Audition de Maurice REMY |
Ancien Directeur général de
MATRACOM
Président d'Auteuil Participation et Conseil
Résumé : Le retard français dans l'utilisation d'Internet s'explique d'abord par un problème culturel: nos traditions hiérarchiques, nos mentalités sont très différentes de l'esprit d'Internet, fait d'initiative et de créativité; puis il reste des problèmes techniques, tels que la l'encombrement du réseau: le développement de l'utilisation d'Internet ne coïncide pas avec les moyens que l'on met à la disposition des gens; enfin, des problèmes liés à l'incapacité où nous sommes de développer des entreprises travaillant sur l'innovation, pour de multiples raisons, notamment fiscales; il est donc très important de pouvoir réagir vite et, au premier chef, de songer à obtenir que nos enfants, dès leur plus jeune âge, apprennent à utiliser les NTIC.
1. Mon implication dans Internet est liée aux relations que j'ai établies avec une entreprise américaine qui a développé une technologie dans les radiocommunications qui permet d'augmenter leur capacité, de mettre beaucoup plus d'abonnés; j'ai développé un projet, dans ce cadre, appelé «les boucles radio Internet rapides» et qui permettrait un accès plus rapide à Internet: il permettrait d'avoir 800 kg bits par seconde en liaison radio, ce qui permettrait d'avoir une image de qualité en une seconde, de faire quasiment de la vidéo;
2. Le retard de la France dans l'utilisation d'Internet ne tient pas à un problème de compétences technologiques, on trouve des français parmi les créateurs de technologies, mais peut s'expliquer ainsi:
On a un problème culturel important vis-à-vis de ce genre de technologies, sous deux aspects:
le premier est lié à nos structures de pensée, à la mentalité: nos traditions hiérarchiques bien ordonnées, pyramidales; l'exemple typique est le Minitelet son kiosque: sa structure et son fonctionnement sont bien ordonnés; pour aller de là à là, il faut remonter puis il faut redescendre. Alors qu'Internet c'est vraiment tout le contraire; c'est le système dans lequel il n'y a pas d'organisation: on peut aller d'un point à un autre; c'est très différent; c'est un peu, comparé au Minitel, la hiérarchie contre l'initiative. Ou encore l'économie administrée et la libre entreprise. Pour trouver quelque chose sur Internet, il faut avoir des initiatives; lorsqu'on a lancé le Minitel,c'est justement le moment où l'on voyait apparaître les premiers PC où l'on trouvait de l'intelligence, qui permettait des initiatives...Ce qu'il y a d'affreux, c'est que les premiers PC étaient français... et que l'on est passé à côté d'un succès mondial.
A Matracom, nous avons essayé de vendre le Minitel aux américains et ça n'a pas marché: ça ne correspondait pas du tout au mode de société; donc, notre problème est bien culturel; et on le retrouve au niveau des écoles: aux USA, les étudiants ont un sens de l'initiative, vont dans les bibliothèques, recherchent; beaucoup plus que chez nous.
le second, c'est Internet lui-même: c'est pour une grande partie en anglais; la conséquence est qu'en France, même si les gens ont fait des progrès dans cette langue, on ne trouve pas beaucoup de sites français;
Des problèmes techniques: il y a des problèmes d'encombrement du réseau en France, plus importants qu'aux Etats-Unis; l'accès est difficile; il y a un décalage entre le développement de l'utilisation d'Internet et les moyens que l'on met à la disposition des gens;
Des problèmes liés à l'incapacité où nous sommes de développer des entreprises d'innovation dans ce secteur. Par exemple, un de mes fils a créé une entreprise de logiciels; il travaille dans le domaine de la sécurité cryptographique: il a créé une centaine d'emplois en 7/8 ans; il aurait fait cela aux USA, il aurait 1.000 ou 2.000 personnes, il serait coté en bourse, il aurait d'autres moyens de financement; je pense qu'on n'a pas les structures économiques, financières et fiscales adaptées; on est handicapés par nos structures, par le manque d'entrepreneurs;
Il y a, à ce titre, un obstacle considérable dont on ne parle pas assez, celui de la fiscalité des «stock option ». Aux Etats-Unis, les gens créent leur entreprise; ils ont des «stock options» et puis, s'ils réussissent, le jour où l'entreprise arrive en bourse, ils deviennent riches. En France, on est jaloux de la réussite et l'on taxe de manière spoliatoire les entrepreneurs.
3. Autres éléments de discussion:
Internet va créer un environnement nouveau: le commerce électronique, un court circuit complet du système postal à terme, le télétravail, avec des conséquences sur l'aménagement du territoire, sur les relations familiales; tout ces choses vont se généraliser. A terme, Internet sera le deuxième réseau universel de télécommunications, à côté du réseau classique; dans l'industrie, on va avoir un développement de tout ce qui est Intranet, qui va amener des besoins de connexion entre réseaux locaux de plus en plus importants; il y a probablement des choses que l'on imagine pas encore et qui se feront; le basculement se fera quand un grand nombre de gens prendront conscience du phénomène, ce qui n'est actuellement pas le cas;
Je pense qu'il faut qu'on trouve une solution au niveau local, au niveau régional, arriver à mettre en place des structures qui court-circuitent un peu le mécanisme de l'Education nationale, non pas forcément en court-circuitant les maîtres, mais en court-circuitant la structure; je ne sais pas comment il faut faire, je n'ai pas de solution; il faut qu'on obtienne que nos enfants, dès leur jeune âge apprennent à utiliser les NTIC, à être créatifs ;