DEUXIÈME PARTIE -
PROJET ET RÉACTIONS
I. VERS UN NOUVEAU CADRE COMMUNAUTAIRE ?
L'" Agenda 2000 " présenté par la
Commission Européenne en juillet 1997 s'efforce de définir une
approche globale pour préparer l'Union à son élargissement.
La réforme de la PAC est conçue comme un élément de
cet ensemble,
qui comprend également une réforme des fonds
structurels et une révision des perspectives financières -la
question de la réforme des institutions restant pendante, quant à
elle, compte tenu des décisions du Conseil Européen d'Amsterdam-.
La démarche de la Commission ne doit donc pas être comprise
seulement par référence à l'état et aux
perspectives des marchés agricoles, et en fonction des
négociations commerciales internationales à venir : ces facteurs
sont certes essentiels, mais ils ne sont pas les seuls, ce qui distingue la
nouvelle réforme de celle de 1992. Pour la première fois dans
l'histoire de la politique agricole commune, on est en présence d'une
tentative de réforme " à froid " : la ligne directrice
agricole laisse une marge importante, et la Communauté n'a pas à
gérer d'importants excédents par de coûteuses
opérations de stockage ou d'exportations subventionnées.
Il
s'agit de prévenir les difficultés plus que de les
résoudre
.
Les objectifs poursuivis par la Commission sont donc de moyen
terme
: empêcher la réapparition d'excédents non
exportables, rendre la PAC plus facile à défendre dans les
futures négociations de l'OMC, la concilier avec le processus
d'élargissement à l'Est, garantir durablement son financement,
enfin désarmer l'hostilité de certaines fractions des opinions
publiques, notamment en mettant l'accent sur l'effort de développement
rural. Autant d'objectifs louables, que bien peu contesteraient. Mais les
moyens retenus sont-ils vraiment de nature à les atteindre ?
Ces moyens, déjà esquissés dans " Agenda 2000 ",
ont été présentés en mars 1998 sous la forme d'un
ensemble de propositions d'actes communautaires (document COM (98) 158
final).
A. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
1. Dans les différentes productions
a) Le secteur des grandes cultures
La
Commission Européenne, tout en soulignant la situation actuellement
satisfaisante de ce secteur
-avec des stocks d'intervention à un
niveau très bas, une vive progression de la demande intérieure,
et une forte baisse des restitutions à l'exportation- estime probable la
reconstitution à moyen terme de stocks d'intervention très
élevés, compte tenu des limites fixées aux subventions
à l'exportation par les accords du GATT, et relève la
complexité du système d'aides ainsi que sa mauvaise perception
dans l'opinion publique.
S'inscrivant dans la logique de la réforme de 1992, la Commission
propose donc une baisse de 20 % (de 119,19 à 95,35 écus/tonne) du
prix d'intervention des céréales. Cette nouvelle baisse
interviendrait en une seule étape, au 1er juillet 2000 ; elle
s'accompagnerait d'une suppression des majorations mensuelles.
Elle serait compensée à 50 % par une augmentation de l'aide
directe, qui passerait de 54,34 à 66 écus/tonne.
Le système de calcul des aides directes, transformant l'aide à la
tonne en aide à l'hectare par application d'un coefficient de rendement
régional, dans la limite de surfaces de base définies par des
références historiques, est maintenu sous réserve de la
suppression de deux facultés offertes jusqu'à présent aux
Etats : celle de recourir au système de la superficie de base
individuelle (aucun ne l'avait fait), et celle d'établir des superficies
de base spécifiques pour le maïs ; en revanche, les Etats peuvent
désormais prévoir, dans leurs plans de régionalisation, un
coefficient de rendement particulier pour les cultures irriguées, dans
la limite de surfaces de base spécifiques définies par des
références historiques.
Les aides directes ainsi définies s'appliqueraient de la même
manière aux céréales, aux graines oléagineuses, aux
graines de lin non textile et à la mise en jachère volontaire.
Les céréales à ensiler continueraient également
à bénéficier des aides directes, contrairement à ce
qu'avait initialement prévu la Commission en juillet 1997.
Ce schéma général est complété par des
mesures particulières :
- l'aide directe accordée au titre des cultures de protéagineux
serait fixée à 72,5 écus/tonne, dans le but de
préserver leur rentabilité par rapport aux autres cultures
arables ;
- les aides supplémentaires accordées aux producteurs de
blé dur seraient maintenues à leur niveau actuel
(344,5 écus par hectare pour les zones de production
traditionnelles ; 138,9 écus par hectare pour les zones non
traditionnelles) ;
- le prix minimum des pommes de terre destinées à la
féculerie serait abaissé de 20 % (de 209,78 à
167,82 écus/tonne), cette diminution étant compensée
pour moitié par une augmentation de l'aide directe, qui passe de 86,94
à 105,6 écus/tonne.
La Commission Européenne propose également une refonte des
dispositions applicables au gel des terres.
L'instrument de la jachère obligatoire subsisterait juridiquement, mais
son taux normal serait désormais de 0 % ; les petits producteurs
resteraient exemptés de gel obligatoire des terres si ce taux
était relevé (la définition du petit producteur
étant inchangée, à savoir le producteur sollicitant des
aides directes pour une superficie n'excédant pas celle
nécessaire, compte tenu du rendement régional, pour produire 92
tonnes de céréales).
La jachère volontaire (pour une durée pouvant aller
jusqu'à cinq ans) serait maintenue ; chaque Etat pourrait fixer une
limite supérieure par exploitation à la superficie pouvant
être gelée, la limite inférieure étant fixée
en tout état de cause à 10 % de la surface arable. Les
dispositions en vigueur concernant les cultures non alimentaires sur les terres
gelées subsisteraient " sous réserve que des systèmes
de contrôle efficaces soient appliqués " ; il en est de
même des dispositions concernant les aides nationales pour les cultures
pluriannuelles destinées à la production de biomasse sur les
terres en jachère.
Le régime des pénalités serait également
aménagé. Les sanctions financières, en cas de
dépassement de la limite résultant du mécanisme de la
superficie de base régionale seraient maintenues sous la forme d'une
diminution des paiements lors de la campagne suivante, proportionnellement au
dépassement constaté ; en revanche, le " gel
extraordinaire " serait supprimé.