C. LA QUESTION ALBANAISE TOUJOURS EN SUSPENS : UN FACTEUR DE RISQUES POUR LA STABILITÉ RÉGIONALE
Au-delà de l'ouverture diplomatique qui lui a permis, depuis 1992 de diversifier et de conforter ses relations extérieures, la question internationale majeure pour l'Albanie demeure celle de ses relations avec la Serbie et la Macédoine, liée à la situation des populations albanaises qui y résident. Le nouveau gouvernement albanais manifeste une réelle volonté d'apaisement mais pour autant, la situation politique au Kosovo et en Macédoine reste très incertaine et constitue toujours un facteur de risque important pour la stabilité de la région.
1. La question du Kosovo, source d'antagonisme avec la république fédérale de Yougoslavie et principal foyer de tension régionale
Relativement limités au Monténégro, qui
compte dans sa population 200 000 Albanais, mais qui se trouve lui aussi
confronté à des relations difficiles avec la Serbie, son
partenaire dans la république fédérale de Yougoslavie, les
problèmes liés au statut politique et à la situation des
populations albanaises sont beaucoup plus aigus dans la région du
Kosovo, intégrée à la Serbie.
Situé dans la partie méridionale de la Serbie, le Kosovo compte
environ 2 millions d'habitants, dont
1 800 000 Albanais
, soit
90% de
la population
. En dépit de cette réalité
démographique, la Serbie considère le Kosovo comme l'un de ses
territoires historiques, le coeur de la Serbie médiévale
vidé de sa population slave lors de l'invasion ottomane. Les Albanais du
Kosovo aspirent pour leur part à l'indépendance et ont
proclamé en 1990 leur République avec pour Président M.
Ibrahim Rugova. Les autorités de Belgrade sont jusqu'à
présent restées intransigeantes sur les revendications
autonomistes et, depuis l'instauration de l'état d'exception en 1989,
maintiennent au Kosovo un dispositif policier important qui mène une
forte action répressive.
La question du Kosovo occupe une place centrale dans
l'antagonisme
historique qui oppose Albanais et Serbes
. Toutefois, vos rapporteurs ont eu
le sentiment que le thème de la " Grande Albanie " ethnique
n'apparaissait guère dans la vie politique albanaise, même s'il
est clair que l'ensemble des formations politiques conteste l'attitude du
gouvernement serbe et soutient les aspirations des Albanais du Kosovo.
Le nouveau gouvernement albanais adopte sur ce dossier un ton beaucoup plus
modéré que son prédécesseur afin de ne pas attiser
les tensions et il préconise le dialogue et la recherche d'une solution
négociée. La volonté de nouer des relations moins
passionnelles avec Belgrade s'est illustrée de manière
spectaculaire lors du dernier sommet balkanique qui se déroulait en
Crête au début du mois de novembre 1997 et au cours duquel
le
premier ministre albanais, M. Fatos Nano, a rencontré M. Milosevic
.
Ce geste sans précédent dans l'histoire récente des
relations entre les deux pays n'a pas valu à M. Nano que des soutiens
à Tirana et surtout au Kosovo, mais il témoigne du souhait de
Tirana d'obtenir des avancées concrètes, par exemple sur la
question de l'enseignement par la mise en oeuvre des accords Rugova-Milosevic.
En dépit de la modération des nouveaux dirigeants albanais, on ne
constate malheureusement
aucun signe d'apaisement de la situation au
Kosovo
. Les autorités de Belgrade, sans doute confortées par
l'affaiblissement actuel de l'Albanie sur la scène régionale,
demeurent inflexibles alors que les populations albanaises, et en premier lieu
les étudiants, continuent de manifester contre la politique de la
Serbie. On ne peut écarter
le risque d'une radicalisation de certains
mouvements albanais du Kosovo
, tout en soulignant qu'un nombre important
d'armes volées dans les dépôts militaires d'Albanie l'hiver
dernier ayant vraisemblablement franchi la frontière, les
conséquences d'une telle évolution seraient très graves
pour la stabilité régionale.