Audition de Gilles GRANIER |
Directeur général Europe de l'ouest - INTEL
Résumé : Je suis alarmé du retard de la France dans l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et des conséquences qu'il peut avoir sur la compétitivité de la nation et en particulier sur les futures générations : retard en termes d'équipements dans les foyers, approche verticale du système d'information dans l'entreprise, sous-équipement des établissements scolaires ; je suis affolé de constater que les dirigeants d'entreprises continuent de travailler en semaines et en mois alors que le monde tourne en secondes ; je suis sidéré de voir que les écoles ne sont pas équipées de lignes téléphoniques ; il faut très vite réagir et comprendre que travailler dans un environnement technologiquement plus avancé permet d'augmenter la productivité -individuelle et collective - et de créer des richesses et des emplois.
1. En tant que français , je suis alarmé du retard de la France dans l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et les conséquences qu'il peut avoir sur la compétitivité de la nation et en particulier sur les futures générations ; il faut considérer trois aspects :
Un premier aspect à court terme : le retard en termes d'équipements : 15 % des foyers ont un micro-ordinateur ; si l'on parle de micro-ordinateurs équipés d'un modem ou d'un CD-ROM, c'est bien pis, le taux d'équipement chute terriblement ; et ces 15 % sont à comparer à plus de 25 % pour le Royaume-Uni et à plus de 30 % pour l'Allemagne ; sans parler des USA : 42 % ; nous avons donc un très fort handicap par rapport à nos grands partenaires ; or, ce type d'équipement est un outil de productivité individuelle et collective : on peut en effet travailler à la maison presque aussi efficacement que sur le site d'une entreprise ;
Deuxième constat : lorsque l'on se transporte dans l'entreprise, le retard français est là aussi réel en termes d'équipements, à la fois quantitativement et qualitativement ; beaucoup d'entreprises ont une approche du système d'information verticale c'est-à-dire avec ordinateur central et terminaux ; or, ceci n'aide évidemment pas à la compétitivité ; en outre, cela verrouille l'ensemble du système d'information ;
Troisième constat : le retard de la France dans l'utilisation d'Internet peut s'expliquer par l'existence du Minitel, qui, au départ, a été l'une des grandes chances données à la nation d'évoluer mais qui, finalement, s'est avéré être le plus grand gaspillage qu'on ait jamais fait à ce niveau ; le Minitel nous coûte aujourd'hui notre retard sur Internet alors que nous avions le plus grand et le plus beau réseau mondial, celui qui fonctionnait le mieux ; on l'a isolé : il n'y a pas d'autres Minitels dans le monde ; le reste du monde a choisi la voie des réseaux ; quelque part, on va payer très cher cette situation, surtout si l'on ne fait rien rapidement pour changer cet état de choses ;
2. L'Education : comparer le taux d'équipement de nos écoles en informatique avec celui de l'Allemagne, qui elle-même n'est pas la plus avancée, montre déjà qu'un fossé énorme nous sépare d'eux, en notre défaveur ; de plus, les équipements que l'on peut trouver en France sont déclassés ; souvent, les micro-ordinateurs que l'on trouve sont ceux qui ont été « cascadés » par les constructeurs - c'est-à-dire offerts - parce qu'ils ne sont plus vendables, que ce sont des « îlots » individuels, non connectables au réseau; cela va plus loin : les écoles ne sont même pas équipées de lignes téléphoniques aujourd'hui ; il n'y pas d'infrastructures ; or, c'est dommage car les enfants ont une approche intuitive de l'informatique : devant un écran, ils découvrent des applicatifs ; c'est donc un gâchis ; le rôle de l'Etat, tout comme il donnait « un verre de lait » tous les matins aux enfants des écoles, est aujourd'hui de donner un quart d'heure d'Internet, ou plus, par jour aux enfants ; cela implique bien entendu qu'il y ait un ordinateur, qu'il soit connecté, qu'il soit multimedia, avec un CD-ROM, tout ceci permettant de donner à l'enfant une approche ludique et éducative des systèmes d'information ; c'est fondamental : c'est une responsabilité gouvernementale que d'équiper les établissements scolaires d'équipements récents ;
3. Le grand public : tel qu'il existe aujourd'hui, l'équipement « à la maison » est obsolète aux deux tiers, voire aux trois quarts , c'est-à-dire qu'il s'agit de machines qui ne sont pas capables de tourner les logiciels qui sont vendus aujourd'hui parce que le processeur n'est pas assez performant, parce que le disque n'a pas assez de capacité, parce qu'il n'y a pas de modem ; c'est affolant ; je me demande même, si, dans les 15 % de foyers recensés, on n'inclut pas les écrans Minitel...Or, je crois sincèrement qu'une incitation fiscale à l'achat par les particuliers d'équipements informatiques pourrait changer cette situation ; si le prix moyen d'achat d'un ordinateur à utilisation domestique tourne autour de 15.000 francs -soit 2.376 dollars pour l'année 1996 - coût que l'on retrouve dans tous les pays, hors taxes , le traitement fiscal réservé à ce genre d'achats varie fortement d'un pays l'autre : en Allemagne par exemple, il existe une incitation fiscale permettant aux particuliers achetant un produit informatique de le déduire en tout ou partie de sa déclaration de revenus ; ce qui permet de réduire la pression de son impôt ; de même, aux Pays-Bas, de telles incitations fiscales existent, qui expliquent que là-bas, le taux d'équipement des ménages est bien supérieur ; il y a d'ailleurs 1 million d'utilisateurs d'Internet ;
4. L'entreprise : lorsque je me rends chez les Présidents des grandes entreprises françaises, je suis affolé de constater que je n'y vois pas d'ordinateurs ; ils n'utilisent donc pas de messagerie électronique : ils travaillent encore en semaines et en mois alors que le monde tourne en secondes et fractions de secondes ; ils utilisent encore les moyens traditionnels de communication que sont les courriers, la frappe traditionnelle ; je trouve cela dommage car travailler dans un environnement technologiquement plus avancé leur permettrait d'augmenter leur productivité ; à l'instar de Jean-Marie DESCARPENTRIES, je pense qu'il faudrait que chaque Président d'entreprise ait, comme Vice-président, comme personne directement attachée à lui - ce qui est valable pour le Président de la République - un « chief information officer » ayant énormément de pouvoirs - plus que n'importe quel qui d'autre : Bercy, l'Education nationale - et qui dicterait un peu ou qui inscrirait l'outil dans la stratégie de l'entreprise comme facteur de compétitivité et non pas comme coût ; ceci permettrait de faire prendre conscience à tous des possibilités de création de richesses et d'emplois que les nouvelles technologies de l'information permettent ;