C. LA MODULATION DES COTISATIONS CHÔMAGE
Il est
régulièrement proposé de
moduler
les taux de
cotisations chômage
employeurs en fonction du passé
récent de l'entreprise en matière d'embauches et de
licenciement : les entreprises qui ont licencié auraient un malus,
tandis que les entreprises qui ont récemment embauché auraient un
bonus
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*
)
.
A priori, la modulation des cotisations chômage est un système
relativement
lisible
qui pourrait avoir un effet favorable sur l'emploi
en réduisant le coût marginal des créations d'emplois d'une
part, en freinant les licenciements de l'autre. La théorie
économique suggère toutefois que l'augmentation des coûts
de licenciements peut constituer un frein à l'
embauche
, notamment
lorsque la reprise de l'activité est peu assurée, ce qui pourrait
être le cas de l'économie française aujourd'hui : les
employeurs seraient plus réticents à embaucher s'ils sont au
bonus maximal et s'il existe un risque significatif qu'ils doivent licencier
plus tard.
La modulation des coûts de licenciements risquerait ainsi ou bien de
réduire la flexibilité nécessaire aux entreprises, ou bien
d'être contournée (les entreprises en expansion embauchant
prioritairement des intérimaires) amplifiant la tendance actuelle
à la concentration de la flexibilité sur une minorité de
salariés " non permanents " et augmentant la
précarité
de l'emploi pour les jeunes.
La modulation des cotisations chômage aurait également pour
conséquence de pénaliser les entreprises lors des phases de
ralentissement de l'activité, au risque de conduire les plus fragiles
d'entre elles à la faillite et, surtout, de pénaliser
structurellement les
secteurs en déclin
(par exemple le textile),
c'est-à-dire de pénaliser des entreprises qui peuvent
n'être en rien "
responsables
" de leurs
difficultés.
Au total, la modulation des cotisations chômage apparaît ainsi
comme un dispositif
darwinien
, favorisant la disparition des entreprises
les plus fragiles et des secteurs en déclin, et accélérant
le développement de nouvelles entreprises et de nouvelles
activités, sans que le bilan coût-avantage pour l'emploi de ce
darwinisme économique soit très net : il dépend sans
doute de la dynamique d'innovation d'une économie, de la durée
moyenne du chômage (si les salariés licenciés des secteurs
en déclin tardent à retrouver un emploi, il en résulte un
effet récessif) et de l'aptitude des salariés à changer
plusieurs fois de métier au cours de leur vie.