Audition de monsieur LEPAS |
Directeur des affaires économiques
générales du CNPF
en compagnie de Mme MOUNOLOU
et de
M. Olivier GAINON
Résumé : Le CNPF est inquiet car, face à l'enjeu majeur que représente l'utilisation des NTIC en termes de compétitivité économique, le retard français est réel ; il s'explique en partie par l'expérience du Minitel, devenue aujourd'hui contre-productive ; l'Etat a donc un rôle fondamental à jouer : il doit tenir un langage de communication fort à l'égard de l'opinion, consistant à dire que nous entrons dans la société de l'information et que pour ne pas rester au bord du chemin, il faut prendre les mesures nécessaires ; enjeu social, le développement des NTIC passe par une sensibilisation dès l'école : il faut mettre tous les moyens pour que l'apprentissage des NTIC devienne aussi naturel que celui de la lecture ; l'enjeu pour les entreprises n'est pas moindre et il implique, particulièrement en France, de repenser la structure de l'entreprise, notamment au niveau de la prise des décisions.
1. Concernant les NTIC d'une façon générale, il y a à la fois enjeu majeur et retard français sérieux; le CNPF est inquiet ;
Enjeu majeur d'abord, en termes de capacité de concurrence internationale : préserver notre niveau de compétitivité passe par une diffusion massive de ces NTIC, comparable à celle qui se passe chez nos partenaires et concurrents au niveau international. Nous entrons en effet dans une phase où les entreprises ont enfin acquis un certain savoir-faire efficace dans l'utilisation de ces technologies de l'information et de la communication et nous devrions avoir des retombées en termes de productivité ; il nous faut donc à tout prix rattraper notre retard en termes d'équipements, donc d'utilisation, car on peut attendre des NTIC un supplément de croissance économique sur les 15/20 ans qui viennent.
Sur l' emploi , nous pouvons faire un pari sur l'avenir ainsi qu'un acte de foi mais rien n'est sûr en la matière et il faut espérer que, comme pour les autres révolutions technologiques, ceci donnera finalement un supplément d'emplois ;
Nous avons au moins deux certitudes en la matière :
les NTIC sont incontournables : si nous ne faisons pas un effort au moins équivalent au moins à celui qu'effectuent nos principaux partenaires, nous perdrons des emplois parce que nous perdrons de lacompétitivité;
Globalement, le développement des NTIC favorisera la montée de l'emploi qualifié ;
Retard français ensuite : les chiffres montrent un retard inquiétant, notamment dans l'équipement des ménages ; le faible taux d'équipement des entreprises est quant à lui à relier au phénomène plus général de la crise de l'investissement, parce que la dépense en NTIC est d'abord une dépense d'investissement ; nous sommes en train de rater cet investissement dans les NTIC au moment même où les NTIC ont atteint un premier seuil de maturité en termes d'efficacité. Pour les ménages, ce retard a en partie pour cause le Minitel : c'est une expérience intéressante mais qui est à notre avis totalement dépassée au point que le Minitel devient maintenant un obstacle au développement des NTIC au niveau des ménages. Ces technologies ne peuvent passer que par un autre support : le Minitel est d'une certaine façon un frein au passage rapide à leur utilisation. Notre avantage, né de ce Minitel, est en train de disparaître à toute vitesse ; nous avons besoin aujourd'hui d'autoroutes et pas de routes à deux voies. Cette expérience est aujourd'hui contre-productive. Il ne faut plus dépenser d'argent pour doper le Minitel mais essayer de conduire des politiques visant finalement à développer le support ordinateur avec tout ce que cela implique au niveau des contenus ;
L'Etat a donc une responsabilité fondamentale qui est celle de tenir un langage de communication fort à l'égard de l'opinion consistant à dire qu'on va devoir passer dans des délais rapides à la société de l'information et que l'on va prendre les mesures nécessaires à cet effet ; l'action à mener est avant tout une action de conviction culturelle ; elle n'est pas conduite pour l'instant.
2. L'Education : dans toutes les familles, ce sont les jeunes qui poussent à l'investissement dans les NTIC ; c'est la jeune génération qui pousse à s'équiper ; plus généralement se pose un problème à la fois global et social : une grande partie de la population ne possède pas d'équipement (13 à 15% des ménages sont équipés) ; si l'on veut éviter que le fossé ne se creuse dans les années qui viennent entre ceux qui seront connectés et les autres, l'école a donc un rôle majeur : il faut vraiment mettre le « paquet » c'est-à-dire mettre en place des équipements massifs avec une très grande disponibilité ; il faut former les élèves au niveau du collège ; se donner les moyens pour former des formateurs, bref, se doter d'un plan à 5 ou 10 ans. Apprendre à utiliser un ordinateur nous paraît comme relevant de la même logique que l'apprentissage de la lecture ; il faut donc insérer cet apprentissage dans les cursus scolaires ; de même, il faut changer d'attitude dans la gestion des équipements : il faut ouvrir des centres, des cyber- centers en quelque sorte, où les élèves et les adultes pourraient venir travailler sans avoir besoin d'acheter chez eux les équipements. (de même qu'en termes de formation permanente, il ne serait pas choquant d'imaginer qu'une partie des fonds affectés serve à l'initialisation aux NTIC des personnels des entreprises) ;
La problématique des contenus se pose également : et là, l'expérience du Minitel est intéressante car elle montre qu'il y a une demande pour certains types de contenus.
Du côté des administrations, on pourrait développer les services on line ;
3. Les incitations à s'équiper sont nombreuses, mais il faut éviter le piège des aides : quand on en sort, on constate un phénomène dépressif profond ; donc, un système de crédit d'impôt pour l'achat d'équipements ne nous paraît pas le plus approprié : l'idée de créer des cyber-centres en les mettant à la disposition des gens nous paraît meilleure ; ils profiteraient en tout cas à tous ceux qui ne voudront ou ne pourront pas s'équiper ;
4. Les entreprises : elles voient encore trop souvent l'informatique comme un coût et non comme un vecteur d'efficacité ; or, nous sommes dans une phase où ces technologies sont mieux maîtrisées que jadis, on sait mieux les utiliser de façon efficace, le personnel est mieux formé; mais la vision de l'informatique est toujours un peu passive aujourd'hui. D'après de nombreuses enquêtes, il semblerait que ce soit surtout dans les structures verticales de prises de décision que les NTIC soient les plus efficaces en terme de gains de productivité et c'est vrai qu'en France on a à cet égard un retard culturel certain dans la manière de procéder.
L'enjeu au sein de l'entreprise est donc de nature culturelle : c'est dans le management, dans une nouvelle approche de la structure de l'entreprise que les progrès seront réalisés.