Audition de Jean-Marc STEFFANN |
Chef du Laboratoire Réseaux de Consultation Multimedia
CNET (centre d'études de France Telecom)
Résumé : Le problème de la migration de la « télématique à la française » sur une infrastructure du type Internet s'appréhende sous trois angles: celui des contenus, celui des fournisseurs d'informations, et celui du terminal. Dans chaque cas, on s'aperçoit que rien n'est simple, car certaines des vertus du Minitel ne se retrouvent toujours pas sur Internet ; cependant, les choses évoluant très vite, cette migration est à envisager.
1. Si on essaye de voir quelles peuvent être les solutions alternatives au Minitel ; pour bien appréhender le problème de la migration , il faut essayer d'analyser ce qui a fait le succès de Télétel. Ce qui est remarquable dans le réseau télématique français, c'est qu'il est le plus grand en termes de nombre d'utilisateurs: 15 à 17 millions. Une autre caractéristique en est le terminal subventionné presque à 100 % (par France Telecom), et un terminal passif qui ne permet pas de stockage local; mais simple d'utilisation . A l'inverse, pour Internet, le terminal classique de base est un PC, qui coûte beaucoup plus cher et qui est beaucoup plus complexe d'utilisation.
2. Depuis peu, de grands fabricants américains ont pris conscience des difficultés du terminal PC et ils ont proposé le « network computer », un terminal beaucoup moins chers - prix visé autour de 2.500 francs - pas tout à fait passif qui exécute en local des programmes beaucoup plus faciles à maintenir. Dans le même ordre d'idées, on peut très bien imaginer que, dans un futur qui n'est pas très éloigné, Bill Gates propose au grand public des terminaux classiques dérivés de son concept de « windows computer » et qui pourraient se satisfaire d'un débit relativement faible.
3. Un premier point de divergence entre notre Minitel et Internet était le terminal; je crois qu'un point de convergence à rechercher en vue d'une migration consisterait à reprendre les bonnes solutions du terminal peu cher qui se contentait de faire de la présentation mais qui ne présentait pas de problèmes de configuration et de maintenance.
4. Les contenus : France Telecom a initié son programme Minitel par l'annuaire électronique : il a identifié une application-phare , ce que les anglais appellent « killer application » .Cette « killer application » a permis de créer une motivation pour prendre pied sur ce type de réseau, et cela a permis aux gens de se familiariser avec la télématique. Sur Internet, c'est l'application Web qui a donné une impulsion assez forte. Ce dernier n'est pas plus déployé en France, c'est qu'il n'y a pas une motivation profonde pour s'y rendre; on arrive très bien à vivre sans le contenu de ce que l'on trouve aujourd'hui sur Internet - qui est en général assez peu intéressant. Si je devais faire un parallèle avec la presse , je dirais que l'on trouve sur Minitel des magazines qui sont payants alors que l'on trouve sur Internet les brochures gratuites de petites annonces et des dépliants publicitaires ou commerciaux, les services commençant seulement à apparaître. Quand on a envie d'acheter des livres ou des magazines, on aime bien avoir un contenu plus tangible, et c'est principalement ce qui manque aujourd'hui sur Internet .
5. Les fournisseurs de l'information : aujourd'hui, je gagne de l'argent si je mets mes informations sur Minitel ; je n'en gagne pas, mais je gagne de la notoriété si je la mets sur Internet ; donc, la difficulté majeure pour favoriser l'émergence de contenus attractifs sur Internet touche de très près au problème du paiement. Il faut comprendre que les entreprises aiment bien connaître le cadre dans lequel elles travaillent: avec France Telecom, le cadre est posé; dans le cas de l'Internet, c'est beaucoup moins clair. Si on veut pousser la transposition de la télématique à la française sur une infrastructure de type Internet, il faut favoriser l'émergence d'un système de paiement qui repose sur des mécanismes préexistants ; le système « kiosque » est ici quelque chose qu'on peut envisager ;
6. L'Education : le plus important est de développer les usages par les professeurs . Ce point semble plus important encore que le contenu de la formation proprement dite. Si le professeur a trouvé les points positifs que l'ordinateur lui apporte, il pourra beaucoup plus facilement et utilement en faire profiter ses élèves, et sa motivation pour le faire en sera également accrue. Le premier but à rechercher pour « l'Internet à l'école » est donc l'adhésion des enseignants et simplement l'osmose qui peut se faire entre eux et les nouvelles technologies. Les autres axes de travail indispensables à la réussite du projet,concernent la production de contenus pédagogiques, domaine dans lequel la francophonie à une carte importante à jouer, et l'équipement des établissements scolaires en moyens informatiques, matériels et logiciels, et en moyens réseaux leur conférant des capacités d'échanges nationaux et internationaux d'une très bonne qualité technique.