Audition de Gérard THERY |
Président de la Cité des Sciences et de l'Industrie
Résumé : Le train d'Internet 1 est parti mais celui d'Internet 2 aussi, beaucoup moins médiatisé ; à la différence d'Internet 1, qui est du texte à 95 %, Internet 2 est la fusion des métiers de la télévision, de l'informatique et des télécommunications ; vis-à-vis des usages de la société, il nous faut donc, sans se désintéresser d'Internet 1, tout de suite anticiper Internet 2 ; et ce parce que les américains n'y ont pas encore pensé ; le projet « coeur de réseau » de la Cité des Sciences consiste à remplacer tous les terminaux en service par un système multimedia, site numérique totalement ouvert ;
1. Nous sommes actuellement dans une zone où un « train peut en cacher un autre » : le train d'Internet, qui est très médiatisé, est parti, mais Internet 2 lui aussi est en train de partir sans qu'on le voit parce qu'il n'est pas, lui, médiatisé ; Internet 2 est le multimedia instantané , c'est-à-dire qu'il n'y a plus d'attente, il n'y a plus de téléchargement, il n'y a plus le moindre obstacle vis-à-vis de l'instantané ; Internet 2, c'est véritablement non seulement le texte, mais le son et l'image ; Internet est encore à 95 % du texte ; donc, Internet 2, c'est une fusion des métiers de télévision, donc de production d'images et de réseaux, des métiers de l'informatique, donc de traitement, des métiers de télécommunications, dans leur évolution actuelle ; et, Internet 2 est pour maintenant ;
2. Alors, vis-à-vis des usages de la société , j'ai la conviction qu'il nous faut, bien entendu sans nous désintéresser de l'Internet 1, tout de suite anticiper sur l'Internet 2 et que, notre force, la force de l'Europe, est justement cette anticipation. Parce que tout ce qui se passe actuellement et qui s'articule autour de l'Internet 1 est en fait complètement à l'avantage des Etats-Unis. Ainsi, 75 % des contenus sont centrés sur les Etats-Unis ; donc, me plaçant du point de vue de la mise en perspective de nos intérêts industriels et éducatifs, je suis formel : il faut jouer Internet 2 parce que les Etats-Unis n'y ont pas encore pensé ; en revanche, les Japonais y ont déjà pensé ; une illustration en est la compagnie des Télécoms de Hong Kong qui est en train de développer un programme de desserte en fibres de l'ensemble de la population de la ville : tout est prêt, avec des équipes préparant des logiciels informatiques, les systèmes de télévision, les contenus,... Quelle est la clé de tout cela ? Un milliard de lignes de téléphone en Chine... Donc, au fond, aujourd'hui, les vrais contenus, les vrais produits éducatifs, culturels, les produits de société, les produits transactionnels, ils sont sur le Net 2.
3. L'économie d'Internet : Internet est construit sur deux postulats de base :
le premier, c'est que l'abonnement est payé par l'organisme ; les deux tiers des e-mail au monde sont payés par des organismes, c'est-à-dire que ce n'est pas un marché ; c'est ce que j'appelle un marché de prescripteurs ; ce n'est pas un marché de masse ;
le second postulat est que le local subventionne la longue distance, ce qui ne devrait pas durer éternellement ;
4. Le projet « Coeur de réseau » de la Cité des Sciences : la Cité étant un lieu d'accessibilité, il y a quelque chose comme 500 terminaux, tous de types différents (les terminaux d'accès à la bibliothèque, la plus grande bibliothèque scientifique d'Europe ouverte au public ; les terminaux des expositions ; les terminaux d'animation,...), nous avons finalement décidé de remplacer tout cela par un système multimedia qui est un site numérique pour la Cité : nous avons voulu que le standard général de tout cela soit rigoureusement ouvert .
Nous avons voulu qu'il y ait de la fibre partout, que ce réseau permette de sortir de la Cité ; c'est-à-dire que le terminal qui est installé dans une école de Belleville ou de Ménilmontant fonctionnera exactement dans les mêmes conditions que le terminal qui est à la Cité et disposera des mêmes contenus ;
Ensuite, il est clair qu'il faut un maillage : nous avons donc veillé à ce que le système soit totalement ouvert et interopérable de manière à ce que tout site numérique créé en France, dans une usine, une ville, un lycée, une mairie, un musée, une université, une entreprise, soit maillé et connecté à notre site ;
Notre opération s'articule donc à trois niveaux :
un site à l'intérieur des murs, donc un site de consultation publique ;
la desserte de la boucle locale, c'est-à-dire de tous ceux qui sont dans une zone de desserte ;
un maillage de ce qui pourrait être une centaine de sites numériques à travers la France ou l'Europe qui, eux-mêmes, doivent être reliés totalement par des systèmes de transmission à haut débit, ce qui permet par exemple d'appeler un site lointain et de l'avoir disponible dans des règles de dialogue qui doivent être techniquement compatibles ;
Notre système est ATM de bout en bout ; Pourquoi ? Parce que, à partir du moment ou vous généralisez l'ATM en tant que système de mise en relation et de commutation et d'aiguillages, vous n'avez plus besoin de réseaux sans connexion (l'IP étant un système particulièrement adapté à ce dernier type de configuration), vous revenez à des réseaux à connexion : chaque fois que vous commandez une liaison avec un serveur ou avec quelqu'un d'autre, un réseau à connexion met à votre disposition une liaison identifiée, alors qu'un réseau sans connexion comme le Net ne met pas de liaison identifiée ; il prend vos datagrammes et il les aiguille, et puis le standard, le protocole, vous remet les datagrammes en ordre à l'arrivée ; alors, à partir du moment où vous voulez marier l'ATM et l'IP, vous êtes amené à ne garder de l'IP qu'une partie de l'IP qui permet de faire du bout en bout et toutes les parties qui peuvent vous permettre également de faire, à haut débit cette fois, des systèmes hypertexte ;
5. L'Intranet : je conseille une grande prudence dans le plongeon dans l'Intranet car il existe une difficulté de taille assez rarement exprimée : comment peut-on éviter de faire communiquer l'Intranet et l'Internet ? C'est impossible ; la question qui se pose est donc : comment fera-t-on pour empêcher que les informations fondamentales de l'entreprise puissent filer à travers l'Internet ? Le problème que tout le monde pour l'instant à tendance à éluder, c'est que si vous mettez l'Intranet en communication avec l'Internet, vous en faites une passoire ;
6. L'Education : il y a un vaste problème parce que l'on ne peut pas recommencer l'opération de « l'informatique pour tous » des années 80 ; il faut que l'on fasse très attention ; il faut que l'on soit sur un système totalement ouvert ; équiper tous les établissements scolaires en PC est bien beau, mais si leurs usagers n'ont pas été sensibilisés sur le problème, s'il n'y a pas de hot line pour les aider à se connecter (machines à gérer les logiciels représentant à peu près 20 % du coût de l'investissement), si le Maître tombe en drapeau trois ou quatre fois devant ses élèves, c'est terminé : il mettra le matériel dans un coin et ne s'en servira plus ;