Rémy BOYER-CHAMMARD |
Directeur des systèmes d'Information de Kodak-Pathé
Résumé : C'est la réunion de l'analogique et du numérique qui, dans les cinq prochaines années, va avoir une influence sur l'entreprise, ses métiers, ses canaux de distribution ; et ce mélange de technologies peut apporter quelque chose au niveau des utilisateurs ; d'ores et déjà, nous voyons le tout numérique pénétrer largement et être utilisé dans le domaine de l'impression graphique, dans le domaine médical ; les freins au développement du tout numérique sont d'abord le coût du micro-ordinateur, toujours trop cher, ainsi que son utilisation, encore trop complexe : le consommateur a tendance à acheter la facilité ; or, celle-ci ne fait pas partie de l'usage domestique de la micro-informatique ; il faut bien observer la vitesse à laquelle évoluent les technologies et leurs applications par rapport à la vitesse d'évolution du droit régissant les entreprises : la mobilité des organisations, leur souplesse, doit avoir comme contrepartie une adaptation rapide du droit et de la; sinon, les délocalisations se multiplieront ;
1. L'impact du numérique sur l'analogique chimique actuel est un élément important vis-à-vis de nos marchés et de notre compétitivité par rapport à tous nos concurrents ; ainsi,
• dans l'un de nos métiers, « le
grand public consommateur », qui fait des photos (photo souvenir,
photo émotion, photo mémorisation), l'image analogique est ce qui
se fait de mieux ; cela restera le media le plus utilisé pour les
10/15 prochaines années ; donc, durant toutes ces années, la
photographie continuera à être une technologie chimique ;
• dans l'autre métier, qui est la partie
« applications professionnelles » pour les agences de
presse, l'édition, le monde cinématographique, la
télévision, le monde médical, et pour tout ce qui touche
la manipulation, la restitution, la communication et le stockage de
l'information, les possibilités numériques sont telles que nous
voyons, dès aujourd'hui, le numérique à portée de
valeur au niveau de l'original (on parle d'une technologie analogique au
niveau de l'original, et numérique au niveau de la manipulation et,
éventuellement, de la restitution) ; ainsi, dans les 4/5 prochaines
années, l'original exposé par les amateurs sera
simultanément développé photographiquement, scanné
numériquement, et nous devrons, dans un futur proche, donner la
possibilité aux amateurs d'avoir la double information analogique et
numérique de façon à offrir le meilleur de ces deux
technologies ;
C'est donc la réunion de l'analogique et du numérique qui, dans les cinq prochaines années, va avoir une influence sur l'entreprise, ses métiers, ses canaux de distribution ; et ce mélange de technologies peut apporter quelque chose au niveau des utilisateurs ; d'ores et déjà, nous voyons le tout numérique pénétrer largement et être utilisé dans le domaine de l'impression graphique, dans le domaine médical ;
L'exemple du cinéma : Cela fait 20 ans que l'on dit que l'image vidéo va prendre le pas sur la pellicule 35 mm classique utilisée par les producteurs ; or, on ne l'a pas constaté ; on a constaté un mariage des deux au niveau professionnel ; en fait, sous une certaine forme, les deux se mélangent : l'essentiel du film est toujours pris et tiré avec l'analogique ; mais le numérique est largement utilisé aussi car il permet d'éviter de faire des trucages toujours plus surprenants tout en diminuant les coûts ;par contre, le coût du numérique au niveau de la projection est tel qu'elle n'existe pas aujourd'hui ; donc, vous avez analogique, numérique, et retour sur analogique ;
Au niveau du grand public, le numérique ne sera qu'un élément additionnel permettant de faire une manipulation, de rectifier des défauts, par exemple les yeux rouges parce qu'il y a le flash ;
2. Les freins au développement du tout numérique sont variés :
• le micro-ordinateur, même si son coût a
diminué, reste cher ;
• et, quand vous vous y mettez, il reste encore assez
compliqué d'utilisation ; tant que l'on ne pourra pas offrir un
système plus simple au niveau du grand public, on progressera lentement
à partir d'un taux actuel de pénétration d'environ 15%
dans les foyers ; certes, il y a un marché pour la
complexité, mais, on le voit pour la photographie, ce qui marche
vraiment, c'est le « prêt-à-photographier »,
l'inverse de la sophistication : le consommateur a tendance à
acheter la facilité ; or, celle-ci ne fait pas partie de l'usage
domestique de la micro-informatique ;
3. L'évolution du marché dans le secteur des entreprises : le fait marquant d'aujourd'hui par rapport à il y a cinq ans, c'est qu'on raisonne sur des schémas totalement européens : quand on construit une architecture informatique, on ne va plus jamais raisonner sur une architecture nationale ; et l'on a deux grands domaines :
Le domaine des transactions : on doit pouvoir servir un client espagnol à partir d'une plate-forme logistique française en le facturant dans sa monnaie, ce qui suppose une architecture de systèmes intégrés du point de vue des données et du point de vue du fonctionnement ; nous nous appuyons donc sur des progiciels intégrés ; et tout ceci à un effet fort sur les métiers à l'intérieur de l'entreprise : on va avoir de moins en moins de développeurs et de plus en plus de gens au contact de clients internes pour les aider à faire évoluer leur processus de travail...
Le domaine du traitement de l'information, non pas l'information transactionnelle, mais toute l'information support à la décision : comment mettre à disposition l'information collectée sur Internet, celle que nous avons historiquement stockée, et de nature à aider les décideurs européens ;
On est face à tellement d'informations que la capacité d'analyse, de synthèse, n'ont jamais été aussi importantes : il faut savoir traiter tout ça ; par exemple, un système intégré de gestion permettra d'avoir des call centers (centres d'appels) pour traiter les appels clients européens, pour traiter le back office (les opérations) de la comptabilité fournisseur ; il faudra pouvoir tout faire bien et rapidement ; cela s'applique à tous les métiers : relations avec les fournisseurs ; gestionnaires de stock,...Tous ces métiers sont en train d'être révolutionnés ;
4. Nous avons une messagerie interne mise en place dans les années 82/83 : nous échangeons une masse gigantesque de messages entre nous ; il a été stratégiquement décidé de la faire évoluer sur des outils qui permettent d'attacher à un message traditionnel du texte, de l'image, de la voix,...On dépense 20 millions de $ pour la messagerie électronique au niveau mondial;
5. Message aux politiques : il faut bien observer la vitesse à laquelle évolue les technologies et leurs applications par rapport à la vitesse d'évolution du droit : la mobilité des organisations, leur souplesse, doit avoir comme contrepartie une adaptation rapide du droit: l'informatique pourra répondre toujours plus vite à des changements de structures d'organisations, à des déplacements de responsabilités ...Si les conditions pour les entreprises font que c'est moins cher d'être là-bas, ça ira vite ...avec tout les problèmes que l'on peut imaginer chez nous : emploi,...Il n'y a aucun doute que l'économie de demain risque d'être complètement bouleversée par la montée en puissance d'une économie immatérielle et de modes de fonctionnement s'affranchissant de plus en plus des contraintes géographiques.