2. L'agriculture Européenne face à la prochaine négociation de l'OMC
Dans un
tel contexte, quelle doit être la position française et
Européenne à la veille de nouvelles négociations ?
La mission d'information comprend que l'on puisse faire des concessions dans
l'agriculture pour " arracher " des avantages plus importants
ailleurs. C'est souvent le raisonnement de nombre de diplomates
français. Elle souhaite néanmoins que cette logique soit parfois
réciproque et que chaque négociation internationale ne
s'achève pas systématiquement par de nouvelles concessions
agricoles.
En outre, si le désengagement de l'Etat et le libéralisme
économique sont possibles et souhaitables dans beaucoup de domaines, le
sont-ils tout autant dans l'agriculture, c'est-à-dire un secteur qui
produit l'essentiel de l'alimentation, et dont le bon fonctionnement est vital
pour la paix sociale dans l'ensemble des pays du monde ?
L'intervention des différents Etats dans les questions agricoles existe
depuis toujours. On ne saurait ramener la justification de cetinterventionnisme
à un simple problème politique, en évoquant notamment le
pouvoir de négociation des organisations professionnelles agricoles et
" leur poids sur le terrain ".
Cette thèse a été utilisée à grande
échelle lors des négociations de l'Uruguay Round.
Or, l'interprétation théorique des mécanismes
agricoles, tend à mettre en lumière un fait essentiel : on
constate une propension systématique de la production agricole à
dépasser tous les plafonds dès lors que l'on en garantit les
prix. Le problème vient fondamentalement de la très forte
instabilité de l'équilibre entre l'offre et la demande à
prix garantis.
Mais pourquoi dès lors ne pas accepter la faillite de ces producteurs et
leur reclassement dans d'autres secteurs d'activité : tout simplement
car on pense, qu'à terme, cette ruine pourrait entraîner
brusquement une telle diminution de la production qu'elle provoquerait des
pénuries pour les consommateurs.
Cette instabilité se vérifie " naturellement " sur les
marchés libres d'autres produits, sans pour autant que l'on puisse faire
intervenir aucune explication naturelle comme les saisons ou la
météorologie.
Dans le domaine agricole, ces fluctuations conduisent à ce que le
coût marginal du producteur soit rarement égal au prix, ruinant
ainsi l'argumentaire classique sur " l'optimalité des
marché ".
L'intervention, qui apparaît ainsi nécessaire permet donc de
réguler les marchés et de garantir la sécurité
alimentaire, du moins sous sa forme quantitative.
Mais, au delà de ces premières justifications, l'aspect
qualitatif de la sécurité alimentaire et la vociation
" territoriale " de l'agriculture renforce la nécessité
de réguler les marchés agricoles.
Deux grands types de politiques sont concevables dans ce cadre. Outre celle des
" garanties de prix sur des quantités limitées "
-c'est-à-dire les quotas- dont l'analyse a été
effectuée précédemment, l'autre politique consiste dans la
solution du " marché contrôlé ".
On laisse en principe le marché agir, mais en fixant des " filets
de sécurité " propres à éviter les
dérapages incontrôlés. Les Etats-Unis ont d'ailleurs
multiplié ces filets de sécurité. Les textes
législatifs sont libellés de telle sorte que tout l'arsenal des
politiques peut être réactive presque instantanément.
L'actualité américaine en apporte d'ailleurs la preuve.
La mission d'information, tout en affirmant sont souhait de voir la
Communauté participer activement aux négociations internationales
sur les questions agricoles, estime nécessaire que :
- l'Europe se prépare à ces prochaines
échéances en adoptant des positions communes aux Etats membres,
suffisamment claires pour pouvoir être expliquées à
l'opinion publique. La Commission Européenne ne doit en aucun cas
outrepasser les limites et le contenu de son mandat ;
- l'Europe réaffirme la spécificité de l'agriculture,
notamment pour la sécurité alimentaire quantitative et
qualitative du monde.