3. Les débats en cours sur le respect du droit d'auteur

Le respect du droit d'auteur a fait l'objet de débats récents à propos de la multiplication des photocopies : le "photocopillage". Or, les législations relatives au droit d'auteur affirment explicitement que l'auteur ou, à défaut, le titulaire du droit d'auteur bénéficie du droit exclusif de reproduction. Ce principe est du reste conforme à l'article 9-1 de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques.

Toutefois, des dérogations légales au monopole de l'auteur sont possibles, et peuvent être organisées par des licences légales ou contractuelles. En général, elles bénéficient à des établissements d'enseignement ainsi qu'aux bibliothèques et aux musées pour leurs propres besoins. De même, la reprographie à des fins de procédure administrative ou juridique est admise, tout comme la copie pour usage privé ou personnel.

En contrepartie, les bénéficiaires de licences doivent rémunérer le titulaire du droit d'auteur, la gestion des droits de reprographie étant réalisée par une personne morale. Les droits sont alors répartis entre auteurs et éditeurs.

Ainsi, comme l'écrit Jean-Michel Salaün, dans le Bulletin des bibliothèques de France (1998, n° 3) : "l'origine des législations sur la propriété intellectuelle... cherche un équilibre... entre l'intérêt de l'auteur et l'intérêt du public" ; il poursuit : "Dans la balance entre l'auteur et le lecteur, le droit français a plutôt privilégié le premier, le droit américain le second".

Toutefois, la loi n° 95-4 du 3 janvier 1995 complétant le code de la propriété intellectuelle et relative à la gestion collective du droit de copie par reprographie a fait l'objet de certaines critiques. En effet, elle est plutôt favorable aux éditeurs et, par conséquent, rompt avec la tradition française qui confortait traditionnellement les auteurs, ces derniers n'ayant plus la possibilité de refuser que leurs textes soient copiés.

La difficulté d'appliquer ce texte a pour conséquence, selon Jean-Michel Salaün, "de voir se multiplier les utilisations des nouvelles technologies dans les domaines liés à l'édition sur des bases contractuelles exploratoires".

La question du droit d'auteur connaît donc une actualité nouvelle avec le développement de nouveaux supports comme Internet et l'émergence du document électronique, qu'il s'agisse du droit de prêt ou du droit de reprographie.

a) Le droit de prêt

Le droit de prêt donne régulièrement lieu à un débat opposant les auteurs et les éditeurs, d'une part, et les bibliothécaires d'autre part.

Au cours de ce débat sont échangés des arguments d'ordre économique (l'emprunt est-il un manque à gagner ou une incitation à l'achat ?), culturel (encouragement à la création ou obstacle à la diffusion de la lecture ?), et juridique (nécessité d'un contrôle ou droit à la culture ?).

Le rapport 1993 du Conseil supérieur des bibliothèques résumait l'hostilité des bibliothécaires à l'instauration d'un droit de prêt : "Pour les bibliothécaires, l'imposition d'un droit de prêt apparaît, au-delà des modalités d'application, comme une remise en cause du système de la lecture publique".

M. Jean-Marie Borzeix a remis, au mois de juillet 1998, un rapport qui lui avait été demandé par la ministre de la culture et de la communication, consacré à la question du droit de prêt dans les bibliothèques.

M. Borzeix a, dans son rapport, tranché le débat entre gratuité et tarification de l'emprunt en faveur de l'abandon de la gratuité . Il recommande en effet de mettre en oeuvre un droit de prêt public, financé en priorité par les usagers, pour une somme forfaitaire de 10 à 20 francs par an. Les usagers des bibliothèques universitaires seraient concernés, mais non ceux des bibliothèques et centres de documentation de l'enseignement primaire.

Or, si l'idée d'une rémunération forfaitaire semble tout à fait pertinente, en revanche l'établir à un niveau compris entre 10 et 20 francs paraît excessif : cette somme forfaitaire ne devrait pas excéder 10 francs, 5 francs étant même le niveau optimal, à même d'éviter une augmentation excessive des droits d'inscription à l'université.

Du reste, des discussions exploratoires sont engagées entre l'administration centrale et les diffuseurs de ressources documentaires électroniques, les éditeurs notamment, pour examiner les incidences tarifaires de regroupements éventuels d'universités pour l'acquisition de licences d'accès à divers produits (sommaires de revues ou revues électroniques). Toutefois, il est possible de s'interroger sur la pertinence de la conduite simultanée de négociations par le ministère de la culture et celui de l'éducation nationale.

Pour mener à bien de telles négociations, les bibliothèques peuvent se constituer en consortium. Cette direction a été empruntée par les bibliothèques universitaires allemandes et néerlandaises bien plus tôt qu`en France. Le dernier rapport du Conseil supérieur des bibliothèques a reproduit l'aide-mémoire établi à l'intention du consortium des BU allemandes et néerlandaises. Il s'agit pour elles de " formuler un certain nombre de principes généraux pour répondre à la stratégie des éditeurs concernant l'accès aux journaux électroniques et les contrats de licence ". Suivent alors un certain nombre de principes, dont les principaux sont les suivants :

- " les bibliothèques expriment la volonté d'agir en tant que consortium...dans les négociations avec les éditeurs et leurs intermédiaires " ;

-" les bibliothèques des universités devraient être autorisées à imprimer et à reproduire, par télécopie ou par l'intermédiaire de la messagerie électronique, les données fournies par l'éditeur dans le cadre non commercial de la fourniture de documents entre bibliothèques, dans le respect des directives sur l'usage loyal et de la réglementation du copyright "
;

-" les contrats de licence devraient inclure des droits permanents à l'information ayant fait l'objet d'un paiement " ;

- " les bibliothèques attendent des éditeurs et des intermédiaires qu'ils fournissent sous forme électronique les données bibliographiques et les résumés des journaux auxquels les bibliothèques ont souscrit ".

b) Le droit de reprographie

Le phénomène du "photocopillage" illustre l'atteinte qui peut être portée aux droits des éditeurs et des auteurs.

Les bibliothèques universitaires sont particulièrement concernées par ce problème, les étudiants et, surtout, les enseignants-chercheurs étant de gros consommateurs de photocopies. Même si le recours à la photocopie est très variable selon le niveau d'études et le champ disciplinaire concerné. Il faut toutefois rappeler que les carences dont souffrent les bibliothèques, le manque de places assises ou l'insuffisance des heures d'ouverture notamment, peuvent encourager l'accumulation de photocopies.

La loi du 3 janvier 1995 précitée a prévu la mise en place d'un système de gestion collective obligatoire des droits de reproduction par reprographie. Le Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC) a été agréé en mai 1996 comme société de perception et de répartition des droits.

Cependant, outre la difficulté de comptabiliser le nombre de photocopies réalisées dans les bibliothèques universitaires, tous les documents ne doivent pas donner lieu, lorsqu'ils font l'objet d'une reproduction, à l'acquittement d'un droit. En effet, les ouvrages tombés dans le domaine public peuvent être reproduits - et numérisés - sans problèmes.

La question prend une acuité particulière avec la numérisation, qui facilite et élargit considérablement la consultation de documents en ligne. Comment respecter les droits d'auteur lorsque des textes ou tous autres documents sont numérisés, et, dès lors, accessibles à tous et en tout lieu via Internet ? Ainsi, le débat sur la copie privée connaît une nette évolution, les éditeurs et les auteurs ne cachant pas leur hostilité à la reconnaissance d'un droit à copie privée dans un environnement numérique.

Les documents électroniques nécessitent une protection adaptée, d'autant plus qu'ils deviendront de plus en plus nombreux, et leur usage beaucoup plus fréquent (revues électroniques notamment). En effet, les oeuvres multimédias font partie des oeuvres de l'esprit protégées par le code de la propriété intellectuelle. C'est pourquoi, la numérisation puis l'installation d'une oeuvre sur un site Internet nécessitent l'autorisation de l'auteur ou du titulaire du droit d'auteur, lorsqu'il s'agit d'une reproduction. Si tel n'est pas le cas, il s'agit d'une contrefaçon.

Plusieurs directives européennes (sur le droit de prêt en 1992, sur la protection des bases de données en 1996, proposition sur la société de l'information fin 1997) ont ainsi pour objectif de restreindre la liberté de communication au public en instaurant de nouveaux droits , appliqués non à l'acquisition mais à l'utilisation d'un document , le paiement se faisant désormais à l'acte , de copie par exemple.

Toutefois, de telles dispositions sont susceptibles de porter atteinte à l'accès de tous à l'information. Les bibliothèques seraient particulièrement concernées puisque chaque opération de copie ou de communication aux usagers serait susceptible de supporter le paiement d'un droit. C'est pourquoi, les activités des bibliothèques doivent bénéficier de dérogations, afin que leurs missions de service public soient préservées.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page