Europe et mondialisation : l'espoir industriel
OUDIN (Jacques)
RAPPORT D'INFORMATION 462 (97-98) - DELEGATION DU SENAT POUR L'UNION EUROPEENNE
Table des matières
-
INTRODUCTION
-
I. ATOUTS ET FAIBLESSES DE L'INDUSTRIE EUROPEENNE
- A. UNE INDUSTRIE PERFORMANTE MAIS FORTEMENT CONFRONTÉE À LA CONCURRENCE MONDIALE
- B. L'EUROPE CONSERVE SES CAPACITES D'EXPORTATION
- C. LA SITUATION DE L'EMPLOI INDUSTRIEL CONTINUE DE SE DEGRADER
-
II. RENDRE LA POLITIQUE COMMERCIALE DE L'UNION PLUS OFFENSIVE
- A. UNE POLITIQUE AUX EFFETS POSITIFS INCONTESTABLES
- B. LA POLITIQUE EUROPEENNE MANQUERAIT-ELLE DE RÉALISME ?
- C. L'EUROPE DOIT ÊTRE PLUS COMBATIVE
-
III. CREER LES CONDITIONS FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL
- A. RENDRE LA POLITIQUE DE CONCURRENCE MOINS DOGMATIQUE : LA CONCURRENCE EST UN MOYEN ET NON UNE FIN
- B. FAVORISER LA DEFINITION D'UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE STRUCTUREE
- C. RENFORCER LES POLITIQUES D'ACCOMPAGNEMENT NECESSAIRES
-
I. ATOUTS ET FAIBLESSES DE L'INDUSTRIE EUROPEENNE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN DELEGATION
-
ANNEXE 1 :
Les perspectives de croissance mondiale -
ANNEXE 2:
Les flux d'investissements directs dans l'Union européenne en 1996 -
ANNEXE 3 :
Résultats des enquêtes auprès des chefs d'entreprise et des consommateurs -
ANNEXE 4 :
La structure du commerce extérieur de la France
N°
462
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 mai 1998
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) sur la politique industrielle et commerciale de l'Union européenne face à la mondialisation de l'économie,
Par M.
Jacques OUDIN,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Michel Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon, vice-présidents ; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, secrétaires ; Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, Michel Barnier, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet, M. Gérard Delfau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Daniel Hoeffel, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, André Rouvière, René Trégouët, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.
Politique industrielle.
INTRODUCTION
" On ne dissocie pas un pays de sa puissance
industrielle.
Pas de grand pays sans industrie puissante ".
Jacques CHIRAC - Valeurs actuelles
5 octobre 1996
La mondialisation de l'économie n'est pas un phénomène
récent : au fil des siècles, l'accroissement des
échanges commerciaux, la circulation des idées et des hommes, la
diffusion du savoir, des connaissances et des techniques, notamment
informatiques, ont conduit à l'ouverture progressive des
économies et des frontières.
En revanche, l'accélération spectaculaire de ce processus
à laquelle nous assistons depuis les années quatre-vingt a
contraint les pays industrialisés, qui s'y sont trouvés
confrontés, à une brutale et récente prise de conscience
d'une évolution, perçue tout à la fois comme une
épreuve à subir et un défi à relever.
Donnant lieu à des analyses et commentaires aussi nombreux que
contradictoires en Europe comme aux Etats-Unis, tant par les hommes politiques
que par les économistes, cette marche vers la globalisation a
provoqué des bouleversements profonds dans l'équilibre mondial.
Ils ont remis en cause le schéma de développement jusqu'alors
classique entre pays riches et pays pauvres. Cette rupture, consacrée
par la mise en parallèle des taux de croissance annuels
considérables affichés par certains pays définis longtemps
comme " en voie de développement " et la moindre progression
économique de l'Occident, est porteuse d'inquiétudes et
d'incertitudes. Ainsi que l'indique M. Daniel Cohen, "
ce face
à face entre un monde pauvre qui s'enrichit et des nations riches qui
semblent s'appauvrir donne inéluctablement prise aux théories
selon lesquelles le premier facteur serait cause du second
"
(1(
*
))
.
En 1996, confirmant ces analyses, la banque mondiale prévoyait que la
croissance asiatique moyenne des vingt prochaines années pourrait
atteindre 7,5 % par an ; les perspectives de la Commission
européenne tablaient, pour l'Union, sur 2,3 % en 1997 et 2,8 % en
1998, après le niveau modéré de 1,8 % atteint en
1996.
Un an plus tard, la situation est tout autre : la crise financière
asiatique qui a atteint les pays symboles du modèle globalisé a
brutalement perturbé l'évolution économique mondiale,
montrant une fois encore, s'il en était besoin, qu'aucune situation
n'est acquise. La donne ne s'en trouvera toutefois pas entièrement
modifiée : après une première réaction d'affolement
en Europe, les analyses laissent espérer des bouleversements moindres
que ceux tout d'abord annoncés.
Les prévisions semestrielles de l'OCDE, publiées le 8 avril 1998,
considèrent que les conséquences de cette crise seront bien
réelles mais que ses effets négatifs devraient se limiter
à la zone Asie. Les experts ont ainsi avancé que les perspectives
de croissance pouvaient être maintenues à 2,9 % pour 1998 en
France. En revanche, les estimations pour l'Allemagne sont ramenées de 3
% à 2,7 %, en raison essentiellement d'un retard de la demande
intérieure.
Mais, globalement, l'Union européenne, dans son
ensemble, devrait être peu affectée, son impact sur la croissance
étant apprécié à 0,4 et 0,2 points respectivement
pour 1998 et 1999.
Les effets seront plus nets aux Etats-Unis, où la
croissance pourrait tomber à 1,4 % au cours du second semestre 1998,
presque à point nommé pour éviter un
phénomène de surchauffe de l'économie américaine.
La zone asiatique sera beaucoup plus atteinte : le Japon pourrait enregistrer
une baisse de 0,3 % de son PIB en 1998 et n'espérer qu'une croissance de
1,3 % en 1999. La Corée, principal acteur de la situation, perdrait
6,8 % de la croissance qu'elle pouvait attendre sur la tendance des
années précédentes -soit un recul de 0,2 % de son PIB en
1998- mais elle devrait retrouver une croissance de l'ordre de 4 % en 1999.
Cette nouvelle situation économique n'entravera pas le
développement des échanges : la forte dépréciation
des monnaies asiatiques va au contraire favoriser davantage les exportations en
provenance de cette zone et accroître encore la compétition
internationale. Le volume des échanges continuera d'augmenter.
L'évolution du volume du commerce international illustre en effet
parfaitement l'effet " mondialisation ". D'après les chiffres
du FMI, pendant que le produit intérieur brut mondial augmentait, en
moyenne, de 3,7 % au milieu des années 90, les échanges
commerciaux progressaient deux fois plus, pour atteindre environ 8 %, et
même 11 % pour ceux réalisés entre pays
industrialisés et pays en développement.
De même, l'investissement direct à l'étranger, qui permet
de mesurer l'évolution des processus d'internationalisation des
économies, s'est accru massivement, entre 1990 et 1996, passant de 18
à 91,2 milliards de dollars. Tels qu'analysés dans le
rapport remarqué de M. Jean Arthuis en 1993
(
2(
*
)
)
, ces investissements directs s'effectuaient, depuis
les années soixante, essentiellement par création de filiales,
par fusions-acquisitions ou par co-entreprise, afin de permettre aux
sociétés d'accéder plus aisément aux marchés
étrangers et d'y accroître le volume de leurs ventes. Plus
récemment, ils ont été guidés par le souci de
rechercher des lieux de production à coûts de main d'oeuvre
faibles, historiquement d'abord situés au Maghreb, puis dans le sud-est
asiatique, enfin en Europe de l'Est. Ils ont alors été
requalifiés " délocalisations ".
1. L'analyse du phénomène délocalisations : un
débat qui tend vers l'apaisement
Terme générique à la définition confuse, mais
toujours considérées comme synonyme de destruction d'emplois, les
délocalisations ont accompagné, et probablement amplifié,
la mondialisation de l'économie. Favorisées par la baisse des
coûts de transports
(
3(
*
)
)
et
l'efficacité des télécommunications, elles ont
concerné plus directement les produits aisément transportables,
de faible encombrement (textile, chaussures, jouets, puis plus récemment
logiciels et autres produits technologiques...) ou les services utilisant les
connexions modernes (comptabilité, saisies informatiques...).
L'accélération de ce mouvement de déplacement des lieux de
fabrication des pays riches vers les pays pauvres, l'effet direct qu'il produit
sur l'emploi européen -notamment le moins qualifié- ont fait
l'objet de très nombreux commentaires
(
4(
*
)
)
.
Au cours des toutes dernières années, l'examen du
phénomène des délocalisations a suscité des
analyses multiples, aussi passionnées que divergentes.
Les uns y ont vu une évolution logique et inéluctable vers une
nouvelle répartition des emplois dans le monde : les industries de
main-d'oeuvre peu qualifiées s'implantant dans les pays en
développement, à charge pour les nations les plus avancées
de conserver leur avance technologique et de valoriser l'ouverture de nouveaux
marchés étrangers permise par le déplacement d'emploi.
Les autres ont considéré, à l'inverse, que cette perte
d'emplois peu qualifiés dans les pays industrialisés conduisait
leur économie à la faillite et qu'une réaction plus
protectionniste du marché, notamment européen, constituait la
seule issue viable.
Les uns ont imputé aux délocalisations la destruction de milliers
d'emplois, les autres ont soutenu qu'elles auraient au contraire permis de
sauvegarder une partie des emplois de toute façon sacrifiés.
Ces différentes analyses comportent toutes leur part de
vérité : il est incontestable que certains secteurs
industriels traditionnels ont été laminés par la
concurrence des pays émergents. Mais, dans le même temps, ces
Etats se sont positionnés comme des marchés nouveaux dont le
potentiel de développement considérable offre de grandes
opportunités aux industriels occidentaux. Ainsi, la part des
importations des " quatre dragons " d'Asie du Sud-Est dans le
commerce mondial
(
5(
*
)
)
est passée de
2,4% en 1970, à 8,4% en 1994 et les importations chinoises ont plus que
doublé, en valeur, depuis 1990.
De telles perspectives de développement incitent les industriels
occidentaux à se préparer à satisfaire cette demande, le
plus souvent en implantant dans ces pays des moyens et outils de production. En
ce sens, il n'y a pas substitution d'investissements au profit des pays
étrangers ; bien au contraire, ces
" délocalisations " sont alors la condition de la croissance
future du secteur investisseur.
Les multiples études récemment conduites sur ces questions
d'investissements à l'étranger ont également permis d'en
prendre une mesure plus large et d'en relativiser les effets. Ainsi, en 1994,
sur l'ensemble de ses investissements à l'étranger, la France n'a
consacré aux pays émergents que 10 milliards de francs, soit
1,5%. En retour, elle constituait le quatrième pays d'accueil des
investissements internationaux après les Etats-Unis, la Grande-Bretagne
et la Chine en 1995 et, selon la Datar, ces apports extérieurs ont
permis de maintenir ou de créer 20.000 emplois, soit 15% de plus qu'en
1994.
C'est pourquoi, considérant désormais la délocalisation
d'activités comme l'une des conséquences, et non la seule cause,
de la mondialisation, les commentaires les plus récents semblent
s'orienter vers une approche plus optimiste de la globalisation de
l'économie mondiale. On assiste, depuis peu, mais nettement, à un
rapprochement sensible entre défenseurs et adversaires de cette
globalisation. Le retour de la croissance en Europe est sans doute pour
beaucoup dans cet apaisement : en 1997, celle-ci est en effet sortie d'une
période de forte dispersion des conjonctures nationales et de
performances moyennes médiocres. A partir du second trimestre, une
croissance oscillant entre 3 et 4 % a établi la moyenne communautaire
à 2,7 % en 1997 -au lieu des 2,3 % prévus et des 1,8 %
réalisés en 1996. Elle s'élèvera vraisemblablement
à 2,7 % ou 2,8 % en 1998 et au moins autant en 1999.
Lors de son audition devant la commission des Affaires économiques et du
Plan du Sénat
(6(
*
))
, M. Renato Ruggiero,
Directeur général de l'OMC, a considéré que
"
la mondialisation ne détruisait pas des emplois, puisque la
croissance et l'emploi dans les pays développés
dépendaient de l'importance de leurs relations avec les pays
émergents importateurs nets et véritables réservoirs de
consommateurs et de production. La mondialisation est une chance pour les pays
industrialisés et elle doit devenir le véritable moteur de la
croissance dans les années à venir
".
Dès lors qu'on admet comme inéluctable cette évolution des
règles du jeu commercial,
l'Union européenne ne peut se
contenter de la subir ; elle se doit de trouver les moyens de son
adaptation, notamment par une réaction énergique pour maintenir
et développer l'industrie sur son territoire.
En effet, l'industrie européenne s'est trouvée rapidement
confrontée à la mondialisation de l'économie, qui exerce
sur elle des effets tout à la fois négatifs, en créant une
concurrence internationale de plus en plus vive, et positifs, en permettant
l'ouverture de nouveaux marchés extérieurs. Ce double impact ne
peut que se renforcer à l'avenir, comme le soulignait M. Didier
Pineau-Valencienne au cours de son audition par la commission des Finances du
Sénat
(
7(
*
)
)
: en 1985, seuls 500
segments de marchés de produits faisant l'objet d'échanges
internationaux étaient totalement mondialisés ; les
Etats-Unis étaient " leader " sur 300 d'entre eux, l'Allemagne
sur 100 et la France sur pratiquement aucun. En 1995, ce nombre était
passé à 2.000 segments, dont 40 tenus par la France, 300 à
350 par l'Allemagne et plus de 1.000 par les Etats-Unis. Il devrait atteindre
10.000 segments en l'an 2000.
Puisque la survie de l'industrie européenne dépend de sa
capacité à assurer sa place dans le monde, il est impossible
à l'Union de céder à une quelconque tentation
protectionniste. Mais il n'est pas davantage envisageable de céder sans
contrôle et sans raison aux poussées libre-échangistes que
l'accord multilatéral sur les investissements ou le nouveau
marché transatlantique ont récemment suggérées.
Cette nouvelle donne réclame de nouvelles politiques économiques,
dans l'objectif supérieur d'améliorer la situation de l'emploi en
Europe.
2. L'Europe doit avoir une ambition industrielle
Il faut
impérativement garder à l'esprit les atouts industriels de
l'Europe et ne pas voir sa désindustrialisation comme une
fatalité. L'industrie européenne est puissante, sa
capacité d'exportation avérée et - on nous pardonnera
ce réflexe national - la position de la France reste aux tous
premiers rangs mondiaux dans nombre de secteurs.
a) L'opposition industrie-services : un débat
dépassé
Dans la lutte constante que mène l'Europe contre le chômage,
l'importance de l'industrie a sans doute été
mésestimée,
notamment en France où l'on a
constaté une certaine tendance à considérer que le secteur
tertiaire était le mieux -voire le seul- à même de
favoriser la création d'emplois. Le récent sommet extraordinaire
sur l'emploi, tenu à Luxembourg en novembre 1997, n'a pas davantage
réservé à l'industrie la part qu'elle aurait
méritée puisqu'il n'en fait aucune mention dans la liste des
actions à conduire.
Certes, le secteur des services représente davantage d'emplois que
l'industrie et l'agriculture réunies : au cours des quinze
dernières années, 18 millions d'emplois ont
été créés dans le secteur tertiaire, en
Europe ; dans le même temps, 13 millions d'emplois ont
été perdus dans l'agriculture et l'industrie.
Mais les analyses économiques s'accordent pour affirmer que
le
secteur industriel est essentiel au maintien global de l'emploi :
" un emploi créé dans l'industrie, c'est au moins deux
emplois créés dans les services " dit-on et
l'on ne peut
raisonnablement espérer constituer une économie puissante sans
qu'elle s'appuie sur un socle industriel fort.
Comme l'indiquait
M. Raymond Lévy, ancien patron de Renault, "
favoriser
l'industrie, c'est favoriser la puissance économique et l'emploi. On ne
remplace pas les emplois industriels par des emplois de services car il n'y a
pas de services sans industrie
"
(8(
*
)).
Il convient de ne pas oublier combien l'activité des services reste
dépendante de l'activité industrielle, à hauteur de
30 % environ et jusqu'à 40 % pour les emplois de services
liés à l'exportation de biens. On estime ainsi qu'environ
2,5 millions de personnes travaillent en France dans le secteur des
services aux entreprises.
De surcroît, opérer la distinction entre emploi de services et
emploi industriel constitue désormais une entreprise difficile.
L'appréciation de cette répartition dépend du degré
d'externalisation des firmes : à titre d'illustration, des emplois pour
l'entretien de locaux industriels peuvent être comptabilisés comme
emplois industriels s'ils sont effectués à l'intérieur de
la société, mais comme activités de service s'ils sont
sous-traités auprès d'une entreprise de nettoyage. On mesure donc
combien peut être parfois artificielle la séparation entre
secteurs secondaire et tertiaire.
b) L'urgence d'une politique industrielle européenne
L'Union européenne ne pourra pas faire l'économie d'une
politique industrielle à la hauteur de ses légitimes
ambitions.
Si l'objectif est clair, la démarche n'est pas simple en
raison d'abord, des divergences idéologiques entre les Etats membres.
En effet, au contraire de ses principaux concurrents, américains et
japonais, l'Europe éprouve les plus grandes difficultés à
parler d'une seule voix. Comme l'indiquait déjà le rapport
Arthuis précité, elle cumule les handicaps : elle regroupe
des cultures et des langues différentes, n'a pas -pour l'heure- de
monnaie unique, comporte plusieurs administrations, est consumériste et
n'est pas protectionniste.
La diversité des convictions économiques qui animent les Etats
membres la conduit alors à réagir par à-coups, au
gré des événements. Elle peut ainsi opter pour une
application excessivement rigide des règles de concurrence et perdre de
vue tout objectif industriel, comme ce fut le cas lorsque la Commission refusa
d'autoriser le rachat de la société canadienne de Havilland
par Aérospatiale et Alenia, en 1991.
A l'inverse, elle peut aussi choisir l'industrie, au mépris des
principes concurrentiels, en autorisant l'implantation, fortement
subventionnée, d'une usine commune à Ford et Volkswagen, pour
produire au Portugal un véhicule monospace concurrent de
" l'Espace " français.
Cette oscillation permanente entre industrie et concurrence, entre concurrence
intra et extra-européenne appelle désormais une réponse
claire et un choix constructif pour l'avenir économique de l'Union. Le
moment est venu de saisir l'opportunité que présente le retour de
la croissance en Europe.
La seconde difficulté -qui découle d'ailleurs de la
précédente- tient au contenu " colbertiste " que
sous-tend encore l'expression de " politique industrielle ".
Qu'il soit bien clair ici
que notre propos n'est pas de promouvoir quelque
approche périmée de la politique industrielle,
se traduisant
par la multiplication d'interventions étatiques dans le secteur
industriel, dont la mise en oeuvre, par le passé, n'a d'ailleurs pas
toujours abouti aux résultats escomptés. Il n'est pas davantage
question, en souhaitant protéger un marché, de différer
les adaptations et évolutions techniques qui s'imposent. La concurrence
est aussi un atout, comme en témoigne l'exemple de la
libéralisation récente des télécoms qui a
bénéficié aux entreprises comme aux consommateurs.
Certes, on n'inventera pas aujourd'hui une nouvelle politique industrielle.
Mais l'Europe peut mettre en oeuvre, avec détermination, une panoplie
de stratégies concurrentielles, commerciales et industrielles, qui
créeront un environnement favorable au maintien et au
développement de son industrie dans une économie qui sera, avec
ou sans nous, de plus en plus globalisée.
I. ATOUTS ET FAIBLESSES DE L'INDUSTRIE EUROPEENNE
A. UNE INDUSTRIE PERFORMANTE MAIS FORTEMENT CONFRONTÉE À LA CONCURRENCE MONDIALE
Après trois années de régression, la production industrielle de l'Union est en nette reprise depuis le dernier trimestre 1996. L'office statistique Eurostat fait état des résultats suivants :
Evolution de la production industrielle de
l'Union
(construction exclue)
Variation annuelle en %
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Allemagne |
5,2 |
2,9 |
-1,8 |
-7,4 |
3,3 |
0,2 |
0,1 |
4 |
4,3 |
Autriche |
7,4 |
1,6 |
-1,1 |
-2 |
4 |
5,4 |
2 |
2,8 |
3,8 |
Belgique |
3,7 |
-2 |
0 |
-5,2 |
1,8 |
4,2 |
0,3 |
2,4 |
2,8 |
Danemark |
0,9 |
0,1 |
3,4 |
-2,9 |
10,5 |
4,3 |
1,7 |
2,6 |
2,8 |
Espagne |
0,1 |
-0,8 |
-2,7 |
-4,8 |
7,3 |
4,7 |
-1 |
6,2 |
7,6 |
Finlande |
0,4 |
-9,7 |
2,3 |
5,2 |
11,4 |
7,5 |
3,2 |
4,5 |
4,8 |
France |
1,5 |
-1,3 |
-1,1 |
-3,8 |
3,8 |
1,5 |
0,7 |
2 |
3,4 |
Grèce |
-2,3 |
-1,4 |
-1,2 |
-2,1 |
0,9 |
2,3 |
1,7 |
1,7 |
1,7 |
Irlande |
4,7 |
3,3 |
9,1 |
5,6 |
11,9 |
18,8 |
10 |
9 |
7,5 |
Italie |
-0,7 |
-0,9 |
-1,3 |
-2,1 |
6,8 |
5,5 |
0,9 |
1,6 |
3 |
Luxembourg |
-0,4 |
0 |
-0,8 |
-2,5 |
5,9 |
0,8 |
-1,4 |
2,4 |
3 |
Pays-Bas |
2,4 |
1,7 |
-0,1 |
-1,3 |
2,9 |
2,3 |
2,5 |
2,7 |
3 |
Portugal |
9,1 |
0 |
-2,3 |
-2,6 |
-0,2 |
4,6 |
2 |
3 |
3,5 |
Royaume-Uni |
-0,3 |
-3,6 |
0 |
2,1 |
5 |
2,1 |
1,3 |
2,7 |
2,8 |
Suède |
1,1 |
-5,1 |
-1,5 |
-0,2 |
10,5 |
10,6 |
2,5 |
4 |
5 |
U.E. à 15 |
1,9 |
-0,5 |
-1 |
-3,1 |
5 |
3 |
0,9 |
3,1 |
3,9 |
Etats-Unis |
0 |
-1,8 |
3,5 |
3,5 |
5,9 |
3,2 |
2,6 |
2,3 |
2,2 |
Japon |
4,3 |
1,9 |
-5,8 |
-4,2 |
1,2 |
3,3 |
1,7 |
2,8 |
3,4 |
Pour
1995 et 1996 : estimations des services de la Commission à partir des
données les plus récentes fournies par les Etats.
Pour 1997 et 1998 : prévisions.
Source : Eurostat 1997.
Les dernières données, publiées le 28 mars 1998, mettent
en évidence une période d'expansion constante de la production
industrielle. En augmentation de 3,8 % en 1997 (soit plus que les 3,1 %
prévus), elle enregistre une progression très supérieure
à celle constatée l'année précédente (+0,1
%). La hausse est nette dans l'ensemble des Etats membres et notamment en
Irlande (+ 15 %), en Finlande (+8,3 %) et en Suède (+7,9 %) ; les taux
les plus faibles étant enregistrés au Royaume-Uni (+1,2 %), en
Grèce et aux Pays-Bas (+1,9 %). En outre, tous les Etats membres
-sauf les Pays-Bas- ont constaté des résultats très
supérieurs à ceux de 1996, année au cours de laquelle
quatre d'entre eux avaient vu leur production régresser (Espagne,
France, Italie et Luxembourg). Sur la même période, la production
américaine a augmenté de 5 %, contre 3,4 % en 1996, et la hausse
se situe à 4,30 % au Japon, contre 2,4 % en 1996.
Pour le seul mois de janvier 1998, le volume de la production industrielle de
l'UE a augmenté de 4,3 % par rapport au même mois de
l'année précédente, succédant à un taux de
4,8 % en décembre 1997. Sur la même période, la production
américaine a augmenté de 5,3 % tandis qu'elle baissait de 2,5 %
au Japon.
Ces résultats très positifs sont le signe tangible de la reprise
de la croissance en Europe ; ils masquent toutefois des situations
contrastées selon les secteurs industriels. Il n'est pas question ici de
dresser un tableau exhaustif de l'industrie européenne, mais
plutôt, à travers quelques exemples représentatifs,
d'apprécier quelques grandes tendances de sa situation. L'exercice n'est
d'ailleurs pas simple en raison de l'absence de séries statistiques
complètes ou de l'établissement très tardif de
celles-ci.
1. Les secteurs les plus technologiques résistent
Il
ressort du panorama industriel européen qu'un secteur résiste
d'autant mieux à la concurrence mondiale qu'il intègre une part
forte de haute technologie. C'est une évidence qu'il convient de
rappeler.
Dans cette optique, l'Allemagne bénéficie de la meilleure
situation puisqu'elle domine le classement des dix premières
régions de haute technologie : le Baden-Württenberg et le Bayern
occupent les deux premières places du palmarès qui compte au
total six régions allemandes, l'Est français étant
placé en sixième position. Une situation semblable est
observée dans le classement des dix premières régions de
technologies de pointe, comprenant les machines de bureau et le matériel
informatique, les équipements de radio, télévision et
communication ainsi que l'industrie chimique, mais excluant notamment
l'automobile. L'Allemagne y place six régions, la Flandre belge et le
sud des Pays-Bas figurant en bonne place tandis qu'aucune région
française n'y est retenue
(9(
*
))
.
Parmi les secteurs industriels européens les plus performants, on
observe notamment que :
a) L'industrie aéronautique et spatiale se restructure
•
L'atout Airbus
Grâce à une coopération exemplaire de quatre industriels de
l'aéronautique, l'Europe s'est dotée, avec Airbus Industrie, d'un
géant industriel capable de rivaliser avec ses principaux concurrents,
notamment américains. En 1996, près de trente ans après sa
constitution, le consortium occupe plus de 30 % du marché mondial
et affiche ses ambitions de porter ce chiffre à 50 % dans les
prochaines années
(10(
*
))
. L'enjeu est
à la mesure de cet objectif car les perspectives tablent sur des besoins
estimés à 15 000 avions dans les vingt prochaines années,
soit un volume d'affaires de 5 000 milliards de francs.
D'intérêt tout à la fois stratégique, technologique
et économique, l'industrie aérospatiale n'occupe toutefois qu'une
place modeste dans l'économie européenne. Elle emploie
directement 370 000 personnes, plusieurs fois ce nombre en terme indirect et
génère un chiffre d'affaires de 350 milliards de francs.
Elle ne représente que 1 % du PNB de l'Europe et 3 % de la
production industrielle. Toutefois, en 1996, les exportations
aérospatiales ont représenté plus de quinze milliards
d'écus, soit près de 3 % des exportations totales de l'Union.
Cette industrie est essentiellement concentrée sur trois pays : la
France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui assurent respectivement 34, 31
et 26 % de la production. La structure choisie -celle du GIE- a permis, tirant
les leçons de l'échec de l'association franco-britannique du
Concorde, de créer une véritable coopération,
gérée et coordonnée par les industriels eux-mêmes.
• Une situation à conforter
La situation de l'aéronautique européenne a toutefois
été fragilisée lors de l'acquisition de Mc Donnell Douglas
par Boeing, qui a été officiellement autorisée par la
Commission le 30 juillet 1997 après quelques velléités de
résistance. Celle-ci avait alors considéré que sur le
marché en cause -celui des grands porteurs commerciaux à
réaction- l'industrie de l'Union présentait une structure
compétitive comparable à celle de son rival américain.
Toutefois, ce marché reste largement dominé par les
américains- détenant désormais 70 % du marché
mondial contre 25 % pour l'Europe-. La rentabilité économique de
l'industrie américaine est supérieure de moitié à
celle de sa rivale européenne (19 % contre moins de 13 %), tandis que la
rentabilité financière y est trois fois plus élevée
(9,6 % contre 3,6 %), grâce au large appui des contrats militaires
outre-Atlantique
(11(
*
)).
Une restructuration de ce
secteur, décidée par les Etats-membres concernés et
conduite par les industriels, est aujourd'hui en cours
(12(
*
))
.
b) L'industrie chimique se maintient
L'Union
européenne est le premier producteur de produits chimiques au monde :
elle devance largement les Etats-Unis et le Japon dans ce secteur qui
génère un chiffre d'affaires de 350 milliards d'écus, soit
3 à 4% du PIB de l'Union. Ce domaine emploie environ 1,6 million de
personnes, ce qui représente 6% de l'emploi industriel.
L'Allemagne constitue le principal site d'implantation de l'industrie chimique,
notamment pour les trois plus grandes firmes mondiales, qui y ont leur
siège. Mais cette branche est surtout composée d'un grand nombre
de PME dans les secteurs de la peinture, des cosmétiques, du traitement
du plastique ou des produits pharmaceutiques de base.
Si la situation européenne reste solide, on ne peut toutefois ignorer le
danger de la concurrence asiatique ou d'Europe centrale qui est
désormais à même d'offrir de nombreux produits de
qualité, à des prix inférieurs à ceux des firmes
européennes. En outre, il faut tenir compte des capacités
industrielles des pays producteurs de pétrole (Arabie Saoudite,
Mexique...) qui maîtrisent parfaitement la fabrication de produits
pétrochimiques de base ou dérivés.
c) L'industrie automobile perd son avance
•
Elle demeure au premier rang mondial
En 1997, la production automobile des sept constructeurs
européens
(13(
*
))
s'est
élevée à 14,7 millions d'unités en
augmentation de 3,7 % par rapport à l'année
précédente (14,15 millions). Avec près de 30 % de la
production mondiale, l'Europe devance toujours les Etats-Unis (24 %) et le
Japon (21 %), mais les pays émergents assurent déjà
15 % de la capacité mondiale, dont plus d'un tiers par la seule
Corée du Sud. Bien que d'un très haut niveau technologique,
l'industrie automobile européenne est désormais combattue par des
rivaux tout aussi performants.
• Elle est fragilisée
-- La domination européenne est donc menacée : les
constructeurs européens, qui supportent des coûts de production
élevés, sont moins bien implantés à
l'étranger que leurs concurrents américains et japonais. Le
marché de l'Union, très largement ouvert à la concurrence
de l'ensemble des constructeurs mondiaux souffre d'une offre supérieure
à ses capacités d'absorption : environ 13,7 millions de
véhicules ont été vendus en 1996 pour une capacité
théorique annuelle de production de 18 millions. Cette
fragilité a obligé les fabricants à des mesures de
restructuration industrielle pour abaisser les coûts de production, dont
" l'affaire Vilvorde " a été le signe le plus marquant.
Les plus récentes évolutions économiques laissent
toutefois espérer une hausse de la demande sur ce secteur : on estime
qu'elle pourrait se fixer en 1998 à 14,74 millions de véhicules.
-- Avec plus de trois millions de véhicules construits, la France
se situe au quatrième rang mondial et occupe la troisième
position pour sa capacité d'exportation. Toutefois, si le secteur
automobile demeure l'un des fleurons de l'industrie française, sa
situation est actuellement très instable
(14(
*
)).
Comme ses partenaires européens, la France est
placée sur un marché ouvert à la concurrence
internationale où la guerre des prix est exacerbée.
En outre, le système des primes qui s'est appliqué ces
dernières années -primes à la casse " Balladur "
de février 1994 à juin 1995, puis prime de qualité
" Juppé " d'octobre 1995 à septembre 1996- a soumis le
marché à de fortes fluctuations. Elles ont ainsi artificiellement
dopé le nombre de nouvelles immatriculations, mais en favorisant la
demande pour des petits modèles notamment importés,
destinés à un marché centré sur le renouvellement
du parc (80 % des acquisitions). Elles ont par ailleurs eu pour effet de
rendre le prix déterminant dans l'acte d'achat : ce faisant, elles
ont renforcé la pénétration étrangère sur le
marché français, passée de 40 % début 1994
à 44,6 % en octobre 1996. A l'issue de la période
primée, le volume des nouvelles immatriculations a reculé de plus
de 21 %.
Pour toutes ces raisons, le constructeur Renault a enregistré, en 1996,
une perte nette pour le groupe de 5,2 milliards de francs
(15(
*
))
, le déficit d'exploitation de la branche
automobile atteignant 2,5 milliards de francs et celui du
département " poids lourds " 705 millions de francs. Les
résultats de PSA s'établissaient en baisse de 56 % en 1996 par
rapport à l'année précédente.
En outre, il faut reconnaître que notre secteur automobile accuse un
retard d'adaptation à la mondialisation par rapport à la moyenne
européenne : si Renault fabrique des véhicules dans une
vingtaine de pays, ses ventes hors Union ne constituent que 14 % de
l'ensemble -et moins encore pour PSA- tandis que Fiat assure déjà
plus du tiers de ses ventes à l'extérieur de l'Europe
occidentale.
Bien que difficiles à établir, les prévisions pour 1998
tablent sur une reprise de la consommation, les prévisions
d'immatriculations oscillant autour de 1,8 million de véhicules, soit
au-dessus des résultats pour 1997 (1,7 million).
QUELQUES AUTRES POINTS FORTS POUR LA FRANCE
DANS L'INDUSTRIE EUROPEENNE
• Les télécommunications : la situation
française y est favorable puisqu'elle occupe 15 % du secteur des
télécommunications mondiales, alors que le PIB français ne
représente que 7,7 % du PIB mondial. La France occupe la
cinquième place mondiale en termes de services et le quatrième
rang pour les équipements. Il est essentiel que cette avance soit
consolidée, compte tenu de l'accord récemment obtenu à
l'OMC en la matière.
• Le secteur nucléaire : la France y occupe une position de
pointe. La preuve en est que l'entretien des centrales américaines est
actuellement assuré par des sociétés françaises.
Toutefois, il convient de préparer activement le passage aux centrales
de la nouvelle génération : on observe en effet que le calendrier
américain de renouvellement des installations affiche une avance de
quatre ou cinq années sur le nôtre. Les préoccupations
écologiques devraient permettre de soutenir le développement de
ce secteur.
Plusieurs autres postes sont porteurs comme la chimie-pharmacie, les
biotechnologies, l'environnement, notamment l'industrie de l'eau,
l'agro-alimentaire et l'armement.
2. Les secteurs traditionnels sont très vulnérables
Parmi les branches industrielles les plus affectées par les évolutions économiques récentes figurent essentiellement les industries de main-d'oeuvre. Or, il convient de souligner que l'Europe est composée de deux blocs dont les intérêts sont parfois divergents entre les pays " industriels " et les Etats " commerçants " : la France, qui relève plutôt du premier groupe, y défend de ce fait souvent une position minoritaire pour obtenir des politiques de soutien à la production. Les secteurs du textile et de la chaussure illustrent particulièrement cette dichotomie :
a) La situation du secteur textile
•
Le secteur européen du textile-habillement
constitue l'une des
principales victimes de la mondialisation et de la concurrence par les
coûts. L'uniformisation des modes à travers la planète a
permis la constitution d'un immense marché et d'une demande largement
satisfaite par les productions à bas prix.
La production de textile, qui montrait déjà des signes de
faiblesse au deuxième trimestre 1995, a chuté de 4,9 % en 1996.
L'habillement a connu la même tendance : la baisse amorcée fin
1995 s'est poursuivie pour se situer à 3,7 % en 1996
(16(
*
)).
Hormis quelques exceptions -légère hausse dans le domaine de
l'ennoblissement du textile en Espagne ou des étoffes à mailles
pour l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni- les baisses de production les
plus spectaculaires ont été enregistrées en Allemagne, en
France et en Italie.
En conséquence, l'emploi a continué de chuter en 1996 dans
l'industrie textile (- 6,3 %). Le secteur emploie désormais 2,2 millions
de personnes soit 600 000 de moins qu'en 1990.
•
La situation du secteur textile-habillement français
est
particulièrement préoccupante puisque, entre 1986 et 1995, ses
effectifs sont passés de 439 500 à
281 500 emplois, soit un recul de plus du tiers, très
supérieur à celui constaté globalement dans le secteur
industriel (- 15 %).
Ce contexte difficile s'explique en partie par les difficultés
d'adaptation de ce secteur aux évolutions de la demande mais, surtout,
par la concurrence mondiale qui s'exerce sur le marché grâce au
faible prix des matières premières et au bas niveau de
rémunération de la main d'oeuvre dans les pays en voie de
développement.
La concurrence qui provenait, voici quelques années encore, des pays
d'Afrique du Nord, est aujourd'hui originaire d'Asie du Sud-Est -avec la
récente montée en puissance du Vietnam- et des pays de l'Europe
de l'Est qui bénéficient de l'avantage lié à leur
proximité géographique.
En outre, la dévaluation compétitive des monnaies britannique,
espagnole, italienne et portugaise constatée ces dernières
années a accentué le déséquilibre des
échanges intra-communautaires, en particulier aux dépens de la
France qui exporte 60 % de sa production et en importe 50 %.
En 1996, la réponse française au choc provoqué par les
dévaluations compétitives a consisté à
élaborer un " plan textile " tendant à alléger
les charges sociales pour réduire les frais de main d'oeuvre et
accroître la compétitivité du secteur. Ce dispositif
d'allègement a été notifié aux autorités
européennes qui ont aussitôt ouvert une procédure d'examen
approfondi pour vérifier qu'il n'entraînerait pas de distorsion de
concurrence. Le système a été accepté par la
Commission pour les entreprises de moins de cinquante salariés, qui
représentent 90 % des entreprises éligibles au
bénéfice du plan textile ;
mais son second volet a
été jugé illégal par les autorités
européennes et annulé pour rupture des conditions de commerce
dans l'Union.
Si la structure du secteur du textile, français et européen, ne
permet pas d'augurer d'un réel rétablissement,
il existe
toutefois, dans ce marché difficile, des niches de rentabilité
exploitant en particulier l'image de la France, ses marques reconnues dans le
monde entier et son savoir-faire, et celle, peut-être plus encore, de
l'Italie. Dans ce cas, le différentiel de salaire est compensé
par une mécanisation du secteur et une capacité d'adaptation et
d'innovation importantes.
A l'inverse, d'autres Etats membres ont vu disparaître
l'intégralité de leur secteur textile :
la divergence des
intérêts entre les partenaires constitue alors un obstacle
à la préservation d'une industrie textile en Europe
. En
effet, les pays n'ayant plus de production nationale sont favorables à
une ouverture très large sinon intégrale des frontières de
l'Europe pour qu'une production à bas coût puisse alimenter leur
marché intérieur.
UN EXEMPLE DE RELOCALISATION EN EUROPE
A contre courant du mouvement de délocalisation des entreprises
européennes vers l'Asie, le Président Directeur
Général de deux entreprises textiles belges, Modibel et Texim,
vient de décider de relocaliser en France une partie de sa production
jusqu'alors fabriquée en Inde.
Sa décision résulte d'un calcul simple : les gains
tirés des faibles coûts salariaux de la main-d'oeuvre
étrangère sont compensés par une productivité
locale faible, une qualité des produits imparfaite, des frais et des
difficultés de transports non négligeables, des délais de
livraison plus longs.
Grâce à un investissement massif dans l'automatisation des
tâches, limitant la création d'emplois à cinquante postes
sur le site de Roubaix, l'entreprise devrait être plus compétitive
en France qu'elle ne l'est aujourd'hui en Inde.
Libération - 20 février 1997
b) L'industrie de la chaussure
•
la situation européenne
La production de l'Union reste importante bien qu'en légère
diminution depuis une dizaine d'années. En 1994, 1,1 milliard de
paires ont été réalisées dans plus de
10 000 entreprises employant environ
300 000 salariés. Les cellules de production sont très
souvent des PME implantées dans des zones rurales et employant une main
d'oeuvre essentiellement féminine. L'industrie de la chaussure est ainsi
un des éléments de rééquilibrage régional,
par exemple en France où la majeure partie de la production est
réalisée dans les régions du littoral atlantique :
Bretagne, Poitou, Charente, Aquitaine et, surtout, Pays de Loire.
L'Italie est la première zone de production (470 millions de
paires) avant l'Espagne (190), la France (155), le Portugal (110) et le
Royaume-Uni (105), la part des autres Etats membres restant très
marginale sur ce secteur.
• La situation française
L'industrie française de la chaussure présente un très bon
niveau d'exportation, destinées à plus de 60 % aux pays de
l'Union européenne. Ce niveau supérieur à la performance
moyenne de l'industrie française est une preuve du dynamisme et de la
compétitivité du secteur, malgré les barrières
tarifaires et non tarifaires qui freinent son développement sur de
nombreux marchés.
La stabilité des exportations en 1996, après le net recul des
années précédentes, est encourageante, de même que
la légère diminution des importations, mais elle ne doit pas
masquer la fragilité de la situation. Les taux de
pénétration des importations varient, suivant les années,
de 70 à 75 % de la consommation.
Jusqu'en 1996, la concurrence est surtout provenue des producteurs
traditionnels intra-européens -Italie, Espagne et Portugal- qui ont
bénéficié de reports de consommation grâce aux
dévaluations compétitives de leurs monnaies respectives depuis
fin 1992 : par rapport au franc, la lire et la peseta ont perdu
près de 25 % de leur valeur en quatre ans et l'escudo 15 %.
A terme rapproché, le danger majeur vient des pays à très
bas coût salarial. En effet, l'industrie de la chaussure est
essentiellement une industrie de main d'oeuvre, donc exposée à la
concurrence des faibles salaires en vigueur notamment en Asie du Sud-Est
(Indonésie, Thaïlande et surtout Vietnam, en forte
progression) : les importations en provenance de cette zone
géographique représentent près de 56 % du volume
total des importations françaises en 1995, la Chine en assurant à
elle seule 31 %. Hormis un contingent d'importations applicable à
ce seul pays, mis en place en mars 1994, les échanges sur ce
marché sont libres. En outre, la dépréciation des monnaies
asiatiques risque de perturber violemment le secteur de la chaussure dans les
mois à venir.
Cette concurrence, renforcée par des procédés de dumping
économique et social et par l'usage du piratage des modèles
dénoncés par la Fédération nationale de l'industrie
de la chaussure de France,
a fait perdre à l'industrie
française, en une quinzaine d'années, la moitié de ses
emplois et le quart de sa production.
L'industrie de la chaussure en France en 1996 :
un nouveau
recul
Variation par
rapport à 1995
26 670 salariés - 9,6 %
248 entreprises - 4,6 %
139 millions de paires produites - 8,6 %
13,5 milliards de francs de chiffre d'affaires - 4,2 %
Exportations :
58 millions de paires 0 %
(dont 66 % à destination de l'U.E)
soit 5,1 milliards de francs - 1,09 %
Importations :
240 millions de paires - 3,2 %
(dont 30 % en provenance de l'U.E)
soit 12,5 milliards de francs + 3,3 %
Déficit commercial : 7,4 milliards de francs + 7,2 %
(Source : Fédération nationale de l'industrie de la chaussure de France)
Parmi
nos partenaires dans l'Union, d'autres industries nationales ont moins bien
résisté que la nôtre à la pression des pays à
faible niveau salarial : le secteur de la chaussure a ainsi pratiquement
disparu en Suède ou dans les Etats du Bénélux.
De ce fait, la prise en compte des difficultés de ce secteur
économique est très différente suivant les cas : si
la France est prête à défendre ses productions nationales,
d'autres pays devenus non producteurs, sont au contraire incités
à favoriser des importations à des prix satisfaisant leur
consommation locale et distribuées en grandes surfaces. Ce secteur
illustre à nouveau ici la difficulté inhérente à
l'Union qui veut faire parler d'une seule voix des intérêts
diamétralement opposés.
*
3. Quelles perspectives pour l'industrie européenne ?
a) Les signes d'une reprise à court terme
En
dépit de ce bilan mitigé, les perspectives de l'industrie
européenne pour les tous prochains mois semblent être plus
favorables.
Selon les chiffres publiés par la direction générale des
Affaires économiques et financières de la Commission
européenne
(17(
*
))
, l'accroissement nominal
de l'investissement dans l'industrie manufacturière devrait être
de 6 % en 1998, comme en 1997. Au Royaume-Uni, on attend une forte
augmentation de l'investissement industriel, de l'ordre de 11 % en 1998,
après les 17 % enregistrés en 1997. En Allemagne et en France, ce
taux pourrait croître respectivement de 7 % et de 3 %.
En 1997, le taux d'utilisation des capacités a connu une progression
régulière. Cette tendance s'est poursuivie, ce taux
s'élevant à 83,4 % en janvier 1998 contre 80,8 % l'année
précédente
(18(
*
))
.
En dépit des développements récents en Asie du Sud-Est,
l'indicateur de confiance dans l'industrie a progressé en
décembre 1997, essentiellement sous l'effet de perspectives plus
favorables d'évolution de la production et d'une nouvelle
amélioration des appréciations portées sur les stocks. Si
cet indicateur a légèrement fléchi en janvier 1998,
à la suite d'un ralentissement des entrées de commande, les
perspectives d'emploi se sont améliorées.
Il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette dimension psychologique, qui
est essentielle en matière économique : l'avenir de
l'industrie européenne ne dépend en effet pas seulement des
gouvernements nationaux ou des institutions communautaires. Elle est aussi
l'affaire des hommes qui la conduisent, de l'indice de confiance qu'ils portent
aux perspectives économiques et de l'avenir personnel qu'ils envisagent.
Le premier aspect est, depuis quelques mois, plus favorable. Le second
paraît moins net si l'on considère le phénomène de
" fuite des cerveaux " auquel on assiste actuellement et qui conduit
de nombreux jeunes diplômés à s'expatrier de plus en plus
massivement.
Quand l'industrie française reprend confiance...
Dans
l'industrie manufacturière, les dépenses d'équipement
envisagées pour 1998, ont été amplement revues à la
hausse : + 4 % en valeur à l'enquête d'octobre 1997, + 11 %
à celle de janvier dernier, soit une révision en hausse de 7
points. Or le plus souvent dans le passé, de fortes révisions en
hausse lors des premières enquêtes ont été le signe
d'une croissance vigoureuse des dépenses.
Les grandes entreprises industrielles, interrogées en janvier lors de
l'enquête sur les facteurs de production, se déclarent elles aussi
optimistes, prévoyant une croissance de leurs investissements de 12 % en
1998. En préfiguration de ces prévisions quantitatives, l'opinion
des industriels sur les intentions d'achat s'était d'ailleurs
déjà vivement redressée à l'enquête sur les
trésoreries de juin 1997. L'enquête de décembre a
confirmé ces intentions aux niveaux qu'elles avaient atteints en 1994
lors du précédent redémarrage.
Les éléments semblent donc tous réunis maintenant pour que
l'on puisse envisager une reprise durable de l'investissement. Pour l'ensemble
des entreprises, les dépenses en volume s'élèveraient de
5,6 % en 1998 et de 7,6 % en 1999. La progression devrait être ample
dans les branches industrielles. Le retard d'investissement depuis 1990,
année du précédent pic, y est en effet considérable
; il devrait être à l'origine d'une poussée des achats
d'environ 9 % à chaque fois en 1998 et 1999. Mais à
l'horizon de la prévision, le niveau des dépenses serait encore
inférieur de presque 10 % à celui de 1990. De fait, en termes de
taux d'investissement, cette progression des dépenses de près de
20 % d'ici à l'année prochaine ne constitue véritablement
que l'amorce d'un rattrapage.
Source : étude OFCE réalisée à l'aide du modèle MIMOSA - 2 avril 1998.
b) La répartition mondiale de la production industrielle à l'horizon 2000
On
entend par production manufacturière mondiale l'agrégat
constitué des neuf branches suivantes : bois papiers et divers,
chimie, électronique, matériaux de construction, matériel
électrique, métaux de base, mécanique, textiles,
véhicules. Les tendances passées et les perspectives de
croissance industrielle à l'horizon 2000 sont les suivantes
(19(
*
))
:
• depuis 1973, la part de l'Europe de l'Ouest dans la production mondiale
régresse : de 30%, elle est passée à 27,3% en 1988 et
pourrait ne constituer que 24,6% en l'an 2000, soit une perte de 2,7 points
entre chaque période de référence ;
• la part de l'Amérique du Nord se contracte également, et
à un rythme plus soutenu : elle passerait de 23,4% en 1988 à
18% en 2000, soit un recul de 5,4 points ;
• à l'inverse, les pays asiatiques, Japon inclus, enregistreraient
l'essentiel des gains de production, passant de 26% en 1988 à 34,9% en
2000, soit une augmentation de 8,9 points.
A la fin de ce siècle, l'Asie développée (Japon et les
quatre dragons)
(20(
*
))
devrait ravir
la place de l'Europe de l'Ouest et devenir la première puissance
productive mondiale avec 26,9 %, contre 14 % en 1973.
Répartition mondiale de la production industrielle
|
Europe de l'Ouest |
Europe
de
|
Amérique du
|
Amérique Latine |
Asie développée |
Autres pays d'Asie et d'Océanie |
Afrique et Moyen-Orient |
1988 |
27,3% |
17,6% |
23,4% |
3% |
22,1% |
4,9% |
1,7% |
2000 |
24,6% |
15,2% |
18% |
4,6% |
26,9% |
8% |
2,7% |
c) Les origines et les destinations des productions à l'horizon 2000
Les
perspectives tablent sur la poursuite des tendances actuelles à
une
forte concentration du commerce sur les trois grands pôles de
l'économie mondiale (Amérique du Nord, Europe et Asie
développée) et à une prédominance des
échanges à l'intérieur de chacune de ces zones.
Cependant, les évolutions à l'intérieur de ces zones
seraient contrastées :
- on enregistrerait une stagnation de la production locale sur le
marché Nord-américain (+ 2% aux Etats-Unis, mais une baisse au
Canada) ;
- la croissance serait vive dans l'Union (+ 19%) grâce au doublement des
échanges intra-communautaires ;
- on assisterait à une forte croissance de la demande intérieure
en Asie et en Amérique latine, largement alimentée par des
productions locales ;
- on devrait constater une rapide croissance des exportations japonaises et
asiatiques vers les Etats-Unis et surtout vers l'Europe.
B. L'EUROPE CONSERVE SES CAPACITES D'EXPORTATION
1. Une balance commerciale globalement excédentaire
Sur
longue période, les échanges de biens et de services se sont
accrus, en moyenne, de 7,8 % par an entre 1986 et 1995 pour atteindre 58,2
% du PIB communautaire selon les données publiées par Eurostat le
30 janvier 1998.
L'excédent de la balance des échanges
courants de l'Union, intra et extra communautaire, a atteint près de
35,7 milliards d'écus en 1995, alors qu'elle accusait un déficit
de 64,5 milliards d'écus en 1992.
Ce retournement provient surtout
de l'amélioration de la balance des biens, passée d'un
déficit de 5,7 milliards d'écus en 1992 à un
excédent record de 103,2 milliards d'écus en 1995.
Le commerce de l'Union européenne
avec les pays tiers
a
continué d'augmenter en 1997, produisant un excédent commercial
de 17,3 milliards d'écus au cours du premier semestre contre 10
milliards pour la même période de l'année
précédente. Rapportées au premier semestre 1996, les
exportations et les importations extra-communautaires ont augmenté
respectivement de 6,4 % et de 6,5 % en 1997. En revanche,
le
commerce intra-communautaire
n'a augmenté que de 5,8 % sur la
même période. Cette hausse est cependant supérieure
à celle enregistrée entre les premiers semestres 1995 et 1996
(+ 3,4 %).
2. L'européanisation des échanges de marchandises
Le
commerce des biens, intégrant le secteur industriel, est marqué
par une forte régionalisation des échanges. Depuis 1958, les
exportations de marchandises intra-Europe occidentale sont passés de
52 % à plus de 70 % :
il s'agit de la plus intense
régionalisation des échanges,
mais qui n'est pas unique
puisque cette même concentration géographique est observée
dans la plupart des régions du monde comme l'Asie ou l'Amérique
du Nord
(21(
*
))
.
Cette régionalisation commerciale s'est accompagnée d'une
spécialisation industrielle européenne. Des travaux du CEPII
(22(
*
))
ont montré que la
spécialisation de l'Europe vis-à-vis des zones Eurafrique,
Amérique et Asie-Océanie s'est portée sur la
mécanique, la chimie, les matériels de transports, les industries
agroalimentaires et le matériel électrique.
3. Des faiblesses dans la nature des échanges extra-européens
a) Les échanges de produits à haute technologie
Dressant
le bilan commercial de l'Union en matière de produits de haute
technologie pour 1995, Eurostat indique que l'Europe accusait un déficit
avec les pays tiers d'environ 20 milliards d'écus.
Ce déficit s'explique principalement par le déséquilibre
des échanges avec les Etats-Unis (13,7 milliards d'écus), le
Japon (10 milliards d'écus) et les six pays nouvellement
industrialisés -Malaisie, Thaïlande, Singapour, Hong Kong,
Taïwan et Corée du Sud- (9 milliards d'écus).
Le déficit extérieur le plus important concerne les ordinateurs
et équipement de bureau (18,2 milliards d'écus), suivi de
l'électronique grand public (7,8 milliards d'écus). Les autres
produits affichaient un quasi équilibre, seule la construction
aéronautique et spatiale produisant un excédent de 6,5 milliards
d'écus.
Ces chiffres, publiés en juillet 1997, concernent une large gamme de
secteurs industriels porteurs pour l'avenir, mais sur lesquels l'Europe ne
parvient pas toujours à s'implanter : aérospatial,
télécommunications, ordinateurs et machines de bureau,
électronique générale, électronique de
consommation, appareils scientifiques, nucléaire, éléments
radioactifs et isotopes, produits chimiques et armes.
b) Les échanges avec les pays émergents d'Asie
Selon
l'OCDE
(23(
*
))
, l'Union européenne, a
destiné, en 1996, 15,2 % de ses exportations aux pays
émergents d'Asie (6,5 % aux cinq pays actuellement en crise
-Corée, Indonésie, Malaisie, Philippines et Thaïlande-, 2,3
% à la Chine et 6,4 % aux autres pays émergents- Singapour,
Taïwan, Hongkong).
Un peu plus de 17 % de ces importations proviennent de ces pays (respectivement
6,5 %, 4,5 % et 6,1 %).
Elle affiche donc un déficit structurel qui
devrait encore se creuser après la forte dévaluation des monnaies
asiatiques.
4. Les spécificités françaises
a) Une balance industrielle excédentaire
La
France est le quatrième exportateur mondial, après les
Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon, en matière industrielle.
Sa position s'est trouvée consolidée dans une époque
récente : après une nette dégradation du taux de
couverture de ses échanges extérieurs, passé de
99,5 % à 92,8 % entre 1986 et 1990, celui-ci s'est nettement
redressé pour atteindre 107,7 % en 1996, traduisant une
amélioration de la compétitivité de son industrie.
Dans le même temps, le taux de couverture des échanges
manufacturiers du Japon et de l'Allemagne s'est réduit, bien que restant
très supérieur aux résultats français, et la
situation américaine, toujours négative, s'améliore.
Taux
de couverture en produits manufacturés des principaux pays
industriels
(Unités : Pourcentage sur la base de valeur en dollars US aux changes
courants)
|
1986 |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
France |
99.5 |
94.5 |
94.1 |
92.9 |
92.8 |
96.4 |
100.1 |
106.1 |
106.4 |
107.8 |
107.7 |
Allemagne |
162.5 |
159.5 |
157.9 |
153.8 |
140.4 |
114.7 |
123.7 |
130.2 |
132.3 |
132.9 |
130.8 |
Royaume-Uni |
80.4 |
80.4 |
80.3 |
81.1 |
87.6 |
93.6 |
90.1 |
91.7 |
92.5 |
93.4 |
92.1 |
Etats-Unis |
52.2 |
53.9 |
67.0 |
72.8 |
76.9 |
83.0 |
80.0 |
75.8 |
72.9 |
73.5 |
74.8 |
Japon |
52.2 |
324.7 |
284 |
255.1 |
239.1 |
257.5 |
285.5 |
283.5 |
256.3 |
219.2 |
192.5 |
Source : OCDE & SESSI
LES
ÉCHANGES EXTÉRIEURS DE LA FRANCE EN 1997
PRODUITS
MANUFACTURÉS
En 1997,
le solde des échanges de biens et services a apporté à la
France l'essentiel de la croissance. En effet, en expliquant 1,5 point des
2,4 % de croissance, le solde extérieur a constitué en 1997
l'élément le plus dynamique de la croissance du PIB marchand.
L'excédent de 1997 des échanges de produits
manufacturés est le plus élevé que notre balance
commerciale ait jamais enregistré
. Ce résultat
témoigne de la bonne compétitivité de nos entreprises qui
a bénéficié au cours des dernières années
des réajustements de change en Europe et de la hausse plus
récente du dollar. Mais cet excédent repose aussi sur la
faiblesse de la demande intérieure qui n'est pas suffisamment repartie
pour entraîner les importations, bien que celles-ci se soient toutefois
accélérées en fin d'année.
Le record de 1997 ne devrait pas être battu cette année. La
balance commerciale française va en effet subir en 1998 un " effet
de ciseau " dû au ralentissement attendu de la demande mondiale,
sous l'effet de la crise asiatique, qui va brider nos exportations. La demande
mondiale adressée à la France serait en effet moins dynamique
à l'horizon de la prévision qu'en 1997 : elle progresserait
à un rythme annuel de 5,3 % pendant les trois prochaines années
contre 7,2 % en 1997. En outre, les monnaies dévaluées de ces
pays vont se révéler être une arme compétitive
féroce sur les marchés tiers. Sous ces hypothèses, comme
l'illustre le graphique ci-dessus, les exportations des produits
manufacturés, qui ont progressé de 12,2 % en volume en 1997,
continueraient de s'accroître mais à un rythme plus faible, proche
de 6,3 % en 1998.
Ce rythme est cependant toujours supérieur à
la demande mondiale soulignant des gains de parts de marché des
industriels français.
Quant aux importations, elles devraient
s'accélérer (hausse de 8,4 % du volume en 1997 et 9,1 % en
1998) à mesure que la demande interne poursuit son redressement (5,6 %
en 1998 contre 3,1 % l'an passé).
Source : étude OFCE à l'aide du modèle Mimosa,
présentée le 2 avril 1998 au Sénat sous l'égide de
la délégation sénatoriale pour la
planification.
b) Des aspects préoccupants
Toutefois, l'examen plus approfondi de la balance commerciale
en
1996 montre que la
position française reste faible sur les
marchés en forte croissance
: les produits français ne
constituent que 1,7 % des importations des pays asiatiques (contre
5,4 % pour les productions allemandes et 1,8 % pour les productions
italiennes) et 4,2 % seulement des importations des pays d'Europe de l'Est
(contre 28,2 % pour l'Allemagne et 8,1 % pour l'Italie).
Pour obtenir une image plus exacte des performances françaises, il
convient de soustraire les opérations d'échanges
effectuées avec les DOM-TOM (soit environ 30 milliards de francs) et
d'isoler la part du commerce destiné aux pays de l'Union (60 %) :
on constate alors que l'essentiel du solde ne réside que dans la mise en
oeuvre de grands contrats, en matière aéronautique,
nucléaire et de télécommunications pour lesquels la France
dispose, pour l'heure, d'une position favorable.
C. LA SITUATION DE L'EMPLOI INDUSTRIEL CONTINUE DE SE DEGRADER
1. Des pertes d'emplois industriels préoccupantes
a) En Europe
Sur
longue période, la part de l'emploi industriel a diminué dans la
plupart des pays développés : entre 1980 et 1994, celle-ci a
ainsi baissé de 21 % en France, de 21 % en Allemagne, de
33 % au Royaume-Uni, de 15 % en Italie, de 32 % en Espagne. Si
elle a régressé de 27 % aux Etats-Unis, elle s'est en
revanche maintenue au Japon sur la même période.
Les restructurations actuellement conduites au sein de l'Union
européenne se sont donc accompagnées d'un déclin
significatif de l'industrie manufacturière et de l'agriculture au profit
des services.
• En 1996, selon l'office des statistiques des Communautés
européennes Eurostat
(24(
*
))
, la situation de
l'emploi s'établissait comme suit :
-- 64,9 % de l'ensemble des emplois étaient dans le secteur des
services (dont 79,3 % occupés par des jeunes), le taux le plus bas se
trouvant au Portugal et en Grèce (de l'ordre de 57 %) ;
-- 5,1 % des emplois relevaient du secteur de l'agriculture (jusqu'à
20,3 % en Grèce) ;
-- 30 % des emplois appartenaient au secteur industriel, le taux le plus
élevé se trouvant en Allemagne (36 %).
• Les résultats pour 1997 montrent qu'en dépit de
l'augmentation importante de la production sur cette période, le niveau
d'emploi a continué de décroître : l'emploi industriel a
baissé de 1,5 % par rapport à 1996, elle-même en recul de
1,3 % sur l'année précédente. Les seuls pays qui ont connu
une augmentation sont l'Espagne (+3,1 %) et le Royaume-Uni (+ 0,5 %), tandis
que l'Allemagne, l'Autriche et le Portugal enregistraient une baisse moins
marquée en 1997 qu'en 1996. A l'inverse, celle-ci s'est
accélérée dans tous les autres Etats membres.
Aux Etats-Unis, l'emploi du secteur industriel a connu une augmentation de 0,4
%, après une baisse de 0,3 % en 1996 et les taux japonais
s'élevaient à - 0,9 % en 1997 et - 2,2 % en 1996.
Source : Eurostat
b) En France
Au cours
des dix dernières années, l'emploi industriel -y compris
agro-alimentaire- n'a cessé de décroître passant de 4,7
millions d'effectifs en 1986 à 3,8 millions de personnes en 1996. Le
passage sous la barre symbolique des quatre millions d'emplois
enregistré en 1993 a vivement porté atteinte à l'image de
nation industrielle de la France, en dépit du nombre important d'emplois
dans le secteur des services aux entreprises évalué à 2,3
millions.
Toutefois, le récent regain de confiance des industriels, après
une longue période de morosité incite à plus d'optimisme.
Les enquêtes mensuelles de conjoncture menées par l'Insee
témoignent, depuis la mi-1997, d'un meilleur état des carnets de
commandes et de la reconstitution de stocks jusqu'alors maintenus à un
niveau anormalement faible.
Les perspectives de l'emploi industriel français
Avec une
contraction de ses effectifs permanents de 26 000 en 1997, l'industrie
fait apparaître une évolution exagérément
pessimiste. La réaffectation des intérimaires qu'elle emploie
révélerait des créations nettes sur l'année. Dans
le bâtiment, qui a perdu 20 000 emplois permanents l'année
dernière, elle conduirait à une stabilisation. En regard, cette
réaffectation vers les secteurs utilisateurs atténuerait la
perception exagérément optimiste des mouvements de l'emploi dans
les services.
Sous l'effet de la consolidation de la reprise, les créations se
poursuivront cette année et l'année prochaine. L'industrie
manufacturière et la construction apparaissent en bien meilleure
situation aujourd'hui que dans les phases conjoncturelles passées
équivalentes. La croissance de la production industrielle depuis un an a
porté le niveau de la productivité au seuil de
déclenchement des créations d'emplois. Les entreprises
industrielles pourront dès lors procéder à des embauches
sous statut permanent. Elles transformeront aussi les contrats temporaires
actuels en contrats définitifs. Les effectifs concernés, qui
quitteront alors le secteur des services, viendront s'ajouter à l'emploi
permanent. Au total, l'emploi salarié industriel croîtrait de 1,6
% au cours de 1998. La hausse serait toutefois moindre en 1999 (+ 0,5 %), sous
l'effet du ralentissement de la productivité entraîné par
les créations de l'année précédente. Le
bâtiment, qui a lui aussi amplement recouru au travail intérimaire
en 1997 et enregistré des gains de productivité significatifs
depuis un an et demi, pourra désormais créer des emplois stables
en nombre important, 4,3 % en 1998 et 2,7 % en 1999.
Source : étude OFCE réalisée à l'aide du
modèle MIMOSA - 2 avril 1998
2. Des charges salariales élevées
L'argument suivant lequel la disparition de l'emploi
industriel en
Europe s'expliquerait par le poids excessif du coût du travail pour des
entreprises en quête de compétitivité a été
si souvent développé qu'il n'est pas nécessaire de le
reprendre ici.
dollars US par heure
travailleurs hommes et femmes
Source : Institut der deudschen Wirtschaft - Cologne
Il n'est toutefois pas inutile de souligner qu'en dépit de charges
salariales qui peuvent être dix ou quinze fois supérieures
à celles observées dans des pays du Sud-Est asiatique ou d'Europe
centrale, les entreprises implantées dans l'Union parviennent à
conserver une certaine compétitivité.
En revanche, il serait parfaitement contreproductif d'envisager d'alourdir
encore cette charge. Le débat actuel sur la réduction du temps de
travail sans diminution des salaires dépasse certes le cadre du
présent rapport. Mais il va de soi que l'instauration d'un horaire
hebdomadaire de 35 heures à rémunération égale aura
des effets négatifs sur la compétitivité des entreprises
en augmentant les coûts de production.
A titre indicatif, le passage de 39 à 35 heures en France sans perte de
salaire correspondrait à une hausse des coûts salariaux horaires
de 11,4 %. Or, la compétitivité globale de l'économie
française n'est pas dans une situation telle qu'elle puisse assumer une
nouvelle dégradation. Selon l'International Institute for Management
Development de Lausanne, la France n'occupe plus, en 1997, que le vingt et
unième rang mondial pour la compétitivité, soit une perte
de deux places en un an. Ce classement, dominé par les Etats-Unis,
Singapour et Hong Kong, fait figurer les Pays-Bas en quatrième position
et onze pays européens -dont la Grande-Bretagne, l'Irlande, la Finlande
et l'Allemagne- devancent notre pays
(25(
*
))
.
Enfin, et pour compléter ce panorama, selon l'OCDE, la durée
effective annuelle du travail s'élève, en 1996, à :
• Allemagne 1 508 h
• France 1 529 h
• Italie 1 682 h
• Royaume-Uni 1 735 h
• Canada 1 721 h
• Japon 1 919 h
• Etats-Unis 1 951 h
II. RENDRE LA POLITIQUE COMMERCIALE DE L'UNION PLUS OFFENSIVE
A. UNE POLITIQUE AUX EFFETS POSITIFS INCONTESTABLES
1. Un fondement de la construction européenne
a) Une compétence communautaire : les échanges de marchandises
La
politique commerciale est, au même titre que la politique agricole ou
celle des transports, à la base de la construction
européenne : dans le cadre des principes figurant en tête du
Traité instaurant la Communauté européenne, sont
énumérées, parmi les objectifs qui lui sont
assignés, l'élimination des obstacles tarifaires ou quantitatifs
aux échanges et l'instauration d'une politique commerciale commune.
En application de l'article 113 dudit Traité cette politique
commerciale commune est une compétence communautaire exclusive.
La Commission négocie les accords, dans le respect des directives
adressées par le Conseil et avec l'aide du Comité des
représentants des Etats Membres, dit
" Comité 113 " ; le Conseil les conclut.
Or, le commerce international s'est considérablement élargi
depuis la mise en place du GATT dans les années quarante : jusqu'alors
limité aux marchandises et aux produits primaires, il s'est
étendu aux services, aux investissements, à la
propriété intellectuelle. La question s'est alors posée de
savoir si ces nouveaux domaines devaient être assimilés aux biens
dans la conduite de la politique commerciale.
b) Une compétence partagée : les échanges de services
Un avis
de la Cour de justice des Communautés européennes a clairement
indiqué que tel n'était pas le cas : la compétence
exclusivement communautaire ne concerne que le seul commerce de
marchandises ; le commerce des services et les règles
internationales relatives à la propriété intellectuelle
relèvent de la compétence partagée entre la
Communauté et les Etats membres. Déplorant cette décision,
la Commission a souhaité se voir reconnaître une extension de sa
compétence exclusive en la matière, considérant qu'elle
assurerait mieux, alors, la défense des intérêts de l'Union
: elle a ainsi proposé que la Conférence intergouvernementale
revoie les paramètres de la politique commerciale de sorte que l'Union
se dote à nouveau de l'unité nécessaire
(26(
*
))
.
Cette extension du domaine communautarisé n'a pas recueilli l'accord de
tous les Etats membres : la France, notamment, estimait, à l'inverse,
que cette répartition des rôles permettait aux Etats de
défendre leurs intérêts tout en n'empêchant pas une
action commune en liaison avec la Commission, comme cela fut le cas lors de
l'adoption de la clause d'exception culturelle au cours des discussions de
l'Uruguay Round
(27(
*
))
.
La situation est demeurée en l'état dans le traité
d'Amsterdam : la Conférence intergouvernementale n'a finalement
autorisé l'extension des compétences externes de la
communauté aux services et aux droits de propriété
intellectuelle, à l'exclusion des investissements directs,
que sur
décision unanime du Conseil
, ce qui équivaut à un
maintien du statu quo, qui nous paraît tout à fait
satisfaisant.
2. Un facteur d'accroissement considérable des échanges
Le marché intérieur de l'Union regroupe, en 1997, près de 374 millions d'habitants, soit 6 % de la population mondiale, et constitue le quatrième ensemble démographique, loin derrière la Chine (1,2 milliard) et l'Inde (1 milliard), mais juste après l'ALENA (394 millions), la zone de libre-échange nord-américaine qui regroupe les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. Il compte 106 millions d'habitants de plus que les Etats-Unis et trois fois plus d'habitants que le Japon (28( * )) . Cette dimension démographique est essentielle dans le développement des échanges intra-européens.
a) L'accélération du volume des échanges
Désormais, les échanges intra-européens
constituent environ 63 % du commerce extérieur des pays de l'Union.
Selon une étude de la Commission
(29(
*
))
,
le grand marché a contribué à
accroître de 20 à 30 % le volume des échanges de
produits manufacturés à l'intérieur même de
l'Europe. Celle-ci en aurait tiré un surplus de croissance de 1 à
1,3 % à partir de 1994, comportant un effet positif sur l'emploi,
d'une estimation difficile mais appréciée entre 300.000 et
900.000 postes. Il est donc incontestable que le développement des
échanges crée des emplois en nombre significatif.
Selon l'étude précitée, et contrairement à ce que
l'on pouvait supposer, l'accroissement du volume des échanges
intra-communautaires ne s'est pas produit aux dépens des productions
extérieures à l'Union : les importations
extra-communautaires de produits manufacturés ont accru leur part de la
consommation de l'Union de 12 à 14 % sur la période
1980-1993.
b) L'élargissement de la gamme des produits échangés
Il a
également été constaté une modification de la
nature des échanges intra-communautaires.
Le marché unique ne semble pas avoir incité à la
spécialisation des Etats membres sur certains secteurs industriels, en
vertu de la théorie des avantages comparatifs : il les aurait
plutôt conduits, au sein de chaque secteur industriel, à une
spécialisation de gamme en termes de prix et de qualité,
élargissant ainsi le choix offert aux consommateurs.
En outre, l'évolution de la nature des échanges est
elle-même source d'une plus grande intégration économique.
En effet, l'internationalisation des firmes ne passe plus uniquement par
l'exportation de produits finis. Elle procède aussi de l'échange
de biens intermédiaires destinés à être
transformés entre filiales d'un même groupe implantées dans
différents pays.
Concernant le commerce avec l'Union européenne, la part de l'intragroupe
dépasse 50 % dans les importations françaises et avoisine 55 %
pour les exportations. Le poids des échanges internes est encore plus
élevé dans certains secteurs comme celui de la construction
automobile.
En découle la multiplication des flux commerciaux : les composants
étant comptabilisés à chaque passage de frontière
(en valeurs brutes et non en valeur ajoutée), cette double, voire triple
comptabilisation est en fait le reflet exact du processus de mondialisation,
encore plus marqué dans le cadre du commerce intra-européen
(30(
*
)).
3. Un facteur d'intégration dans le cadre mondial : du GATT à l'OMC
Le 15
avril 1994, le cycle de l'Uruguay s'est achevé à Marrakech
après sept années de négociations portant sur la
libération du commerce de marchandises et sur de nouvelles questions
comme la mise en oeuvre de disciplines collectives dans les échanges de
services, de produits agricoles et de textiles ou la défense de la
propriété intellectuelle.
L'influence de l'Europe -et notamment, la volonté politique du
Gouvernement français affirmée par MM. Edouard Balladur et Alain
Juppé- a été déterminante pour l'aboutissement de
ces discussions auxquelles les Etats-Unis n'étaient pas, a priori,
très favorables.
Elles ont abouti à la création de l'organisation mondiale du
commerce (OMC), remplaçant le GATT (Accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce), destinée à permettre une
meilleure application de la législation internationale et un
règlement plus efficace des contentieux commerciaux. L'OMC a
commencé de fonctionner le 1er janvier 1995 avec 123 Etats
membres répartis sur tous les continents : en dépit de certaines
lacunes (la Russie et la Chine
(31(
*
))
n'y ont, pour
l'heure, pas adhéré), ses premiers pas ont semblé
encourageants.
Le véritable changement de l'OMC par rapport au GATT réside dans
le fait de passer d'un système multilatéral des échanges,
fondé sur le volontarisme, à un système contraignant,
où l'OMC dispose des moyens de faire respecter les règles
multilatérales. Le bon fonctionnement de la procédure de
règlement des différends a été souligné par
les Etats membres de l'OMC au cours de la Conférence de Singapour de
décembre 1996, notamment par le fait que des compromis sont
fréquemment trouvés avant même l'issue de la
procédure contentieuse. Le fait que certains petits Etats aient obtenu
gain de cause contre des grandes puissances (exemple d'un contentieux
Etats-Unis/Costa Rica) est un indice de crédibilité pour cette
institution récente.
Il convient donc d'apprécier, à leur juste mesure, les
conséquences positives incontestables de la politique commerciale
conduite par l'Europe : outre son effet de levier sur le niveau des
échanges, elle a permis de consolider la construction européenne
et accru sa crédibilité auprès de ses partenaires.
Pour autant, sa mise en oeuvre n'est pas exempte de critiques.
B. LA POLITIQUE EUROPEENNE MANQUERAIT-ELLE DE RÉALISME ?
Etayée par l'observation suivant laquelle l'Union défendrait mal ses intérêts économiques, la critique essentielle formulée à l'encontre de la politique commerciale européenne peut prendre la forme d'une question : l'Europe serait-elle trop naïve ? (32( * )).
1. La multiplication des zones de liberté commerciale
a) Des initiatives multiformes de la part de la Commission
On
assiste, depuis plusieurs années, à la multiplication des
initiatives de la Commission pour créer, ou amplifier, des zones
géographiques avec lesquelles les échanges commerciaux sont
libres de tout encadrement.
L'Union européenne a ainsi accordé des statuts
préférentiels à de nombreux Etats partenaires, qu'il
s'agisse de pays voisins (Turquie, Suisse...), de zones géographiques
traditionnellement protégées (Etats méditerranéens,
plus encore à l'issue de la Conférence de Barcelone) ou de pays
à l'égard desquels une démarche politique volontaire est
suivie (pays de l'Europe centrale et orientale).
A ces accords de type " traditionnel " se sont ajoutées des
propositions de libre-échange avec des pays plus lointains. On peut
ainsi notamment citer le Mexique ou l'Afrique du Sud, avec laquelle les
négociations ne cessent de progresser, rappeler l'accord de
coopération conclu le 14 décembre 1995 avec le Mercosur
(Amérique du Sud), signaler la poursuite du " dialogue
transatlantique " et indiquer d'autres discussions encore, relevant certes
de la déclaration d'intention, au profit de la Corée du Sud, du
Canada, de la Russie -avec laquelle un accord de partenariat et de
coopération est entré en vigueur le 1er décembre 1997- ou
de l'Ukraine.
Il ressort de cette énumération une impression de foisonnement
anarchique, ne répondant apparemment à aucun raisonnement
cohérent et qui reflète les divergences d'idéologie
économique entre les différents commissaires en charge de ces
questions. L'organisation même de la commission explique ce sentiment
d'improvisation : la responsabilité des relations économiques
extérieures y est partagée entre quatre commissaires dotés
de secteurs de compétences distincts ne permettant pas
l'élaboration d'une approche globale de la politique commerciale
européenne.
Bref, face à une activité aussi débordante, l'on peut
même se demander si le libre-échange n'est pas davantage
considéré comme une fin en soi plutôt qu'un moyen d'action,
tout en méditant l'exemple du Japon qui n'appartient, il faut le
souligner, à aucune zone de libre-échange
(33(
*
))
.
b) Une tentative de clarification par le Conseil
Dans un
but de clarification, la présidence française avait
souhaité, en 1995, encadrer les initiatives en matière de
création de zones de libre-échange.
Le Conseil du 22 juin 1995 a ainsi adopté des conclusions pour que la
Commission effectue et présente, lors de chaque demande de mandat, une
" étude d'impact " du libre-échange envisagé,
qui préciserait la compatibilité du projet avec les règles
de l'OMC, ses conséquences sur les politiques communes, notamment la
PAC, et l'effet qu'il pourrait produire sur les accords
préférentiels déjà acquis.
Il est en effet
évident que si des conditions préférentielles sont
accordées à tous nos partenaires commerciaux, cela revient
à ne favoriser plus personne ; de surcroît, dans le contexte d'une
libéralisation générale des échanges, de telles
pratiques limitent considérablement l'intérêt des accords
de commerce privilégiés.
Cette procédure a commencé à être mise en oeuvre
dans le cadre des négociations avec l'Afrique du Sud : le défaut
de présentation de ces analyses a entraîné, par la
majorité du Conseil, le refus du premier mandat de négociation
demandé par la Commission.
Toutefois, la démarche générale demeure inchangée :
ainsi que le soulignait M. Jacques Genton, Président de la
Délégation du Sénat pour l'Union
européenne
(34(
*
))
, malgré la
mise au point du Conseil à la Commission européenne, celle-ci a
continué de placer les relations commerciales de la Communauté
avec diverses zones économiques dans la perspective de la
création de zones de libre-échange,
selon un schéma
de relations bilatérales bien différent de la démarche
multilatérale adoptée par la Communauté au cours des
négociations pour la création de l'OMC.
c) Un débat relancé : le nouveau marché transatlantique
•
Une initiative spectaculaire
Les récents développements conduisent à faire mention
particulière du projet de " nouveau marché
transatlantique " (NTM) lancé par le vice-président de la
Commission européenne, Sir Leon Brittan, le 11 mars dernier et
avalisé par une majorité de ses collègues
(35(
*
))
.
Sans être totalement un arrangement libre échangiste, ce document
proposait d'en accélérer spectaculairement l'aboutissement.
Le NTM, présenté conjointement par les commissaires Leon Brittan
(commerce extérieur), Martin Bangemann (industrie et
télécommunications) et Mario Monti (marché
intérieur), comportent quatre volets :
-- une zone de libre échange pour les services ;
-- l'élimination des barrières techniques au commerce, notamment
par des accords de reconnaissance mutuelle ;
-- la libéralisation des marchés publics, de la
propriété intellectuelle et des investissements ;
-- éventuellement, la suppression progressive des droits de douane sur
les produits industriels d'ici 2010.
Selon Sir Leon Brittan, cet accord
" devrait présenter des
avantages économiques substantiels pour l'entreprise et le consommateur,
mais il devrait aussi donner un nouvel élan politique aux relations
bilatérales "
, ajoutant qu'une " analyse économique
indépendante " avait évalué à 150 milliards
d'écus par an les avantages de ce projet pour l'Europe après cinq
années.
•
Une initiative contestable
La France s'est déclarée très hostile au NTM,
considérant que l'ouverture actuelle des marchés était
déjà satisfaisante et dénonçant à nouveau
une
" initiative sans consultation préalable du commissaire
Brittan "
(36(
*
))
.
Un nouveau degré dans la dramatisation du débat a
été franchi le 31 mars dernier lorsque M. Hubert
Védrine, ministre des Affaires étrangères, a vivement
contesté la présentation faite par Sir Leon Brittan des
débats au Conseil du 30 mars. Il a en effet affirmé qu'il en
résultait
" une présentation inexacte et fausse du
débat et des conclusions "
du Conseil, que la France avait
"
non pas émis des réserves, mais s'était
déclarée opposée à la proposition de la
Commission,
" et qu'il était erroné qu'un mandat ait
été donné à celle-ci ; en conséquence,
" la Commission n'est pas habilitée
" à
évoquer ce dossier au sommet euro-américain du 18 mai prochain
à Londres
(37(
*
))
. Le Président
de la République a également condamné très
fermement l'initiative personnelle du commissaire Brittan au cours de sa
conférence de presse du 16 avril 1998.
En dépit des apaisements avancés par la Commission -exclusion des
produits agricoles et audiovisuels, approche sélective dans le secteur
de la pêche- qu'elle juge peu convaincants, votre
Délégation approuve la ferme opposition du Gouvernement
français sur ce dossier précipitamment présenté et
insuffisamment préparé
(38(
*
)).
Elle aurait été favorable, le cas échéant, à
ce que la France fasse usage du compromis de Luxembourg ou oppose son veto
comme le Président de la République en a émis
l'hypothèse
(39(
*
))
.
Le problème ne se posera pas dans l'immédiat puisque, au cours
du Conseil Affaires générales tenu à Luxembourg le 27
avril dernier, les Etats membres ont effectivement admis que l'unanimité
requise pour accepter l'initiative de Sir Leon Brittan ne pourrait être
obtenue et, partant, que la communication de la Commission ambitionnant la
réalisation d'un grand marché transatlantique ne pourrait servir
de base à la préparation du sommet de Londres.
Ce coup d'arrêt donné au " schéma Brittan " n'est
pas pour autant le signe d'une hostilité des Etats membres à
l'expansion des échanges transatlantiques, mais celle-ci doit être
conçue sur d'autres bases.
On peut être certain que ce projet resurgira, sous une forme ou sous une
autre, dans l'avenir. La Délégation demande au Gouvernement qu'il
exige de la Commission qu'elle s'appuie sur un mandat du Conseil avant de
relancer " proprio motu " des pourparlers sur ces questions
essentielles. Elle demande enfin à être tenue officiellement
informée de l'évolution de ce dossier.
En outre, elle ne peut que déplorer la perte de confiance qui
résultera inéluctablement de cette situation conflictuelle entre
la Commission et les Etats membres, quelle que soit leur analyse du bien
fondé du projet transatlantique.
d) Bilatéralité ou multilatéralité ?
La
nécessité de clarifier les choix entre la voie bilatérale
et la voie multilatérale est désormais urgente. Au cours de la
dernière session de l'OMC du 26 novembre 1997, plusieurs partenaires
commerciaux de l'Union n'ont pas manqué de critiquer la
multiplicité des accords bilatéraux et régionaux que
celle-ci a conclus avec le reste du monde
(40(
*
))
.
La question se pose en effet de savoir s'il convient de poursuivre la
négociation d'accords bilatéraux en parallèle avec les
accords multilatéraux organisés dans le cadre de l'OMC et si la
démarche " au coup par coup " est conciliable avec une logique
globale de libéralisation des échanges.
Trancher le dilemme bilatéralité-multilatéralité
suppose que puisse être fourni un tableau complet des accords
déjà conclus afin d'apprécier leurs conséquences.
Certes, la Commission a récemment présenté une
communication portant sur
" les accords commerciaux
préférentiels de l'Union européenne avec les pays tiers et
règles de l'OMC " (41(
*
))
. Mais cette
étude n'est pas exempte de critiques : outre son caractère
tardif, puisqu'elle avait été demandée lors du Conseil de
Florence en juin 1996, la délégation française a ainsi
contesté, au cours du Conseil Affaires générales du
24 février 1997
(42(
*
)),
ses
lacunes, notamment l'absence d'étude de l'impact des accords
préférentiels sur les politiques communautaires, qui en constitue
un aspect essentiel.
Accords préférentiels réciproques
existants
entre l'Union européenne
et les pays tiers
1.
Espace économique européen
Islande, depuis le 1
er
janvier 1994
Liechtenstein, depuis le 1
er
mai 1995
Norvège, depuis le 1
er
janvier 1994
Type d'accord : extension du marché intérieur
(Zone de libre-échange créée par l'accord de libre
échange de 1972)
2.
Union douanière
Turquie, depuis le 31 décembre 1995
Type d'accord : phase finale de l'union douanière après la fin
de la période transitoire de 22 ans prévue dans le protocole
additionnel à l'accord d'association CEE-Turquie entrée en
vigueur le 1er décembre 1963.
Chypre, depuis le 1
er
juin 1973
Malte, depuis le 1
er
avril 1971
Type d'accord : mise en place ultérieure d'une union douanière
en deux étapes ;
projet d'instauration d'une zone de
libre-échange à moyen terme.
Andorre, depuis le 1
er
janvier 1991
Type d'accord : prévoit la mise en place d'une union douanière
pour les produits industriels en deux étapes.
Saint-Marin, depuis le 1
er
décembre 1992
Type d'accord : prévoit la mise en place d'une union douanière.
3.
Accords de libre échange
a)
Entrés en vigueur
Suisse, depuis le 1
er
janvier 1974
Type d'accord : zone de libre échange
Hongrie, depuis le 1
er
février 1994
Pologne, depuis le 1
er
février 1994
République tchèque, depuis le 1
er
février 1995
République slovaque, depuis le 1
er
février 1995
Bulgarie, depuis le 1
er
février 1995
Roumanie, depuis le 1
er
février 1995
Estonie, signé le 12 juin 1995, depuis le 1er février 1998
Lettonie, signé le 12 juin 1995, depuis le 1er février 1998
Lituanie, signé le 12 juin 1995, depuis le 1er février 1998
Type d'accord : accord d'association prévoyant le libre échange
et une éventuelle adhésion ultérieure.
b)
A ratifier
Slovénie, signé le 10 juin 1996
Type d'accord : accord d'association prévoyant le libre échange
et une éventuelle adhésion ultérieure.
c)
Coopération euro-méditerranéenne
(43(
*
))
- Ratifié :
Tunisie, signé le 17 juillet 1995, entré en vigueur le 1er mars
1998 ; remplace l'accord de coopération de 1976
- Signés :
Israël, signé le 20 novembre 1995
Maroc, accord provisoire conclu le 15 novembre 1995
Egypte, négociations en cours
Jordanie, négociations en cours
Liban, négociations en cours
Type d'accord : accord d'association prévoyant le libre échange
à l'horizon 2010.
d)
Directives de négociation pour les accords de libre
échange en cours de discussion au Conseil
Afrique du Sud
Type d'accord envisagé : accord de commerce et de coopération
proposant l'établissement d'une zone de libre échange. Objectif
de conclusion : mi-1998.
Mexique
Type d'accord envisagé : accord de partenariat économique et de
concertation politique encourageant le développement graduel des
échanges de marchandises, services et investissements notamment par la
libération bilatérale progressive et réciproque des
échanges de marchandises.
4.
Accords préférentiels et non réciproques de
libéralisation
Convention de Lomé : pays ACP, quatrième convention
entrée en vigueur le 1
er
mars 1990.
Cinquième convention en cours de négociation.
Type d'accord : accord préférentiel non réciproque
couvrant les échanges de marchandises, le droit d'établissement
et les opérations des sociétés, les paiements courants et
les mouvements de capitaux.
Accords méditerranéens, ancienne génération
- Algérie, depuis le 1
er
novembre 1978
- Syrie, depuis le 1
er
novembre 1978
Type d'accord : accord de coopération comprenant un accès
réciproque non préférentiel au marché de la CE.
Accords envisagés avec les pays de l'ex-Yougoslavie.
- Croatie, négociations suspendues depuis le 4 août 1995
- Fyrom, accord paraphé le 20 juin 1996
Type d'accord envisagé : accès préférentiel non
réciproque au marché de la CE.
Source
: Communication de la Commission sur les accords commerciaux
préférentiels de l'Union européenne avec les pays tiers et
règles de l'OMC 16 janvier 1997 - SEC (96) 2168 final.
Mise à jour au 4 mai 1998
e) Le libre-échange est-il une panacée ?
Le
dossier transatlantique présentait une importance particulière
puisque, au-delà de la zone du libre-échange
euro-américaine, c'est le problème du libre-échange
mondial qui était en effet posé : le respect des règles de
l'OMC impose d'étendre à tous les pays membres les
réductions douanières ou libéralisations des
échanges que concluraient l'Europe et les Etats-Unis entre eux, en vertu
de la règle de la nation la plus favorisée.
Le risque serait réel de voir l'Union se perdre dans une zone de libre
échange mondiale où ne s'appliqueraient que les règles et
disciplines de l'OMC qui ont certes leurs vertus, mais ne comprennent aucune
considération sociale, d'environnement ou de concurrence.
Il convient aussi de ne pas négliger les conséquences radicales,
pour certains secteurs, que pourrait avoir la suppression des droits de douane
applicables à l'ensemble des pays de l'OMC. En effet, la levée
des barrières au commerce n'est pas, en elle-même, un
remède miracle. Lorsqu'elle est conclue entre l'Union et des pays en
voie de développement, elle repose parfois sur une double
ambiguïté : l'Europe en espère de nouveaux marchés
pour son industrie -ce qui peut déstructurer l'appareil productif local
de ses partenaires encore fragile- ; ceux-ci en attendent des
débouchés agricoles -pas toujours acceptables pour
l'équilibre agricole européen. La problématique n'est pas
meilleure entre grands pays industrialisés, comme l'a montré le
projet de nouveau marché transatlantique.
2. L'octroi d'avantages sans contrepartie ou sans contrôle de ces contreparties
L'Union s'est fréquemment attiré le reproche d'accorder à ses partenaires extérieurs des facilités commerciales qu'elle n'obtenait pas d'eux, qu'il s'agisse du niveau de tarification douanière ou de mesures favorisant l'ouverture des marchés
a) L'évolution des tarifs douaniers
Le tableau suivant présente les moyennes tarifaires appliquées avant et après le cycle d'Uruguay (en pourcentage) :
Pays |
Avant |
Après (1) |
Taux de baisse |
Corée |
18 |
8,3 |
- 53,9 % |
Brésil |
40,6 |
27 |
- 33,5 % |
Thaïlande |
37,3 |
28 |
- 24,9 % |
Vénézuela |
50 |
30,9 |
- 38,2 % |
Inde |
71,4 |
32,4 |
- 54,6 % |
Mexique |
46,1 |
33,7 |
- 26,9 % |
Union européenne |
5,7 |
3,6 |
- 34,8 % |
Etats-Unis |
5,4 |
3,5 |
- 38,6 % |
Canada |
9 |
4,8 |
- 46,7 % |
Australie |
20,1 |
12,2 |
- 63,1 % |
Japon |
3,9 |
1,7 |
- 56,4 % |
Source :
" Résultats des négociations commerciales
multilatérales du cycle d'Uruguay (OMC - Genève - novembre 1994).
(1) Réduction par étapes programmées entre le
1
er
janvier 1995 et le 1
er
janvier 1999.
Incontestablement, le cycle d'Uruguay a constitué une avancée
importante, permettant des réductions substantielles de taux douanier
notamment pour les pays émergents d'Asie et d'Amérique latine.
Mais le rapprochement des taux pratiqués montre l'importance de
l'écart qui reste à combler pour que ces derniers parviennent au
niveau des pays occidentaux et surtout européens. Il s'agit, en outre,
de taux moyens, qui peuvent masquer de profondes disparités selon les
produits concernés.
b) Les mesures non tarifaires
A
côté des barrières commerciales classiques -droits de
douane et restrictions quantitatives- qui ont été massivement
réduites à l'issue du cycle d'Uruguay, des " coûts
invisibles " se sont maintenus ou développés, créant
un environnement commercial négatif.
Plusieurs secteurs industriels européens en font particulièrement
les frais : ouverts à la concurrence mondiale, ils ne
bénéficient pas d'une réciproque aussi favorable. On peut
notamment évoquer, parmi les illustrations les plus patentes :
•
Le secteur textile
Dans le secteur textile, la programmation du démantèlement, en
dix ans, des accords multifibres (AMF) s'accompagnait d'une ouverture
réciproque des marchés des pays tiers. Or, cet assouplissement
des conditions d'échanges reste encore très insuffisant de la
part de certains partenaires comme l'Inde et le Pakistan.
Pourtant, depuis
lors, plusieurs actes communautaires ont régulièrement assoupli
les conditions applicables aux importations provenant de ces pays, sans se
soucier de vérifier la réalité des contreparties,
difficulté maintes fois soulignée par votre
Délégation
(44(
*
))
:
"
Il s'avère que les entreprises françaises du textile et
de l'habillement... émettent de sérieuses réserves
à l'égard des nouvelles concessions ... consenties sans
contrepartie véritable. Elles considèrent que les engagements
pris par l'Inde et le Pakistan sont insuffisants, remarquant que les produits
textiles communautaires les plus courants continueront à supporter des
droits de douane supérieurs à 35 % et que la suppression par
les deux pays en cause des quotas d'importation jusque là opposables
à la Communauté sera sans conséquence pratique, les
exportations communautaires vers ces pays étant actuellement presque
inexistantes "
.
Observant le même phénomène, le Comité
économique et social des Communautés européennes a
également souligné la nécessité d'une meilleure
ouverture des marchés tiers aux productions européennes du
secteur textile-habillement
(45(
*
)),
"
ce qui amène à se poser la question de la
cohérence de la politique extérieure de l'Union européenne
par rapport à sa stratégie de compétitivité
industrielle ".
Il a ainsi estimé légitime de
"
placer l'ouverture de marchés des pays tiers avant l'ouverture
de nos propres marchés comme priorité dans les
négociations commerciales futures
" et demandé
"
l'application effective du dispositif de surveillance
des
accords commerciaux, un meilleur accès pour les petites et moyennes
entreprises de l'Union aux mécanismes de défense commerciale avec
la possibilité de sanctions plus automatiques des
contrevenants ".
•
Le secteur automobile
Le déséquilibre actuel des flux automobiles entre les
marchés européen, américain et japonais résulte
des obstacles réglementaires et commerciaux qui ont gêné
les échanges et les implantations à l'étranger des
entreprises de l'Union.
Ainsi, alors que les groupes américains détiennent 25 % du
marché européen grâce à leurs filiales
installées en Europe (Ford, Opel...), les automobiles européennes
représentent à peine 2 % du parc américain.
De même, les Japonais occupent 11 % du marché de l'Union,
bien que leurs importations soient encore limitées par des quotas,
soit deux fois
plus que la pénétration
européenne au Japon
(46(
*
))
. En 1997, ce
pays a exporté 1,03 million de véhicules dans l'Union,
équivalant à une augmentation de 28 % par rapport à
l'année précédente.
Depuis 1991, la présence japonaise est encadrée par des accords
d'auto-limitation en matière d'exportations vers le marché
européen. Le dernier, en date du 25 mars 1998, a prévu un
plafond global passant de 1,092 million de véhicules pour 1997 à
1,167 million d'unités en 1998. Cette augmentation répondrait,
selon les parties à l'accord, à celle de la demande dans l'Union.
Toutefois, les véhicules japonais issus des
" transplants ", c'est-à-dire ceux fabriqués ou
assemblés en Europe, ne font l'objet d'aucune limitation.
En outre,
les cinq " marchés restreints " de l'Union européenne
-Espagne, France, Italie, Portugal et Royaume-Uni- qui ont
bénéficié par le passé de restrictions nationales
spécifiques à l'égard des importations japonaises, devront
faire un effort particulier d'ouverture, proportionnellement plus important que
les autres Etats membres. Enfin, comme c'était initialement
prévu, l'accès des japonais au marché européen sera
totalement libre à fin 1999- la réciproque n'étant pas
accordée.
•
Le secteur de la construction navale
Le 21 décembre 1994, un accord a été conclu, dans le
cadre de l'OCDE, entre l'Union européenne et les Etats concernés
par la construction navale, instaurant des règles strictes pour l'octroi
d'aides publiques à ce secteur, afin de commencer d'harmoniser les
conditions de concurrence internationale.
Cet accord n'est toujours pas entré en vigueur : en effet,
l'unanimité requise pour ratification n'ayant pas été
atteinte en raison de l'opposition américaine (" amendement
Bateman " adopté en juin 1996), sa mise en oeuvre a
été à nouveau reportée.
Or, dans un premier temps, l'Union s'était engagée à
respecter ses engagements de limitation des aides publiques, même en
l'absence de contrepartie.
Revenant à plus de réalisme, elle
avait finalement décidé de prolonger, jusqu'à la mise en
oeuvre de l'accord OCDE, sa propre réglementation, autorisant un taux de
9 % de subvention publique pour la construction des bâtiments, et de
maintenir son régime d'aides au secteur de la construction navale
jusqu'au 31 décembre 1997.
Sur ce fondement, la Commission a ainsi proposé, en mars 1997,
d'octroyer des aides d'Etat supplémentaires en faveur de la
restructuration de chantiers navals en Allemagne, en Espagne et en
Grèce, estimant son intervention obligatoire pour éviter que
l'avenir des chantiers navals européens ne soit compromis alors que
d'autres pays (Corée ou Etats-Unis) continuent d'accorder des aides
au-delà de ce qui est prévu par l'accord OCDE.
Le secteur de la construction navale, auquel le Sénat s'était
montré, par le passé, très sensible
(47(
*
))
, est en effet fragilisé :
200.000 emplois ont été perdus en Europe depuis vingt ans,
dont 29.000 en France, et 14 % seulement des navires battent pavillon d'un
Etat membre de l'Union aujourd'hui contre 32 % en 1970. A l'inverse, les
effectifs des chantiers navals employés en Corée du Sud sont
passés de 36.000 personnes en 1992 à 45.000 en 1996
(48(
*
))
.
On peut donc considérer comme parfaitement légitime la
vigilance particulière de l'Union dans ce domaine, compte tenu des
risques réels d'application non réciproque de cet accord par ses
partenaires, notamment américains, coréens et japonais.
Or, alors même que c'est l'absence de ratification américaine qui
faisait obstacle à l'entrée en vigueur de l'accord OCDE, les
Etats-Unis ont officiellement contesté, à l'époque, la
proposition de la Commission : "
l'Union européenne et
toutes les parties signataires de l'accord OCDE sur la construction navale ont
des obligations claires qu'ils doivent respecter au titre de cet accord. Nous
demandons une explication immédiate, étant donné les
engagements que l'Union européenne a accepté par cet
accord
", a indiqué Mme Chalène Barshefsky,
représentant américain du commerce
(49(
*
))
. On s'était alors félicité de la
fermeté avec laquelle M. Karel Van Miert, commissaire
européen à la concurrence, avait opposé une fin de non
recevoir à cette protestation
(50(
*
))
.
Toutefois, en octobre 1997, la Commission a défini, une fois de plus,
une nouvelle stratégie relative à la construction navale
(51(
*
))
proposant, dans un premier temps, de proroger
l'application des règles européennes actuelles sur les aides
jusqu'au 31 décembre 1998. A compter du 1er janvier 1999, au plus tard,
un dispositif d'aide transitoire plus sévère serait
appliqué, puis définitivement interdit à partir du 31
décembre 2000.
Bref, même si l'accord OCDE n'est pas
entré en vigueur en 1999, l'Europe renoncera progressivement à
soutenir les chantiers européens face à une réglementation
américaine très protectionniste dans le domaine des transports
maritimes.
Votre Délégation s'était alors opposée à ces
nouvelles règles par le dépôt d'une proposition de
résolution
(52(
*
))
considérant qu'il
convenait de maintenir l'aide directe au fonctionnement tant que les chantiers
navals de l'Union resteraient en butte à la concurrence déloyale
coréenne et japonaise.
Ce dossier est actuellement en cours d'examen par les services du Conseil.
Il convient que la France fasse preuve de la plus grande vigilance en la
matière et s'oppose à l'abolition anticipée de ce type
d'aide que souhaitent les pays les plus libéraux de l'Union -pays
scandinaves, Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni.
C. L'EUROPE DOIT ÊTRE PLUS COMBATIVE
L'Union européenne doit se montrer plus combative si elle souhaite faire face à la concurrence des pays extérieurs. La meilleure voie à suivre est sans doute, ici, celle dictée par le pragmatisme et l'adaptation permanente de son comportement à la situation particulière des secteurs et des pays partenaires.
1. Eradiquer les obstacles non tarifaires aux échanges
Pouvant
encore être taxée de naïveté en la matière
,
l'Union n'a pas toujours su faire face à l'usage d'obstacles non
tarifaires aux échanges par ses partenaires.
Il semble, toutefois,
qu'une récente prise de conscience puisse inciter à plus
d'optimisme. Ainsi, le 14 février 1996, la Commission a
présenté au Conseil, au Parlement européen, au
Comité économique et social et au Comité des
régions, une communication intitulée :
" Le défi
global du commerce international : une stratégie d'accès aux
marchés pour l'Union européenne " (53(
*
)).
Ce document est un signe encourageant de la prise en compte des lacunes
européennes en la matière ; a contrario, il manifeste du retard
accumulé par l'Union dans le domaine commercial.
Son objectif est de proposer aux pays membres une stratégie globale pour
rendre l'accès aux marchés plus aisé, les leurs comme ceux
des pays tiers. Dans une approche dont on soulignera le caractère plus
réaliste que celle en vigueur d'ordinaire, il souligne la
nécessité d'une ouverture
réciproque
des
marchés.
L'Europe reste en effet souvent démunie face à la mise en oeuvre,
par ses partenaires, d'obstacles non tarifaires aux échanges. Les
exemples en sont multiples, qu'il s'agisse des pics tarifaires
américains -notamment sur le textile, le cuir, la joaillerie, la
céramique ou le verre
(54(
*
))
- ou du
recours systématique aux normes techniques au Japon.
L'Union semble vouloir régler cette difficulté, afin de favoriser
ses exportateurs, en chargeant la Commission de dresser l'inventaire des
obstacles aux échanges mis en oeuvre par les Etats tiers, et pour ce
faire de constituer une base de données informatiques accessible par
Internet. Dans cet objectif, il est demandé aux Etats membres et aux
entreprises européennes confrontées à de telles
difficultés de les signaler, afin de pouvoir engager des
procédures, le cas échéant, à l'encontre des
partenaires agissant en violation des règles du commerce international.
Cette initiative n'est pas dénuée d'intérêt. Sir
Leon Brittan la qualifie même
d'
" élément-clé de l'action de la Commission d'ici
la fin du siècle "
(55(
*
))
.
Si l'on ne peut exclure que sa mise en oeuvre soit longue et lourde pour
recenser des pratiques somme toute déjà connues, il est
souhaitable que le Gouvernement français y participe aussi efficacement
que possible.
LES OBSTACLES PAR PAYS RENCONTRÉS PAR LES ENTREPRISES FRANÇAISES DANS LEURS INVESTISSEMENTS À L'ÉTRANGER
1.
ÉTATS-UNIS
|
Entre le lancement de cette stratégie et novembre 1997, la Commission a recensé plus de 450 nouvelles barrières aux échanges sur les marchés étrangers, répertoriés par secteurs et par pays. Débordée par le volume d'informations transmises, elle n'a pu assurer de réponse immédiate aux problèmes soulevés par les exportateurs européens.
2. Assurer la promotion commerciale extérieure de l'Union
Si l'on
souhaite améliorer la présence européenne sur les
marchés étrangers, notamment asiatiques, il convient de faire
savoir son savoir-faire à l'extérieur de l'Union.
A cet égard, une initiative récente de la Commission
mérite d'être signalée et surtout amplifiée à
l'avenir si les résultats escomptés s'avèrent
positifs : il s'agit du lancement d'un programme de promotion commerciale
" Gateway to Japan "
valable pour la période 1997-2000
et doté d'un financement de 20 millions d'écus
(56(
*
))
.
Ce programme se concentre sur dix secteurs considérés comme des
" niches " commerciales potentielles, parmi lesquels
l'équipement médical, l'équipement de manutention, les
technologies de traitement des déchets, l'équipement maritime,
l'équipement de loisirs en plein air... Bref, autant de domaines
où la demande japonaise serait importante et les industriels
européens performants. Menée par la Commission en
coopération avec les Chambres de commerce des Etats membres, cette
campagne de promotion prévoit l'organisation de nombreuses missions et
expositions commerciales destinées à soutenir les entreprises
européennes dans leur conquête du marché
japonais.
3. Savoir engager des contentieux
Cette attitude est le signe d'une nouvelle réflexion de l'Union qui, jusqu'à présent, répugnait plutôt à engager des contentieux devant les instances compétentes, alors que certains de ses partenaires ne témoignaient pas des mêmes réticences.
a) La mise en oeuvre du règlement sur les obstacles au commerce
A
l'initiative de la France et parallèlement à la création
de l'OMC, le Conseil a adopté, en 1994, un règlement sur les
obstacles au commerce qui permet aux entreprises de saisir directement la
Commission d'une difficulté rencontrée sur un marché
extérieur.
La Commission dispose d'un délai de quarante-cinq jours à compter
du dépôt de la plainte par l'entreprise pour se prononcer sur sa
recevabilité. Si elle constate l'existence d'obstacles au commerce
interdits en vertu de règles commerciales internationales, ayant pour
résultat des effets commerciaux défavorables au commerce
extérieur de l'Union, elle déclare la plainte recevable et fait
publier un avis au Journal Officiel des Communautés.
Elle ouvre alors une procédure d'enquête pour réunir
davantage d'éléments d'information sur la plainte et entame
parallèlement des consultations bilatérales avec le pays
accusé de restreindre l'accès de son marché aux
entreprises européennes. Cette seconde phase dure cinq à sept
mois.
Si l'infraction aux règles multilatérales est
avérée et si les autorités du pays en cause refusent de
modifier les règles incriminées, l'Union européenne saisit
l'OMC, lorsque le litige porte sur l'accord général, ou entame
les procédures internationales de consultations prévues par
l'accord particulier qui constitue la base juridique du litige.
Le règlement sur les obstacles au commerce a été
utilisé à de multiples reprises, notamment :
- à l'encontre des Etats-Unis pour utilisation abusive des
procédures anti-dumping contre des producteurs d'acier européen
et pour élaboration de règles d'origine pénalisantes dans
le secteur de l'habillement ;
- à l'encontre de l'Argentine, pour des restrictions aux importations de
produits en cuir ;
- à l'encontre du Brésil, en raison de l'usurpation de
l'appellation " Cognac " et de pratiques discriminatoires à
l'égard de ce produit.
Plus récemment, des plaintes y ont été portées
contre le Japon pour sa réglementation restrictive en matière
d'importation de produits en cuir et le Brésil pour ses obstacles aux
importations de produits textiles. On notera cependant que les délais
à interventions restent encore très longs : la procédure
d'enquête ouverte par la Commission contre le Japon, le 9 avril 1997, n'a
toujours pas débouché sur une décision.
b) Le recours aux instances de l'OMC
La
libéralisation des échanges internationaux acquise lors de
l'accord de Marrakech en avril 1994 s'est accompagnée d'un dispositif de
contrôle effectif de la loyauté des relations commerciales et
d'une procédure de sanctions en cas de manquement. Cette mission est
assurée par l'organe de règlement des différends, dont les
décisions ont un effet contraignant.
L'existence de délais limitant la durée des procédures
contentieuses, la possibilité de sanctions imposées par le
plaignant en cas de condamnation par l'OMC, l'application des sanctions sur les
domaines des marchandises, des services ou de la propriété
intellectuelle, constituent des bases sérieuses pour l'efficacité
des procédures. L'OMC est devenue, en quelques années, une
enceinte privilégiée pour le règlement des
différents en dépit d'une opposition américaine
résolue lors des négociations initiales. Or, depuis sa
création, les Etats-Unis ont été les principaux
utilisateurs de ce mécanisme qu'ils redoutaient : ils ont ainsi
introduit neuf demandes de consultations, sollicité la constitution de
cinq panels à l'encontre de la Communauté et choisi ce recours
à l'occasion des conflits récents sur la banane et sur l'usage
d'hormones dans la viande.
Considérant que les partenaires de l'Union ne se censurent pas lorsqu'il
s'agit de recourir aux procédures de règlement des
différends de l'OMC, notamment en matière agricole et y compris
contre l'Europe, la France incite la Commission à se montrer tout aussi
offensive à leur égard : en 1995 et 1996, une dizaine de
contentieux a été engagée devant l'OMC par l'Union, avec
succès pour la fiscalité discriminatoire japonaise en
matière de spiritueux importés et, plus récemment, sur la
législation américaine Helms-Burton, prévoyant
l'application de sanctions commerciales à l'encontre des pays
entretenant des relations avec Cuba
(57(
*
))
.
En 1997, la Communauté aura porté plus de quarante plaintes,
faisant intervenir plus de vingt-cinq pays membres de l'OMC, sur des sujets
aussi divers que les droits de douane prélevés au-delà des
taux consolidés de l'OMC, les taux de taxe discriminatoires sur des
boissons alcoolisées, les règles imposant un " contenu
local " dans les automobiles, ou les normes inutilement tatillonnes...
Cette démarche nous paraît essentielle, non par acharnement
juridictionnel, mais pour la quête de la justice et le respect des
engagements signés. Il faut maintenir ce cap, au risque de
dénoncer parfois l'immobilisme de la Commission :
c'est ainsi que la
France a suscité, en février 1998, un débat au
Comité 113 pour s'étonner du fait que la Commission n'ait pas
donné suite au recours précédemment envisagé
à l'OMC contre l'Etat du Massachusets pour sa législation extra
territoriale de juin 1996 contraire à l'accord sur les marchés
publics.
4. Améliorer ses instruments de défense commerciale
L'arsenal de défense commerciale européen,
réactualisé à l'issue du cycle de l'Uruguay et applicable
depuis le 1er janvier 1995, semble bien limité. Il repose sur un
dispositif anti-dumping et anti-subventions d'une mise en oeuvre longue et
complexe et dont l'aboutissement n'est jamais garanti puisqu'il suppose
l'obtention d'une majorité qualifiée au Conseil. C'est ainsi, par
exemple, que depuis 1995, l'association européenne des fabricants de
coton, Eurocoton a essayé, à trois reprises, d'obtenir
l'imposition de droits provisoires sur les importations de coton écru
provenant de six pays
(58(
*
))
: le 5 mars 1998,
cinq pays y étaient favorables, cinq y étaient hostiles et cinq,
enfin, réservaient leur réponse. La Commission a finalement
décidé, le 25 mars dernier, la fixation de droits provisoires,
mais ces mesures pourraient être rejetées dans six mois si une
majorité d'Etats membres continuait de s'y opposer.
Or, quand une société européenne est victime du
comportement anormal d'un concurrent étranger, la riposte doit
être rapide et efficace si elle veut intervenir avant que le mal ne soit
consommé et ne condamne définitivement à la faillite les
firmes victimes de pratiques déloyales.
a) Une procédure perfectible
•
Les lenteurs européennes
Les instruments anti-dumping européens sont d'un maniement
malaisé et entraînent la mise en oeuvre de procédures
lourdes : dépôt de plaintes, consultations multiples,
enquête de la Commission, mesures provisoires, mesures
définitives.
Il en ressort que les délais de prise de la
décision -qui n'aboutit parfois qu'après deux ans à
compter de l'infraction- sont totalement inadaptés aux industries de
PME, dont les cycles commerciaux sont de six mois, voire plus courts encore
pour les produits dits de mode.
A titre d'illustration, la Commission européenne a annoncé,
le
15 janvier 1997
, l'imposition de droits anti-dumping provisoires
allant jusqu'à 94,9 % sur les importations communautaires de sacs
en plastique originaires d'Inde, de Thaïlande et d'Indonésie. La
procédure antidumping avait été ouverte en
avril
1995
après la plainte déposée par l'Association
européenne des polyoléfines textiles. Sur la période
1992-1995, le volume des importations en provenance des trois pays
concernés s'est accru de 59 % tandis que les pertes de
marchés européens entraînaient une réduction de
près de 17 % de l'emploi dans l'industrie communautaire du sac en
plastique
(59(
*
))
.
• L'exemple américain
Par comparaison, les moyens d'action américains, fondés sur la
section 301 du Trade Act de 1974, sont d'une efficacité et d'une
rapidité sans commune mesure avec les procédures
européennes.
Ce texte autorise le responsable américain pour les questions de
commerce international à engager les mesures de rétorsion
à l'encontre d'un partenaire commercial usant de pratiques
" injustifiables, déraisonnables, ou discriminatoires ".
Cette riposte permet,
dans un délai d'environ un mois,
d'appliquer toute mesure de rétorsion sur un produit quelconque
provenant de l'Etat qui s'oppose aux exportations américaines.
D'autres mesures complètent ce dispositif, parmi lesquelles le
" Buy American act "
instaurant une préférence
nationale sur les marchés publics, et des procédures anti-dumping
et anti-subventions d'application rapide et conduites par des personnels
nombreux et redoutablement efficaces. On estime à sept
cents personnes les effectifs des services chargés de la politique
commerciale américaine, soit dix fois plus que ceux affectés
à la même mission à Bruxelles.
UN EXEMPLE DES RÈGLES ANTI-DUMPING AMÉRICAINES
Au sein
de cet arsenal juridique figure une loi anti-dumping datant de 1916 qui
autorise les personnes physiques et morales des Etats-Unis à
réclamer des dommages et intérêts,
voire une peine
d'emprisonnement
, lorsqu'elles estiment faire l'objet d'une politique de
dumping visant délibérément à leur être
préjudiciable.
Sur le fondement de ce texte, la société américaine Geneva
Steel Corporation a saisi une juridiction de l'Utah, en septembre 1996, pour
obtenir, du producteur allemand Thyssen Steel, 82 millions d'écus
de dommages et intérêts, en l'accusant de saper l'industrie
américaine en vendant à bas prix des tôles importées
de Chine, de Russie et d'Ukraine.
La Confédération européenne des industries
sidérurgiques, Eurofer, a déposé une plainte devant la
Commission européenne, considérant que cette loi de 1916
dérogeait à l'accord anti-dumping de l'OMC.
La Commission devrait donc introduire, le 16 avril prochain, un recours formel
auprès de l'OMC afin d'obtenir l'abrogation de cette loi qui vise, selon
elle, à interdire les importations dont le prix de vente est
inférieur aux prix du marché américain
(60(
*
))
.
Europolitique 10 avril 1998
b) Des accusations excessives
Alors
même que le marché européen semble particulièrement
ouvert -d'aucuns disent offert- à la pénétration
étrangère, la politique commerciale européenne s'est
trouvée maintes fois critiquée tant par le Japon que par les
Etats-Unis, dans leurs rapports annuels respectifs sur les obstacles qui
entravent leurs exportations.
• Ainsi, le deuxième rapport annuel américain sur les
barrières au commerce mondial en 1996 conteste bon nombre de pratiques
commerciales et notamment les politiques d'importation, les modalités
d'accès aux marchés publics, les normes et les systèmes de
certification européens. Il cite pêle-mêle
" les
exportations agricoles américaines, y compris le riz, le blé, la
farine de blé, les bananes, le boeuf (61(
*
)), les
produits laitiers et certains fruits
"
, réfute les
exigences des prescriptions en matière d'étiquetage des
emballages, reproche le coût des frais de dépôt de brevets
dans l'Union et met en cause les autorités de certains pays de l'Union,
accusés d'avoir exercé des pressions illicites sur les îles
Fidji et la Croatie pour inciter ces pays à porter leurs commandes
aéronautiques sur Airbus plutôt que sur Boeing.
Le rapport pour 1997 souligne les progrès constatés ou
escomptés en matière d'ouverture du marché européen
mais dénonce à nouveau les divergences de vue
euro-américaines sur la sécurité alimentaire, le recours
abusif aux normes, les subventions agricoles, les aides d'Etat à Airbus
et les entraves aux services
(62(
*
))
.
• Pour sa part, le sixième rapport annuel japonais sur les
pratiques commerciales de ses principaux partenaires estimait, en 1996, que
" les mesures anti-dumping constituent une zone de protectionnisme
caché dans l'Union européenne "
, considérant que
l'Europe utilise plus massivement cet instrument que les Etats-Unis. Le MITI
-ministère du commerce international et de l'industrie- relève
ainsi, pour l'Union, 32 enquêtes antidumping en 1995 et 10 début
1996, contre respectivement 18 et 8 pour les Etats-Unis.
On observera
toutefois que les produits japonais ont été sanctionnés
à 53 reprises par les Etats-Unis, contre 12 cas seulement pour
l'Europe.
Les mêmes accusations ont été renouvelées lors du
rapport annuel pour 1997, dénonçant notamment une hausse
spectaculaire des mesures anti-dumping dans l'Union depuis le début de
la crise financière asiatique
(63(
*
))
.
Les autorités japonaises se félicitent donc de la " nouvelle
approche " que se propose de prendre la Commission européenne en
matière d'antidumping.
c) Une évolution préoccupante
En
effet, il se confirme que la Communauté européenne, sous
l'impulsion de Sir Leon Brittan, commissaire chargé des relations
économiques extérieures, envisage de se montrer plus restrictive
en matière d'application des instruments de politique commerciale et
affiche l'intention de redéfinir sa réglementation antidumping
dans le sens d'une plus grande souplesse.
Il est ainsi prévu de réduire la portée des sanctions
à la seule entreprise pratiquant le dumping, de recalculer à la
baisse la valeur normale du produit servant de base à l'estimation du
préjudice et d'accorder un traitement spécifique plus favorable
aux pays d'Europe centrale et orientale.
Ce nouveau dispositif est dicté par le souci de
" l'intérêt communautaire ", notion subjective pouvant
justifier toutes sortes de décisions, selon que l'on apprécie
l'intérêt des consommateurs ou celui des producteurs
européens
.
Annoncé par le Financial Times dès le
30 janvier 1997
(64(
*
)),
ce projet de
la Commission, soutenu par la présidence alors néerlandaise,
comportait de nombreux points controversés, notamment :
- l'interprétation de l'article 21 du règlement antidumping
adopté par l'Union européenne en décembre 1995 sur la
prise en compte de l'intérêt communautaire -c'est-à-dire
les intérêts des importateurs et des consommateurs
européens en sus des intérêts des producteurs- lorsque
l'Union européenne décide d'adopter des mesures antidumping ;
- le traitement des entreprises des pays à commerce d'Etat dans le cadre
des procédures antidumping ;
- le traitement des pays d'Europe centrale et orientale.
La présidence néerlandaise élaborait alors
également une réflexion sur des idées qualifiées de
" révolutionnaires " par certains observateurs et qui
" partaient du principe que la libéralisation
multilatérale des échanges annulera la nécessité de
mesures antidumping ".
Article 21 du règlement anti-dumping
Il
convient de déterminer s'il est de l'intérêt de la
Communauté que des mesures [antidumping] soient prises,
d'apprécier tous les intérêts en jeu pris dans leur
ensemble, y compris ceux de l'industrie communautaire et des utilisateurs et
consommateurs.
Cette nouvelle lecture de la notion " d'intérêt
communautaire " résulte d'une lettre adressée par Sir Leon
Brittan aux ministres européens en décembre 1996, qui indiquait
notamment :
" la politique antidumping a pour but de remédier
aux distorsions du commerce international qui peuvent créer une
concurrence déloyale sur le marché communautaire et un
préjudice contre l'industrie communautaire [...]. La seule circonstance
selon laquelle la réglementation de base reconnaît que des mesures
puissent être inappropriées est lorsqu'un examen de tous les
intérêts impliqués, et des effets des mesures prises pour
restaurer la concurrence, amène à la conclusion claire que
l'impact négatif de mesures sur l'économie dans son ensemble
serait disproportionné par rapport aux principes fondamentaux
recherchés. Il doit être souligné que l'action antidumping
n'est pas faite pour annuler l'efficacité réelle des
exportateurs, mais seulement pour mettre fin à des avantages injustes
qui ne résultent pas d'un comportement économique efficace. Elle
n'est pas faite non plus pour empêcher l'industrie communautaire de
mettre en oeuvre les adaptations structurelles nécessaires " (65(
*
)).
Les réactions des Etats membres à cette analyse ont
été partagées, opposant les pays favorables à une
politique commerciale de plus en plus libérale -Suède, Pays-Bas
et Royaume-Uni- à ceux qui craignent que ces avancées
libérales soient introduites sans consultation des Etats membres : la
France a ainsi réclamé une communication formelle de la
Commission au Conseil, considérant que cette nouvelle
interprétation du règlement n'était pas une simple analyse
technique du texte mais une modification profonde de son esprit.
Certaines propositions de réforme nous semblent intéressantes
comme celle de constituer une structure d'alerte précoce lorsque des
manoeuvres de dumping sont suspectées. Mais, globalement, une telle
évolution ultra-libérale de la défense communautaire
antidumping est extrêmement inquiétante pour la
préservation de la loyauté des échanges. Elle met à
nouveau aux prises les intérêts des importateurs, favorables
à ces nouvelles orientations, et ceux des producteurs européens
qui restent plus réservés. Il convient que, lors de l'examen de
ces propositions, qui vont bien au-delà des exigences de l'OMC, la
France fasse preuve d'une extrême vigilance en ce domaine.
La délégation du Sénat pour l'Union européenne a,
dans ce sens, déposé récemment une proposition de
résolution
(66(
*
))
pour s'opposer
à l'assouplissement du régime antidumping applicable à la
Russie et à la Chine, en tant que pays classés comme à
" commerce d'Etat ". Toutefois, au cours du Conseil Affaires
générales du 27 avril 1998, une majorité d'Etats membres
s'est déclarée favorable à l'adoption d'un nouveau
règlement accordant à ces deux pays un régime anti-dumping
plus favorable.
Le Gouvernement français semble également soucieux de cette
évolution puisque, dans un mémorandum adressé aux Etats
membres de l'Union, la France a proposé
la création d'une
agence indépendante
(
67(
*
))
à
qui serait confiée la gestion des dossiers antidumping, afin, notamment,
de
" dépolitiser le régime de l'antidumping au sein de
l'Union "
. A défaut, elle s'est montrée favorable au
maintien du dispositif actuel, mais en modifiant la procédure de vote
pour que la proposition de la Commission en matière d'imposition de
droits de douane soit adoptée en l'absence de l'opposition d'une
majorité d'Etats membres. Pour l'heure, ces propositions n'ont pas
reçu l'assentiment de la Commission européenne qui les a
jugées peu réalistes et inutiles.
L'ANTI-DUMPING EN CHIFFRES
A fin
1996, 143 mesures anti-dumping ont été instaurées dans
l'Union européenne, contre 298 aux Etats-Unis, 93 au Canada, 47 en
Australie, 27 en Nouvelle-Zélande et 3 au Japon.
Ces dernières années, l'Union est restée relativement
stable dans l'application de son dispositif anti-dumping, avec toutefois un
chiffre record de 158 mesures en 1992.
Europolitique - 1er août 1997.
5. Défendre ses intérêts dans les négociations des instances internationales
a) à l'OMC
L'Union
européenne est amenée à intervenir dans nombre de
négociations internationales où elle doit impérativement
parvenir à faire entendre sa voix afin de protéger les
intérêts de ses industriels. Or, l'exemple de la première
réunion bisannuelle des instances de l'OMC, tenue à Singapour du
9 au 13 décembre 1996, n'a produit qu'un bilan mitigé.
Plusieurs dossiers sensibles y étaient en discussion, portant sur des
questions particulièrement importantes pour les intérêts
européens, notamment un volet environnemental pour assurer la
préservation de l'équilibre écologique mondial, ainsi que
la définition de normes sociales.
L'Union était convenue de l'importance d'instaurer, au niveau
international, un plancher minimal pour les droits du travail, commun à
l'ensemble des partenaires mondiaux, comportant notamment l'interdiction du
travail des enfants et des prisonniers. Cette question était difficile
à aborder en raison des disparités de développement social
entre les nations membres de l'OMC et des différences de normes
culturelles et économiques auxquelles elle renvoie. Plus encore, elle a
suscité des réactions brutales des pays en voie de
développement pour qui cet argument n'était en fait qu'un
habillage hypocrite du souhait de réduire la différence salariale
entre pays industrialisés et PVD et de rétablir des comportements
protectionnistes.
Ces questions n'ayant finalement pas été réglées
à Singapour, hormis par le biais de la création d'un groupe de
travail, l'Union européenne, et notamment la France - très
en pointe sur ce sujet - doivent maintenir leur souhait de voir progresser
ce dossier, sans pour autant se substituer aux missions dévolues
à l'Office international du travail (OIT).
L'occasion s'en trouvera peut-être lors d'un prochain cycle de
négociation à l'OMC qui pourrait avoir lieu en 2000 -" cycle
du millénaire " pour Sir Leon Brittan- et qui concernerait, si les
différents partenaires en conviennent, des questions techniquement
complexes et politiquement sensibles : agriculture et services, droits
tarifaires sur les produits industriels, instauration d'un cadre international
en matière de concurrence, environnement...
L'importance de ce dossier explique aussi l'opposition française
à la proposition de nouveau marché transatlantique, en
considérant que l'ouverture de négociations globales et
bilatérales entre les deux plus grandes puissances économiques,
représentant 55 % du PNB mondial, fragilisait considérablement
les négociations multilatérales à venir et pouvait
être ressentie comme un signe de méfiance vis-à-vis de
l'OMC.
b) à l'OCDE
Les
négociations actuellement menées à l'OCDE sont
dominées par le dossier particulièrement sensible de l'Accord
Multilatéral sur les Investissements (AMI) dont les débats se
poursuivent depuis trois ans afin de trouver un accord organisant la
libéralisation et la protection des investissements étrangers.
L'aboutissement de cet accord permettrait le remplacement d'environ 1 800
accords bilatéraux en constituant un cadre réglementaire
multilatéral pour l'investissement, estimé à plus de
300 milliards d'écus par an. L'objectif général de
l'AMI est de protéger les investissements transfrontaliers en abaissant
les barrières nationales et en accordant une égalité de
traitement à tous les signataires.
Les enjeux sont donc essentiels et l'on peut légitimement
s'étonner de la discrétion avec laquelle a été
engagée cette négociation, pourtant fondamentale, et notamment,
de la quasi-absence d'information du Parlement français en la
matière
(68(
*
))
. En effet, ces discussions
sont demeurées longtemps très confidentielles. Si elles ont
suscité récemment un vaste écho dans l'opinion publique,
il a surtout résulté de l'opposition qu'y a
témoignée le monde du spectacle, peut-être plus sensible au
maintien des barrières contre l'accès d'oeuvres culturelles
américaines qu'au renforcement de la capacité de l'Union
européenne à faire face à la concurrence.
Les négociations officielles sur l'AMI divisent profondément les
vingt-neuf pays de l'OCDE : les critiques ont été multiples,
parmi lesquelles le risque de voir les grands groupes industriels faire fi des
considérations environnementales et sociales ou d'autoriser les
entreprises à poursuivre en justice les gouvernements qui s'opposeraient
à leur expansion.
Aussi, le 28 avril 1998, une suspension des
négociations d'au moins six mois a été obtenue notamment
sans l'impulsion française, afin de dresser un état des lieux de
la situation et d'effectuer de
" nouvelles consultations entre les
partis en négociation et avec les groupes intéressés de
leur société "
.
En mars 1998, le Parlement européen -premier Parlement à se
prononcer avant même la conclusion de l'accord à l'OCDE- avait
lui-même exprimé de sérieux doutes sur certains points et
réclamé un meilleur contrôle démocratique sur les
négociations : trente-sept recommandations ont été
déposées, notamment pour que la Commission évalue la
compatibilité de l'accord avec les autres engagements internationaux,
pour exclure le dumping social ou environnemental du bénéfice de
ses dispositions et pour régler les problèmes particuliers
liés aux lois américaines Helms-Burton et d'Amato d'application
extraterritoriales.
Cet accord est intéressant pour l'Europe -comme pour ses partenaires-
car il lui ouvrira de nouvelles perspectives d'investissements industriels
à l'étranger, qui sont une condition de sa survie : tous les pays
trouveront intérêt à assurer la sécurité des
investissements de leurs ressortissants à l'étranger et à
proscrire les manifestations de dumping parfois pratiquées pour attirer
les investissements étrangers.
Mais cet accord devra être négocié avec prudence lors de la
reprise des pourparlers : il ne faut pas souhaiter que le blocage actuel de ce
dossier persiste, car il poursuit des objectifs favorables à
l'économie mondiale,
mais il doit aboutir dans des conditions telles
que l'intérêt général, y compris son aspect
culturel, soit pris en considération. Il est indispensable que le
délai de réflexion récemment décidé soit mis
à profit pour relancer le débat sur des bases sérieuses
après le 1er octobre 1998. En ce sens, peut-être serait-il
fructueux de disjoindre l'aspect culturel de l'accord pour faciliter
l'évolution des négociations, en dépit du refus de
scission exprimé par les Etats-Unis.
En tout état de cause, notre Délégation doit obtenir du
Gouvernement les éléments d'information et de réflexion
nécessaires au suivi, par le Parlement, des négociations, de
leurs procédures et de leurs enjeux.
III. CREER LES CONDITIONS FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL
Dès lors que l'on se préoccupe du
développement
de l'industrie européenne, on constate aussitôt qu'elle n'est pas
clairement identifiée dans les objectifs de l'Union : la politique
de concurrence qui, certes, n'en est pas séparable, forme une sorte
d'écran dont on ne peut éviter l'analyse.
Promouvoir l'industrie de l'Europe nous conduit donc, paradoxalement, à
étudier d'abord les effets de la politique de concurrence mise en oeuvre
par l'Union.
A. RENDRE LA POLITIQUE DE CONCURRENCE MOINS DOGMATIQUE : LA CONCURRENCE EST UN MOYEN ET NON UNE FIN
Si les dispositions du Traité sur l'Union européenne en matière de politique industrielle sont, on le verra, particulièrement remarquables par leur caractère vague et peu contraignant, la politique de concurrence fait en revanche l'objet de dispositions détaillées qui ont donné lieu à une intense activité. La politique de concurrence est l'un des piliers de l'action communautaire et est conduite avec une grande détermination par la Commission européenne. Cette politique - tout à fait indispensable au demeurant - donne parfois le sentiment de pénaliser l'industrie européenne face à ses concurrents dans le contexte actuel de globalisation de l'économie.
1. Une politique ambitieuse
La politique communautaire de la concurrence est dotée d'une solide base juridique dans le Traité instituant la Communauté européenne puisqu'elle fait l'objet des articles 85 à 94 du Traité. Elle repose sur quatre piliers : le contrôle des ententes, le contrôle des abus de position dominante, le contrôle des concentrations, enfin, le contrôle des aides d'Etat.
a) Ententes et abus de position dominante
•
L'article 85
du Traité instituant la Communauté
européenne est relatif aux ententes et interdit
" tous accords
entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises et
toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce
entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur
du marché commun ".
Cet article énumère certaines des pratiques interdites : il
s'agit, par exemple, des accords qui tendent à une répartition
des marchés ou des sources d'approvisionnement, des accords qui visent
à limiter ou contrôler la production, les débouchés,
le développement technique ou les investissements.
Les accords interdits par l'article 85 sont nuls de plein droit. Toutefois, le
troisième alinéa du même article prévoit que
l'interdiction peut ne pas être appliquée, sous certaines
conditions, à des accords ou décisions
" qui contribuent
à améliorer la production ou la distribution des produits ou
à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en
réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en
résulte [...] ".
Ainsi, l'article 85 du Traité pose
en principe l'interdiction des accords portant atteinte au jeu de la
concurrence, mais envisage des exceptions afin de prendre en
considération d'autres objectifs.
•
L'article 86
du Traité concerne, quant à lui, les
abus de position dominante. Il dispose notamment qu'"
est incompatible
avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce
entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait
pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une
position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle
de celui-ci ".
La notion de position dominante a été
progressivement précisée par la Cour de justice des
Communautés européennes dans les nombreux arrêts qu'elle a
rendus sur ce sujet. La part de marché joue naturellement un rôle
essentiel, mais des critères qualitatifs sont également pris en
considération, tels que le rapport entre les parts de marché
détenues par l'entreprise concernée et par ses concurrents ou
l'avance technologique qu'une entreprise possède par rapport à
ses rivales.
Il convient d'ajouter que l'article 90 du Traité prévoit que les
règles relatives à la concurrence s'appliquent aux entreprises
chargées de la gestion de services d'intérêt
économique général, à condition que l'application
de ces règles ne fasse pas échec à l'accomplissement de la
mission particulière qui leur a été impartie. Sur la base
de cet article, la Commission européenne a entrepris de nombreuses
actions de libéralisation, en particulier dans le secteur des
télécommunications.
b) Concentrations
Le contrôle des concentrations n'a pas pour base juridique le Traité instituant la Communauté européenne, qui ne contient aucune disposition sur ce sujet. C'est en 1989 que le Conseil a adopté un premier règlement permettant à la Commission européenne d'exercer un contrôle sur les opérations de concentration (69( * )) . L'intervention de la Commission européenne est, depuis lors, soumise à des critères relatifs aux chiffres d'affaires des entreprises concernées. Une opération de concentration est considérée comme illicite si elle crée ou renforce une position dominante et si celle-ci est de nature à entraver la concurrence de façon significative dans le Marché commun. Lorsque l'opération ne présente pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun, la Commission l'autorise dans le délai d'un mois. Dans le cas contraire, une procédure d'enquête approfondie est ouverte, qui aboutit à un vote de la Commission au bout de quatre mois.
c) Aides d'Etat
Enfin,
la Commission européenne est également compétente pour
exercer un
contrôle sur les aides d'Etat
en vertu des articles 92
à 94 du Traité instituant la Communauté européenne.
L'article 92 considère comme
" incompatibles avec le
marché commun, dans la mesure où elles affectent les
échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats
ou au moyen de ressources d'Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent
ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises
ou certaines productions ".
Comme en matière d'ententes,
l'article 92
envisage des exceptions
à l'interdiction des aides d'Etat. Certaines aides
sont
compatibles
avec le Marché commun : il s'agit en particulier
des aides destinées à remédier aux dommages causés
par les calamités naturelles et des aides octroyées à
l'économie de certaines régions de la République
fédérale d'Allemagne affectées par la division de
l'Allemagne.
D'autres aides
peuvent être considérées comme
compatibles
avec le Marché commun : c'est notamment le cas des
aides destinées à favoriser le développement
économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est
anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi.
L'article 93
du Traité donne compétence pour examiner de
manière permanente les régimes d'aides existant dans les Etats
membres et pour autoriser ou rejeter les projets tendant à instituer ou
à modifier des aides.
L'article 94
permet quant à lui
d'adopter des règlements d'application des articles 92 et 93. Ainsi, un
nouveau règlement des procédures en matière d'aides d'Etat
est actuellement en cours en vue d'aboutir à un accord politique au
prochain Conseil Industrie du 7 mai 1998. La Commission souhaite en obtenir un
renforcement de ses pouvoirs, notamment l'usage de plusieurs dispositions
coercitives envers les Etats membres, comme l'introduction d'une
possibilité d'injonction de récupération provisoire des
aides versées illégalement. Il serait utile, à titre
réciproque, que la Commission s'engage également sur le
délai de traitement et d'instruction des dossiers.
Certains secteurs font l'objet d'un encadrement particulier en matière
d'aides d'Etat : il s'agit de la construction navale, de l'acier, du
charbon, de l'automobile, du secteur des fibres synthétiques, des
transports, de l'agriculture et de la pêche. Dans le domaine agricole, il
est intéressant de noter que les règles de la Politique agricole
commune sont prioritaires par rapport à celles relatives aux aides
d'Etat.
Enfin, il existe également des encadrements spécifiques pour les
aides à finalité régionale, les aides au sauvetage et
à la restructuration d'entreprises, les aides aux petites et moyennes
entreprises, les aides à l'exportation, les mesures sociales
générales et les aides à la recherche et au
développement.
La politique de concurrence constitue l'un des domaines d'action les plus
importants de la Communauté. La Commission européenne a mis en
oeuvre les dispositions relatives à la concurrence avec une grande
rigueur et une compétence certaine. Cependant, la manière dont
est conduite cette politique suscite un certain nombre
d'interrogations.
2. Une politique perfectible
Au cours des dernières années, la politique communautaire de la concurrence a fait l'objet de nombreuses critiques. On a parfois eu le sentiment que la mise en oeuvre des règles de concurrence prévalait sur toute autre considération et singulièrement sur la prise en compte des préoccupations industrielles. Dès 1993, dans un rapport sur ce sujet, notre collègue Maurice Blin observait qu'" à la limite, il est permis d'affirmer que la politique de concurrence, telle qu'elle est menée aujourd'hui, conduit à créer des distorsions de concurrence à l'encontre des entreprises européennes " (70( * )) . De fait, la politique de concurrence, qui dépend presque exclusivement de la Commission européenne, semble parfois être conduite de manière indépendante des autres politiques communautaires. L'absence de règles de concurrence au niveau mondial peut en outre pénaliser les entreprises européennes, soumises pour leur part à des règles très strictes.
a) Stabiliser les pouvoirs de la Commission européenne
La
conduite de la politique communautaire de la concurrence repose presque
exclusivement sur la Commission européenne qui dispose, comme on l'a vu,
de prérogatives très étendues. Pour une large part, elle
est chargée de définir les règles applicables,
enquête sur les manquements éventuels et prend les
décisions à l'égard des entreprises fautives. En
matière de concentrations, elle peut accepter ou refuser une
opération, mais choisit parfois d'autoriser une concentration en
imposant des conditions plus ou moins lourdes aux entreprises concernées.
Au cours d'une audition devant la Délégation de
l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, M. Franck Borotra,
alors ministre de l'Industrie, de la Poste et des
Télécommunications, avait évoqué le cas des aides
d'Etat, pour s'inquiéter "
des pouvoirs quasi-exclusifs que
détient désormais la Commission européenne dans ce domaine
puisque le Conseil s'est refusé à intervenir en la matière
et n'a jamais engagé la procédure, prévue par le
Traité, qui permettrait un contrôle politique des aides d'Etat. Le
ministre a déploré cette situation, d'autant plus
préjudiciable d'après lui, qu'elle mine la
légitimité de l'action de l'Union européenne en
matière de contrôle des aides nationales
"
(71(
*
))
. La question de l'étendue des pouvoirs de la
Commission européenne ne pouvait être ignorée, alors
même qu'à l'époque, elle souhaitait obtenir un nouvel
élargissement de ses compétences en matière de
contrôle des concentrations.
•
La réglementation de 1989
Dans ce domaine, la Commission européenne était compétente
lorsque :
- le chiffre d'affaires sur le plan mondial de l'ensemble des entreprises
concernées dépassait cinq milliards d'écus ;
- le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la
Communauté par au moins deux des entreprises concernées
dépassait 250 millions d'écus.
En revanche, la Commission européenne n'était pas
compétente, même lorsque les seuils étaient atteints, si
chacune des entreprises concernées réalisait plus des deux tiers
de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à
l'intérieur d'un seul et même Etat membre. C'est ce qu'on appelait
la règle des deux tiers.
•
La revendication de la Commission
En 1996, la Commission a proposé de ramener les seuils, respectivement
de 5 à 3 milliards d'écus pour le chiffre d'affaires mondial et
de 250 à 150 millions d'écus pour le chiffre d'affaires
communautaire. Elle souhaitait en outre abaisser encore davantage les seuils
lorsque l'application des dispositions nationales impliquerait l'examen, dans
au moins trois Etats membres, d'une opération de concentration.
Si cette dernière proposition pouvait paraître acceptable, dans la
mesure où elle était susceptible d'éviter des
décisions contradictoires de la part des autorités nationales,
l'abaissement général des seuils ne semblait guère
justifié. La charge de travail de la Commission européenne en
matière de concurrence est désormais considérable. Le
nombre d'affaires (tous domaines confondus) est passé de 1.081 en 1994
à 1.472 en 1995. Cette évolution est largement imputable à
l'élargissement de l'Union européenne, mais il serait peu
raisonnable d'élargir encore le champ de compétences de la
Commission qui a résolu en 1995 le même nombre d'affaires qu'en
1994.
Notre Délégation s'était opposée, le 17
décembre 1996, à cet élargissement des compétences
de la Commission en matière de concentrations au motif qu'il existait en
France un contrôle de la concurrence performant pour les
opérations de concentration qui n'atteignent pas les seuils
communautaires. Cette répartition des tâches entre les instances
communautaires et nationales lui paraissait conforme au principe de
subsidiarité.
•
Les nouvelles dispositions
Le nouveau règlement sur le contrôle communautaire des
concentrations, adopté par le Conseil en juin 1997(
72(
*
)),
est entré en vigueur le 1er mars 1998 et
modifie sensiblement le régime établi en 1989, sans toutefois
satisfaire entièrement les demandes de la Commission. L'abaissement des
seuils a été accordé non pas systématiquement mais
seulement lorsque l'opération de concentration concerne au moins trois
Etats membres. En outre, ce texte a pour effet d'étendre la
portée du contrôle et la compétence exclusive de la
Commission à de nouvelles opérations : transactions sans
dimension communautaire lorsqu'elles ont des effets significatifs dans
plusieurs Etats membres, opérations concernant toutes les entreprises
communes de plein exercice atteignant une dimension communautaire.
L'équilibre ainsi réalisé parait satisfaisant : en
augmentant les concentrations soumises aux règles impératives et
à la procédure stricte du contrôle communautaire, ce
nouveau règlement devrait offrir aux entreprises concernées une
flexibilité moins importante que par le passé mais une
sécurité juridique accrue.
b) Mettre la concurrence au service de l'industrie
Au-delà des pouvoirs détenus par la Commission,
le
problème essentiel qui se pose aujourd'hui est celui de la
manière dont est conduite la politique de la concurrence. Dans son
dernier rapport sur la politique de la concurrence en 1995, la Commission
européenne fait valoir que
" la politique de concurrence et la
politique de compétitivité ne sont [...] pas antinomiques ;
au contraire, elles poursuivent les mêmes objectifs, c'est-à-dire
créer les conditions indispensables au développement et au
maintien d'une industrie communautaire performante et concurrentielle,
améliorer sans cesse la qualité des produits et des services
offerts aux citoyens européens et assurer la stabilité de
l'environnement économique " (73(
*
))
. On ne
peut qu'approuver cette affirmation, mais les décisions prises en
matière de concurrence, et particulièrement dans le domaine des
aides d'Etat, montrent que la compétitivité de l'industrie
européenne passe parfois au second plan.
Signalons tout d'abord que,
contrairement à une idée
reçue, la France ne fait pas partie des Etats membres qui aident le plus
leurs entreprises.
Au cours d'une audition devant la
Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée
nationale, M. Franck Borotra, alors ministre de l'Industrie, avait ainsi
observé que
" sur la période 1990-1992, la France a
accordé 800 écus par personne employée, contre 1.090
écus en Allemagne, 1.165 en Italie et 1.513 au Luxembourg. Il a
précisé que ces montants prenaient d'ailleurs en compte, pour la
France, les aides à l'exportation, ce qui n'est pas le cas pour
l'Allemagne " (74(
*
))
.
La Commission européenne reconnaît cet état de fait et a
formulé d'intéressantes observations sur le niveau des aides dans
l'Union dans son quatrième rapport sur les aides d'Etat dans le secteur
des produits manufacturés et certains autres secteurs de l'Union
européenne :
" abstraction faite de la Grèce, les
niveaux d'aide les plus élevés sont observés en Italie et
au Portugal. Ces pays se situent bien au-dessus de la moyenne communautaire,
l'Italie ayant même relevé son niveau par rapport à la
période précédente, alors que le Portugal a fortement
réduit le sien. La Belgique et le Luxembourg sont
légèrement au-dessus de la moyenne communautaire, et la France,
l'Irlande et les Pays-Bas, légèrement au-dessous.
[...] La situation en termes d'aides rapportées à la valeur
ajoutée est plus ou moins confirmée par les statistiques des
aides par personne employée. Ici, les nouveaux Länder allemands
pris séparément se situent bien au-dessus de tous les Etats
membres, suivis par l'Italie. La Grèce, le Luxembourg, la Belgique et
l'Irlande sont au-dessus de la moyenne communautaire. Le chiffre très
élevé enregistré par les nouveaux Länder allemands
s'explique à la fois par les aides considérables accordées
par la Treuhand et par une forte baisse du nombre de salariés. La
France, l'ancienne Allemagne de l'Ouest et les Pays-Bas se situent bien
au-dessous de la moyenne communautaire et le groupe des donneurs d'aides les
plus modérés comprend maintenant, par ordre décroissant,
le Danemark, le Portugal, le Royaume-Uni et l'Espagne " (75(
*
))
.
On a parfois le sentiment que la Commission européenne souhaiterait en
fait la disparition totale de ces aides.
L'Etat peut-il aujourd'hui
s'abstenir d'aider son industrie pour lui permettre de demeurer
compétitive dans le contexte de la mondialisation ?
Il serait
angélique de répondre par l'affirmative à cette question,
a fortiori lorsqu'on constate que tous les pays partenaires de l'Union
soutiennent, de fait, leur industrie nationale. La politique communautaire de
la concurrence doit être mise en oeuvre en prenant en
considération un ensemble de facteurs économiques et sociaux.
Ainsi, l'attitude de rejet de la Commission européenne à
l'égard du plan d'aide en faveur du textile, mis en oeuvre en juillet
1996 par le Gouvernement français, a paru critiquable. Ce plan avait en
effet pour objectif de faire face aux conséquences sur la
compétitivité des entreprises françaises des
dévaluations conduites par certains Etats membres de l'Union
européenne entre l'été 1992 et la mi-1995. Il constituait,
en outre, un élément de la politique de l'emploi en
prévoyant des allégements de charges sociales dans le secteur du
textile, du cuir, de l'habillement et de la chaussure, en contrepartie
d'engagements précis des entreprises pour la sauvegarde de l'emploi,
l'embauche de jeunes ou l'aménagement de la réduction du temps de
travail.
Et, de fait, son efficacité s'est trouvée confirmée par
une stabilisation des effectifs et l'emploi de 7.000 jeunes
supplémentaires.
Or, la Commission européenne refuse toujours de tenir compte des
distorsions de concurrence provoquées par des manipulations
monétaires et s'oppose aux aides d'Etat, dès lors qu'elles
revêtent un caractère sectoriel.
La préservation de
l'industrie et de l'emploi dans la Communauté paraissent insuffisamment
prises en considération dans les décisions arrêtées
en matière de concurrence.
Certes, une fois les emplois
supprimés, la Commission européenne propose d'intervenir par
l'intermédiaire des Fonds européens pour favoriser la
reconversion des salariés, mais on ne peut qu'être dubitatif sur
le caractère pleinement satisfaisant de cette manière de faire.
Il est aujourd'hui indispensable d'avoir une vision d'ensemble des politiques
communautaires pour prendre les décisions en matière de
concurrence. L'absence de prise en compte de considérations
industrielles ou sociales affaiblit les entreprises européennes face
à la concurrence mondiale. L'absence de coordination entre politique
structurelle et politique de la concurrence conduit, quant à elle,
à des distorsions de concurrence parfois considérables à
l'intérieur même de l'Union.
Il est clair qu'une politique de
concurrence au niveau communautaire est indispensable, à condition
qu'elle ne nuise pas à la compétitivité des entreprises
européennes, sur le marché communautaire d'une part, sur les
marchés internationaux d'autre part.
Mis en cause sur ce sujet, M. Karel Van Miert, commissaire à la
concurrence, a d'ailleurs défendu, à plusieurs reprises, sa
politique anti-trusts contre la critique essentielle de ne pas tenir compte de
la mondialisation de l'économie et de la concurrence internationale
à laquelle se heurtent les firmes européennes
.
Devant la Commission économique et monétaire du Parlement
européen, par exemple, il a récemment
(76(
*
))
affirmé qu'il lui appartenait de veiller
à l'existence d'une concurrence réelle, que n'autoriseraient pas
la constitution de monopoles ou l'intervention d'aides d'Etat.
On a parfois le sentiment d'une totale incompréhension entre les
autorités européennes et le monde productif.
c) Obtenir l'instauration d'un cadre international
Un autre
problème ne peut désormais plus être ignoré :
celui de l'absence de règles de concurrence au niveau mondial.
L'Union européenne est dotée de règles de concurrence
précises, appliquées de manière rigoureuse par la
Commission européenne. En l'absence de réciprocité, ces
règles peuvent être un sérieux handicap pour les
entreprises européennes sur les marchés mondiaux.
Devant la
Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union
européenne, M. Franck Borotra avait également
évoqué le cas de la construction navale, rappelant :
" ... que l'Union européenne avait signé, dans le cadre
de l'OCDE, un accord extrêmement déséquilibré, qui
autorisait les Etats-Unis à maintenir, pour partie, leur arsenal
protectionniste. Bien que les Etats-Unis aient refusé de ratifier cet
accord, la Commission européenne persiste dans sa volonté de
mettre en oeuvre le démantèlement concédé à
Washington de notre dispositif de soutien " (77(
*
)).
Au cours de son audition par notre Délégation, Sir Leon Brittan,
Commissaire chargé des relations économiques extérieures,
reconnaissait l'insuffisance de la situation actuelle :
" Si nous avons
les moyens d'un dialogue renforcé avec d'autres autorités de
concurrence, ceci ne garantit pas toujours notre entière satisfaction
avec les règles qui sont d'application dans d'autres économies
importantes, ni même avec la manière dont ces règles sont
appliquées par nos partenaires. Il en résulte à la fois
l'incertitude pour nos hommes d'affaires qui veulent agir sur des
marchés extérieurs et fréquemment des tensions entre
nous-mêmes et certains de nos partenaires. On peut dire que beaucoup des
problèmes récents en matière d'accès aux
marchés du Japon, par exemple, qu'il s'agisse du marché des
pellicules photographiques ou des automobiles, sont des problèmes de
politique de concurrence plutôt que des questions d'obstacles
traditionnels aux échanges internationaux ".
Au cours des dernières années, les institutions communautaires
ont pris conscience des risques que comportait cette situation. Elles ont
entrepris de renforcer les liens entre autorités chargées de la
concurrence. Un accord a ainsi été signé avec les
Etats-Unis le 23 septembre 1991. Toutefois, ces accords bilatéraux
ne peuvent permettre de résoudre tous les problèmes.
En 1995, un groupe d'experts a formulé, à la demande du
commissaire chargé de la concurrence, un certain nombre de
recommandations. Ce groupe a en particulier estimé que la
création d'une autorité de concurrence internationale
n'était guère réaliste à court ou moyen terme. Il a
en revanche proposé l'élaboration d'un cadre de
coopération plurilatéral qui inclurait tous les
éléments figurant déjà dans les accords
bilatéraux, auxquels s'ajouterait une batterie de règles de
concurrence minimales ainsi qu'un mécanisme de règlement des
différends
(78(
*
))
. A la suite de ces
propositions
, la Commission européenne a publié une
communication intitulée :
" Vers l'établissement d'un
cadre international de règles de concurrence " (79(
*
))
,
par laquelle elle exprime sa
préférence pour la définition de règles
internationales dans le cadre de l'OMC
plutôt qu'au sein
d'organisations telles que l'OCDE ou la CNUCED. Pour la mise en oeuvre de ce
cadre de concurrence, la Commission estime qu'il conviendrait de
procéder par étapes afin d'éviter un blocage des
négociations. Elle suggère une approche en quatre phases :
- adoption d'une
structure de concurrence interne :
les membres de
l'OMC s'engageraient dans un premier temps à garantir l'existence de
règles de concurrence de base et des instruments nécessaires pour
les mettre en oeuvre ;
- adoption de
règles communes :
les membres de l'OMC pourraient
s'efforcer d'identifier des principes communs et de les faire adopter au niveau
international ;
- création d'un
instrument de coopération entre les
autorités responsables de la concurrence :
des dispositions
pourraient être mises au point concernant la notification,
l'échange d'informations et la coopération entre les
autorités responsables de la concurrence ;
- règlement des différends : l'OMC est d'ores et
déjà pourvue d'un
mécanisme de règlement des
différends.
" Ce mécanisme pourrait s'appliquer
lorsqu'un pays, par exemple, omet de mettre en place une structure interne de
concurrence ou lorsque, dans un cas particulier, il ne réagit pas
à une demande d'intervention en vue de faire respecter le droit de la
concurrence présentée par un membre de l'OMC ".
Ces pistes de réflexion sont intéressantes si elles peuvent
être rapidement concrétisées. En l'absence d'un cadre
international de concurrence, les entreprises européennes, qui subissent
au sein de l'Union des règles de concurrence très strictes, ne
peuvent bénéficier de telles règles lorsqu'elles
souhaitent s'implanter sur certains marchés étrangers. Dans le
contexte de la mondialisation, la politique de concurrence n'a de sens que si
elle s'applique de la même manière à tous, tant au sein de
l'Union qu'à l'extérieur de celle-ci.
Or, le commissaire chargé de la concurrence, M. Karel Van Miert,
reconnaissait le 21 avril dernier que
" la création d'une
autorité internationale investie de pouvoirs d'investigation et de mise
en oeuvre dans le domaine de la concurrence n'était pas
faisable "
actuellement. Evoquant les prochaines négociations
de l'OMC, il a souhaité que soient prioritairement
négociés les domaines où un consensus peut être
rapidement dégagé (fixation des prix, parts de
marchés,...) tout en étudiant en parallèle les
thèmes les plus conflictuels, comme celui des monopoles (
80(
*
)
). En tout état de cause, ces discussions ne
sauraient aboutir avant 2003.
d) Assurer le bon fonctionnement du marché intérieur
La
constitution d'un marché unique aurait eu, selon la
Commission
(81(
*
))
, les effets positifs
suivants :
- création de 300.000 à 900.000 emplois
supplémentaires ;
- augmentation supplémentaire du revenu dans l'Union de l'ordre de 1,1
à 1,5 % sur la période 1987-1993 :
- taux d'inflation inférieur de 1 à 1,5 % à ce qu'il
aurait été en l'absence de marché unique ;
- renforcement de la convergence et de la cohésion entre les
différentes régions de l'Union.
En matière industrielle, il en serait résulté un
renforcement de la concurrence entre entreprises, une
accélération du rythme des restructurations -donc une
amélioration de la compétitivité-, une extension de la
gamme des produits offerts à des prix moins élevés, une
plus grande rapidité des livraisons transfrontalières et une
mobilité accrue des travailleurs au sein de l'Union.
Toutefois, si le marché unique constitue un atout pour améliorer
les performances des entreprises européennes, sa pleine
efficacité suppose que son fonctionnement ne soit pas entravé par
des imperfections ou des mesures prises au niveau national et qui en faussent
le jeu.
Interrogé sur ce point par votre rapporteur, M. Denis Kessler,
Vice-président du CNPF, signalait ainsi, parmi d'autres, plusieurs
dysfonctionnements à effet pervers sur l'industrie
européenne :
- le recours aux
dévaluations compétitives
;
- les distorsions provoquées par
la concurrence fiscale et sociale
entre Etats membres
: qu'on se souvienne ainsi de l'émotion
suscitée par l'annonce, en janvier 1993, du transfert de l'unité
de production de la firme Hoover de Dijon en Ecosse, où les conditions
sociales lui étaient plus favorables, délocalisation qui a
fondé les critiques à l'encontre du "
dumping
social
" pratiqué par le Royaume-Uni
(82(
*
))
;
- l'utilisation parfois abusive de l'article 100 A, paragraphe 4, du
traité qui autorise l'adoption de mesures nationales plus rigoureuses
que celles arrêtées au niveau communautaire dans le
secteur de
l'environnement
;
- la transposition de directives européennes différente suivant
les pays, notamment dans le domaine des marchés publics, ainsi que la
possibilité de recours plus ou moins facile pour les entreprises des
autres pays membres. C'est ainsi que, le 25 juillet 1997, la Commission a
poursuivi la procédure d'infraction pour manquement au droit
communautaire contre huit Etats membres ayant mal transposé plusieurs
directives touchant à la politique industrielle
(83(
*
)).
Consciente des imperfections qui demeurent dans le bon fonctionnement du
marché intérieur, le commissaire européen en charge de ce
dossier, M. Mario Monti, a récemment présenté un nouveau
plan d'action destiné à lever les derniers obstacles d'ici au
1
er
janvier 1999
(84(
*
))
. Ce
document, qui a été soumis aux chefs d'Etat des quinze pays
membres lors du sommet d'Amsterdam de juin 1997, a développé les
objectifs suivants, auxquels on ne peut que souscrire :
- assurer l'application effective du droit communautaire dans les Etats
membres ;
- promouvoir le développement d'un environnement fiscal plus
cohérent ;
- abolir les entraves qui subsistent dans certains secteurs (services
financiers, droit des sociétés, propriété
intellectuelle, commerce électronique) ;
- compléter le dispositif nécessaire à l'abolition des
obstacles à la libre circulation des personnes.
Le Conseil " Marché intérieur " du 30 mars 1998 a
pris note de l'état d'avancement de ce plan d'action : en dépit
de progrès significatifs, il semble que des retards importants soient
à déplorer sur le calendrier préfixé.
B. FAVORISER LA DEFINITION D'UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE STRUCTUREE
1. La politique industrielle est restée trop longtemps au second plan des préoccupations européennes
a) Une place mineure dans les textes
Si l'on peut considérer que les traités CECA et EURATOM constituent des traités de politique industrielle pour deux des plus importants secteurs de l'industrie, le traité instituant la Communauté européenne ne comporte aucune règle absolue relative à une politique industrielle spécifique. Dans le Traité de Maastricht, l'industrie ne fait l'objet que d'un article unique, l'article 130-1, dont le contenu vague, montre à quel point cette préoccupation restait très seconde pour les parties prenantes.
Article 130-1
" La Communauté et les Etats membres veillent
à
ce que les conditions nécessaires à la
compétitivité de l'industrie de la Communauté soient
assurées ".
" A cette fin, conformément à un système de
marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à :
" - accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements
structurels ;
- encourager un environnement favorable à l'initiative et au
développement des entreprises de l'ensemble de la Communauté, et
notamment des petites et moyennes entreprises ;
- encourager un environnement favorable à la coopération entre
entreprises ;
- favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques
d'innovation, de recherche et de développement technologique ".
Cet état de fait a été dénoncé à de
multiples reprises :
Le Parlement européen lui-même a fait preuve d'une grande
sévérité
à l'égard de la
Commission
(85(
*
))
en demandant qu'elle lui
précise
" la politique industrielle existante, ou
envisagée,
les raisons pour lesquelles
les autres options ont
été écartées "
; qu'elle indique
" si elle compte sur la politique de concurrence pour tenir lieu de
politique industrielle et, si tel est le cas, quel rôle sa direction
générale " Industrie " est appelée à
jouer dans l'élaboration rationnelle de la politique industrielle et de
la politique de concurrence "
; enfin, qu'elle formule
" une politique industrielle explicite de l'Union
européenne ".
b) Une structure éclatée au sein de la Commission
Outre la
place, marginale, accordée à ces questions dans les textes
fondant la Communauté, la politique industrielle ne
bénéficie pas d'un traitement global au sein de la
Commission : en plus du commissaire chargé des affaires
industrielles, coexistent quatre commissaires distincts pour les relations
extérieures, et un commissaire en charge de la concurrence. Si l'on
ajoute que les questions d'emploi, de recherche, d'environnement concernent
également l'industrie, comment imaginer qu'il puisse en résulter
une action concertée en faveur du développement industriel
européen ?
N'est-il pas grand temps que la Commission envisage de faire
bénéficier l'industrie d'un traitement plus global ? Il est
en effet inquiétant de constater que les réformes
nécessaires ne sont prises que dans l'urgence -comme l'a montré
la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine- et qu'il est fort
à craindre qu'un nouvel émiettement des structures de la
Commission ne résulte des perspectives d'élargissement de l'Union.
Quelques évolutions récentes nous autorisent toutefois à
tempérer ce jugement d'un peu d'optimisme.
2. Une prise de conscience récente sur l'importance de la question industrielle
On a en effet le sentiment que, depuis un peu plus de deux ans, les différentes instances communautaires portent davantage intérêt à l'avenir de l'industrie européenne.
a) L'analyse de la compétitivité européenne par la Commission
•
L'approche compétitive
En 1996, la Commission a publié une communication
(86(
*
))
portant sur
" le benchmarking de la
compétitivité de l'industrie européenne "
,
c'est-à-dire l'étalonnage des performances
compétitives,
considérant qu'une telle démarche
d'analyse de la compétitivité peut fournir un instrument utile et
performant pour l'améliorer en se référant aux meilleures
pratiques mondiales.
La Commission laisse à l'industrie le soin de procéder à
cette opération pour les entreprises individuelles :
" la
coopération industrielle et la constitution de réseaux,
inhérentes à l'étalonnage des performances, sont des
instruments efficaces pour la mise au point d'une " façon de
faire " européenne et pour le développement réel
d'une culture européenne de la qualité, qui renforceront
l'industrie européenne de l'intérieur et l'aideront à
affronter ses concurrents à l'extérieur ".
Par
conséquent, elle invite les parties concernées à
créer un système européen, en mettant en commun leur
expérience, par l'établissement d'indicateurs et de
critères communs.
L'étalonnage des performances peut aussi s'appliquer aux secteurs
industriels entiers, comme une extension naturelle de l'étalonnage des
performances des entreprises : les mêmes principes peuvent s'appliquer au
groupe d'entreprises qui composent une industrie et pour lesquelles les
modèles comparables des meilleures pratiques sont fondamentaux pour la
compétitivité.
Ainsi, la Commission a déjà souligné l'importance de
l'étalonnage des performances pour les secteurs, dans plusieurs
communications récentes, notamment sur les industries automobile et
chimique
(87(
*
)).
Cet étalonnage permet
à la Commission de contrôler sur une base continue la
capacité des industries européennes à répondre
à la concurrence internationale.
L'étalonnage porte sur les coûts (de la main-d'oeuvre, du
financement, de la fiscalité...), sur les principaux intrants de la
compétitivité industrielle
(prix, qualité et
accès aux services - télécommunications,
transports... - productivité du travail et du capital), sur les
compétences (qualification, éducation, formation), sur le
degré d'innovation (licences technologiques, rapidité à
pénétrer le marché...), et sur l'efficacité
industrielle dans le domaine de l'environnement (énergie, utilisation de
l'eau...).
A son tour, le Parlement européen a récemment confirmé
l'intérêt de ces études d'étalonnage des
performances permettant de détecter les raisons pour lesquelles
l'industrie européenne est moins compétitive que ses concurrentes
japonaise et américaine
(88(
*
))
.
• L'approche sectorielle
La Commission se livre également à l'analyse par secteur
industriel des atouts et faiblesses européennes face à la
concurrence mondiale, ce qui nous semble une excellente méthode
d'appréhension des problèmes dès lors qu'elle laisse aux
industriels le choix des stratégies à conduire. Elle a ainsi
établi ce type de diagnostic en matière de textile-habillement en
novembre 1997, et plus récemment pour le secteur aéronautique
(
89(
*
)
).
La réussite d'Airbus ne doit en effet pas masquer la
nécessité d'une recomposition rapide et radicale de l'industrie
aéronautique européenne, qui reste très fragmentée,
ainsi que l'a récemment souligné la Commission
(90(
*
))
à partir d'une comparaison Europe-Etats-Unis.
La restructuration de ce secteur, par les entreprises et les Etats membres
eux-mêmes, pourra s'inspirer des éléments de la
stratégie proposée par le " Memorandum Bangemann " :
- création de groupements européens, rassemblant de
manière trans-sectorielle, toutes les entreprises européennes du
secteur spatial (producteurs civils et militaires d'avions,
d'hélicoptères ou de missiles, fournisseurs d'électronique
militaires, maîtres-d'oeuvre dans le domaine des satellites,...) ;
- adoption d'un statut de la société européenne ;
- privatisations ;
- incitations à la recherche ;
- mise en place d'un régime européen des marchés publics ;
- institution d'une autorité pour la sécurité
aérienne.
Le point qui nous semble fondamental dans cette communication tient
à l'affirmation suivant laquelle le marché à prendre ici
en considération est le marché mondial : la situation de
concurrence d'une entreprise aéronautique ne devra pas être
évaluée par rapport à sa position sur le marché
européen, mais sur le marché mondial. Le commissaire à la
concurrence a formellement approuvé cette conception
(91(
*
)).
A la suite de ce constat, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont pris la
décision de constituer, autour d'Airbus Industrie, une concentration des
moyens de production aéronautiques que doivent conduire les industriels
eux-mêmes, la transformation d'Airbus en une société
intégrée ayant été fixée au 1er janvier
1999.
b) L'analyse des faiblesses européennes par le Conseil
Sous
présidence néerlandaise, le Conseil " Industrie " des
31 janvier et 1
er
février 1997 tenu à
La Haye, s'est également préoccupé de l'industrie
européenne à partir d'une étude-pilote consacrée
aux performances compétitives de l'industrie européenne dans le
domaine de la technologie de l'information et des communications.
Il en ressort que celle-ci accuse un retard considérable par rapport aux
Etats-Unis ou au Japon dans tous les secteurs les plus importants. Les motifs
de ce recul appliqués au secteur de l'information peuvent être
extrapolés à la majeure partie des secteurs industriels.
• Cette faiblesse s'expliquerait d'abord par la perte de
marchés : d'une part, l'Europe perd les produits traditionnels des
marchés de la consommation de masse dans le domaine de
l'électronique et du matériel informatique ; d'autre part,
elle est trop peu présente sur les nouveaux marchés comme ceux
des logiciels.
La présidence néerlandaise a alors suggéré que
le Conseil organise chaque année un débat sur la
compétitivité de l'Union, sur la base du rapport annuel de la
Commission relatif à la compétitivité de l'industrie
européenne, ainsi qu'à partir d'un exercice de
"
benchmarking
", mesurant les performances
compétitives européennes par rapport aux meilleures performances
réalisées dans le monde. Ces études se prolongeraient par
des actions concrètes menées avec l'industrie pour identifier les
causes de leur manque de compétitivité, notamment dans les
secteurs du textile-habillement et de l'industrie pharmaceutique, chimique et
automobile.
Outre cette analyse sectorielle, il a également été
envisagé une
réorganisation des travaux du Conseil
" Industrie ",
dont l'essentiel des débats porte, pour
l'heure, sur les secteurs les plus traditionnels (sidérurgie,
construction navale...) et non sur les atouts de l'Europe pour
l'établissement et le développement de ses entreprises
industrielles.
Cette suggestion de porter, désormais, un intérêt
particulier aux technologies plus récentes et plus
opérationnelles et d'aborder la question industrielle sous l'angle de la
compétitivité des entreprises semble le signe tangible d'une
volonté politique longtemps attendue.
Elle a été
confirmée par les ministres européens responsables de l'industrie
au cours de leur session du 24 avril 1997, puis du 13 novembre 1997 où
le thème de la compétitivité de l'industrie
européenne a été lié, de façon très
pertinente, à celui de la recherche-développement.
La deuxième cause de la perte de compétitivité des
industries européennes tiendrait au fonctionnement même du
marché intérieur.
Il a été observé que le potentiel du marché
intérieur n'était pas encore totalement utilisé, notamment
en raison de la complexité et de la lourdeur des réglementations.
L'objectif annoncé est de poursuivre le processus de simplification de
la législation communautaire et des réglementations nationales.
Enfin, la présidence néerlandaise a considéré que
"
le processus d'intégration est trop axé sur le
marché intérieur et
[qu']
il a tendance à
négliger la position compétitive de l'industrie européenne
sur les marchés mondiaux
". A l'avenir, il sera donc
nécessaire de tenir davantage compte des exigences des secteurs
industriels européens qui sont exposés à la concurrence
sur les marchés extérieurs à l'Europe.
Cette approche était encourageante pour l'élaboration d'une
politique industrielle européenne globale, à condition qu'elle
aille au-delà des déclarations d'intention et qu'elle fasse
l'objet d'une véritable stratégie opérationnelle. Dans son
programme et calendrier publiés en janvier 1998 pour le trimestre en
cours, la présidence britannique a confirmé
l'intérêt qu'il convenait de porter à la
compétitivité de l'Europe et pour laquelle elle souhaite
développer un dialogue entre les ministres de l'industrie et les milieux
industriels et organiser un vaste débat sur la
compétitivité dans le cadre du Conseil
" Industrie ".
c) Les recommandations des industriels européens
•
Si la prise en compte de la dimension industrielle semble évoluer dans
le bon sens, ces avancées sont encore insuffisantes pour les
professionnels du secteur. Ainsi, l'Unice -Union des
confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe- s'est
montrée très critique dans son récent rapport sur la
compétitivité de l'industrie européenne
(92(
*
))
, où elle dénonce une action de l'Union
et des gouvernements nationaux "
lente, insuffisante et
décevante surtout dans le domaine, politiquement sensible mais vital, de
la réforme structurelle et réglementaire
". Son
étude est construite autour de quatre recommandations principales :
-- améliorer l'environnement des entreprises en Europe : l'un des
handicaps qui affectent la compétitivité des entreprises
européennes tient
au coût élevé des facteurs de
production.
Ainsi, le prix de l'énergie est en moyenne 47 % plus
élevé dans l'Union qu'aux Etats-Unis -qui servent de
référence mondiale à cet égard- et le transport
routier y est plus cher de 40 % ;
--
limiter la part des dépenses publiques :
la moyenne
communautaire des dépenses publiques rapportées au PIB est d'un
peu moins de 50 %, contre 33 % aux Etats-Unis, d'où une charge fiscale
en augmentation constante, néfaste pour les activités de
production et pour la promotion de l'esprit d'entreprise ;
--
alléger les charges des entreprises
, notamment le coût
du travail ;
--
réformer les marchés du travail,
par une meilleure
formation et par l'instauration d'une
réelle flexibilité de
l'emploi.
• En réponse à ces critiques, M. Jacques Santer,
Président de la Commission européenne, a rappelé les
mesures prises et les évolutions comportant, dit-il, un impact positif
très direct sur la compétitivité européenne, parmi
lesquelles:
- la libéralisation des télécommunications depuis le
1
er
janvier 1998 ;
- l'ouverture, décidée, des marchés de
l'électricité et, prévue, du gaz naturel ;
- l'encouragement à la création d'entreprises
" profondément ancrée dans la pensée et dans
toutes les actions de la Communauté
européenne "
(93(
*
))
;
- l'amélioration de 20 %, au cours du dernier trimestre 1997, de la
transposition, en droit national, de la législation européenne
relative au marché intérieur ;
- la mise sous contrôle progressive des finances publiques dans la
" perspective euro " ;
- la tenue du sommet européen extraordinaire sur l'emploi en novembre
1997 à Luxembourg.
Il nous semble légitime de considérer qu'il s'agit là
d'un bilan non négligeable, mais qui reste encore, pour l'essentiel, au
stade de la bonne intention.
C. RENFORCER LES POLITIQUES D'ACCOMPAGNEMENT NECESSAIRES
Aider le
développement industriel en favorisant le contexte économique qui
soutiendra son essor fait appel à la mobilisation de très
nombreuses politiques d'accompagnement tant il est vrai qu'une multitude de
facteurs intervient dans ce domaine.
• Il est ainsi incontestable que la
politique de formation et
d'éducation
est un élément essentiel dans une
démarche industrielle globale, dès lors que la concurrence des
pays à faible coûts de main d'oeuvre s'exerce essentiellement aux
dépens de l'emploi non qualifié
(94(
*
))
. Il convient également d'adapter la formation
des jeunes aux besoins de l'industrie : de nombreux industriels français
déplorent le fait que la moitié des jeunes diplômés
ait reçu, en réalité, un enseignement inutilisable
directement dans le monde du travail. La voie de l'apprentissage,
expérimentée en Allemagne de manière exemplaire, constitue
une réponse adaptée aux besoins de l'industrie et
mériterait d'être mieux explorée.
• On ne peut également ignorer la politique de
l'environnement
et les risques que fait courir à la
compétitivité des entreprises européennes une politique de
protection de l'environnement très ambitieuse, donc plus coûteuse
que celle mise en oeuvre dans les autres pays. Il est patent que les
contraintes environnementales sont au centre des préoccupations
actuelles. Il est incontestable qu'elles renchérissent les coûts
et qu'elles peuvent conduire certaines industries à se
délocaliser vers des lieux où les réglementations sont
moins strictes et moins contraignantes
(95(
*
)).
Mais
il est non moins vrai que le souci de protection de l'environnement doit
être un objectif mondial et qu'il faut, autant que possible et dans un
souci d'équilibre coût-efficacité, adapter notre appareil
industriel à cet objectif qui sera de plus en plus présent dans
les années à venir. A cet égard, le programme auto-oil,
conduit en partenariat avec les industries automobile et
pétrolière concernées et portant sur l'amélioration
de la qualité de l'air par la diminution des pollutions automobiles, est
exemplaire dans son souci de rechercher le meilleur rapport coût-avantage
des mesures arrêtées.
• Il faut aussi encourager toutes les mesures qui, dans le cadre du
programme SLIM, ont pour objectif de
simplifier la législation dans
le marché intérieur
et qui éviteront de surcharger les
PME-PMI -principales pourvoyeuses d'emplois- de contraintes administratives.
Dans le même esprit, toutes les mesures qui permettront
de renforcer
la compétitivité des petites structures industrielles,
par
l'innovation ou l'accès au financement extérieur, ne devraient
avoir que des effets positifs.
La micro-industrie constitue en effet une mine d'emplois -qui plus est
d'emplois peu ou moyennement qualifiés- dont on a jusqu'à
présent négligé la richesse potentielle en concentrant
l'intérêt sur les grandes structures. Celles-ci sont
indispensables à la crédibilité industrielle de l'Europe
mais celles-là ne le sont pas moins en terme d'emploi. Dans une
perspective tant industrielle que d'aménagement du territoire, il serait
structurant de repositionner dans des zones aujourd'hui désertées
des petites entreprises industrielles -le cas échéant en
partenariat ou en réseau avec de grandes entreprises pôles- qui
irrigueront le territoire et permettront son développement selon un
schéma plus harmonieux. Ce modèle serait particulièrement
adaptable en France, laquelle n'a guère fait preuve, en ce domaine, de
beaucoup de réussite et pourrait utilement s'inspirer de l'exemple
italien, notamment en Emilie Romagne.
Par ailleurs, quatre autres politiques d'accompagnement qui relèvent,
à l'évidence, de la compétence de l'Union, méritent
d'être ici plus amplement évoquées.
1. Favoriser la politique de recherche et développement
a) Un effort insuffisant au niveau européen
D'excellentes intentions
Tous les partenaires s'accordent à reconnaître la
nécessité d'une politique concertée de recherche : il
est incontestable que la mise en commun des moyens, des connaissances, des
compétences et des résultats ne peut que produire une forte
valeur ajoutée pour l'Union, à condition d'organiser le transfert
des recherches vers les entreprises, notamment les PME, et de les rendre
applicables, pratiquement, dans l'industrie.
La Commission s'est montrée sensible à cet aspect des choses :
d'abord, dans son livre blanc, présenté en 1993, intitulé
"
croissance, compétitivité, emploi : les
défis et les pistes pour entrer dans le
XXI
ème
siècle
", puis en confirmant
qu'elle maintiendrait cet objectif essentiel dans son programme de travail pour
1997, qui comportait un volet consacré à l'amélioration de
l'environnement compétitif en Europe notamment par l'encouragement de
l'innovation.
La même volonté a été affichée lors de la
présentation du cinquième programme-cadre de recherche et
développement (PCRD) dont les négociations sont en cours
d'achèvement, et qui couvrira la période 1999-2003. Les
propositions de la Commission, modifiées le 14 janvier 1998, incluent en
effet quatre programmes thématiques dont le troisième s'intitule
" favoriser une croissance compétitive et durable ".
Celui-ci s'articule autour des cinq actions-clés :
-- produits, procédés et organisations ;
-- mobilité durable et intermodalité, dans le domaine des
transports ;
-- nouvelles perspectives pour l'aéronautique ;
-- technologies de la mer ;
-- ville de demain et patrimoine culturel
(96(
*
))
.
•
Une mise en oeuvre contestée
Il faut espérer que ce cinquième programme saura se montrer plus
convaincant que le précédent : le quatrième volet du PCRD,
actuellement appliqué et valable pour la période 1994-1998
(97(
*
))
a en effet fait l'objet de nombreuses
critiques
(98(
*
))
.
Il lui a été reproché le nombre excessif de projets
retenus -dix-huit- qui conduit à un " saupoudrage " de
financements nuisant à son efficacité ; la règle de
l'unanimité pour l'adoption des programmes conduirait à la
recherche de compromis entre les différents intérêts
nationaux et sectoriaux, pas toujours en phase avec les besoins de
l'industrie ; on observe également qu'il porte peu
d'intérêt au développement des technologies de base
directement utilisables par les entreprises.
Le projet de cinquième PCRD, qui sera définitivement
adopté au printemps 1998, semble avoir pris acte de certains de ces
arguments puisque la Commission a commencé par ramener à trois,
avant de porter à quatre le nombre de programmes à financer.
D'autres modifications ont également été
envisagées, comme le renforcement des responsabilités
accordées à la Commission pour l'exécution du programme et
la substitution du vote à la majorité qualifiée pour la
définition des projets. Pour l'heure, il faut souhaiter que ces bonnes
intentions trouvent leur traduction dans une stratégie convaincante
anticipant les développements des technologies et des marchés.
Des réalisations limitées
La Commission a mis en place des " forces d'actions " ou " task
forces ", concentrant d'importants financements de recherche, afin
d'accroître la compétitivité de l'industrie
européenne dans des domaines précis (" environnement et
eau ", " industrie aérospatiale... "). Toutefois, les
résultats de cette politique restent insuffisants. Ainsi, dans le
secteur aéronautique, la fusion récente de Boeing et
Mc Donnell-Douglas imposera à l'Union un renforcement de ses
financements si elle souhaite que son industrie reste techniquement à un
haut niveau suffisant d'efficacité et de compétitivité.
En effet, globalement, l'Union européenne investit relativement moins
que les Etats-Unis ou le Japon dans la recherche-développement :
elle y consacre 1,9% de son PNB, contre respectivement 2,5 % et 3 %
pour ses concurrents directs.
Rapportée au budget de l'Union, la
recherche-développement n'absorbe que 3,4 % des crédits. Le
cinquième PCRD, qui proposait un budget en hausse en pourcentage du PNB
européen par rapport à celui consacré par le
quatrième volet, vient de voir sa dotation reconduite à un niveau
équivalent, soit 16,3 milliards d'écus.
Dans son deuxième rapport sur les indicateurs pour la science et la
technologie, paru le 7 avril 1998, la Commission européenne a
publié une comparaison des performances en matière de recherche
en Europe et dans cinquante autres pays. Il en ressort que le fossé se
creuse, notamment entre l'Union et ses partenaires américains et
japonais, qui ont investi massivement pour soutenir la
compétitivité et la capacité d'innovation de l'industrie,
dans des secteurs essentiels pour l'avenir. Mme Edith Cresson, commissaire
à la recherche, s'est déclarée préoccupée de
ce retard, ainsi que de constater que
" les investissements
européens dans la science ne se traduisent pas de manière
adéquate en percées industrielles et commerciales "(99(
*
)).
En effet, l'Europe valorise insuffisamment ses investissements pour en faire un
moyen d'affronter l'économie globalisée et de favoriser la
création d'emplois dans les secteurs à haute technologie.
Son handicap essentiel tient au fait que, en matière de
recherche
publique
, les crédits sont attribués dans des conditions
où le souci d'équilibre entre les Etats compromet parfois la
recherche de l'efficacité. En matière de
recherche
fondamentale et appliquée
, seul le niveau communautaire peut
pourtant permettre de dégager des économies d'échelle
indispensables, en facilitant, par exemple, la création de grandes
installations de recherche qu'un Etat membre ne pourrait développer ni
entretenir avec ses seuls moyens.
•
Une démarche fructueuse : le programme EUREKA
Initié par la France, le programme EUREKA trouve, en revanche, le
soutien du monde industriel. On observera d'ailleurs, une fois encore, que la
mise en oeuvre de ce programme résulte de coopérations
extérieures et volontaires et non de l'application des dispositions du
Traité. Depuis l'origine, en 1985, il a permis le financement de plus de
1.250 projets pour un montant de 115 milliards de francs investis par
les Etats et les entreprises. Ce succès s'explique par son mode de
fonctionnement fondé sur le volontariat : ce sont les industriels
qui décident du sujet de recherche, du niveau de leur coopération
et du choix de leurs partenaires, cette démarche garantissant une
meilleure adéquation avec le marché.
b) Un effort à relayer au niveau national
Il est essentiel que les Etats participent à l'effort de recherche, soit en l'assurant directement, soit en appuyant les initiatives privées. Le dispositif fiscal français de crédit impôt-recherche est ainsi un instrument efficace pour favoriser l'innovation : il autorise une réduction de l'impôt sur les sociétés équivalent à 50 % des investissements-recherche. Toutefois, il présente l'inconvénient d'être circonscrit à certains types de dépenses (salaires des personnels, frais de brevets...) trop limités pour être vraiment incitatifs. De surcroît, il serait -paraît-il- psychologiquement mal perçu par les administrations fiscales, ce qui a fait dire à un industriel, lors de son audition, qu'il n'utilisait jamais cette faculté car elle conduisait immanquablement, à brève échéance, à un contrôle fiscal de l'entreprise qui y a recours.
2. Consolider la protection contre la contrefaçon
Dans le
cadre des relations commerciales instaurées au niveau mondial, figure
l'obligation de la loyauté des échanges. Ce principe suppose
aussi l'interdiction du piratage et des contrefaçons. Or, on constate un
développement considérable de ces pratiques provenant le plus
souvent des pays du sud-est asiatique et, plus récemment, d'Europe de
l'Est, qui, faussant le jeu du marché, privent les pays innovants ou
créatifs des retombées financières de leurs efforts.
Elevée au rang d'industrie, la contrefaçon représenterait
aujourd'hui 5 % environ du commerce mondial, soit l'équivalent de
600 milliards de francs
(100(
*
))
. Elle aurait
provoqué la destruction de 100.000 emplois en Europe depuis dix
ans, dont 40.000 pour la France, qui a toujours constitué une cible
de choix pour les contrefacteurs en raison de sa place
prépondérante dans la fabrication et le commerce des produits de
luxe.
a) Le dispositif français
Pour ces raisons, la France s'est dotée
très
tôt d'un dispositif protecteur, récemment renforcé par une
législation particulièrement efficace face à ce type de
délinquance économique
(101(
*
))
.
Outre l'aggravation massive des sanctions financières et la
possibilité de saisine immédiate en douane des produits suspects,
il a été décidé que les poursuites s'appliqueraient
également à l'encontre du distributeur des marchandises
piratées et non plus seulement à l'égard du fabricant.
Ainsi que l'indiquait M. Lucien Devaux, président du groupe textile
Devaux SA, au cours de son audition par votre rapporteur, "
il est plus
aisé et plus efficace de saisir des produits reproduisant
illégalement nos modèles dans une chaîne
d'hypermarchés français plutôt que d'entreprendre des
poursuites, le plus souvent vaines, contre un petit fabricant thaïlandais
ou coréen devenu introuvable
".
Enfin un comité national anti-contrefaçons, placé sous
l'égide du ministère de l'industrie, a été
institué le 5 avril 1995 afin de constituer un lieu de concertation
et d'information entre les partenaires -industriels et administrations-
impliqués dans la lutte contre la contrefaçon.
b) Le système européen
L'Union
européenne dispose également d'une réglementation
anti-contrefaçon mais qui n'est intervenue que plus
récemment : un premier règlement
(102(
*
))
entré en vigueur le
1
er
janvier 1988, resté inefficace en raison de la
lourdeur et de l'imprécision de ses procédures, a
été remplacé par les règlements CE
n°
s
3295/94 et 1367/95 du 16 juin 1995.
Ce texte fixant les "
mesures en vue d'interdire la mise en libre
pratique, l'exportation, la réexportation et le placement sous un
régime suspensif de marchandises de contrefaçon et des
marchandises pirates
"
apporte trois améliorations
substantielles au précédent dispositif :
- les autorités douanières des Etats-membres, notamment celles
situées aux frontières de l'Union, peuvent désormais
s'opposer d'elles-mêmes à l'entrée des marchandises
suspectes de contrefaçon, sans devoir attendre l'intervention de
décisions judiciaires ;
- le nouveau régime s'applique également aux exportations et au
trafic de transit ;
- la protection est étendue aux droits d'auteurs et aux droits voisins,
ainsi qu'aux dessins et modèles - et non plus seulement aux marques - ce
qui est essentiel pour tous les produits de mode.
De juillet 1995 à juin 1997, ce mécanisme de surveillance a
donné lieu à 4.133 interventions des services des douanes,
soit deux fois plus que durant les sept années de fonctionnement du
précédent règlement. Ces opérations ont
été essentiellement accomplies en Allemagne, en France, au
Royaume-Uni et en Espagne pour des produits en provenance de Pologne, de
Thaïlande, de Turquie et des Etats-Unis
(103(
*
))
.
Si ces résultats sont encourageants, le dispositif de protection n'est
toutefois pas totalement satisfaisant (
104(
*
)
)
: il ne couvre pas, par exemple, les
brevets d'invention de produits et les certificats complémentaires de
protection des médicaments et des produits phytopharmaceutiques, et il
ne s'applique pas à la " marque communautaire ", pourtant
opérationnelle depuis le 1
er
avril 1996, ce qui
permettrait pourtant aux titulaires, par une demande unique, de
bénéficier d'une protection douanière valable dans
plusieurs Etats membres.
Il serait également utile d'organiser,
à terme rapproché, un dispositif de brevet européen.
De surcroît, le problème majeur dépasse ce cadre
européen : il concerne, bien au-delà, la définition
d'une véritable réglementation au niveau mondial. Si certaines
bases existent au niveau de l'OMC, le dispositif est encore trop imparfait et
imparfaitement respecté pour constituer une solide protection contre la
contrefaçon.
Enfin, à l'inverse, l'instrument douanier ne s'applique qu'aux
échanges avec les pays tiers et ne permet pas d'appréhender les
marchandises pirates fabriquées à l'intérieur de la
Communauté ou circulant entre les différents Etats
membres.
3. Clarifier la politique régionale
a) Un moyen d'intervention puissant
L'objectif de cohésion économique et sociale
inscrit,
en 1986, dans le Traité de Rome afin d'accompagner les pays les moins
favorisés vers l'ouverture du marché unique européen, a
impliqué une réforme profonde des fonds structurels
communautaires.
Il est résulté de cette orientation politique fondamentale une
augmentation considérable des moyens financiers disponibles. Une
première réforme, en 1989, suivie d'une seconde,
négociée lors du Sommet d'Edimbourg de décembre 1992, ont
porté la politique régionale au deuxième rang des
dépenses communautaires. Le budget 1997 a doté les fonds
structurels de 31,8 milliards d'écus en moyens d'engagement, soit 38,6%
du budget communautaire, juste après la politique agricole par rang
d'importance des dépenses (41,2 milliards d'écus, soit 50%).
Les quatre fonds structurels existants ont tous vocation à intervenir en
matière industrielle :
- le Fonds européen de développement régional, FEDER,
dont la mission est de corriger les déséquilibres
régionaux dans la Communauté et de contribuer au
développement des régions les moins favorisées, peut ainsi
financer des investissements productifs permettant la création ou le
maintien d'emplois durables, des investissements en infrastructures ou des
mesures de soutien au développement local et aux activités des
petites et moyennes entreprises ;
- le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, FEOGA,
section orientation, concourt à l'amélioration des structures
agricoles et de l'industrie agro-alimentaire ;
- le Fonds social européen, FSE plus spécialement
réservé aux interventions de soutien à l'emploi, a pour
objectif de compléter les politiques menées par les Etats membres
en matière d'emploi, d'insertion dans le monde du travail et de
formation professionnelle ;
- enfin, plus récemment créé, l'IFOP, instrument financier
d'orientation de la pêche, peut participer au financement des
opérations de transformation et de commercialisation des produits de la
pêche et de l'aquaculture.
A ces quatre fonds, il convient d'ajouter le Fonds de cohésion,
institué le 16 mai 1994 et qui ne bénéficie qu'aux quatre
Etats membres dont le PIB par habitant est inférieur à 90% de la
moyenne communautaire : la Grèce, le Portugal, l'Irlande et
l'Espagne.
L'action régionale intervient dans le cadre de l'un des six objectifs
prioritaires de développement, destinés soit à certaines
zones géographiques nommément désignées
(105(
*
))
, soit à l'ensemble du territoire communautaire
(106(
*
))
.
Il résulte de la politique structurelle actuellement en vigueur une
forte concentration des moyens disponibles : 80% des ressources des fonds
structurels seront réservés, jusqu'en 1999, aux régions en
retard de développement (objectif 1) et à celles victimes de
déclin industriel (objectif 2).
La politique régionale de l'Union constitue donc un moyen d'action
particulièrement puissant, dont l'industrie pourrait
bénéficier prioritairement.
C'est ainsi qu'un ensemble de programmes d'aide régionale
destinée aux anciennes zones industrielles de l'Union européenne,
d'une valeur totale de 2,81 milliards d'écus, a été
renouvelé par la Commission le 26 février 1997, à
destination de régions du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Danemark et de
la Belgique. La Commission indique que les programmes retenus créeront
150.000 emplois dans les dix régions britanniques concernées et
15.700 emplois dans les trois zones industrielles néerlandaises
répertoriées.
b) Des objectifs insuffisamment atteints
Le
fondement de la politique d'aide structurelle tient à son rôle
fondamental dans la lutte contre le chômage et le renforcement de la
cohésion économique et sociale au sein de l'Union.
Or, si l'on se réfère au bilan présenté par la
Commission dans le premier rapport qu'elle a consacré à la
cohésion économique et sociale, ces résultats restent
décevants.
Certes, les quatre Etats membres éligibles au fonds de cohésion
-Espagne, Grèce, Portugal et, surtout, Irlande- ont enregistré
des résultats positifs en termes de rattrapage du niveau moyen de revenu
par habitant dans l'Union. Mais, dans le même temps, le taux de
chômage a globalement progressé, accusant de fortes
disparités entre Etats-membres et, même, entre régions
riches et pauvres au sein d'un même Etat. En découle une
augmentation des écarts de revenus au sein des Etats que les politiques
structurelles n'ont pas empêchée.
Il convient donc de mobiliser les fonds disponibles en faveur
d'investissements productifs, notamment dans l'industrie, susceptibles
d'améliorer la situation globale de l'emploi :
on pourrait ainsi
mieux utiliser les ressources du Fonds social européen (FSE) pour
accompagner les mutations industrielles ou concentrer les ressources du Fonds
de cohésion sur la réalisation des infrastructures de transport
en Europe.
c) Des dysfonctionnements à corriger
Il faut
également se garder de l'effet pervers produit parfois par ces aides
régionales et qui ont déjà eu par le passé la
conséquence paradoxale de déstructurer la situation de l'emploi
par l'octroi de subventions incitant à la délocalisation
intra-communautaire.
On se souvient ainsi de l'exemple de la société Atlas-Copco qui
s'est déplacée de la région de Brême, située
en objectif 2, vers une autre région d'objectif 2, en
Suède, après l'adhésion de ce pays à l'Union
européenne.
C'est pourquoi le Parlement européen, sensible à ces
difficultés, a invité la Commission à procéder
à une évaluation des fonds structurels dans l'optique de
distorsions de concurrence et de mise en évidence de " courses aux
subventions "
(107(
*
))
.
Il a ainsi proposé "
que le soutien apporté par l'Union
européenne à des sociétés par le truchement des
fonds structurels soit conditionné par un engagement à long terme
en matière d'emploi et de développement local
", afin
d'éviter que de telles implantations puissent être aisément
délocalisées plus tard.
Cette critique du comportement anti-économique de la recherche de
subventions européennes n'est pas nouvelle ; nous la connaissons
également dans le cadre national. Pour autant, il est très
contestable que le même raisonnement ait été formulé
par le Parlement européen le 12 mars 1997, au cours de la session
consacrée à la discussion de la fermeture par Renault de son site
de production belge de Vilvorde. En effet, il n'est ni juste, ni
justifié de vouloir expliquer cette décision purement
économique de restructuration industrielle par le fait que,
parallèlement, une subvention était accordée à
Renault pour l'extension d'un autre site de production situé en Espagne.
L'usine de Vilvorde, implantée voici soixante-douze ans, ne peut
être décemment considérée comme une installation de
courte durée en vue d'une délocalisation rapide. Il est tout
aussi malsain qu'un commissaire européen se propose de supprimer ces
subventions à titre de sanction contre la fermeture de l'usine belge,
alors même que la création de cinq cents emplois en Espagne en
dépend : cet exemple illustre, une fois encore, le conflit des
impératifs industriel et concurrentiel au sein de l'Union.
Enfin, le Parlement européen a estimé regrettable que
" l'utilisation actuelle des fonds structurels rende difficile la
coopération économique entre régions européennes et
que le potentiel de développement considérable de celles-ci soit
entamé par cet effort de concurrence "
; il a
considéré opportun
" d'adapter l'utilisation des fonds
structurels de façon à ce qu'ils permettent de promouvoir la
coopération économique entre régions
européennes "
(108(
*
))
.
Il a par ailleurs demandé à la Commission d'évaluer
l'impact des fonds structurels sur la concurrence en élaborant
"
des indicateurs socio-économiques efficaces et pertinents
permettant d'évaluer les conflits potentiels entre la politique de
concurrence et la politique de cohésion
".
Les mêmes observations ont été formulées lors du
Conseil Industrie du 24 avril 1997, au cours duquel les ministres ont
souligné les aspects négatifs sur la concurrence dans la
Communauté que peut avoir la conjugaison des versements des fonds
structurels et de l'aide régionale accordée par les gouvernements
nationaux pour attirer l'industrie et relancer l'emploi
(109(
*
))
. La Commission y a été invitée
à présenter, dans un délai d'un an, un rapport sur la
délocalisation des sociétés en quête du
régime d'aide le plus favorable. Elle a ainsi présenté, le
16 décembre 1997, une série d'orientations qu'elle entend
appliquer -mais à partir de l'an 2000- seulement pour
l'évaluation des aides régionales. L'objectif est de
réduire le montant de l'aide versée tout en se concentrant sur
les régions les plus pauvres de la Communauté. Elle a
également adopté une communication aux Etats membres appelant le
Conseil à s'entendre sur un nouveau système d'allocation des
fonds structurels compatible avec les règles de concurrence de
l'Union.
d) Que peut-on attendre d'Agenda 2000 ?
La
réforme de la politique structurelle envisagée pour la
période 2000-2006 dans le cadre Agenda 2000 ne résoudra pas
toutes ces difficultés, peut-être même risque-t-elle de les
renforcer.
Il s'agit là d'une phase transitoire destinée à
accompagner l'élargissement de l'Union, calibrée pour tout
à la fois ménager les susceptibilités des Etats
actuellement membres de l'Union et réserver une place aux candidats
à l'adhésion.
Certes, on peut en espérer une simplification des mécanismes, une
plus grande transparence du mode de fonctionnement, un resserrement sur les
objectifs et les régions prioritaires. Mais jusqu'en 2006, il en
résultera surtout un plus grand saupoudrage des fonds disponibles afin
d'organiser en parallèle la " sortie " des actuels
bénéficiaires et " l'entrée " des nouveaux
adhérents. Au-delà de cette échéance, les besoins
des nouveaux entrants seront tels qu'ils monopoliseront, très
légitimement d'ailleurs, les moyens d'action.
En définitive, on peut se demander si l'occasion n'a pas
été manquée, au cours des dernières années,
de mobiliser les moyens financiers au profit du développement industriel
et de redéployer des fonds, que l'on savait notablement
sous-utilisés, pour assurer la réalisation de grands projets
d'infrastructures, fortement structurants pour l'espace européen et
fondamentalement utiles pour l'industrie.
4. Valoriser l'entrée en vigueur d'une monnaie unique
L'impact négatif des fluctuations monétaires importantes qu'a
connues l'Union européenne entre 1992 et 1995 a montré une
nouvelle fois le handicap que constituait pour l'industrie européenne
l'absence d'une monnaie unique.
L'étude réalisée par la Commission européenne en
vue du Conseil européen de Madrid a ainsi établi que ces
fluctuations avaient entraîné, sur cette période, un
ralentissement de la croissance de l'ordre de 0,25 à 0,5 %, en
même temps qu'elles obligeaient les entreprises industrielles,
tributaires de décisions d'investissement à long terme, à
s'adapter à des variations brutales de la
compétitivité-coût des différents pays. Ainsi,
l'industrie automobile française a dû modifier de manière
drastique ses comportements de marge pour rester présente sur le
marché italien, ce qui a pesé sur ses résultats d'ensemble
compte tenu de l'importance de ce marché.
La coexistence d'autant de monnaies que d'Etats membres conduisait donc
à des distorsions de concurrence, tout en entretenant une incertitude
préjudiciable à l'investissement et donc à la
compétitivité.
L'entrée en vigueur de la monnaie unique est à un double titre
une réponse à cette situation. Par définition, elle
supprimera toute fluctuation monétaire au sein de la zone euro ;
cet avantage paraît d'autant plus important que celle-ci sera dès
le départ une zone large, comprenant onze Etats membres. Mais les effets
stabilisateurs de l'Union économique et monétaire se sont fait
sentir dès avant l'entrée dans la monnaie unique : la
dynamique de la convergence a d'ores et déjà, depuis deux ans,
considérablement réduit les fluctuations monétaires au
sein de l'Union.
Cependant, pour que l'unification monétaire joue pleinement au
bénéfice de l'industrie communautaire, il est nécessaire
que la gestion de l'euro soit une gestion équilibrée,
fondée à la fois sur l'objectif de stabilité et sur
l'objectif de croissance. Certains facteurs pourraient, dans un premier temps,
conduire à une certaine surévaluation de l'euro :
si la
banque centrale européenne se croyait tenue d'asseoir sa
crédibilité par une gestion restrictive, l'industrie
communautaire ne pourrait tirer tous les avantages de l'unification
monétaire.
Les difficultés de l'industrie japonaise, pourtant exemplaire par sa
compétitivité, lorsqu'elle a été confrontée
à une forte appréciation du yen, montrent bien les risques
qu'encourrait l'industrie européenne en cas de surévaluation de
l'euro ; à l'inverse, la vigueur de l'économie
américaine durant la même période, vigueur qui s'est
avérée compatible avec la maîtrise de l'inflation,
suggère tout l'intérêt d'une gestion monétaire
équilibrée et réaliste.
Par ailleurs, l'unification monétaire va faciliter les comparaisons des
prix et des coûts et favoriser une concurrence plus vive dans divers
secteurs. Nombre de règles fiscales et sociales devront être
repensées en fonction de cette nouvelle donne. Dès lors que
l'arme de la dévaluation n'existera plus pour restaurer une
compétitivité compromise par des charges sociales et fiscales
trop élevées, la maîtrise de ces charges sera essentielle
pour faire face à une concurrence accrue.
Enfin, la monnaie unique suppose un effort prolongé de rigueur
financière de la part des Etats participants, qui doivent retrouver une
marge de manoeuvre budgétaire.
La plupart des Etats qui entreront
dans la monnaie unique le feront en se situant à la limite des
critères fixés par le traité sur l'Union européenne
concernant les déficits publics et l'encours de la dette. Sans un effort
durable de rigueur, ils ne pourront dès lors prendre des mesures de
relance sans risquer les sanctions prévues par le pacte de
stabilité. Pour se retrouver en situation de pouvoir exercer, le cas
échéant, une action contra-cyclique, les Etats devront donc,
préalablement, ramener leurs finances publiques à une situation
proche de l'équilibre. C'est bien là une des conditions
nécessaires pour que l'unification monétaire puisse être
synonyme à la fois de stabilité et de croissance.
CONCLUSION
A
l'issue de ce rapide panorama de l'industrie française et
européenne, il est permis de faire preuve d'un peu moins de pessimisme
que nous n'en aurions éprouvé voici encore dix-huit mois.
L'intérêt désormais porté par les institutions
communautaires au secteur industriel, le retour de la croissance en Europe, les
avancées spectaculaires récentes sur le terrain de l'Union
économique et monétaire sont autant d'atouts pour que soit enfin
forgée une politique industrielle et commerciale porteuse d'espoirs pour
l'avenir.
Toutefois, en dépit de certains succès marquants, l'industrie
européenne souffre : elle perd ses emplois, elle régresse en
termes de parts de marchés notamment face à ses concurrents
asiatiques ou américains, elle se positionne insuffisamment sur les
segments mondiaux les plus innovants
. Or, nous ne pouvons l'ignorer,
l'Europe n'aura sa place dans le monde qu'en s'appuyant sur un socle industriel
performant et compétitif
. Elle y trouvera également le moyen
de créer de véritables emplois, les emplois industriels
étant un élément déterminant pour la
création d'emplois de service nombreux. Que peut faire l'Union pour
renforcer ce pôle essentiel pour son avenir ?
Notre délégation propose quatre grandes orientations qui
pourraient être utilement mises en oeuvre et qui se rapportent à :
- l'Euro dans un nouvel ordre monétaire international ;
- une meilleure défense des intérêts de l'Union ;
- la recherche de la compétitivité industrielle européenne
;
- la mise en oeuvre de politiques d'accompagnement.
*
1. La
première piste de réflexion s'impose d'elle-même en
constatant
l'urgence de la définition d'un meilleur ordre
monétaire international.
La création d'une monnaie unique est un atout considérable qui
supprimera désormais les désordres internes qu'ont pu causer, par
le passé, les dévaluations compétitives au sein même
de l'Union européenne. La crise asiatique et, partant, la forte
dévaluation des monnaies, dont le yen, qui en a résulté
seront lourdes de conséquences en matière de commerce
international. L'Europe doit impérativement faire entendre sa voix en
plaidant pour l'élaboration d'un meilleur ordre monétaire
international.
*
2. Le
deuxième angle d'attaque devrait s'attacher à
la
défense des intérêts de l'Union sur le plan international.
En effet, la prolifération d'accords commerciaux à laquelle nous
assistons rend sa démarche trop opaque tant pour les Parlements
nationaux que pour les acteurs économiques et ce manque de
visibilité nuit à sa compréhension et à sa
crédibilité. De surcroît, des négociations
menées sans cadrage politique préalable, sans évaluations
économiques sérieuses et sans réelle concertation entre
les différentes institutions européennes -l'Uruguay Round et,
plus récemment, le NTM et l'AMI- produisent, sur le plan international,
un effet désastreux et conduisent à des situations de blocage
extrême qui ne sont pas constructives. Pour être efficace, l'Union
doit savoir parler d'emblée d'une seule voix, les négociations du
GATT l'ont, par le passé, clairement démontré.
Il semble donc essentiel d'obtenir :
• la
définition d'une politique claire
et d'un cadrage
précis
dans la conduite des négociations internationales de
l'Union, dans le respect indispensable des règles du jeu institutionnel
: c'est bien au Conseil qu'il appartient de donner à la Commission les
mandats nécessaires à l'ouverture des pourparlers commerciaux et
non à celle-ci de prendre des initiatives qui seront mal ressenties,
quel que soit leur degré de pertinence ;
• la
négociation d'accords équilibrés
dans
lesquels il soit procédé à une juste appréciation
de l'équilibre et de la réciprocité des échanges,
de l'intérêt particulier de l'Europe et des conséquences
qui résulteront de ces accords sur les économies des Etats
membres ;
• un
contrôle effectif
du respect de ces accords,
éventuellement au prix de recours juridictionnels auprès des
instances européennes ou internationales compétentes ;
• la définition de
procédures
" anti-dumping "
au moins aussi performantes que celles
pratiquées par nos partenaires commerciaux, notamment américains
: le recours à des pratiques commerciales déloyales ne peut
être justifié par aucun argument, pas même celui qui, de
manière pernicieuse, considère que les consommateurs
européens peuvent y trouver avantage. Lorsque l'industrie
européenne subit les effets de tels comportements, ce sont aussi les
salariés-consommateurs qui en pâtissent, à plus ou moins
longue échéance. Aussi, notre Délégation appuie la
suggestion du Gouvernement français de créer une agence
indépendante pour le contrôle des actes de dumping, qui aurait le
mérite de " dépolitiser " les procédures.
*
3. Le
troisième thème d'action de l'Union
pourrait
privilégier la compétitivité de son industrie
et
notamment imposer :
• un meilleur usage de la
politique de concurrence
européenne qui sache se départir de ses tendances à
privilégier le contrôle des conditions internes de concurrence
pour se préoccuper davantage de la concurrence avec le reste du monde.
L'Union doit désormais accepter de ne plus s'opposer à la
constitution, en son sein, de groupes industriels de taille mondiale,
affrontant la concurrence internationale à armes égales ;
• une évaluation de la
compétitivité de
l'industrie européenne
, ce qui suppose à tout le moins
d'avoir la volonté politique de procéder de façon
permanente à ce type d'appréciation et donc de disposer de
séries statistiques complètes et rapidement disponibles ;
• la définition de politiques de
recherche et, en particulier,
de recherche-développement
qui puissent se situer à un niveau
au moins équivalent à celui mis en oeuvre chez nos principaux
concurrents mondiaux et le soutien de choix de projets innovants, directement
utilisables pour l'industrie et essentiels pour sa compétitivité.
*
4.
Enfin, le quatrième axe d'intervention tiendrait à
la mise en
oeuvre de politiques internes d'accompagnement
pour aider au
développement industriel européen en insistant en particulier sur
:
• la prise en compte de la dimension industrielle dans la
définition de la politique régionale européenne pour la
période transitoire 2000-2006 et la
mobilisation des fonds
structurels
en faveur d'investissements industriels productifs susceptibles
d'aider à l'amélioration de la situation globale de l'emploi ;
• la nécessité de mettre en oeuvre des mesures favorisant
le développement accru du tissu de
petites et moyennes
entreprises
industrielles tout à la fois pourvoyeuses d'emplois et
essentielles à un aménagement du territoire harmonieux ;
• la prise en compte des besoins de l'industrie dans la
formation des
jeunes
et, notamment, le développement de l'apprentissage et de la
formation en alternance.
*
* *
Au-delà de la nécessaire affirmation de la
volonté industrielle de l'Europe et des institutions communautaires, les
gouvernements nationaux ont un rôle majeur à jouer dans ce combat.
Ainsi que l'a indiqué le Président de la République lors
de sa conférence de presse du 16 avril dernier,
" une forte
ambition européenne doit aller avec une grande ambition
nationale "
. Les handicaps français -
" trop de
dépenses publiques, trop d'impôts, trop de bureaucratie ",
on pourrait ajouter
" trop de déficits "-
exigent d'être corrigés, à la veille d'une année
cruciale pour l'Europe, pour ramener la France dans la moyenne
européenne.
C'est à nous qu'il appartient de renforcer notre
compétitivité, de valoriser l'excellente formation de nos
ingénieurs, de savoir retenir les jeunes diplômés qu'une
trop forte fiscalité peut conduire à l'expatriation, d'adapter
notre législation sur les fonds de pension pour que notre capital
industriel ne soit pas progressivement acquis par ces structures anglo-saxonnes.
L'Europe a fait, le 2 mai 1998, le choix de l'Euro : dans un marché
unique, doté d'une monnaie unique qui constituera un avantage
fondamental à valoriser, et d'un dispositif de convergence qui a fait la
preuve de son efficacité, la France ne doit pas être
" l'exception négative ". L'époque où il
était de bon ton d'accuser l'Europe d'être à la source de
tous nos maux est désormais révolue.
Il incombe à la France de procéder aux réformes
nécessaires pour faire face aux enjeux de la construction
européenne. Il lui revient également de peser sur les
décisions communautaires dans le sens des orientations
préconisées par le présent rapport.
EXAMEN EN DELEGATION
La délégation s'est réunie le 13 mai 1998, sous la présidence de M. Jacques Genton , pour l'examen du présent rapport. A l'issue de cette présentation, le débat suivant s'est engagé :
M. Christian de La Malène :
Le traité de Maastricht ne prévoyait aucune disposition vraiment opérationnelle en matière d'industrie européenne ; le traité d'Amsterdam n'y fait aucune référence ; le lancement de l'euro a été effectué sans songer à l'Europe industrielle. Or, la mondialisation fragilise notre industrie ; l'Europe s'élargit, elle s'occupe de pratiquement tous les domaines, sauf de son industrie. Je trouve cette situation très préoccupante, de même qu'il m'apparaît fort dangereux que la Commission se soucie davantage des conditions de concurrence à l'intérieur de l'Union qu'à l'extérieur de celle-ci.
Mme Marie-Claude Beaudeau :
Je ne suis pas d'accord avec les conclusions proposées par notre rapporteur. Les restructurations industrielles -je pense notamment au secteur aéronautique- vont aboutir à des suppressions d'emplois et, si je suis favorable à la réduction des déficits, je souhaite que celle-ci soit opérée selon d'autres modalités.
M. Emmanuel Hamel :
Je partage l'opinion de Mme Beaudeau.
M. Lucien Lanier :
Je constate que, de manière parallèle avec la mondialisation accélérée de l'économie, on assiste à une recrudescence des nationalismes et des particularismes. Si l'on veut que l'Europe soit plus combative, il faut aussi qu'elle soit plus unie, ce qu'elle n'est pas actuellement. Par ailleurs, les derniers résultats du secteur automobile semblent montrer les signes d'une reprise qui paraît plus forte que celle des dernières années, ainsi que l'a indiqué notre rapporteur.
M. Jacques Oudin :
En ce
qui concerne l'automobile, et fort heureusement, les secteurs industriels
peuvent évoluer rapidement. J'en veux pour preuve la situation de
l'automobile américaine que, il y a une quinzaine d'années, l'on
disait moribonde face à la concurrence asiatique, et qui s'est
spectaculairement redressée.
Nous pouvons parfaitement reprendre en main notre industrie ; des
restructurations seront inévitables et entraîneront des
ajustements en termes d'emplois, mais il faut penser à cette
évolution sur longue période.
La difficulté de l'Europe est qu'elle réunit des pays producteurs
et des pays commerçants. Les uns et les autres n'ont pas les mêmes
besoins, ni les mêmes objectifs : il est donc
particulièrement difficile de les faire parler d'une seule voix en
matière industrielle.
Concernant les objections de Mme Beaudeau, il est indispensable que l'Europe
ait un socle industriel puissant. Ce que l'on a fait pour l'agriculture, il
faut le faire pour l'industrie. En 1993, lors de la publication du rapport
Arthuis, les délocalisations étaient ressenties comme un
phénomène de fuite en avant non maîtrisée.
Aujourd'hui, les chefs d'entreprises ont mesuré les difficultés
liées à l'éloignement des centres de production et l'on
assiste à des relocalisations en Europe. L'emploi industriel n'est pas
en corrélation absolue avec la puissance industrielle.
Les conclusions que je vous propose prennent la forme de recommandations au
Gouvernement afin de relancer une vraie volonté industrielle.
M. Yann Gaillard :
Je doute
que l'on puisse mobiliser les fonds structurels en faveur de l'industrie compte
tenu des perspectives financières pour l'après an 2000.
A la suite de ce débat, la délégation a reporté
à sa prochaine réunion l'adoption des conclusions du rapport
d'information.
Au cours d'une nouvelle réunion, tenue le 27 mai, M. Jacques Oudin a
donné lecture des conclusions du rapport qu'il avait
présenté à la délégation au cours de la
réunion du 13 mai.
M. Christian de la Malène :
J'attache un intérêt particulier au premier
thème développé par notre rapporteur car je
considère qu'il reste, en effet, un long chemin à parcourir en
matière de défense des intérêts de l'Union sur la
scène internationale. Si l'Europe s'est trouvée très en
pointe dans le domaine de la politique commerciale, elle est
particulièrement en retard pour ce qui concerne sa politique
industrielle. Cet état de chose s'explique notamment par le fait que la
politique commerciale se définit à Bruxelles alors que ce sont
les Etats membres qui se préoccupent des questions industrielles et
d'emploi. Cette structure n'est pas satisfaisante car la Commission -et
notamment le commissaire Brittan- est surtout soucieuse d'ouvrir les
frontières de l'Union et ne s'intéresse au problème du
chômage que de façon plus lointaine.
De la même manière, elle s'est beaucoup plus penchée sur la
concurrence interne et sur l'achèvement du marché unique que sur
la concurrence externe à l'Union. Il faut rappeler que 8 % du potentiel
industriel français est aujourd'hui stérilisé,
sclérosé, alors que les Etats-Unis exploitent
intégralement leurs capacités de production puisque seuls 0,6 %
en sont inutilisés. Cette situation résulte des politiques
conduites jusqu'à présent dans l'Union. L'idée de la
" forteresse Europe ", qui était continuellement mise en avant
il y a quelques années, ne découlait aucunement d'une analyse
objective, mais du simple constat que la balance des échanges
commerciaux entre les Etats-Unis et l'Europe était
déséquilibrée.
M. Pierre Fauchon :
Si j'approuve entièrement les conclusions de notre rapporteur, je souhaiterais qu'on y mentionne plus nettement notre préoccupation en matière d'emploi industriel.
M. Denis Badré :
Il me
paraît essentiel que l'Union européenne intervienne de
manière soudée si elle veut être efficace. L'exemple des
négociations du GATT, pour lesquelles l'Europe a su parler d'une seule
voix et faire entendre son point de vue, illustre particulièrement cette
nécessité. Par ailleurs, il serait plus logique, à mon
sens, d'inscrire le point 4 -définition d'un nouvel ordre
monétaire international- en tête des conclusions, car il est, me
semble-t-il, la première des priorités à mettre en oeuvre.
La délégation a alors approuvé les conclusions
présentées par le rapporteur et modifiées en fonction des
propositions formulées par les intervenants et a autorisé la
publication du rapport.
ANNEXES
ANNEXE 1 :
Les perspectives de croissance
mondiale
1)
Modèle MIMOSA-OFCE
Avril 1998
2) Prévisions OCDE
Avril 1998
ANNEXE 2:
Les flux d'investissements directs dans
l'Union européenne en 1996
Juillet 1997
ANNEXE 3 :
Résultats des enquêtes
auprès des chefs d'entreprise et des consommateurs
Source : Commission européenne - Janvier-février 1998
1) Au 31
décembre 1997
2) Au 31 janvier 1998
ANNEXE 4 :
La structure du commerce extérieur de
la France
•
La structure par produits du commerce extérieur de la France depuis
1950
(110(
*
))
Les exportations :
depuis la fin des années cinquante, les
produits manufacturés représentent environ les deux tiers de la
valeur des bien et services exportés. Cette stabilité
résulte de mouvements contraires : un doublement des exportations de
biens d'équipement professionnel, y compris le matériel
militaire, et une légère croissance des produits
agro-alimentaires compensés par la baisse de la part des biens de
consommation et des produits énergétiques.
Les importations :
la structure des produits importés s'est
profondément modifiée : les produits manufacturés ne
représentaient que le tiers des importations françaises en
1959 ; leur part a doublé depuis du fait d'une forte augmentation
des biens d'équipement professionnel et des biens de consommation. Les
importations d'automobiles et de matériel de transport terrestre sont
passées de 1% à 10%, tandis que diminuait fortement la part des
produits agro-alimentaires et énergétiques.
- Les échanges en
produits agro-alimentaires
étaient
très largement déficitaires jusqu'à la fin des
années cinquante : ils représentaient alors 30% des
importations et 10% des exportations seulement. Sous l'influence de la PAC, ces
dernières ont été multipliées par 14, en volume,
entre 1959 et 1995 tandis que les importations quadruplaient seulement.
- Les achats de
produits énergétiques
qui constituaient
17% des importations françaises de biens et services à la fin des
années cinquante, étaient réduits à 11% à la
veille du premier choc pétrolier. Après les deux crises
pétrolières et malgré une baisse en volume, la facture
énergétique constituait près du quart des importations en
1980. Le contre-choc pétrolier de 1986 et la faible croissance des
volumes importés ont ramené sa part à 6% en 1995. Le
développement des exportations d'électricité a permis
l'amélioration du taux de couverture des échanges
énergétiques, passé de 11% en 1974 à 37% en 1995.
- Les échanges de
produits manufacturés
ont
été structurellement excédentaires entre la fin des
années quarante et le milieu des années quatre-vingt. Toutefois,
une nette dégradation de la balance commerciale est survenue, dans les
années soixante, du fait de la libéralisation des échanges
extérieurs : il en est résulté une augmentation plus
rapide des importations dans plusieurs secteurs (biens de consommation, biens
d'équipements, matériel de transport terrestre). La
dévaluation de 1969 a permis l'inversion de cette tendance et
l'amélioration du solde industriel jusqu'au milieu des années
quatre-vingt. Depuis dix ans, le solde industriel paraît dépendre
des décalages conjoncturels entre la France et ses partenaires :
déficitaire en période de forte demande interne (1988-1990), il
s'est redressé depuis lors.
- Le taux de croissance des échanges de
services
est resté
inférieur à celui des biens jusqu'à la fin des
années soixante-dix, avant de le rejoindre, puis le dépasser pour
les importations dans les années quatre-vingt. En conséquence, le
solde reste excédentaire, mais a tendance à stagner depuis 1986.
Les services financiers ont crû rapidement depuis la fin des
années soixante-dix ; la croissance des échanges de services
de transport et de télécommunications a été
inférieure à celle des biens, compte tenu de la baisse des prix
relatifs au transport de marchandises ; enfin, le tourisme,
déficitaire à la fin des années soixante, a
opéré un redressement spectaculaire qui place la France au
deuxième rang mondial pour les recettes touristiques, après les
Etats-Unis.
TAUX DE CROISSANCE ET STRUCTURE DES ECHANGES EXTERIEURS DE LA FRANCE:
|
1949 - 1959 |
1960 - 1969 |
1970 - 1979 |
1980 - 1989 |
1990 - 1995 |
||||||
|
Taux de croissance |
Structure |
Taux de croissance |
Structure |
Taux de croissance |
Structure |
Taux de croissance |
Structure |
Taux de croissance |
Structure |
|
BIENS
importations
|
4,8
|
82,5
30,3
|
11,2
3,8
|
87,2
16,5
14,5
60,5 61,9 |
5,6
5,8
7,8
8 9 |
89,7
12,5
12,6
57,4 64,8 |
3,7
3,7
5,8
6 3,5 |
87,6
10,1
13,4
69,7 65,2 |
2,4
3,5
3,5
2,8 4,6 |
85,3
10,1
12
69,3 65,4 |
|
SERVICES
importations
|
1,9
|
17,5
|
4,2
|
12,8
|
4,1
|
10,3
|
4,6
|
12,4
|
2,1
|
14,7
|
|
TOTAL
BIENS ET SERVICES
|
4,6
|
100
|
10,1
|
100
|
6,3
|
100
|
3,8
|
100
|
2,4
|
100
|
- taux
de croissance annuel moyen en volume, en %,
- structure des flux d'importation et d'exportation en valeur, en %,
mesurés sur la dernière année de chaque période
•
La structure géographique du commerce extérieur de la
France depuis 1950
Depuis trente ans, les exportations françaises représentent 5
à 6%, en valeur, du commerce mondial, tandis que la part de l'Allemagne
se situe entre 9 et 12%. Sur la même période, les exportations
américaines ont décru de 15 à 12%. A partir de 1985, la
part de l'Union européenne dans le commercial mondial a très
sensiblement augmenté : elle est passée d'environ 34%
à plus de 43% en raison de l'accroissement des échanges
intra-communautaires.
Pour l'ensemble des biens
, la part française du marché
communautaire est passée de 8 à 10 % depuis 1967. Cette
progression, jointe à la croissance rapide du commerce
intra-communautaire, a permis le maintien de notre part du marché
mondial.
Les exportations françaises
sont restées majoritairement
à destination des Etats membres de l'Union : de 43 % en 1961,
elles sont désormais passées à 63 % en 1995. Par
comparaison, l'Union ne représente qu'à peine plus de la
moitié des exportations allemandes.
La part de nos exportations à destination des Etats-Unis est
restée stable, autour de 6 % sur l'ensemble de la période,
à l'exception du milieu des années quatre-vingt marqué par
un niveau élevé du dollar.
Les exportations destinées à l'Asie, Japon inclus, ont
sensiblement augmenté passant de 1,7 % à 8 %.
A l'inverse, la part de l'OPEP et de l'Afrique a diminué.
La même analyse s'applique aux produits manufacturés. Pour les
produits agro-alimentaires, le poids de l'Union dans nos exportations est
encore plus important, de l'ordre de 72 %.
Les importations françaises
présentent une structure assez
proche, mais avec des évolutions plus marquées sur l'ensemble de
la période : la part des Etats-Unis est passée de 16 %
en 1961 à 10 % en 1995, tandis que les importations asiatiques,
Japon inclus, se sont accrues, de 1 % à 12 %.
Pour les produits agro-alimentaires, l'Afrique, hors OPEP, ne représente
plus que 8 %, en valeur, de nos importations 1995 contre 29 % en
1967. En revanche, celle de la Communauté européenne a fortement
progressé, de 27 % en 1967 à 69 % en 1995.
(1)
Cf. Richesse du monde, pauvreté des nations - Daniel Cohen - Flammarion
- Février 1997.
(2) Rapport d'information sur l'incidence économique et fiscale des
délocalisations hors du territoire national des activités
industrielles et de service - Sénat n° 337 - 4 juin 1993
- p. 41.
(3) Au cours de son audition devant la Commission des Finances du Sénat,
M. Didier Pineau-Valencienne, Président du Groupe Schneider,
donnait l'exemple du coût du transport d'une chaise autour du monde,
passé de 350 F en 1985, à 3,50 F en 1996 -
26 février 1997.
(4) Cf. notamment rapport de M. Jean Arthuis, précité.
Rapport de la Commission d'enquête " Délocalisations
économiques à l'étranger " MM. Franck Borotra et
Georges Chavanes - A.N. - 2 décembre 1993.
Démystifier la mondialisation de l'économie - Annie Fouquet et
Frédéric Lemaître - Editions d'organisation -
Février 1997.
Richesse du monde, pauvreté des nations - Daniel Cohen - Flammarion -
Février 1997.
La tentation hexagonale - Elie Cohen - Fayard - Septembre 1996.
L'épreuve de la mondialisation : pour une ambition européenne -
Jean-Yves Carfantan - Seuil - 1996.
(5) Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong.
(6) Grandes auditions sur le thème de la mondialisation -
4 février 1997 - Bulletin des Commissions, p. 2675.
(7) Audition du 26 février 1997. Bulletin des commissions p. 3031.
(8) La tribune - 10 février 1997.
(9) Eurostat - 24 avril 1998 - Classement pour l'année 1995.
(10) Cf. " Airbus industrie : les succès d'une coopération
européenne " - Jean Pierson - Revue du marché commun et de
l'Union européenne - Mars 1996.
(11) Indice intéressant de la place prise par Airbus dans le monde
aéronautique, le constructeur aéronautique américain
Boeing a officiellement affirmé que " la part européenne de
ses activités était très significative, que son groupe
effectuait en Europe des investissements importants créateurs d'emplois
et que, par ailleurs, Airbus continuait à vivre en grande partie de
subsides publics, faisant ainsi une concurrence partiellement déloyale
à Boeing " -négligeant du même coup le soutien
apporté par la Nasa pour ses programmes militaires... Agence Europe - 13
février 1998.
(12) Cf. infra p. 87.
(13) Volkswagen, Fiat, PSA, Renault, BMW-Rover, Mercedes et Volvo.
(14) Cf. Audition de M. Louis Schweitzer devant les commissions des
Affaires sociales et des Affaires économiques du Sénat et la
délégation pour l'Union européenne - 13 mars 1997.
(15) Compte tenu d'une provision pour restructuration de 3,4 milliards de
francs (coûts sociaux pour la Belgique et la France).
(16) Bulletin trimestriel de l'Observatoire européen du Textile et de
l'Habillement 1997.
(17) Résultats des enquêtes auprès des chefs d'entreprise
et des consommateurs - n°
1 et 2 - Janvier et février
1998.
(18) Cf. Annexe n° 3.
(19) Cf. analyse du rapport du CEPII en collaboration avec l'équipe
MIMOSA de l'OFCE, Economie mondiale ; 1990-2000 : l'impératif de
croissance. Economica. 1992.
Cf. Au-delà des délocalisations : globalisation et
internationalisation des firmes - Chambre de commerce et d'industrie de Paris -
Economica. Septembre 1995.
(20) Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan.
(21) Cf. Yann Echinard " L'Union européenne :
régionalisation ou mondialisation ". Problèmes
économiques n° 2-530. 20 août 1997.
(22) MM. Freuderberg et Unal-Kersenci : " Aspects de la
spécialisation européenne ". La lettre du CEPII n° 142
- Janvier 1996.
(23) "Perspectives économiques 1998 " - Avril 1998.
(24) Eurostat : Population et conditions sociales n° 8/97
" Enquête sur les forces de travail - Résultat
1996 " - Juillet 1997.
(25) Cf. Le Figaro - 22 avril 1998.
(26) Cf. audition de Sir Leon Brittan devant la délégation du
Sénat pour l'Union européenne, 24 octobre 1996.
(27) La France aurait ainsi pu faire entendre sa voix si le débat
portant sur le nouveau marché transatlantique s'était poursuivi.
Cf. infra p. 46.
(28) Analyse de l'Institut national d'Etudes démographiques - Janvier
1998.
(29) " Impact et efficacité du marché unique ".
Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil. COM
(96) 520 final du 30 octobre 1996.
(30) Cf. " Réflexions sur le cycle européen " - Alain
Henriot 27/2/97 - Le Figaro.
(31) Les nouvelles propositions chinoises présentées le 7 avril
1998 (droits de douane ramenés de 17 % à 10,8 % en moyenne
sur les produits industriels, ouverture de certains marchés de services,
assouplissement des règles applicables aux sociétés
étrangères de comptabilité et d'assurance)
témoignent toutefois de progrès réels en ce sens,
même si les instances de l'OMC les jugent encore insuffisantes.
(32) Terme emprunté à M. Franck Borotra, alors Ministre de
l'industrie - Cf Le Figaro - 28 août 1996.
(33) Cf. Audition du M. Hervé Jouanjean, responsable des politiques
commerciales multilatérales à la Commission, devant la
délégation du Sénat pour l'Union européenne -
intervention de M. Jacques Oudin - 19 mars 1996.
(34) Cf. J.O. Sénat - Séance du 30 janvier 1996 - Discussion
d'une question orale avec débat portant sur un sujet européen :
" Instauration de zones de libre-échange ".
(35) Cf Agence Europe - 14 mars 1998.
(36) Déclaration de M. Lionel Jospin - Cf. Agence Europe - 13 mars 1998.
(37) Cf. Agence Europe - 1er avril 1998.
(38) Audition de M. Pierre Moscovici devant la Délégation pour
l'Union européenne et la Commission des Affaires
étrangères du Sénat - 8 avril 1998.
(39) Déclaration de M. Jacques Chirac - Cf. Agence Europe - 13 mars 1998.
(40) Cf. Europolitique - 3 décembre 1997.
(41) Sec (96) 2168 final - 16 janvier 1997.
(42) Cf. Agence Europe n° 6921 - Lundi 24, Mardi 25 février 1997.
(43) En attendant l'entrée en vigueur de cette nouvelle
génération d'accords méditerranéens (sauf pour la
Tunisie), tous ces Etats sont actuellement parties soit à des accords de
coopération avec la CEE comprenant un accès
préférentiel non réciproque au marché de la CE,
soit à des accords de coopération et de libre échange avec
la CEE.
(44) Cf. Notamment rapport de M. Jacques Genton, n° 302
(1995-1996) : le contrôle parlementaire sur l'Europe : grandes
échéances européennes et suivi des propositions
communautaires, p. 74.
(45) Cf. Avis du CES sur la communication de la Commission au Conseil, au
Parlement européen, au Comité économique et social et au
Comité des régions sur la compétitivité de la
sous-traitance dans l'industrie textile et de l'habillement de l'Union
européenne - 27-28 novembre 1996 - CES 1389/96.
(46) Cf. Perspectives de l'industrie automobile, étude de
Mme Marie-Christine Schmitt " Automobile : défis et
contraintes de l'an 2000 ". Problèmes économiques n°
2512 - 19 mars 1997.
(47) Adoption de la loi n° 96-607 du 5 juillet 1996 sur les
" quirats ".
(48) Cf. Avis de la commission des Affaires économiques et du Plan sur
le projet de loi de finances pour 1997 - Industrie - M. Francis Grignon,
n° 88 (1996-1997).
(49) Cf. Agence Europe - 27 mars 1997.
(50) Cf. Agence Europe - 28 mars 1997.
(51) " Vers une nouvelle politique de la construction navale " - 1er
octobre 1997.
(52) Proposition de résolution n° 100 (97-98) déposée
par Mme Marie-Madeleine Dieulangard le 20 novembre 1997, devenue
définitive le 17 mars 1998 (n° 93).
(53) Com (96) 53 final.
(54) Cf. Troisième rapport annuel de la Commission sur les obstacles au
commerce et aux investissements aux Etats-Unis - 29 juillet 1997.
(55) Cf. Audition de Sir Leon Brittan devant la délégation du
Sénat pour l'Union européenne - 24 octobre 1996.
(56) Cf. Agence Europe 17/18 mars 1997.
(57) Encore qu'un an après la mise au point d'un arrangement provisoire
entre l'Union européenne et les Etats-Unis supposé régler
leurs différends en matière d'investissements à Cuba, la
situation se trouve dans une impasse, chaque partie campant sur ses positions.
L'Europe avait jusqu'au 25 avril 1998 pour renouveler sa plainte auprès
de l'OMC. Elle y a renoncé.
(58) Chine, Egypte, Inde, Indonésie, Pakistan et Turquie - Cf.
Europolitique - 7 mars 1998.
(59) Cf. Europolitique - 22 janvier 1997.
(60) La Commission a confirmé son intention de demander l'ouverture
d'une procédure de consultation à l'OMC dans le Journal Officiel
des Communautés européennes daté du 28 avril 1998, mais
elle se déclare prête à accepter un règlement
à l'amiable avant l'ouverture formelle des consultations.
(61) La demande de levée de l'embargo sur le boeuf aux hormones
demandée par les Etats-Unis après la décision favorable de
l'OMC n'est toujours pas effective, la Commission ayant souhaité qu'une
nouvelle étude sur les risques sanitaires soit préalablement
effectuée -ce qui peut se comprendre à la suite de l'affaire de
la " vache folle ". Europolitique - 10 avril 1998.
(62) Cf. Agence Europe - 10 avril 1998.
(63) Le rapport pour 1997 est toutefois plus critique, cette fois, à
l'égard des Etats-Unis - Cf. Europolitique - 25 avril 1998.
(64) " France clash with Brittan on dumping " - Cf. rapport
d'information de la délégation de l'Assemblée Nationale
pour l'Union européenne sur des propositions d'actes communautaires
soumises par le Gouvernement à l'Assemblée nationale du
23 janvier au 13 février 1997 (n°E 770,
E 772 à E 784) - N° 3339, p. 8.
(65) La Commission applique d'ores et déjà sa propre conception
de " l'intérêt communautaire " : lors de l'imposition de
droits définitifs sur les télécopieurs privés
originaires de sept pays d'Asie, elle a ainsi justifié cette mesure par
le fait que, dans ce secteur, "l'industrie communautaire était
viable ", appréciation qui va au-delà de la simple
constatation de procédures de dumping. Agence Europe - 29 avril 1998.
(66) Proposition de résolution n° 334 (1997-1998),
déposée le 5 mars 1998 par M. James Bordas.
(67) Cf. Europolitique - 4 février 1998.
(68) Hormis le très récent débat au Sénat
concernant la dimension culturelle de l'AMI à la suite d'une question
orale avec débat posée par M. Adrien Gouteyron (Cf. JO
Sénat - 23 avril 1998).
(69) modifié en 1997 -Cf. infra p. 74.
(70) La politique communautaire de la concurrence, Rapport d'information
n° 204, 26 janvier 1993.
(71) Les aides d'Etat : une politique communautaire efficace, Rapport
d'information de Mme Monique Rousseau, n° 3107, 6 novembre 1996.
(72) Règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil du 30 juin 1997 modifiant
le règlement (CEE) n° 4064/89 relatif au contrôle des
opérations de concentrations entre entreprises.
(73) XXV
e
rapport sur la politique de concurrence - 1995.
(74) Les aides d'Etat : une politique communautaire efficace, op. cit.
(75) Quatrième rapport de la Commission sur les aides d'Etat dans le
secteur des produits manufacturés et certains autres secteurs de l'Union
européenne, COM (95) 365 final, 26 juillet 1995.
(76) Cf. Agence Europe - 9 et 10 février 1998.
(77) Les aides d'Etat, une politique communautaire efficace, op. cit.
(78) " La politique de concurrence dans le nouvel ordre commercial :
renforcement de la coopération et des règles au niveau
international ", Agence Europe, 27 juillet 1995.
(79) COM (96) 284 final, 18 juin 1996.
(80) Cf. Europolitique - 25 avril 1998.
(81) Cf. Impact et efficacité du marché unique - Communication de
la Commission au Parlement européen et au Conseil COM (96) 520 - 30
octobre 1996.
(82) On observera, d'ailleurs, que les commissaires européens qui sont
intervenus pour contester avec vigueur la décision de Renault de fermer
son site de production de Vilvorde, n'avaient pas jugé bon d'intervenir
lors de la délocalisation d'Hoover, de même lorsque J.V.C. avait
quitté la Lorraine ou Grundig Creutzwald.
(83) Italie, Irlande, Autriche, Portugal, Espagne, Belgique, Luxembourg et
Grèce. Les sept directives concernées par ces infractions se
rapportent aux systèmes de protection en atmosphère explosive,
aux produits de construction, aux substances dangereuses, aux règles
techniques applicables aux bateaux de plaisance, à l'étiquetage
des chaussures, aux émissions de véhicules à moteur et
à la compatibilité électromagnétique des appareils
électriques.
(84) Cf. Europolitique n° 2219 - 25 avril 1997.
(85) Cf. Rapport sur la restructuration et la délocalisation
industrielle au sein de l'Union européenne - 29 octobre 1996.
Rapporteur : Mme Heidi Hantala. Conclusion n° 19.
(86) 9 octobre 1996 - Com (96) 463 final.
(87) Com (96) 187 final.
(88) Cf. rapport de M. José Garcia-Margallo y Marfil - COM (96) 463 - 9
avril 1997.
(89) A l'inverse, les appels à la restructuration des industries
européennes de la défense présentés en novembre
1997 n'ont pas encore été suivis d'effet. En avril 1998, la
Commission a invité le Conseil à adopter de toute urgence, une
position commune sur la stratégie européenne en la
matière. Cinq ministres européens de la Défense
(Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni) réunis à
Paris le 20 avril dernier ont toutefois convenu d'approuver en juin prochain
une lettre d'intention sur les moyens d'éliminer certains obstacles aux
restructurations industrielles.
(90) Communication au Conseil, au Parlement européen, au Comité
économique et social et au Comité des Régions :
" L'industrie aérospatiale européenne face au défi
mondial " - 23 septembre 1997.
(91) Cf. Agence Europe - 25 septembre 1997.
(92) " Etalonnage de la compétitivité européenne : de
l'analyse à l'action " - Agence Europe - 13 février
1998.
(93) Cf. Communication de la Commission au Conseil " encourager l'esprit
d'entreprise en Europe : piorités pour l'avenir ". COM (1998) 222
final - 7 avril 1998.
(94) Cf. sur ce point Richesse du monde, pauvreté des nations - Daniel
Cohen - Flammarion - Février1997.
(95) A l'inverse, il faut aussi tenir compte des effets de la politique de
l'environnement sur l'emploi, notamment dans l'industrie de la
dépollution et de la surveillance : une étude de l'OCDE estime
qu'à l'horizon 2000-2005, elle permettra la création de 5,4
millions d'emplois aux Etats-Unis et 1,2 million d'emplois en Allemagne. Elle
aurait déjà généré 418 000 emplois en France
en 1992. Cf. problèmes économiques n° 2.527 - 9 juillet 1997.
(96) On pourrait s'étonner du caractère hétéroclite
de cette énumération et, notamment, de la pertinence de l'action
5 dans ce chapitre.
(97) Doté d'un financement de 13 milliards d'écus pour cinq
ans.
(98) Cf. notamment le rapport du groupe d'experts, présidé par M.
Etienne Davignon, ancien commissaire européen à la recherche,
remis à Mme Edith Cresson, commissaire européen, le 26
février 1997.
(99) Cf. Agence Europe - 8 avril 1998.
(100) Cf. La lutte contre la contrefaçon en droit communautaire,
Anne-Sophie Gourdin-Lamblin - Revue du marché commun et de l'Union
européenne - n° 394 - janvier 1996.
(101) Loi n° 94-102 du 5 février 1994 relative à la
répression de la contrefaçon et modifiant certaines dispositions
du code de la propriété intellectuelle.
(102) N° 3842-86 du 1
er
décembre 1986.
(103) Cf. Agence Europe - 20 février 1998.
(104) Une modification du règlement CE n° 3295/94 est en cours dans
ce sens. Cf. proposition E 1021 COM (98) 25 final. Actualités de la
Délégation sénatoriale pour l'Union européenne
n° 6.
(105) Objectifs :
• 1 (promouvoir le développement et l'ajustement structurel
des régions en retard de développement)
• 2 (reconvertir les zones en déclin industriel)
• 5b (promouvoir le développement des zones rurales
vulnérables)
• 6 (promouvoir le développement des zones à
très faible densité de population).
(106) Objectifs :
• 3 (lutter contre l'exclusion du marché du travail et
faciliter l'insertion professionnelle des jeunes)
• 4 (faciliter l'adaptation des travailleurs aux mutations
industrielles et à l'évolution des systèmes de production)
• 5a (accompagner l'évolution des structures de production
agricoles et de la pêche).
(107) Rapport du Parlement européen sur " la restructuration et la
délocalisation industrielle au sein de l'Union européenne "
29 octobre 1996 - Rapporteur : Mme Heidi Hantala pour la
commission économique, monétaire et de la politique industrielle.
(108) Parlement européen : avis sur la restructuration industrielle et
les délocalisations - Commission de la politique régionale -
Rapporteur : Mme Elisabeth Schroedler - 29 octobre 1996.
(109) Cf. Europolitique n° 2219 - 26 avril 1997.
(110) Les éléments d'information de ce chapitre proviennent de
l'étude " France : un demi-siècle d'échanges
extérieurs " - Henri Tyrman, Françoise Le Gallo et
Christian Loisy - INSEE Premières n° 495 novembre 1996 -
Problèmes économiques n° 2512 - 19 mars 1997.