c) Un principe menacé par la multiplication des accords préférentiels avec les pays tiers
Les
négociations agricoles du GATT ne sont pas le seul facteur de dilution
de la préférence communautaire. En plus de ce cadre
multilatéral, se sont multipliés nombre
d'accords
bilatéraux
d'échange entre la Communauté et
différents pays, très souvent pour des raisons politiques et
historiques, comme conséquence de liens particuliers entre des Etats
membres et certains pays (pays d'Afrique et des Caraïbes pour les accords
de Lomé), ou par suite d'un tropisme géograhique particulier
(bassin méditerranéen pour la France et l'Espagne, Europe de
l'est pour l'Allemagne).
Certes, les zones de libre-échange régional se développent
partout dans le monde, qu'il s'agisse de l'ALENA nord-américain, du
MERCOSUR Sud-Americain, des associations entre états du Sud-est
asiatique (ANASE) ou d'Asie Pacifique (APEC).
L'intérêt bien compris de l'Europe est de ne pas se laisser
marginaliser : elle doit sauvegarder ses débouchés
extérieurs. La Communauté n'a donc pas tout à perdre
à nouer, elle aussi, des relations commerciales
privilégiées.
Toutefois, il faut, en la matière, raison garder
:
l'établissement de tarifs préférentiels à
l'importation ou de zones de libre-échange n'est justifié que si
les avantages qui en résulteront pour la Communauté sont plus
importants que les inconvénients.
Comme l'ont montré encore récemment certains projets -tel le
" nouveau marché transatlantique ", écarté, pour
l'instant, à la demande expresse de la France- qu'élabore,
parfois, l'un ou l'autre des 4 commissaires Européens
chargés des relations extérieures (MM. Hans Van den Broeck, Leon
Brittan, Manuel Marin et Juao de Deus Pinheiro), les accords déjà
signés ou envisagés par la Communauté,
parfois depuis
de nombreuses années, mais surtout, de plus en plus nombreux, ces
dernières années
peuvent avoir des conséquences
importantes pour l'agriculture Européenne qu'il s'agisse :
- des conventions de Lomé entre l'Union Européenne et les
pays
d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
(ACP), dans un
objectif de développement de ces régions ;
- des accords d'association signés en 1991 avec les
pays
d'Europe centrale et orientale
, dans l'optique de la préparation de
l'adhésion future de ces pays ;
- de l'union douanière avec la
Turquie
;
- des projets d'accord de libre-échange avec le
Conseil de
coopération du Golfe
(Arabie Saoudite, Barhein, Oman, Koweit,
Emirats Arabes Unis) avec les pays du
Mercosur
, avec des pays
d'ex-URSS
(Russie, Moldavie, Ukraine, Bélarus) avec l'Afrique du
Sud, avec le Mexique... ;
- des accords bilatéraux négociés avec les pays tiers
du pourtour méditerranéen, dans le cadre de la politique de
" partenariat Euro-méditerranée
",
définie à Barcelone en 1995.
La France a toujours eu le souci de concilier la nécessaire ouverture
de la Communauté sur l'extérieur avec l'indispensable
préservation de ses intérêts, notamment agricoles
.
On se souvient d'ailleurs des réserves, exprimées à
plusieurs reprises, dès 1996, par des représentants officiels
français au sujet de la prolifération désordonnée
de tels projets d'accords préférentiels, la France
réclamant en la matière une " pause active " de la part
de la Commission, cette dernière étant invitée à ne
plus ouvrir de nouveaux chantiers de négociations bilatéraux.
En ce qui concerne plus particulièrement la négociation en cours
avec les
pays du pourtour méditerranéen -
qui sont lourdes
d'enjeux en matière agricole- puisque ces accords prévoient un
système de préférences à l'exportation, la
Commission Européenne a présenté, au mois d'octobre
dernier, un rapport
18(
*
)
au
Conseil étudiant l'impact des concessions de la Communauté
à ces pays pour l'agriculture Européenne et en particulier pour
certains produits " sensibles " comme les tomates, l'huile d'olive,
les agrumes, le raisin, le melon, les fraises, le vin, mais aussi les fleurs.
Douze pays sont concernés par des négociations avec la
Communauté, qui ne sont le plus souvent qu'un approfondissement des
accords de coopération signés dans les années 1970 :
Algérie, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc,
Palestine, Syrie, Tunisie, Turquie.
Rappelons que
la Turquie, le Maroc et Israël
sont trois
exportateurs importants de produits agricoles vers l'Union Européenne
(fleurs, agrumes, tomates, raisin, melon, noisettes, fraises et vins).
Chypre
exporte des volumes significatifs de pommes de terre, d'agrumes
et de raisin. La
Tunisie
exporte principalement de l'huile d'olive, mais
aussi des oranges.
Le rapport précité de la Commission aboutit à la
conclusion globale suivante : "
Une analyse des données
commerciales disponibles
ne permet pas d'établir un lien
évident
entre les augmentations des importations ou des concessions
et la situation de la production, de la consommation et de l'exportation
communautaires. Il semble, par exemple, qu'il n'y ait pas de substitution
directe des importations à la production intérieure "
.
Cette appréciation - optimiste- doit être nuancée, en
particulier dans certains secteurs
. Les différents
entretiens
19(
*
)
de votre mission
d'information ont en effet conforté les conclusions que tirait, en 1997,
le groupe de travail de la Commission des Affaires économiques sur les
fruits et légumes
20(
*
)
:
"
(...) le secteur agricole, et notamment celui des fruits et
légumes, se révèle être
une monnaie
d'échange courante dans la plupart des accords bilatéraux ou
multilatéraux
conclus par la Communauté avec les pays tiers.
Votre commission considère qu'il est temps que l'Union Européenne
ait
une vision claire de la politique commerciale extérieure
,
notamment en matière d'échanges agricoles et fasse des choix
cohérents (...) ".
Disposant d'acquis, mais aussi de faiblesses, la PAC doit en outre faire face
à de nouveaux défis pour aborder le
XXIème siècle.