2. Un financement mieux garanti ?
La
réforme proposée est-elle, par ailleurs, de nature
à
consolider le financement de la PAC
, dont la place importante dans le
budget de la Communauté est périodiquement mise en cause ?
A cet égard,
les avantages de la démarche adoptée par
la Commission peuvent paraître importants.
En l'absence de
réforme, les dépenses budgétaires agricoles
évolueraient certes moins rapidement, mais la marge considérable
qui apparaîtrait alors sous la ligne directrice agricole pourrait
favoriser la remise en cause de son mode de calcul. A l'inverse, en continuant
à remplacer par des paiements directs le soutien par les prix et surtout
en faisant assumer par le FEOGA-garantie une part notable des dépenses
consenties au titre du développement rural, les propositions de la
Commission permettraient de " remplir " suffisamment la ligne
directrice agricole pour que celle-ci conserve sa signification et puisse donc
être maintenue sous sa forme actuelle.
Surtout, le principe d'une baisse des prix compensée par des aides
directes peut sembler justifié dans la perspective de
l'élargissement. Les prix pratiqués dans les pays candidats sont
très sensiblement inférieurs à ceux en vigueur dans
l'Union Européenne, et resteront encore inférieurs si la baisse
des prix proposée est décidée. Les agriculteurs de ces
pays, qui bénéficieront ainsi d'une hausse des prix lors de
l'adhésion, n'ont donc pas vocation à bénéficier
des aides directes compensatoires. La réforme proposée devrait
dès lors aider à maîtriser le coût budgétaire
de l'élargissement, en permettant de limiter les dépenses de
soutien des prix qui joueront pour tous les Etats membres, et en mettant
l'accent sur les aides compensatoires qui n'ont pas vocation, du moins dans un
premier temps et sous leur forme actuelle, à s'appliquer dans l'ensemble
de l'Union.
Cependant, les propositions de la Commission comportent également,
sur le plan budgétaire, des incertitudes et des risques.
Certes, la hausse des dépenses budgétaires pour le fonctionnement
des OCM serait surtout sensible au milieu de la période couverte par la
réforme puisque, en fin de période, elle se trouverait
atténuée par la diminution des dépenses d'intervention.
Néanmoins, au total, la réforme se traduirait par une
augmentation durable de dépenses budgétaires n'ayant pas le
caractère structurel, et donc réparties selon des critères
ne reflétant pas la richesse relative des pays membres.
Or, ces propositions interviennent dans un contexte marqué par une
tension entre les pays les plus fortement contributeurs nets -Allemagne et
Pays-Bas- qui réclament un plafonnement de leurs contributions, et les
pays les plus bénéficiaires de la politique de cohésion
économique et sociale, qui craignent un redéploiement des
dépenses structurelles vers les pays d'Europe centrale et orientale.
Dans un tel contexte, l'idée d'un accroissement des aides directes
n'apparaît pas sans risques.
Comme on l'a souligné plus haut,
la réforme envisagée ne paraît pas renforcer suffisamment
l'" acceptabilité " de ces aides, qui pourraient
dès lors se trouver contestées plus encore qu'aujourd'hui. Si la
réforme préservait clairement la distinction entre
dépenses obligatoires (que le Parlement Européen ne peut
modifier) et dépenses non obligatoires (pour lesquelles il a le
" dernier mot "), la protection des crédits destinés
aux paiements directs serait cependant assurée : mais il n'en est pas
ainsi. En prévoyant le financement partiel du développement rural
par le FEOGA-garantie, la Commission a voulu introduire un
élément de souplesse, permettant d'utiliser une partie de la
marge éventuellement laissée disponible par la gestion des OCM
pour des actions de développement rural ; mais si cette proposition
était approuvée par le Conseil, on se trouverait alors dans une
situation où une partie des crédits inscrits au FEOGA-garantie
(les dépenses relatives aux OCM) relèverait du régime des
dépenses obligatoires (D.O.), et l'autre partie (les dépenses
relatives au développement rural) du régime des dépenses
non obligatoires (D.N.O.), sans qu'il y ait de frontière nette dans leur
utilisation. La distinction D.O./D.N.O. y résisterait-elle ?
Comme le Parlement Européen n'a cessé de contester cette
distinction dans laquelle il voit une atteinte à ses pouvoirs
budgétaires, on peut craindre qu'il n'y ait là l'ouverture d'une
brèche qui pourrait, à terme, conduire à une modification
profonde des conditions de fixation des dépenses agricoles
communautaires.
En prévoyant d'accroître la part des aides directes dans le revenu
des agriculteurs, et en ouvrant simultanément la voie à ce que le
devenir de ces aides relève du Parlement Européen, les
propositions de la Commission paraissent donc introduire un
élément de fragilité dans le financement de la PAC.