c) Une amélioration des revenus agricoles
Une tendance positive...
En matière de revenu agricole, la situation des agriculteurs
français s'est améliorée depuis la réforme de
1992.
Un bilan du ministère de l'agriculture
7(
*
)
estime que sur 16,5 %
d'augmentation du revenu brut agricole moyen entre 1991 et 1995,
la
réforme a eu
un effet positif net expliquant la moitié
environ de la hausse du revenu agricole.
Cette analyse se décompose de la façon suivante : l'ensemble des
effets étroitement liés à la réforme de la PAC se
traduirait par une
augmentation de revenu d'un peu plus de 7 %
:
+1 % d'effet net des ressources [aides moins baisse des prix] ;
+4,9 % pour la réduction du prix des consommations
intermédiaires ;
+1,5 % de réduction des autres charges.
L'évolution des revenus agricoles en France a ainsi
été, en moyenne, la suivante ces dernières années :
ÉVOLUTION DU REVENU AGRICOLE FRANÇAIS
(en
%)
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997
|
-1,6 |
-7,6 |
+0,5 |
+13,6 |
+11,3 |
+2,1 |
+7 |
Source : Ministère de l'agriculture
...due en grande partie à la réduction du nombre
d'exploitations agricoles
La réduction du nombre d'exploitations a fortement favorisé
l'augmentation observée des revenus moyens. D'après les
renseignements communiqués par le ministère de l'agriculture, en
France, après une baisse annuelle moyenne de 2,4 % par an entre
1979 et 1988, puis de 4,7 % par an entre 1988 et 1993, le
taux annuel
de diminution du nombre d'exploitants agricoles entre 1993 et 1995 a
été de 4,2 %
, soit un rythme sensiblement
équivalent à celui précédemment observé.
Chaque année, sur les 51 000 départs environ d'exploitants
âgés, seulement un tiers sont remplacés.
30 000
exploitations disparaissent donc chaque année depuis 1993
. En
conséquence, la dimension moyenne des exploitations a augmenté.
On ne peut nier l'effet " mécanique " de ce
phénomène sur l'augmentation constatée des revenus
agricoles. L'étude précitée, qui porte sur la
période 1991-1995, fait, pour les secteurs français des grands
cultures et de l'élevage, l'analyse suivante :
- de 1991 à 1995, le revenu des exploitations de grandes cultures a
augmenté de 23,1 %. Hors effet de taille, le revenu avait
augmenté de 5,8 % ;
- pour les élevages bovins à viande, l'augmentation est de
37,8 % au total, mais de 28,5 % hors effet de taille.
Des défauts qui persistent
l'inégalité accrue des revenus agricoles
Si l'évolution moyenne du revenu a été positive, il existe
de fortes disparités entre les types d'exploitations, les productions
et, partant, entre les régions (sans parler des différences, au
niveau communautaire, entre les Etats-membres).
En France, certaines exploitations de grandes cultures ont notamment
bénéficié d'une augmentation supérieure à la
moyenne nationale.
ÉVOLUTION DU REVENU MOYEN PAR SECTEURS EN FRANCE
(exploitation à temps complet en termes réels)
en %
|
Grandes cultures |
Bovins lait |
Bovins viande |
1991
|
-0,9
|
-6,1
|
+4,7
|
(1)
Chiffres prévisionnels Source : SCEES
(2) Devrait être revu en légère baisse
La dépendance accrue à l'égard du contribuable
La réforme de la PAC de 1992 a profondément modifié la
nature du financement du soutien à l'agriculture,
qui a
été reporté sur le
contribuable
alors qu'il
était jusqu'alors assuré davantage par le
consommateur
, au
moyen d'un soutien par les prix.
En prévoyant une compensation de la baisse des prix des produits par des
paiements directs aux exploitations, elle a fait des ressources publiques un
élément essentiel du revenu des agriculteurs.
- Une forte progression des aides directes
Les aides directes aux agriculteurs existaient déjà avant 1992,
pour un montant (français) d'environ 10 à 12 milliards de
francs. Elles avaient en général un
caractère
structurel
: il s'agissait par exemple des indemnités compensatoires
de handicaps naturels (ICHN), mises en place dans les années 1970
représentant, avant 1990, 15 % des subventions d'exploitation
versées en France, soit le premier poste budgétaire en termes
d'aides directes.
Des aides directes liées à une production et
intégrées à une OCM existaient aussi déjà
dans le secteur bovin surtout et pour le blé dur.
La réforme de la PAC a modifié cette économie globale :
- en
généralisant les aides
, dont le montant a
été multiplié par plus de 4 depuis 1988 et qui touchent
désormais la quasi-totalité des exploitants et du territoire ;
- en leur conférant un caractère d'aide à
la
production,
et non plus d'aide socio-structurelle : en témoigne
leur concentration sur les grandes plaines céréalières au
détriment des zones fragiles ;
- en modifiant leur
origine
, désormais majoritairement
communautaire ;
- en en faisant bénéficier en premier lieu les
grandes
cultures,
et moins que par le passé le secteur animal.
En France, pays qui dispose de 26 % de la surface en
céréales et oléo-protéagineux communautaire
aidée, la recomposition des soutiens à l'agriculture qui a suivi
la réforme de 1992 a été particulièrement
marquée. D'après une étude de juillet 1997 du
ministère de l'agriculture
8(
*
)
, entre 1991 et 1995, les subventions
d'exploitation reçues par la branche agriculture française sont
passés de
13 à 49 milliards de francs, soit de 21
à 68 % du total des concours bruts à l'agriculture
productive
. Dans le même temps, le soutien du marché baissait
de 25 milliards de francs, les aides directes représentant en 1995,
en moyenne française,
109.000 francs par exploitation.
- Une répartition qui n'a pas entraîné de redistribution
En outre, ces aides ont été caractérisées par :
- une augmentation des subventions avec la
dimension
économique
de l'exploitation
: les principaux soutiens
directs étant liés à la taille du cheptel et aux surfaces
cultivées, leur montant moyen augmente avec la taille des exploitations ;
- une concentration sur
certains secteurs
: les
céréales et oléo-protéagineux ont concentré
le tiers du total des aides directes
9(
*
)
, les grandes cultures herbivores
13 %, le secteur des bovins-viande 11 % ;
- une concentration sur
certaines exploitations
: l'étude
précitée montrait que, même au sein des
céréaliers, les disparités étaient importantes
puisque 8 % des producteurs percevaient en 1995 plus de 500 000 F
d'aides annuelles alors que 35 % avaient moins de 150 000 F.
-
Un revenu agricole de plus en plus dépendant des soutiens
directs
La réforme de 1992 a considérablement modifié le
rôle des aides directes dans la formation du revenu agricole des
producteurs français.
En prenant, pour indicateur de revenu, le revenu disponible (excédent
brut d'exploitation moins intérêts et remboursements en capital),
l'index de dépendance moyen des agriculteurs français est
d'environ 50 %
10(
*
)
.
Cette proportion atteint, ou dépasse, 90 % chez les producteurs
spécialisés en céréales,
oléo-protéagineux et viande bovine ou ovine. Elle est, en
revanche, de moins de 30 % pour les élevages laitiers et granivores.
INDEX
DE DEPENDANCE* DES EXPLOITATIONS FRANÇAISES
EN 1995
(en % du
revenu)
Céréales, oléo-protéagineux |
95 |
Autres grandes cultures |
50 |
Bovins-lait |
30 |
Bovins-viande |
89 |
Bovins-mixte |
48 |
Ovins-caprins |
88 |
Granivore |
24 |
Polyculture |
53 |
Polyélevage (herbivores) |
38 |
Polyélevages (granivores) |
35 |
Grandes cultures herbivores |
63 |
Autres combinaisons culture/élevage |
47 |
Autres orientations |
7 |
Moyenne |
50 |
* aides
directes/[EBE - Service de la dette]
Source : RICA, BEP du ministère de l'agriculture (chiffres
arrondis).
Ajoutons que, d'après la même étude,
sans aide,
près de la moitié des céréaliers et des
éleveurs bovins, viandes et ovins-caprins n'auraient pas de revenu.
L'accroissement du poids des aides directes dans le revenu agricole
inquiète vivement votre mission d'information, à plusieurs
titres :
- il
fragilise ce soutien
en le rendant plus visible -et donc moins
pérenne- pour un contribuable qui aura d'autant plus vite fait d'oublier
les baisses de prix imposées aux agriculteurs qu'il en aura peu senti
les effets ;
- il
transforme le rôle de l'agriculteur
: son revenu
dépendant moins de sa qualité de chef d'entreprise que de sa
propension à recevoir des aides, quel sera son métier demain ?