur la création d'emplois, mais toutes les
délégations n'ont pas été d'avis que ce
scénario était susceptible de se produire. D'autres ont toutefois
jugé que l'on ne pouvait exclure l'éventualité d'un taux
de croissance faible, du moins pour une partie de la période à
venir, puisque cela s'était produit au début des années
1990 "
.
De fait, la crise financière internationale, survenue plusieurs mois
après les propositions de la Commission, a d'ores et déjà
conduit cette dernière à revoir à la baisse ses
prévisions de croissance pour l'année 1999 : 2,4 % pour
les Quinze contre 3 % prévus au printemps dernier. Certes, la
Commission maintient ses prévisions pour l'an 2000 (2,8 %),
première année de mise en oeuvre des nouvelles perspectives
financières. Toutefois :
- cette prévision de croissance de 2,8 % pour l'an 2000 est
établie dans la perspective d'un contexte plutôt favorable,
lié notamment à l'effet d'entraînement de l'entrée
en vigueur de l'euro. Il suffirait d'une circonstance défavorable
(baisse du dollar, ralentissement plus important que prévu aux
Etats-Unis, récession au Japon au lieu d'une croissance
espérée de 0,6 %...) pour descendre en deçà du
seuil de 2,5 %. Or, comme l'indique le rapport précité du
Conseil de l'Union européenne,
" toute phase de faible
croissance nettement inférieure à 2,5 % qui se produirait au
début de la période risquerait de mettre les finances sous
pression vers 2002-2003, époque à laquelle les dépenses
connaîtront une augmentation plus rapide "
;
- en tout état de cause, il est pour le moins hasardeux d'effectuer
des prévisions de croissance soutenue pour les huit années
à venir, compte tenu des multiples facteurs entrant en
considération et des aléas susceptibles de survenir à tout
moment ;
- en cas de croissance inégale, tout retard pris une année
devra être rattrapé au cours des années suivantes afin de
respecter la moyenne de 2,5 % par an. Cela supposerait une croissance bien
supérieure à ce dernier taux, pourtant déjà
relativement élevé. En ce qui concerne les pays candidats
à l'adhésion, l'hypothèse d'un taux de croissance moyen de
4 % par an suppose pratiquement l'absence de toute " année
creuse ".
L'affirmation de la Commission selon laquelle les perspectives
financières proposées seraient viables même dans le cas
d'un taux de croissance moyen de 2 %, voire de 1,5 %, n'a semble-t-il
pas convaincu toutes les délégations. Plusieurs ont ainsi
insisté pour que les marges disponibles, sous le plafond des ressources
propres, soient
" suffisamment importantes pour tenir compte de la
possibilité d'une croissance inégale sur l'ensemble de la
période, ainsi que d'autres événements
inattendus "
.
Ainsi,
pour une majorité d'Etats membres, le montant des recettes
communautaires risque de se révéler inférieur à
celui prévu par la Commission
. Dès lors, compte tenu du
maintien à 1,27 % du plafond des ressources propres,
une
compression des dépenses proposées serait nécessaire
pour respecter la règle posée par l'article 1999 du
traité instituant la Communauté européenne :
" le budget doit être équilibré en recettes et en
dépenses "
.