Audition d'Alain BOUVIER |
Directeur de l'IUFM de Lyon - Président de la Conférence des IUFM
Résumé : Les raisons pouvant expliquer la faible pénétration des nouvelles technologies à l'école sont connues : tendance de l'enseignant à enseigner comme il a lui-même été formé ; qualité de l'offre des logiciels éducatifs mis à leur disposition ; crainte d'abandonner le « pouvoir » aux informaticiens. Changer cette situation est possible en suivant quelques pistes : faire un gros effort sur la formation des futurs maîtres en trouvant le moyen de proposer des activités de formation qui amènent naturellement à travailler sur outil informatique ; et surtout, ce qui ne figure pas au programme apparaissant comme accessoire, intégrer une épreuve des concours de recrutement dans l'enseignement au travers des nouvelles technologies. De la même façon, lier le point d'évaluation de l'enseignant à l'ardeur qu'il aura mise à utiliser les nouvelles technologies dans sa pratique pédagogique ; à observer la nouvelle génération d'enseignants, on peut être optimiste ;
1. Je suis très surpris du fait que le minitel se soit développé autant en France ; ceci dit, son manque d'interactivité et les outils qu'il met à disposition des usagers donnent de lui une vue finalement assez négative de l'outil informatique ;il a certes contribué à faire pénétrer l'écran au domicile des gens, mais il n'a pas réussi à évoluer aussi vite que son propre environnement ;
2. Pourquoi les nouvelles technologies n'ont elles pas pénétré suffisamment l'école ? Pourquoi n'ont-elles pas bouleversé les pratiques pédagogiques ? Il y a plusieurs raisons :
Un enseignant a toujours eu et a toujours tendance à enseigner comme il a lui-même été formé ; or, même si il a la connaissance du maniement de l'outil informatique, il a tendance à le mettre sur le même plan que la diapo que, dans en temps en temps l'on projette, ou encore à le considérer comme le labo, là, à côté, que l'on utilise de temps à autre ; donc, on ne peut pas dire que l'apprentissage, que l'information pédagogique soient conçus à partir de l'outil informatique et des nouvelles technologies ;
Si, sur une année d'enseignement, dans une discipline donnée, un enseignant sait qu'en mettant les choses au mieux il pourra utiliser certains logiciels mis à sa disposition durant trois ou quatre heures, parce qu'il trouve que ces logiciels ne sont, dans l'ensemble, pas dignes d'être plus souvent utilisés, il ne fera pas d'effort pour les intégrer davantage dans son enseignement ; il y donc un problème au niveau de l'offre des logiciels éducatifs, qui restent en nombre limité ;
Même si les enseignants ayant beaucoup d'idées novatrices sont très nombreux, reste présente l'idée, ancienne, qu'il ne faut surtout pas laisser le « pouvoir » aux informaticiens ; donc, les enseignants ont tendance à bricoler avec deux ou trois collègues compétents en informatique les logiciels, qui sont relativement élémentaires, plutôt que d'élaborer des scenarii qui pourraient être mis à disposition de professionnels ;
3. Que faire ?
L'idéal serait d'agir à la fois sur la formation initiale et sur la formation continue dans le milieu enseignant : actuellement, la seconde se fait par des stages de courte durée dont l'impact n'est pas toujours considérable ; il faudrait réfléchir à un véritable investissement dans ce domaine, c'est-à-dire en intégrant l'aspect « retour sur investissement » ; il faut trouver le moyen de proposer des activités de formation qui amènent naturellement à travailler autrement qu'avec du papier et un crayon ;
Il faudrait arriver à ce que l'une des épreuves des concours d'entrée aux IUFM se fasse au travers des nouvelles technologies : je peux vous garantir que cela changerait tout ; car actuellement, ce qui n'est pas au programme apparaît comme accessoire ; à l'inverse, si un enseignant sait que lorsqu'il sera inspecté telle pratique sera récusée, et telle autre encouragée, et que cela joue un rôle déterminant en ce qui concerne le point d'évaluation et les concours, alors tout ira très vite ;
4. Les IUFM : Parmi les formateurs oeuvrant au sein des IUFM, on trouve 15 % d'enseignants-chercheurs , 15 à 20 % d'instituteurs et professeurs des écoles, le reste étant constitué de certifiés et d'agrégés ; on constate une évolution sensible du profil de ces formateurs ces dernières années : les nouvelles promotions ont enseigné 5 à 10 ans en Lycée, ils sont en pleine phase de développement, souhaitent intégrer le supérieur ; ajoutez à cela le nombre de candidats par postes offerts, qui rend la concurrence acharnée, on peut donc s'appuyer sur une génération qui en veut et s'adaptera très rapidement aux nouveaux outils ; ce qui n'a pas réussi ces dix dernières années peut donc réussir maintenant car les conditions sont bien plus favorables ; la balle est dans le camp des recteurs et Inspecteurs d'académie : à eux d'être offensifs en la matière.